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Message Publié : 28 Juin 2009 8:40 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 28 Nov 2005 23:03
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Localisation : Galaxie d'Andromède, Système solaire Zeta
Il semble qu'à partir du 18° siècle il y ait un déclin de la piraterie dans les caraibes.
Quelles en sont les raisons ?

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"L'histoire me sera favorable car j'ai l'intention de l'écrire". Winston Churchill.


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Message Publié : 28 Juin 2009 10:27 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 02 Mars 2009 15:31
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Début du 18ème siècle, oui. La guerre de succession d'Espagne, une guerre de "courses " dans le Nouveau Monde, voit naître une profusion de Flibustiers qui, la paix revenue (1713), deviennent un frein au paisible commerce. " Les pirates se sont tellement multipliés et ont rendu leur nom si formidable dans les Indes occidentales qu'ils y ont interrompu le commerce général de l'Europe et (...) que les marchands anglais ont plus perdu par leurs brigandages que par les forces unies de la France et de l'Espagne dans les deux dernières guerres", écrit Daniel Defoe (sous le pseudo de Cptain Johnson). Voilà qui signait leur arrêt de mort. Le Roi d'Angleterre promet le Pardon royal à tout pirate déposant les armes avant 1718 et traque les autres, notamment par le biais du célèbre Woodes Rogers qui éradique la piraterie aux Bahamas avant de trouver la mort sur place dans des circonstances mystérieuse (ami de Defoe, c'est lui qui trouve le fameux Selkirk sur l'île de Juan Fernandes et dont Defoe s'inspirera pour écrire Robinson Crusoé).

Mais les Flibustiers et les pirates, qui souvent se confondaient, ont posé problème dès leur apparition et, en Jamaïque, ils ont été combattus dès la fin du 17ème siècle à plusieurs reprises. Lorsqu'une guerre se déclarait, on cessait de les traquer pour les courtiser. Dès que la paix revenait, on recommençait à les traquer. Sir Henry Morgan, le plus grand flibustier der son temps fit pendre, sur ordre royal, plusieurs de ses anciens compagnons à Port Royal, signifiant ainsi la fin de la période dorée de la Flibuste jamaïcaine.


Histoire de la Jamaïque de 1494 à 1838
http://www.jamaica-insula.com

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Message Publié : 28 Juin 2009 14:27 
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Jules Michelet
Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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L'essor de l'économie des plantations est aussi pour quelque chose dans le déclin de la flibuste : les Etats ennemis de l'Espagne ont désormais un réel intérêt économique à avoir des colonies dans les Antilles, et ils ont besoin de la sécurité pour permettre l'épanouissement du commerce du sucre de canne à l'échelle atlantique voire mondiale. En plus le commerce espagnol passe alors entre les mais de la France puis de l'Angleterre, qui n'ont plus à soutenir des corsaires. Et vu que c'était la course qui était le véritable moteur de l'existence des flibustiers : la piraterie indépendante des pouvoirs politiques n'est pas viable car elle ne rapporte pas assez d'argent et implique trop de risques d'être capturé, torturé et exécuté. Donc le contexte politique et économique ne permet plus l'existence de cette société interlope qui tend à échapper au contrôle de ces Etats "modernes" qui ne peuvent tolérer cela quand ils ont décidé de véritablement contrôler l'espace caraïbe et antillais. D'ailleurs on retrouve ensuite les pirates vers l'Océan indien, où le contexte politique leur est plus favorable et les opportunités d'enrichissement sont similaires.


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Message Publié : 29 Juin 2009 4:24 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon
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Inscription : 26 Juin 2008 8:11
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Localisation : 中国
Je crois qu'il y a une petite confusion entre flibuste et piraterie. Le déclin de la flibuste a en effet nourri la piraterie.

