Bonjour ! J'aimerais savoir quelle forme a pris l'industrialisation de la Prusse.

Est-ce que l'Etat y joue un rôle ? Est-ce le fait de l'aristocratie traditionnelle qui se reconvertit ou alors d'une bourgeoisie naissante issue d'un niveau plus bas de l'échelle sociale ?

Pourquoi ce dynamisme par rapport au reste de l'Europe ?

Sur le point précis de la perception de cette industrialisation prussienne, en France, j'ai souvenir qu'elle n'est effective qu'en 1884, à la reprise des échanges commerciaux, entre France et Prusse. Cette dernière, anciennement patrie des poètes et des penseurs, apparaît désormais comme un capitaine d’industrie, de l’innovation de l’énergie, de l’électricité, de la mécanique. Cette nouvelle perception est à l'origine d'un déclic de la pensée dans les milieux de l’ingénierie française.

« Entre 1896 et 1914, on recense dix-sept auteurs [français] qui décrivent l’économie allemande comme « scientifique, organisée, efficace» et qui développent l'image d'un Allemand [...] efficace, qui vit par et pour le travail industriel. »

Sources : Jean-Louis Clément, Les Assises intellectuelles de la République, Philosophies de l’État 1880-1914, 2006.

Je n'ai pas de réponse à la question "Quels sont ces auteurs ?", mais peut-être que d'autres pourront compléter mon propos.

_________________
« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)

Le Zollverein a permis une industrialisation de l'Allemagne du nord, en abolissant les différents tarifs douaniers entre les nombreux états, de l'adoption d'une monnaie commune (le Thaler prussien), et l'établissement de droits de douane élevés pour protéger l'industrie naissante de la concurrence étrangère. Le tout sous l'égide de la Prusse.

_________________
Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)

Je me permets d'ajouter, après quelques recherches, quelques mots au propos de Jean-Marc Lambat, afin de répondre à votre dernière question.



Le héros de l'industrialisation allemande de l'époque est le baron Justus von Liebg (1803-1873). Cependant, né à Darmstadt et enseignant à l'Université de Giessen, le baron von Liebig n'est pas un Prussien au sens propre du terme ; il appartient au Grand-duché-de-Hesse-près-du-Rhin. En outre, sur la période du Seconde Empire français, cet homme enseigna à l'Université de Munich, en Bavière, autre territoire, je me permets de le souligner, indépendant de la Prusse.

Le baron Justus von Liebig est issu de la petite bourgeoisie - il fut l'apprenti d'un apothicaire hessois et n'obtint son titre de baron qu'en 1845. Si l'un de ses deux élèves les plus célèbres, August W. von Hofmann (1818-1892), est issu de la noblesse hessoise, l'autre, Adolph Strecker (1822-1871), est issu, comme son maître, de la petite bourgeoisie - il est le fils d'un archiviste. La question mériterait d'être étendue à plus de personnages, mais ces trois apôtres de l'industrialisation de la chimie en Allemagne reflètent une idée : la bourgeoisie petite et moyenne participe au phénomène d'industrialisation et entraîne, avec elle, une aristocratie qui rêve de changement.

Il s'agit de l'exemple même du parcours estudiantin d'August W. von Hofmann : sa passion pour la chimie est, en réalité, une reconversion. Il vit la transformation de son siècle et fait le choix de la modernité.

_________________
« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)

Merci beaucoup !

Renan admirateur de l' Allemagne, a bien décrit dans son ouvrage célèbre de 1871 "La réforme intellectuelle et morale de la France", ce plus dans les esprits que l'Allemagne a su dégager dans la formation de ses élites notamment en privilégiant l'option scientifique sur l'option littéraire, il cite aussi la conception politique, l'usage de la démocratie. Il évoque "un pays engourdi dans la prospérité".

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

Vivant en Allemagne, je n'ai pas l'intention de jouer les gourous et de pontifier, mais j'ai déjà réfléchi à cette question. Car si le thème est l'industrialisation de la Prusse, il ne faut pas oublier le Wurtemberg ou la Saxe avec les métropoles de Leipzig et de Dresde. Je formule comme hypothèse la culture luthérienne ( théories de Max Weber) et la réussite de l'université allemande fondée au début du XIX° siècle suivant le schéma de Wilhelm von Humboldt, le Zollvereinde Friedrich List bien sûr. A première vue, l'aristocratie n'a été que très moyennement intéressée par le développement industriel, par exemple les Junkers de Prusse. C'étaient des propriétaires fonciers qui pensaient à faire des carrières dans l'armée ou dans la haute administration. A noter aussi qu'après 1871, les cinq milliards de francs or du traité de Francfort ont été une bénédiction pour les capitaux.Mais là on quitte la Prusse et on est dans l'empire allemand.

_________________
" Je n'oublie pas le Colonel Arnaud Beltrame "