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Message Publié : 16 Mai 2007 15:48 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 05 Oct 2005 20:39
Message(s) : 2064
Localisation : Lyon-Vénissieux
Les français ont-ils été plus "compréhensifs" vis à vis des indiens d'Amérique du Nord que les Anglais ou est ce un mythe ?

Merci.

_________________
Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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Message Publié : 16 Mai 2007 17:02 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 14 Avr 2006 21:21
Message(s) : 1446
Localisation : Blois
Tout dépend de ce que vous entendez par "compréhensifs"...

S'il s'agit de leur statut sur l'échelle humaine, je crains que ce soit hélas identique : ils étaient païens, à la peau sombre, aux moeurs et aux coutumes radicalement différentes, sans écriture (?) ni civilisation clairement évidente, donc fatalement des sous-hommes pour les 90 % des émissaires du vieux continent majoritairement chrétiens, peu importe qu'ils soient français, anglais ou autres. Quand on sait comment ils considéraient les populations africaines du tristement célèbre commerce triangulaire (censées remplacer les Indiens comme bêtes de somme), on ne peut imaginer une seconde qu'ils aient été plus "compréhensifs" avec ce qu'on appelle pudiquement aujourd'hui les "natifs américains".

Donc, je pense que c'est un mythe... malheureusement.


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Message Publié : 16 Mai 2007 17:28 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 20 Avr 2007 5:47
Message(s) : 555
Localisation : Nouvelle-France
Honnètement , je pense que oui . Déja les écrits de Champlain évoquent une certaine fraternité entre les deux peuples. La suite des évènement
montre que les Français recherchaient le commerce avec les premières nations d'Amérique alors que les Anglais désiraient avoir l'usage de la terre. Le but des Français était d'établir une chaine de forts-comptoirs et d'obtenir les droits de passage sur les territoires . Les Anglais cherchaient a établir des colons de plus en plus loin .
Permettez moi de citer quelques exemples représentatifs.

La guerre Franco-Iroquoise , d'abord simple suite de la guerre entre Iroquois et Algonquins , devient une guerre commerciale . Comprenant leur intérets communs , les partis en arriveront a une paix et une entente commerciale . A noter que les Amérindiens circulent librement dans les postes de traite Français ainsi que dans toute la ville de Montréal pendant les foires a la fourrures , ce qui n'est pas le cas dans les postes anglais.

Du point de vue légal , un mariage entre Français et Amérindiens est valide . Un mariage entre Anglais et Amérindiens est illégal dans la majorité des colonies anglaises . Certains prédicateurs protestant désignent les territoires outre Appalaches comme la terre promise et les Amérindiens comme les Cannanéens ( ?) qu'il faut exterminer pour y accéder . Les archives conservent de tels sermonts.

Deux nations actuellement présentes en sol Québecois s'y sont installée
après l'arrivée des Français ( ... après l'arrivée de mes ancètres en 1632 ) soit les Hurons vers 1650 et les Abénakis vers 1670 , ces derniers ayant du quitter leurs territoires devant la poussée des Anglais .

Autre petit détail , les vieilles cartes géographiques françaises désignent les territoires éloignés comme " pays des Hurons " " Pays des Sénéccas " etc . alors que les cartes anglaises désignent les même lieux comme " York district " , " Winchester county " etc.


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Message Publié : 16 Mai 2007 17:33 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 20 Avr 2007 5:47
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Localisation : Nouvelle-France
J'ajoute : Les écrits du Baron de Lahontan
Les guerres de Pontiac ,

Et sur le triste sujet de l'esclavage , le commerce des Panis ( ou Pawnees)
vendus aux Français et des esclaves noirs vendus aux Amérindiens en Louisianne.


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Message Publié : 16 Mai 2007 17:50 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 20 Avr 2007 5:47
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Localisation : Nouvelle-France
C'est malheureux qu'il n'y aie pas de fonction " edit" sur ce forum , plus malheureux encore que je n'arrive pas a formuler une pensée claire avant de me mettre a écrire.

Citer :
..... donc fatalement des sous-hommes pour les 90 % des émissaires du vieux continent majoritairement chrétiens,....