La flibuste était grosso-modo une piraterie au service de l'Etat, officielle, contrôlée, avec partage du butin. Pour l'Etat, elle constituait une arme formidable, non pas tant pour les gains qu'il en retirait que pour la gêne occasionnée à l'ennemi, cela sans dépenser un sou. La flibuste a commencé aux Antilles quasiment dès la découverte de l'Amérique. Les premiers corsaires - et les seuls pendant un demi-siècle - étaient les Français. Ils ont été ensuite rejoints dans la seconde partie du XVIème siècle par les Hollandais et les Anglais.
La situation a grosso-modo perduré jusqu'au XVIIIème siècle où les grandes puissances ont décidé d'y mettre fin. C'est alors qu'est vraiment apparue la piraterie dans les Antilles. En effet, les corsaires démobilisés avaient deux options: rentrer dans le rang et au pays; ou continuer le même métier en se mettant à son propre compte, à ses risques et périls. Cette deuxième voie constituait la piraterie.

La mort de la flibuste aux Antilles a donc marqué l'âge d'or de la piraterie!


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Message Publié : 11 Juil 2009 14:01 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 28 Mai 2009 21:52
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Localisation : Belgique
Je crois qu'il convient effectivement de replacer le phénomène de la piraterie de la Mer des Antilles dans son contexte géo-politique...
A l'époque (16e-17e siècle) les Espagnols étaient les maîtres du continent américain... Ils se proclamaient être les seuls à pouvoir y installer des colonies et en retirer des richesses (seule exception admise : le Brésil qui appartenait au Portugal).
Si d'autres Européens voulaient y mettre les pieds, c'était pratiquement considéré comme de la violation de propriété privée... Donc, les Espagnols estimaient tout à fait légitime d'y envoyer des expéditions pour liquider tout le monde !

Autant dire que cette façon de considérer les choses était généralement mal vue des autres puissances « maritimes » européennes : la Grande-Bretagne, la France, mais aussi les Provinces-Unies...
Comme ces pays étaient fréquemment en guerre avec l'Espagne, s'installer dans les Antilles était considéré comme stratégiquement très important... Puisque les convois retournant en Espagne étaient obligés de passer par là !
Donc, des endroits comme la Jamaïque (pour les Britanniques) ou Haîti (partie française de Saint-Domingue) étaient précieux en cas de guerre... Puisque ces « colonies » faisaient surtout office de ports militaires : c'est généralement de là que partaient les expéditions en vue d'attaquer les villes des Espagnols ou leurs convois !

Les fameux Flibustiers, qu'on le veuille ou non, étaient bien des pirates dans la pratique... Mais des pirates qui s'attaquaient essentiellement aux Espagnols, étant donné que les « cibles » les plus intéressantes étaient - de toute façon - espagnoles !
C'est ce qui explique que les principaux représentants de la Flibuste sont soit français (L'Olonnois), britanniques (Morgan) ou hollandais.
D'une manière générale, les représentants officiels des autres Etats européens fermaient les yeux sur leurs activités ou même les encourageaient... Tant que c'était les intérêts espagnols du Nouveau-Monde qui étaient principalement visés !
Le déclin de la Flibuste, à la fin du 17e siècle, a eu plusieurs causes...
D'abord, il faut dire que l'Empire espagnol était lui-même en train d'arriver au bout du rouleau. Entre autres parce que le rendement des mines du Nouveau-Monde a nettement baissé... Il y avait de moins en moins d'or et d'argent pour alimenter l'Etat espagnol ! L'Empire espagnol est apparu comme de moins en moins redoutable...
Et quand Charles II meurt sans successeur direct, en 1700, c'est Philippe (petit-fils de Louis XIV) qui devient roi d'Espagne... A partir de ce moment-là l'Espagne et la France seront traditionnellement alliées ! Au cours de la Guerre de Succession d'Espagne (1701-1714), elles se retrouvent face à une coalisation comprenant entre autres la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies...
C'est ce qui explique - partiellement - que les aventuriers décrits par Daniel Defoe dans son Histoire des plus fameux pirates sont essentiellement d'origine britannique !

