A Elgor : d’accord aussi avec tes remarques, mais je ne m’avancerai pas à dire que la III° République a fait moins que l’Empire pour les ouvriers (en fait les deux n’ont pas fait beaucoup…) De toute façon, ce n’est pas parce que la III° République a eu des insuffisances qu’automatiquement le Second Empire doit reprendre des couleurs et être valorisé…
Quant aux « référendums », c’étaient justement des « plébiscites » (ce qui n’est pas tout à fait pareil). La III° République en effet n’en fit pas, mais : 1) il faut le comprendre aussi comme une réaction aux pratiques bonapartistes, l’ennemi d’alors 2) il faut aussi voir les conditions réelles d’exercice du vote sous l’Empire, pas toujours libre c’est le moins que l’on puisse dire, de même que l’habileté de la formulation de la question ; je pense surtout au plébiscite de 1870 (« le peuple approuve les réformes libérales opérées dans la constitution depuis 1860 par l’empereur avec le concours des grands corps de l’Etat, et ratifie le sénatus-consulte du 20 avril 1870 »), les républicains ne pouvant pas être opposées à de telles réforme, ce qui les pousse à porter la question sur le régime lui-même. Mais bon globalement, on ne peut nier le soutien d’une majorité de la population.
A propos du livre de Jean Sagnes, je ne l’ai pas lu, mais il existe sur le site de la revue d’histoire
Le Mouvement social un compte-rendu d’un précédent livre de l’auteur sur le même thème, qui présente les idées principales de l’auteur et des critiques
http://mouvement-social.univ-paris1.fr/document.php?id=230A Webmestre napoleontrois.f : excusez-moi, mais où est la vaine polémique dans ce que j’écrivais ? Il me semble que ce sont des problèmes historiques centraux et qu’il est légitime de poser, y compris la question de la dictature, même si c’est pour répondre par la négative ; la question ne me parait pas du tout n’avoir aucun sens (il y a d’ailleurs un fil de discussion sur ce sujet dans ce forum :
http://www.passion-histoire.net/viewtopic.php?f=61&t=191).
D’ailleurs à ce propos, ne confondez-vous pas dictature et tyrannie ? Cette dernière viole les lois, se met au-dessus d’elles, agit dans l’arbitraire, pas la dictature, enfin je crois. Il peut donc y avoir Etat de droit et dictature ; et le régime fasciste que vous citer l’a montré : il y avait bien un droit et un ordre fasciste…
Pour revenir sur le « socialisme » et les mesures sociales prise par l’Empereur, il ne faut pas oublier non plus ce qui est peut-être le plus important, à savoir la pression des ouvriers eux-mêmes sur le régime et plus généralement sur la société. La deuxième décennie connaît pas mal de grèves et juste avant l’abrogation de la loi Le Chapelier en 1864, le Manifeste des Soixante en faisait une de ses revendications phares. Il serait trompeur de se focaliser uniquement sur l’action de l’Empereur. Certes, celui-ci affiche ses préoccupations sociales avant d’accéder au pouvoir, mais rien n’est fait avant une bonne dizaine années, justement quand l’opposition se fait un peu plus forte et que les soutiens traditionnels commencent à être moins sûrs.
Les quelques mesures en faveur des ouvriers (il ne faudrait pas exagérer le tableau non plus) sont aussi une occasion de diviser politiquement, ou plutôt d’accroitre la division entre le mouvement ouvrier qui, suivant globalement Proudhon (après les désillusions de Juin et de 1851-52), ne se préoccupe pas tellement de politique et reste assez modéré, et le mouvement démocratique et républicain. Et cela, dans un contexte où les démocs-soc de 49 qui en gros pouvaient allier les deux, étaient en prison, en exil, censurés, ou n’avaient pas rénové leur discours social.
Et quand le mouvement ouvrier se fit de plus en plus politique, radical et verse clairement du côté de l’opposition démocratique et républicaine au cours des années 1860 (avec des figures comme Malon, Varlin, etc.), l’attitude du pouvoir change : les grèves sont réprimées violemment (La Ricamarie, Aubin), on lutte contre l’AIT (trois procès entre 1868 et 1870), on emprisonne ses chefs, les réunions publiques en 1868-1870 sont certes autorisées mais surveillées par la police et tout propos séditieux entraîne la dissolution de la réunion et des arrestations, sans oublier les actions en justice contre de nombreux auteurs de l’opposition,.
De plus, sans même parler de socialisme marxiste (ce qui serait bien sûr absurde), où est le projet d’une autre société, plus juste, basée sur la critique de la société actuelle, non seulement dans les actions de Bonaparte au pouvoir, mais même dans ses déclarations et livres qui précèdent ? Or, il me semble que cette critique et ce projet sont à la base du socialisme, qu’il soit « utopique » (celui des années 1830-40) ou qu’il veuille partir de l’observation de la situation présente et présenter des moyens d’actions et des solutions, (comme les socialistes français de la fin des années 1860, sans même parler de la pensée de Marx). Rien de tel bien sûr avec Napoléon III…