Bonjour,
Je ne crois pas à l'inévitabilité historique. C'est toujours à postériori que l'on se dit: tel ou tel événement, victoire ou défaite était inévitable.
Cette façon de voir rend caduque la volonté des Hommes, positives ou négatives, forte ou faibles, d'infléchir les événements.
Dans tout événement, il y a des lignes de forces qui semblent rendent logique un tel résultat. Mais il n'en est toujours pas ainsi. Prenez l'exemple de la Guerre d'indépendance américaine. Sur le papier, les rebelles américains (ils sont devenus patriotes lorsqu'ils ont gagné), n'avaient aucune chance. Mais ils ont eu des hommes tels que Franklin qui à Paris a fait un extraordinaire travail de propagande. Ils ont eu un Washington qui a su maintenir en un seul morceau une armée continentale très mal en point après la déclaration d'indépendance. Et ainsi de suite. Sans ces hommes et bien d'autres, amis ou ennemis, leur volonté, parfois aussi leur coup d'audace, de chance ou de malchance, l'indépendance américaine aurait pu ne pas être un fait acquis en 1783. Bien sûr, elle serait intervenue plus tard, mais sous une autre forme.
La disproportion démographique entre l'Amérique française et l'Amérique anglaise est un facteur important certes, mais pas essentiel. La capacité d'un Etat et à plus forte raison d'une colonie à mobiliser sa population et les ressources d'un territoire pour faire la guerre n'était pas en 1755 celle qu'innaugura la France lors de la Révolution. 2 millions de colons américains disséminés de Boston aux Carolines (plus de 1 500 km de côte quand même!!!) ne signifiaient pas automatiquement la mobilisation de 200 000 soldats (10% de la population totale) comme cela fut le cas dans les guerres mondiales du XX siècle.
La guerre de 7 ans fut remporter en Amérique du Nord par les soldats et marins anglais, non par les coloniaux américains. L'effort de mobilisation des colons américain a été plus que médiocre, on pourrait dire insignifiant. Alors que la mobilisation des colons français de la Vallée du St-Laurent a été elle impressionnante lors de l'invasion anglaise, presque tous les hommes valides et aptes à porter des armes étant mobilisés au service de l'armée française.
La perte de la Nouvelle-France est d'abord due à une faible volonté du Gouvernement français, qui a priorisé la guerre sur le continent. Les Anglais avaient des objectifs géo-stratégiques précis et ils ont eu la chance d'avoir Pitt au pouvoir lors de ces années cruciales.
Sur le continent, les Anglais on mis sur pied un contingent important, mais non démesuré. Surtout, ils ont fourni de très larges subsides au Roi de Prusse pour immobiliser en Europe le maximum de troupes françaises. Et en parallèle, les Anglais ont fait un effort gigantesque pour s'assurer, avec succès le contrôle des Océans, et mis sur pied un important corps expéditionnaire avec comme objectif de prendre la Nouvelle-France.
Les Français ont été pris dans leur éternelle dilemme: priorisé la guerre outre-mer ou sur le continent! Louis XVI a résout ce dilemne au profit des Américains en mobilisant les ressources de la France avec comme seul obectif de vaincre les Anglais et en évitant toute provocation en Europe qui aurait pu aboutir à une guerre sur le continent. Cet objectif a été atteint.
La prise de Québec n'était pas inéluctable. D'une part, il fallait que la flotte anglaise s'y rende. Qui connaît le Fleuve St-Laurent sait que ce fleuve peut être traîte aux navires (courant, marée, vent du nordet, chenaux, haut-fonds, etc.). Mais ils ont réussis en saisissant des pêcheurs côtiers qui leur ont servis de pilotes.
D'autre part, même après avoir détruit la ville et la région de Québec, sa prise n'a été dû qu'à la conjonction d'une mini-victoire, la mort du généralissime français (qui a laissé un vide du pouvoir décisionnel fatal à la colonie) et sans doute aussi à une forte lassitude des habitants.
Après la bataille des Plaines d'Abraham, paradoxalement, l'armée anglaise était dans une position intenable, si la volonté française auvait été forte. En effet, l'armée française est intacte (quelques centaines de soldats morts sur le champs de bataille et les milices canadiennes intactes) et protégés par les murs de Québec, et Bougainville arrive à marche forcé de Trois-Rivières. L'armée anglaise est prise en tenaille par deux armées supérieures en nombres, en pleine campagne, coupé de ses navires. Il s'en aurait fallut de peu que cette victoire anglaise ne finisse en déroute. Mais il aura fallut que la mort de Montcalm divise le pouvoir à Québec et que celle-ci, par la voix de son gouverneur capitule, au grand dame des officiers français, qui n'avaient pas autorités pour contester la décision du gouverneur de Québec.
Une défaite de l'armée anglaise à ce moment (nous sommes en septembre et les navires doivent impérativement quitter les lieux dans les prochains jours sous peines d'être pris par les glaces) auraient elles rendus possibles une autre expédition de cette ampleur en 1760? Possible, mais j'en doute. Le coût et la logistique d'une telle expédition guerrière était, pour l'époque énorme (on pourrait peut-être le comparé à Overlord), et les Anglais devaient remporter la victoire impérativement en 1759. C'était un magistral coup de poker, préparé avec des moyens énormes pour l'époque, et qui a réussi in extrémis.
Je voudrais également rappeler que la France ne s'est pas considéré comme battue après la prise de Québec. Une expédition maritime de secours fut organisé durant l'hiver de 1759 et une flotte française a réussi à appareillé malgré le blocus anglais. Mais cette flotte fut acculé au fond de la baie des Chaleurs et fut détruite au pritemps de 1760.
Par ailleurs, Lévis réussi en avril 1760 à surprendre l'armée anglaise cantonnée à Québec et à lui infliger en rase campagne une sévère défaite. Cette armée à réussi à regagner les murs de Québec in extrémis, poursuivi par l'armée française. Imaginez la surprise des premiers navires anglais jetant l'ancre devant Québec au printemps de 1760 reçu à coup de canons...
A la question initiale: est-ce que la prise de la Nouvelle-France était innévitable. Je réponds donc non.
Une victoire française aurait modifier le cours de l'histoire, l'indépendance américaine n'aurait pas eu lieu 20 plus tard. Mais à plus long termes, je ne crois pas que les Français auraient pu se maintenir le long de la vallée du Mississippi avec une si faible contribution en apport de population. Le facteur démographique que l'on utilise pour justififier à postériori l'innéluctabilité de la chute de la Nouvelle-France aurait été au XIX Siècle un facteur très important.
Peut-être aurions nous assister sur le long termes à une colonisation française parallèle à celle que les Américains et les Anglais entreprendront au XIX siècle. Mais ça, c'est de la pure spéculation.
VascoDeGama
|