Les uns sont Catholiques et les autres sont Protestant qui plus est de diverses congregations , ce qui explique le fractionnement des états de la Nouvelle Angleterre . C'est déja une énorme différence .
Les Anglais n'avaient guère d'intérets communs avec les Amérindiens alors que les Français et les Amérindiens vivaient cote a cote . Les mots
amérindiens de notre vocabulaire actuel datent du XVII e siècle ( ouaouaron , a l'époque on écrivait 8a8aron . maskinongé , mocassin , mitasses , tobogane , carcajou, etc J'habite au Québec je le rappelle )
alors que les mots amérindiens adoptés en anglais datent du XIX e .

Les lettre de Bougainville évoquent les long palabres avec les alliés amérindiens , il ajoute qu'il a même du chanter son chant de guerre et danser autour du feu , je doute qu'un seul officier anglais n'aie jamais fait de même.

Une petite démonstration en couleur avec ça ?
http://www.1704.deerfield.history.museum/


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Message Publié : 16 Mai 2007 20:50 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 16 Déc 2006 15:45
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Je connais assez mal cette période, mais en vous lisant je me suis posé une question :

Cette différence de traitement ne résulterait-elle pas plutôt d’une vision différente de la colonisation que d’une différence d’opinion sur les Indiens ?

En effet les Anglais y voyait surtout un moyen d’écouler leur surpopulation et de mettre en valeur des terres à l’étranger par ce biais, en repoussant donc les Indiens.
Tandis que les Français qui ont toujours eut moins de colon que les Anglais n’ont put envisager cette forme de colonisation. Et ont donc privilégié les accords commerciaux avec les Indiens.
D’ou cette réputation qui tiendrait plus des intérêts économiques que de l’humanisme.


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Message Publié : 16 Mai 2007 22:41 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 20 Avr 2007 5:47
Message(s) : 555
Localisation : Nouvelle-France
Cette différence de traitement ne résulterait-elle pas plutôt d’une vision différente de la colonisation que d’une différence d’opinion sur les Indiens ?

Probablement , il reste que pendant plusieurs années les Français puis les Canadien adoptent des pratiques amérindiennes pendant que les Amérindiens adoptent la technologie des Français , a l'inverse de ce qui ce passe en Nouvelle Angleterre ou les colons mettront plus de temps a adopter les raquettes , le canot d'écorce , l'embuscade a l'amérindienne et n'adopteront jamais les pratiques vestimentaires comme les mitasses
et le garakoué ( brayet )


Si on se reporte en France du XVII e , les Catholiques étaient -ils " compréhensifs " envers les Protestants ? L'attitude des nobles envers les paysans était-elle " compréhensive " Les dragonades , les frondes étaient-elle le fait de gens " compréhensifs " ?

Je pense que , toute autres choses étant égales , les liens unissant Français et Amérindiens démontraient plus de respect que de mépris .

J'en prend un autre exemple , si on trouve peu d'Amérindiens ayant été intégrés dans la société française , il ne manque pas de preuve que des Français adoptaient le mode de vie amérindiens et se trouvaient adoptés par eux . Certains devinrent même chef politiques ou capitaines de guerre , chose inconnue chez les colons anglais .


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Message Publié : 24 Mai 2007 8:08 
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Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
Message(s) : 3419
Je suis assez d'accord sur bon nombre d'explication de Tourblanche (d'ailleurs celui ci s'y connait beaucoup plus que moi sur cette région et cette époque)...

Tourblanche a écrit :
J'en prend un autre exemple , si on trouve peu d'Amérindiens ayant été intégrés dans la société française , il ne manque pas de preuve que des Français adoptaient le mode de vie amérindiens et se trouvaient adoptés par eux . Certains devinrent même chef politiques ou capitaines de guerre , chose inconnue chez les colons anglais .


Mais... Lors de la guerre de Sécession, les américains eurent un chef cherokee qui devint le seul général de brigade amérindien: Stand Watie. Il est par contre vrai que ce cas fut le seul et qu'il est exceptionnel... et que Stand Watie était en fait métisse et non de pur sang amérindien.

A propos de Stand Watie:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Stand_Watie

_________________
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Skipp


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Message Publié : 26 Mai 2007 4:47 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 20 Avr 2007 5:47
Message(s) : 555
Localisation : Nouvelle-France
Je regarde dans ma boule de cristal ... je vois qu'on va s'intéresser a la participation des Amérindiens dans la guerre civile américaine dans les années qui viennent .