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“La barbarie est l'état naturel de l'humanité, [...]. La civilisation n'est pas naturelle. Elle résulte simplement d'un concours de circonstances. Et la barbarie finira toujours par triompher.” ― Robert E. Howard


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Message Publié : 11 Juil 2009 22:05 
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Jean Mabillon
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Inscription : 26 Juin 2008 8:11
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Lord Foxhole a écrit :
C'est ce qui explique - partiellement - que les aventuriers décrits par Daniel Defoe dans son Histoire des plus fameux pirates sont essentiellement d'origine britannique !
Bouquin qui va participer à la mise en place du cliché collectif consistant à croire, y compris en France, que les corsaires ou pirates étaient anglais.


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Message Publié : 12 Juil 2009 11:23 
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Thucydide
Thucydide

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Citer :
Bouquin qui va participer à la mise en place du cliché collectif consistant à croire, y compris en France, que les corsaires ou pirates étaient anglais.


Ha bon ? J'ignorais que les gens pensaient cela - surtout en France où l'on est si fiers de nos "corsaires-pirates-flibustiers".

Quant à l'essoufflement de l'empire espagnol, il concernait surtout l'Espagne (tous les historiens s'arrachent encore les cheveux pour savoir comment une telle puissance a pu ainsi sombrer malgré - ou à cause, that is the question - la manne du Nouveau Monde qui était loin d'avoir livré toutes ses richesses). Je pense qu'il faut comparer le Nouveau Monde à internet. Un espace de liberté aux contours légaux très flous et dans les failles duquel les opportunistes de tout poils (bien ou mal intentionnés) s'engouffrent pour faire fortune. S'il faut être Flibustier un jour et pirate le lendemain, pourquoi pas. Seulement, peu à peu, les états bien structurés, constatant le pillage de richesses (on parle pas mal de downloading pour la musique, les films etc) sur lequel ils ne peuvent même pas " prélever leur quint ", finissent par sévir afin d'organiser et de contrôler le commerce (pour le taxer ainsi que pour encourager les entrepreneurs qui concourent à leur richesse). Au début du 18ème, le Nouveau monde commençait à se faire vieux, les nations européennes parvenaient mieux à y faire régner leurs règles (ce qui poussera bientôt certaines colonies à se rebeller en buvant du thé à Boston).

Je pense, comme Raynal, que le commerce est à la pointe du développement et de l'effondrement des nations. A l'instar de la Vie, " il trouve toujours un moyen " de se développer. Le reste ? De simples " dégâts collatéraux ".


Histoire de la Jamaïque
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Message Publié : 12 Juil 2009 12:12 
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Jean Mabillon
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jamaica-insula a écrit :
Ha bon ? J'ignorais que les gens pensaient cela - surtout en France où l'on est si fiers de nos "corsaires-pirates-flibustiers".
Vous plaisantez, quasiment personne ne connaît ça en France. Ni dans d'autres pays d'ailleurs. Le cliché selon lequel piraterie et course=Angleterre est tellement bien installé qu'il n'y a qu'à feuilleter des revues (même d'histoire!) ou consulter sites français ou étrangers pour s'en rendre compte. J'ai dû corriger l'article wikipedia correspondant à la flibuste/piraterie dans les Caraïbes, ce dans plusieurs langues. D'après ces articles, la flibuste commençait en 1560 avec Hawkins et Drake! :rool:
Le magistère moral des historiens de la marine anglais est absolu et, jusqu'à récemment, personne ne l'avait remis en doute. Il ne viendrait pas à l'idée d'un bon Britannique (même éminent professeur de fac) d'imaginer que des Français les ont devancé; la domination de l'anglais faisant le reste, le monde entier est persuadé que tout cela vient d'Angleterre...


Citer :
Quant à l'essoufflement de l'empire espagnol, il concernait surtout l'Espagne (tous les historiens s'arrachent encore les cheveux pour savoir comment une telle puissance a pu ainsi sombrer malgré - ou à cause, that is the question - la manne du Nouveau Monde qui était loin d'avoir livré toutes ses richesses).
Il y a un très intéressant fil sur ce sujet dans la rubrique Renaissance.


Dernière édition par Enki-Ea le 12 Juil 2009 12:25, édité 1 fois.

