Sur les conseils éclairés de l'intendant Jean-Talon. Le seul intendant, d'ailleurs, vraiment intéressé à faire de la colonie une "Nouvelle France" dans son plein sens du terme. Toutefois, Colbert ne voyait dans la colonie qu'une pourvoyeuse de matières premières (bois, fourrures, métaux). Pas question de fabriquer ici même des produits finis! Talon eût beau écrire de véritables épîtres à Colbert sur les ressources en métallurgie (les fameuses Forges du St-Maurice), lui expliquer que la situation de la colonie sur le fleuve en faisait le site idéal pour la fabrication de navires, niet! fin de non-recevoir. La colonie devait acheter ses produits finis de la France, un point c'est tout. C'est ce qu'on a appelé le "colbertisme".
Là dessus, je m'excuse d'avoir tardé à vous revenir sur le chapitre des coureurs des bois... Je ne viens pas souvent sur ce site (faudra que ça change!), et j’avais complètement oublié le « mandat » que je me suis assignée, soit de donner le cours « Initiation à la Nouvelle France »
Donc, les coureurs des bois... (des "coureuses des bois"???" des Calamity Jane avant la lettre? Jamais entendu parler, mais l'Histoire officielle ne rapporte pas toujours tout...
)
Il y en avait deux sortes. Les « officiels » et les « officieux ». Les officiels étaient ceux qui avaient un permis. En fait, l’intérêt économique premier de la Nouvelle-France résidait dans les fourrures. La fourrure de castors en particulier. Le castor a d’ailleurs été presque décimé à cette époque, et on en faisait seulement des chapeaux! Pendant plusieurs années, la Compagnie des Cent Associés, qui avait succédé à la Compagnie des Indes Occidentales (ou vice-versa
je m'embrouille un peu dans toutes ces Compagnies! ) avait l’exclusivité de la traite des fourrures. Les coureurs des bois avec permis étaient ceux qui étaient autorisés par la Compagnie des Cent Associés à faire la chasse, à traiter avec les Amérindiens et à vendre leurs pelleteries aux comptoirs de la Compagnie.
Les coureurs des bois « officieux », contre lesquels en particulier Louis XIV a pris de nombreuses ordonnances –sans succès – sont des engagés, des gens qui, au lieu de payer eux-mêmes leur passage en Nouvelle-France, s’étaient engagés pour 5 ans envers quelqu’un qui payait à leur place. Pendant ces cinq années, ils étaient généralement « à l’emploi » d’un seigneur pour défricher une terre (la « Seigneurie »), l’essoucher – tout un travail ! – et la cultiver. Au bout de ces cinq années, ils étaient libres, mais s’ils demeuraient sur la terre du seigneur, ils devenaient censitaires, c’est-à-dire qu’ils devaient désormais payer le « cens » pour l’utilisation du moulin et du four communal. Attention, le régime seigneurial n’est pas le régime féodal. Le seigneur n’était pas un « noble » au sens du terme, bien souvent ce n’était qu’un bourgeois qui n’avait pas assez d’argent pour acquérir une terre en France, mais assez pour en acquérir une en Amérique. Les coureurs des bois « officieux » sont des engagés qui se sont enfuis, qui ont « pris le bois » selon le terme de l’intendant Jean-Talon. Ils chassaient et traitaient avec les Amérindiens eux aussi, mais comme ils chassaient sans permis, ils allaient généralement vendre leurs peaux de castors aux comptoirs anglais, dans la région de la Baie d’Hudson ou dans les colonies américaines. Ce furent souvent nos premiers vrais explorateurs, et ils ont souvent fondé des familles avec des Amérindiennes.
C’est tout ce que je peux gratter comme souvenir au fond de ma mémoire, je n’ai pas de livre devant moi car, ainsi que je le disais au début de ce message – à ma grande honte
– je vous avais complètement oublié! Pardonnée?