Pour le sujet de départ de cette discussion , la guerre civile c'est un siècle après le départ des Français en 1760 et des Anglais vers 1780 .

Le premier Anglais a reconnaitre le potentiel d'une union politique avec les Amérindiens fur Johnson http://www.earlyamerica.com/review/fall96/johnson.html mais c'était en 1748 , 140 ans après Champlain .


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Message Publié : 28 Mai 2007 21:04 
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Plutarque
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Inscription : 21 Mai 2007 15:20
Message(s) : 157
Localisation : Le Manoir d'Ebène
Un autre évènement qui vient renforcer le fait que les Français ont été o combien plus amicaux avec les Amérindiens que les Anglais.

Il s'agit du chef amérindien Pontiac (dont la ville actuelle du Michigan rend hommage).
Son nom original fut Obwandiyag, il était le chef de la tribu des Ouataouais. Fidèle allié des Français, il mena de nombreuses batailles afin de chasser les Britanniques.

Apres la Guerre de 7 ans et le départ des principaux contingents français, les Ouataouais continuèrent de se battre en leurs nom et attaquèrent britanniques et Américains en espérant le retour des armées de France.

La révolte des Ouataouais est impressionnante et ils reprirent le contrôle de toute la région des Grands Lacs. Les Britanniques usèrent d'ailleurs pour reprendre le contrôle de méthodes très condamnables comme la diffusion de la petite vérole par l'intermédiaire de linge...

Apres l'annonce du traité de Paris en 1763 qui mit un terme à l'espoir de Pontiac de voir revenir les Français, la révolte antibritannique s'arrêta peu à peu.

A travers cet exemple nous pouvons clairement voir les profonds liens de loyauté et d'amitié qui s'était forgés entre els Français et ces Amérindiens.

Au point tel que l'on connait cette phrase de Pontiac "Le Roi de France m'a fait français et je mourrai français".

_________________
"Lorsque vous avez éliminé l'Impossible, ce qui reste aussi improbable soit-il est nécessairement la Vérité"


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Message Publié : 31 Mai 2007 16:54 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 20 Avr 2007 5:47
Message(s) : 555
Localisation : Nouvelle-France
Pontiac avait un brevet de capitaine français .

J'ai répondu un peu rapidement et limité mon exemple a la région de la vallée du St Laurent.
A l'ouest des grands lacs , Manitoba ,Saskatchewan etc, le métissage
Amérindien -Français fut encore plus important , donnant naissance a une véritable nation Métis , qui tenta de se donner un gouvernement autonomme en 1870

http://archives.cbc.ca/IDC-0-17-1453-97 ... etis/clip9

http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Riel

Hélas , alors qu'autour du monde , l'Amérique latine se libère de l'Espagne et du Brésil , que la Norvège se libère du Danmark , la Belgique de la Hollande , la Grèce et les Balkans de l'Empire Ottoman , tout les
efforts Nord Américains , le Québec en 1838 , les états du sud des USA , et les métis au Manitoba et en Saskatchewan , seront durement réprimés. Seul Haïti sera libre... et a quel prix.


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Message Publié : 20 Nov 2007 21:45 
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Salluste
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Inscription : 05 Juin 2006 21:55
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Je ne pense pas m'avancer en disant que les Anglais étaient venus conquérir de nouvelles terres où les Indiens n'avaient pas leur place alors que les Français étaient venus faire souche pour faire du commerce en étendant leur royaume, hommes et territoires compris. De là les deux logiques parallèles et inverses : le refoulement d'une part et l'intégration de l'autre.
Peu nombreux, les Français ont cherché l'alliance avec les autochtones qui seuls pouvaient assurer leur survie lorsque la nature était hostile, assurer leur sécurité face aux Anglais et les pourvoir en fourrures pour le commerce.

De fait, les Indiens avaient rang d'alliés avec tous les égards et les précautions diplomatiques que ce statut pouvait inclure. La survie même de la Nouvelle-France, devant des ennemis non seulement plus nombreux mais ayant la supériorité maritime, prouve que ces objectifs ont été globalement suivis, avec bien sûr plus ou moins de difficultés.