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Message Publié : 12 Juil 2009 12:23 
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Jean Mabillon
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Sur le sujet, je signale un très bon article de Michel Le Bris dans un Géo de 2001. Le site où j'ai retrouvé le texte ayant inclus quelques malencontreuses coquilles et autres erreurs d'orthographe, je me permets de reproduire ici l'article corrigé par mes soins :


Les anges noirs de la liberté

Michel Le Bris, Géo n°269, juillet 2001

Au cri de la vigie, Alonso d'Avila a pâli. A hauteur du cap Saint-Vincent, si près du Portugal, ces voiles, trois nefs, cinq galions, sont celles du terrible Jean Fleury, l'âme damnée du corsaire Jean Ango, natif de Dieppe. Au large des Canaries, le marin espagnol croyait leur avoir échappé, mais le loup français, tout ce temps, s'était tapi... Que peuvent ses trois caravelles à peine armées contre pareil forban ? Quelques bordées, et les voilà prises à l'abordage. Fleury et ses hommes n'en croient pas leurs yeux lorsqu'ils pénètrent dans les cales: plus de 300 kilos de perles aztèques, 230 kilos de poudre d'or, des lingots d'argent, des coffres pleins de bijoux : le trésor de Moctezuma, que le conquistador Hernan Cortés voulait offrir à son souverain Charles Quint ! Nous sommes en 1523. Deux ans plus tard, se tiendra à Chipiona, dans les Caraïbes, le premier procès pour piraterie de cinq navires français. Christophe Colomb, lors de son deuxième voyage, en 1493, n'avait échappé que de justesse à la poursuite de l'un de ces navires. Ils sont là, venus de Bayonne, de Dieppe, de Rouen, de Honfleur, attirés par l'odeur de l'or, rôdant entre Espagne et Caraïbes : les premiers flibustiers. Le mot n'existe pas encore (il apparaîtra au XVIIè siècle, du hollandais "vrijbuiter", libre butineur), mais c'est bien là que débute l'aventure...

Le testament d'Adam

Tout commence un siècle plus tôt qu'on ne le raconte. Dès le début du XVIème. Et cela change tout. D'abord, pour nous : cette première flibuste fut exclusivement française. Comment avons-nous pu l'oublier ? Parce que la France néglige son histoire maritime. Parce qu'elle fut, très vite, l'aventure des seuls protestants et que l'on efface les traces des vaincus... La flibuste ? Une histoire à réécrire. A redécouvrir. Et qui débute avec la découverte du Nouveau Monde, en 1492. En 1493 et 1494, le pape a réservé "l'évangélisation" des terres nouvelles aux seuls Espagnols et Portugais : "Et nous défendons à tous autres, sous peine d'excommunication, de s'y rendre et d'y faire commerce sans notre permission." François Ier conteste : "Je voudrais bien voir la clause du testament d'Adam qui m'exclut du partage du monde !" Mais qui oserait risquer l'excommunication ? Les richesses découvertes tournent les têtes. De l'autre côté du monde, à Veracruz, s'entassent l'or, l'argent, les pierreries arrachés au Mexique, au Guatemala, au Venezuela. A Carthagène, les richesses de la Colombie. A Nombre de Dios, celles du Pérou acheminées à dos de mules à travers l'isthme de Panamá. Et, deux fois l'an, en lourds convois, les galions lèvent l'ancre pour La Havane puis, de là, appareillent pour une Séville richissime. Des montagnes d'or et d'argent qui se déverseront sur l'Espagne ! Ce sera donc le champ ouvert aux entreprises individuelles et la naissance de la flibuste. "Qui tient la mer, tient le commerce du monde ... "

