N'étant pas un spécialiste de la vie de Louis XV, je pose une question aux connaisseurs : a-t-on eu des craintes sur le décès possible de Louis XV au cours de l'année 1722 ? ou sur un autre personnage important ?

Je crois savoir que les gens se sont toujours inquiétés dès sa naissance de sa condition physique, du fait qu'on descendait déjà assez loin dans les rejetons de Louis XIV pour trouver un successeur. Il me semble aussi qu'il était, du moins dans sa prime jeunesse, d'une santé précaire (encore que ça puisse être une rumeur liée à l'inquiétude sur la sucession et la minorité).

Mais en 1722, soit l'année de son sacre, un débat a agité une partie de l'Etat royal sur le prix des étoffes noires, propres au deuil. L'affaire a été inscrite à l'ordre du jour d'une section du Conseil du roi par le régent de manière totalement impromptue.

L'affaire est assez étrange, d'autant plus que le régent semble s'être vu opposé une fin de non-recevoir assez cassante de la part de ses subordonnés.

Donc, quelqu'un sait-il si en 1722, la santé de Louis XV s'est trouvée compromise ?

merci d'avance

On a en effet craint pour la santé de Louis XV dans sa prime jeunesse mais en 1722, l'année du retour à Versailles (en juin), de son sacre (le 25 octobre), le jeune monarque est en pleine santé.

La dernière alerte sérieuse date de l'été 1721 : le 31 juillet, le Roi fut pris d'un malaise et eut une forte fièvre durant 2 jours. On craignit la petite vérole mais le 4 août, la guérison était patente et Louis XV recevait les compliments d'usage pour son prompt rétablissement.

Je n'ai pas connaissance d'inquiétudes pour la santé du Roi en 1722 et n'en ai pas retrouvé trace chez Michel Antoine.



Je n'ai jamais entendu parler de cette affaire. Quelles sont vos sources, svp ?

Merci de votre réponse. Effectivement je n'ai rien trouvé non plus dans la biographie de Michel Antoine.

Je me permets de vous copier/coller mes sources, qui proviennent d'archives, vous pourrez ainsi juger par vous-même. Il s'agit d'extraits de procès-verbaux du Conseil de commerce (une commission extraordinaire du Conseil du Roi), ceux du mardi 8 décembre 1722.

La réunion de cet organe s'est tenue de manière extraordinaire, à la demande exprèsse du Régent.

Je précise qu'au cours de toute l'histoire centenaire de cette institution, on ne trouve trace de quasiment aucune autre "séance-surprise". Il semble donc s'agir d'une affaire assez sensible.

Comme vous le constaterez, le Régent affirme lui-même que les prix de ces étoffes ont augmenté "sans aucune raison", néanmoins il est difficile de comprendre l'urgence en l'espèce, d'ailleurs les membres de l'institution eux-mêmes semblent très dubitatifs.

De plus, dans le projet d'arrêt sur les prix rédigé le jour même, il est fait référence aux "circonstances présentes". Quelles peuvent-elles être ? 1722 est la dernière année du siècle où la peste sévit vraiment en France, mais à cette date le fléau est largement en voie de résorption et ne concerne de toute façon que des villes du sud.

Enfin, la dernière phrase sur la nécessité de ne pas susciter la curiosité du public me paraît assez sybilline !

Par ailleurs, si mes souvenirs sont bons, c'est le Régent lui-même qui est décédé quelques temps plus tard.

En l'état actuel (je n'ai pas encore consulté les journaux de l'époque), j'en déduis que :

1°) soit une spéculation spontanée avait lieu sur ces étoffes propres au deuil, et le Régent a voulu se faire un coup de pub en modérant l'envolée des prix

2°) soit cette spéculation avait une raison précise, ce que je souhaiterai déterminer (c'est pourquoi je pensais à un problème de santé pour un haut personnage de l'Etat, ou à une épidémie)

3°) soit il n'y a aucune spéculation, et le Régent a déliré


[message édité par mes soins pour raisons professionnelles, merci de votre compréhension]

Le Régent ne décèdera que le 2 décembre 1723.


Madame Palatine, mère du Régent, est précisément décédée le 8 décembre 1722 !

Voilà un document intéressant. Si j'ai bien compris, un deuil à la Cour aurait suffi à provoquer une spéculation sur les draps noirs ? A combien peut-on donc estimer le nombre de courtisans, officiers et autres commis de la Couronne dans l'obligation de porter un deuil royal ?

J'en profite au passage pour poser une question aux spécialistes : entre la Mort du Grand Dauphin et celle du duc de Berry, la Cour a-t-elle porté un deuil continu ?

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Sébastien

Petite précision trouvée dans Le Régent de Jean-Christian Petitfils, Madame Palatine est décédée le 8 décembre 1722 à 4 heures du matin, veillée par les siens.

Le texte qu'Impétrant a bien voulu nous livrer est effectivement très intéressant et il serait en effet fort instructif de savoir si l'annonce d'un décès princier entrainait régulièrement une hausse des prix et une spéculation sur les étoffes nécessaires au deuil.

C'est une question à creuser. Je vais faire des recherches plus approfondies et reviendrai vers vous si je trouve de nouveaux éléments.

Je suis actuellement en train de lire La richesse des nations d'Adam Smith et un passage m'a remémoré cette discussion. Dans le chapitre VII du livre I de cet ouvrage - qui porte notamment sur les mécanismes de fixation du prix de marché - l'auteur se sert de l'exemple d'un deuil public pour montrer comment le prix de marché peut se trouver au dessus ou au dessous de son prix naturel (en l'occurrence le deuil a pour effet d'augmenter la demande en draps noirs, et il en résultera donc une hausse du prix de marché de cette marchandise, tandis que la demande en draps colorés fléchissant, ceux-ci verront leur prix de marché baisser). La richesse des nations étant paru pour la première fois en 1776, le fait qu'Adam Smith ait choisi cet exemple pour illustrer son propos semble indiquer que l'annonce d'un deuil public avait bien à l'époque des effets sur le prix des étoffes de couleur noire (et, indirectement, sur les autres).

A++

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Il me semble parfois que Dieu, en créant l'homme, ait quelque peu surestimé ses capacités. Oscar Wilde

Voici ce qu’en dit le contemporain Barbier :

Décembre 1782 :
Madame est morte à Saint-Cloud. Le deuil est de quatre mois et demi, et il se prendra dimanche 13. Six semaines grand deuil, après deuil ordinaire, et six semaines petit deuil. Les marchands ont été attrapés ; le matin du jour de la mort, les commissaires ont eu l’ordre d’aller chez tous les marchands drapiers et marchands d’étoffes de soie ; ils ont demandé la quantité de draps et d’étoffes qu’ils avaient chez eux et les différents prix, et en ont dressé un procès-verbal. Sur quoi le Conseil du commerce a fixé le drap noir de paignon, qui est le plus beau, à 29 livres l’aune (on le vendait autant auparavant la mort, et depuis il allait monter à 40 livres), et le plus beau ras de Saint-Maur (1) à 14 livres 5 sols. On dit qu’il revient à plus aux marchands, mais il faut convenir que ce sont tous des fripons pour enchérir toutes les marchandises.

(1) C’était l’étoffe dont on se servait dans la compagnie de Saint-Maur.