De l'excellent Histoire de l'Amérique française de Gilles Havard et Cécile Vidal, Flammarion, 2003, (il y a notamment deux longs chapitres denses et développés sur la question), on peut citer :

"Ce vivre-ensemble" ou cette "liaison étroite" forment l'un des arcs-boutants de l'Amérique française, comme le concèdent aussi, ce qui est encore plus révélateur, de nombreux observateurs britanniques : James Adair, auteur de The history of the Americans Indians (1775), loue le savoir-faire des Français de Louisiane qui, "bien mieux que les Anglais", surent conserver les autochtones dans "la plus solide amitié".Thomas Mante de son côté, dans son ouvrage intitulé History of the Late War in North America (1772), recommande à ses citoyens anglo-américains d'"imiter la façon dont les Français traitent les indiens". Il remarque qu'à la différence des Britanniques, les Français ont encouragé l'intermariage, et que leurs liens avec les autochtones leur ont permis "une profonde connaissance de tous leurs plus secrets desseins" mais aussi octroyé le "gain de leur affection", "de sorte qu'aujourd'hui encore les sauvages disent qu'eux et les Français ne forment qu'un seul peuple"."

Et, plus loin, est cité Edmond Atkin, surintendant des affaires indiennes dans les colonies britanniques de sud, qui écrit dans les années 1750 :
"On suppose habituellement que c'est grâce à leurs forts que les Français ont acquis leur influence sur les nations indiennes et qu'ils ont maintenu leur puissance parmi elles ; […] il est pourtant absurde d'imaginer que les Français ou nous-même pouvons maintenir un intérêt et une influence, en particulier chez les Indiens de l'intérieur, seulement par la possession de forts, sans posséder en même temps leur affection."

Ce terme d'affection entre Français et Indiens apparaît souvent dans les propos tirés du livre. Comparativement :

"Les Britanniques ont, en effet, toujours refusé "l'Autre", c'est-à-dire l'Indien. Persuadés qu'ils avaient en face d'eux des Sauvages imperméables à ce qui, à leurs yeux, représentait la civilisation, ils ont élevé une barrière, que les historiens américains ont appelée frontière depuis Frédéric Jackson Turner.
Ce terme a un sens très différent de celui que lui donnent les Européens : il recouvre la zone de contact entre le front pionnier et le no man's land, la terre inconnue située plus à l'ouest, celle où se trouvent précisément les Indiens. A elle seule, la notion de frontière caractérise une attitude de la part du groupe dominant, en l'occurrence les Britanniques, à l'égard du reste de la population, et reflète leur intérêt dominant : la soif de terres.
"
("Les Indiens d'Amérique du Nord". Claude Fohlen, Que sais-je ? PUF, Paris)

G.Havard affirme cependant "qu'on ne saurait évidemment caricaturer les modèles coloniaux" et cite comme "exemples probants" que les Anglais n'ont pas toujours eu de relations conflictuelles avec les Indiens : l'alliance entre Quakers et Delaware en Pennsylvanie, celle des commerçants de la Hudson's Bay Company avec les Indiens du subarctique, et celle entre la ligue iroquoise et la colonie de la Nouvelle-York.
C'est exact mais Fohlen précise que l'alliance entre Quakers et Delaware n'a tenu que le temps de William Penn et que les Indiens se sont fait flouer après sa disparition. Pour Fohlen, ce type de relations fut exceptionnel et temporaire. Quant à la Hudson's Bay Company, pourrait-on y voir un rapport avec le fait que cette compagnie fut fondée par deux Français ?

Cette soif de terres n'était pas ou bien moins ressentie chez les Français, dont la colonisation reposait sur deux éléments fondamentaux : la faiblesse du peuplement et le commerce des fourrures, qui implique le maintien de la traditionnelle activité de la chasse. Aucun traité territorial n'a jamais été signé entre Français et Indiens, à la différence des Anglais et Hollandais.
Ainsi, dans un discours adressé à ses "frères" de ligue en 1754, un Iroquois dit, cité par G.Havard :
"Ignorez-vous, nos frères, quelle différence il y a entre notre père [Onontio, soit le gouverneur de la Nouvelle-France] et l'Anglais ? Allez voir les forts que notre père a établis et vous y verrez que la terre sous ses murs est encore en terres de chasse, ne s'étant placé dans celles que nous fréquentons que pour nous y faciliter nos besoins ; lorsque l'Anglais au contraire n'est pas plutôt en possession d'une terre que le gibier est forcé de déserter, les bois tombent devant eux, la terre se découvre."