Quand la flibuste était française

Ce Fleury n'en est pas à son coup d'essai. Avec ses compères de Honfleur ou de Dieppe, il a fait de l'Atlantique son terrain de chasse, du cap Saint-Vincent jusqu'aux Açores. En 1522, n'avait-il pas déjà capturé sept galions ? Et Jean Fain, toujours de Dieppe, 5 quintaux d'or fin, 2 de perles et trois coffres de lingots, en une seule prise - tandis que le "Christophe", armé à titre privé par l'amiral de France, ramenait, lui, 50 000 écus d'or. Derrière Fain, derrière Fleury, fulmine Charles Quint, il y a ce diable de Jean Ango, qui écume toutes les mers, traite d'égal à égal avec les puissants, et, derrière lui, il le jurerait, le roi François Ier lui-même ! Comment oublier Jean Ango (1480-1551) ? Personnage de légende, tenant cour princière en son manoir de Dieppe, finançant des voyages d'exploration en Amérique, à Sumatra, au Brésil, déclarant la guerre, à titre privé, au royaume du Portugal, bloquant le port de Lisbonne avec sa flotte, jusqu'à faire céder le monarque. En 1537 encore, il intercepte l'amiral Nùñez au large des Canaries, capture neuf navires chargés d'argent, tandis que ses équipages pillent La Yaguana, Puerto Hermoso, Ocoa, La Havane, et que trois de ses unités enlèvent deux galions chargés de l'or du Pérou. En 1543, huit cents corsaires de Bayonne dévastent les îles perlières de la Margarita, avant de prendre Carthagène et de fondre sur Saint-Domingue. En ces temps-là, oui, la flibuste était française !

Française et huguenote

Comme si la découverte du Nouveau Monde bouleversait les vieilles certitudes, dressait de nouveaux clivages, devenait le théâtre d'un affrontement philosophique, où la flibuste, avec ce qu'elle suppose d'autonomie et de liberté, trouvait à s'accorder avec l'esprit du protestantisme. Au coeur de cette aventure oubliée: l'amiral français Gaspard de Coligny, ministre de Charles IX, passé à la cause protestante, en 1559. Son projet: établir en Floride une colonie de peuplement, possible refuge des huguenots et contrepoids à l'hégémonique puissance espagnole. En 1562, le Breton René Goulaine de Laudonnière et le Dieppois Jean Ribault quittent Le Havre avec cent cinquante hommes, direction la Floride. L'entreprise tourne court par manque de préparation. Mais, en 1564, Laudonnnière récidive à la tête de trois cents hommes, et s'installe à Fort Caroline. En 1565, Jacques Ribault, fils de Jean, part en renfort avec six cents colons et des arquebusiers... Cette fois, l'Espagne s'inquiète. Elle l'a compris : qui tient le détroit de Floride, contrôlera la mer des Antilles. Et le trafic de l'or. L'amiral Menéndez est dépêché en hâte avec deux mille hommes. C'est le massacre: hommes et femmes sont égorgés, les enfants torturés, les officiers pendus par les "parties honteuses", les capitaines cloués aux mâts des navires. En partant, Menéndez laissera cette inscription: "Je traite ainsi non les Français, mais les hérétiques." L'annonce, en somme, de la Saint-Barthélemy...

Une guerre de religion ?

Les exemples ne manquent pas, dès 1544, de protestants "butinant" l'Espagnol catholique dans l'Atlantique... Mais c'est Coligny qui aura l'idée d'en faire une arme. Riposte du faible au fort: la course n'est-elle pas le moyen de créer facilement une "armée de la mer", autofinancée par ses prises ? Coligny rameute ses vieux amis corsaires et leur propose des "lettres de course", en échange d'une contribution à la cause protestante. Les textes de ces "congés et permissions" sont sans ambiguïté : "Faire la guerre, courir sus et endommager les ennemys et adversaires de la religion réformée sur tous vaisseaux et sur toutes nations indifféremment." Une véritable déclaration de guerre contre l'Europe catholique. La flotte sera créée en 1568, à La Rochelle. Et plus un catholique, bientôt, ne se sentira en sécurité dans la Manche...

François Le Clerc, dit Pepleg, dit Jambe de bois, se fait la main en juillet 1552 en mettant à sac l'île portugaise de Porto Santo. Puis, l'année suivante, il sème la panique dans les Caraïbes. Saint-Domingue, Azua, La Yaguana, Monte Cristi et l'actuel Port-au-Prince, sont pillés et incendiés. En 1554, il prend Santiago de Cuba, et la ruine si complètement qu'elle ne s'en relèvera jamais. Jacques de Sores, surnommé "l'ange exterminateur", prend le relais, s'empare en 1555 de La Havane, que les Espagnols croyaient imprenable, la dévaste, non sans y avoir organisé une pantomime pour "insulter le pape". Dès lors, pour les Espagnols, les corsaires français seront perçus comme luthériens et poursuivis par l'Inquisition. C'est l'opinion générale. "Presque tous les mariniers de France sont protestants", écrit l'historien Jean Le Frère, en 1589.

Une épopée pour les gueux

Coligny est assassiné le 23 août 1572, en ouverture du massacre de la Saint-Barthélemy. Fin de partie ? Mais voilà que, dans les Pays-Bas, les calvinistes se dressent contre l'occupant espagnol. Traités de "gueux", en 1566, alors qu'ils réclamaient l'arrêt des persécutions, les jeunes nobles des Pays-Bas ont repris par défi cette appellation. Proscrits, pourchassés, réfugiés en Angleterre, ils se sont faits pirates, "Gueux de la mer" rassemblés en une sorte de république flottante. Guillaume de la Mark, Jan De Moor, Bois de Treslong, Adam De Hanren, Brand... Avec leurs équipages, on les dirait sortis d'un tableau de Jérôme Bosch. D'une rare férocité, jouant leur vie dans un tourbillon de canonnades et d'abordages, ils ne mettent pas longtemps à devenir les seigneurs de la Manche.

A terre, c'est aussi la dévastation : villes rasées, incendiées, populations passées au fil des épées espagnoles. Guillaume Ier de Nassau, prince d'Orange (1533-1584), leur propose le même marché que Coligny : devenir la flotte armée de la cause protestante et combattre l'occupant. Commence alors l'une des plus étonnantes aventures maritimes, où cette horde de forbans finira par mettre à genoux la puissance catholique et espagnole, avant d'être un des modèles de la flibuste caraïbe... Ils prennent Brielle en avril 1572, attaquent les Espagnols jusqu'aux portes d'Anvers, balaient leur flotte à Enkhuisen, l'écrasent à Romerswael... Une lutte de plusieurs décennies. En 1628, ils porteront le fer jusqu'aux Caraïbes pour couper la route de l'or. La flibuste ? L'invention, par les protestants, de la guérilla de partisans.

Les Chiens de mer d'Elisabeth

L'Angleterre, jusque-là, était restée hors jeu. En 1558, l'accession au trône d'Élisabeth I va bouleverser la donne. Protestante, menacée de toutes parts, la souveraine veut bâtir une Angleterre nouvelle... en s'appuyant sur les forbans du Devon et de Cornouailles. Ils sont pirates depuis longtemps ; son génie sera de les arracher à leurs brigandages maritimes pour les lancer vers le Nouveau Monde. Naissance des "Chiens de mer"...

Le premier, John Hawkins, effectue de vastes opérations dans les Caraïbes, en 1562, 1564, 1567, avec des flottes de plus en plus puissantes - et leur donne des allures de croisades contre les "papistes", avec lectures à bord de la Bible, prêches et psaumes quotidiens. Francis Drake, cousin d'Hawkins, prendra la suite. Sans scrupules, d'une témérité folle, il va devenir El Dragon, la terreur des Caraïbes... Attaque dans l'isthme de Panamá en 1571, capture du convoi d'argent de Panamá l'année suivante. Puis, en 1577, une traversée de légende autour du monde et la capture du "Cacafuego", bourré jusqu'à la gueule d'or et d'argent... L'affrontement direct avec l'Espagne devient inéluctable. En 1586, Drake met à sac Saint-Domingue, puis Carthagène. Philippe II lance contre les Anglais une formidable flotte. Et ce sera, croit-il, le triomphe de la "vraie foi". Mais, fin juillet 1588, l'invincible Armada sera bel et bien défaite par les Chiens de mer d'Elisabeth. Massées aux Pays-Bas, les troupes de débarquement qui auraient dû faire la différence ont été adroitement bloquées par les Gueux de la mer. Une nouvelle époque commence...