L'ambition de ne plus former qu'un seul peuple apparaît du côté français. Mais pour être bon sujet du roi de France il faut être catholique, d'où la volonté de conversion des Indiens. Convertir c'était intégrer, devenir sujet du roi de France à part entière. Il semble bien que cette conversion une fois acquise, l'Indien était considéré légalement comme un "naturel français", disposant des mêmes droits que tout un chacun, mais je ne jurerais pas que cette position a été respectée toujours et partout.
Logiquement, la volonté de conversion de la part des Anglais a été bien moindre puisqu'ils ne visaient pas une quelconque intégration.

Pour autant le tableau ne fût pas non plus idyllique côté français, va apparaître ainsi au cours du XVIIIe siècle un discours où la couleur de peau est prise en compte ainsi que la crainte d'une mésalliance raciale pour les mariages mixtes. Et puis d'un côté comme de l'autre les comportements n'étaient pas stéréotypés.
Les Français ont bien cherché à assujettir les Indiens. Assujettir = devenir sujet.

En ce qui concerne les quelques guerres contre des tribus indiennes, il semble que le seul tort avéré côté Français soit celui avec les Natchez. Pour les autres, les Français furent entraînés dans des conflits par le jeu des alliances, comme pour le cas des Renards ou des Iroquois.


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Message Publié : 21 Nov 2007 22:59 
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Salluste
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Inscription : 05 Juin 2006 21:55
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Il y a aussi d'autres aspects passionnants de la question évoqués dans l'ouvrage de Vidal et Havard et qui sont en rapport avec les caractéristiques de l'Ancien Régime, qu'on a tendance a oublier pour cette colonisation. Par exemple le partage de certaines valeurs avec les Indiens.

Du temps de la colonisation de la Nouvelle-France, les valeurs de référence de la société française étaient aristocratiques. Or, les nobles vont trouver un écho de leurs valeurs dans le mode de vie des Amérindiens. Ceci va faire que ces derniers ne manqueront pas de susciter un certain intérêt et s'attirer même une certaine sympathie instinctive, voire exercer une certaine fascination.
L'indien est vu comme un être libre, vivant de chasse et dont le seul métier est la guerre. Impossible de ne pas faire le rapprochement avec les aspirations de la classe noble en France. Et ceci n'a rien à voir avec le mythe du "bon sauvage", qui viendra plus tard, et dont ne seront pas atteints de toute façons ceux qui ont un contact avec les Indiens.

Sont appréciés aussi cette théâtralité lors des échanges, la promotion de l'éloquence et de l'apparat, le respect de la parole donnée. Dans le vieux fond féodal français, tout cela réveille quelque chose, apparenté aux valeurs chevaleresques. De plus, l'indien n'est pas ressenti comme faible. Au contraire, le potentiel militaire est considéré comme impressionnant comme le fait clairement ressentir ce témoignage de l'administrateur canadien d'Aigremont en 1708 :
" […] de quoi ne seraient-il point capables s'ils avaient des chefs absolus, ces gens là n'ayant d'autre profession que celle des armes, ils se seraient bientôt rendus les maîtres de ce pays".
On ne peut en même temps mépriser et craindre.

Même pour les cérémonies avec danse et chants on retrouve des témoignages de Français qui y voient un sens du protocole, du rituel donc, qui ne les dépaysent pas tant que ça, semble-t-il, ou qui en tous cas éveille leur intérêt. Et Tourblanche a rappelé à ce propos l'attitude de Bougainville.
Même si ces valeurs n'étaient pas partagées par tous, notamment les ecclésiastiques et les marchands, les valeurs aristocratiques étaient bien présentes dans la société métropolitaine, sinon dominantes. C'est auprès du roi lui-même que sont reçus les chefs Indiens amenés en métropole, pour leur démontrer la puissance du grand Onontio et par-là affermir leur fidélité. Le signe de considération est patent.


L'éthique bourgeoise en vigueur chez les peuples anglais et hollandais était bien différente, plus moderne.
Outre même l'aspect religieux et rigoriste, la conception utilitariste des gens dans la société, la promotion de la valeur du travail a contrario de l'oisiveté ou celle du profit, ne pouvaient les porter à une sympathie instinctive pour les Indiens.
"Aux antipodes de l'idéologie puritaine, qui célébrait le labeur comme la valeur suprême, l'ethos nobiliaire français percevait insensiblement dans le miroir indien le reflet de ses propres valeurs."(G.Havard, op. cit.)


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Message Publié : 22 Nov 2007 12:58 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 22 Sep 2005 18:53
Message(s) : 1947
Bonjour

Merci Foulques pour cette très belle intervention. C'est en effet une dimension à laquelle je n'avais jamais pensé et qui me parait bien pertinente.

Il est vrai que les commerçants anglais étaient plus pragmatique.

Le "monde marchand" tel qu'il est aujourd'hui résulte bien de la 'victoire' de ces derniers (mais c'est un autre débat !!!).

Pour revenir au sujet et faire une comparaison, les Français n'ont-ils pas eu cette même vision des choses dans leurs comptoirs d'Inde ?

Notons également que là aussi , ils se sont fait 'éjecter' par les Anglais !!!


Cela étant dit en toute constatation (je n'ai rien contre les Anglais !!!).


Bien à tous.

_________________
Hugues de Hador.


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Message Publié : 23 Nov 2007 22:17 
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Salluste
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Inscription : 05 Juin 2006 21:55
Message(s) : 237
C'est moi qui vous remercie d'avoir la patience de me lire, Hugues ! (sans jeu de mots ! Et aussi de m'avoir bien compris). Pour approfondir cet aspect j'ai vu ce qui doit être un article dans la bibliographie du bouquin d'Havard, c'est "La rencontre de l'éthique bourgeoise et de l'éthique autochtone: modernité, postmodernité et amérindianité", Recherches Amérindiennes au Québec, vol. XXXI, par l'historien Québecquois Denys Delâge. Mais il n'est pas cité en note dans l'ouvrage.

Je ne sais rien sur nos comptoirs de l'Inde, désolé, et je laisse la parole à d'autres.
Mais je voudrais revenir sur d'autres points tout aussi intéressants.

Par exemple, on peut considérer l'hétérogénéité sociale française de l'Ancien Régime comme facteur facilitant l'idée d'intégrer les tribus indiennes dans l'espace colonial français (ou devrait-on dire simplement le royaume ?).
En effet, il n'y a pas à l'époque de modèle-type de citoyen français. Du Breton au Picard en passant par le Béarnais, toutes sortes de spécificités se rencontrent et y compris au niveau du droit et de la fiscalité. Même la langue française n'est pas une condition sine qua non. C'est l'adhésion et dans une large mesure la religion qui font tout.

"Les sociétés coloniales britanniques se sont en partie construites sur l'idée du contrat social et de l'égalité de tous devant la loi, ce qui, à terme, impliquait la disparition des privilèges, des hiérarchies et des différences culturelles. En France et en Nouvelle-France, en revanche, le "Nous" est constitué de tous ceux qui reconnaissent l'autorité et la légitimité du roi, quelle que soit la vigueur de leur sentiment d'adhésion et surtout quel que soit leur statut : il est d'autant plus facile d'intégrer des ethnies étrangères que "le pouvoir vient d'en haut", puisque c'est ce pouvoir, d'origine théologico-politique, qui garantit l'unité du tout." (G.Havard, op. cit.)

Cela n'empêche aucunement la volonté historique de francisation des Amérindiens, puisque qu'on voulait en faire des Français à part entière, il faut distinguer l'intégration dans le royaume et l'intégration dans la société urbaine. Pour cette dernière, les résultats furent très très moyens… Au contraire, on s'apercevra avec stupeur que les Français s'indianisent plus facilement que les Amérindiens ne se civilisent !

Quoiqu'il en soit, si la monarchie tend à être centralisatrice et intégratrice, l'époque est encore bien loin du modèle-type du citoyen parlant le français de Paris, "nos ancêtres les Gaulois", etc.


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