Tous Frères de la côte

Les capitaines Le Clerc, Sores, Hawkins attaquaient les Caraïbes depuis leurs bases en Europe. Certains s'installent à demeure dans les îles oubliées ou s'entendent avec les Indiens insoumis. Huguenots, ex-Gueux ou Chiens de mer, déserteurs, aventuriers, brigands, esclaves évadés vont former alors une société originale, cosmopolite, profondément égalitaire : les flibustiers. Boucaniers (chasseurs de bétail qu'ils boucanent ou fument sur des claies), coupeurs de bois dans la baie de Campeche, ils se reconnaissent comme "Frères de la côte", pour s'affirmer d'un autre monde, avec ses propres règles. Oexmelin, un jeune chirurgien protestant, originaire de Honfleur, a laissé un précieux témoignage : élection du capitaine en assemblée générale, avec modalités de révocation ; contrat entre le capitaine et l'équipage (la chasse-partie) pour le partage des parts, la vie à bord, les mises de fond; systèmes de protection sociale, rudimentaires certes, mais blessés et estropiés n'étaient jamais laissés sans secours. Une société, affirme-t-il, la plus démocratique du temps ! Belain d'Esnambuc occupe l'île de Saint Christophe en 1625, puis s'installe avec ses compagnons d'armes à Saint-Domingue. A partir de 1640, Le Vasseur tente de faire de l'île de la Tortue une véritable république huguenote, en lui gardant son caractère de communauté libre et cosmopolite. D'autres occupent la Guadeloupe, la Martinique, tandis qu'entre 1621 et 1640 les Hollandais se concentrent sur les îles Sous-le-Vent, Curaçao, Bonaire, Aruba, Tobago, et que les Anglais occupent Sainte-Lucie, l'îlot de Providence et la Jamaïque.

Dès lors, les Caraïbes sont mises en coupe réglée. Avec une hardiesse folle, ces flibustiers cinglent sur les galions espagnols à bord de leurs coquilles de noix. L'Olonnais, Grammont, Vent-en-Panne, Pierre le Picard, Roc le Brésilien, Beau-Regard, Bras-de-Fer, Michel le Basque, Bartolomé le Portugais, Mautauban, Van Hom, Laurent de Graff, le "forban mélomane" : ils entrent tous dans le mythe... Mais, dans leur sillage, arrivent les Etats, les gouverneurs, leurs lois, leurs principes. Pour une sérieuse reprise en main... Un équilibre instable va s'établir. Contre la rétrocession de 10 % de leurs prises, les gouverneurs, le Français Ogeron à Saint-Domingue, l'Anglais Modyford à la Jamaïque, accordent aux flibustiers des lettres de course, à la condition qu'ils ne s'attaquent qu'aux Espagnols - quant au reste, ils sont libres de s'organiser comme ils l'entendent. C'est qu'ils en ont besoin, de ces flibustiers, pour protéger la colonisation des îles, favoriser la création de grandes plantations, développer le commerce de la canne à sucre, ces gouverneurs sans moyens auxquels leur métropole n'envoie que ses indésirables !

Entre-temps, les Espagnols ont imaginé les "armadillas", escadres légères et rapides faites pour contrecarrer les flibustiers. L'or, il faudra aller le chercher désormais à terre, dans les cités espagnoles fortifiées, par des raids à travers la jungle... Mise à sac de Maracaibo par François Nau, dit l'Olonnais, en 1667. Prise de Panamá, après trois jours de combat en 1671, par Morgan, qui a rassemblé vingt-quatre vaisseaux et mille six cents hommes - le pillage durera près d'un mois. Pillage de Veracruz en mai 1683 par Grammont, qui récidivera en 1686, avec mille deux cents hommes, à Campeche, dans le Yucatán. Scènes d'horreur, de pillages et de viols, dans les lueurs des incendies... L'apogée, précise-t-on, de la puissance flibustière... Et l'amorce de la fin. L'industrie sucrière, fonctionnant en vastes plantations, fait la fortune des îles. Ces flibustiers sans lesquels rien n'aurait été possible sont de trop. Le sac de Carthagène, en 1697, sonnera tel un acte final, en forme d'apothéose. Le 2 mai, l'escadre royale de Pointis, renforcée de mille six cents flibustiers et planteurs de Saint-Domingue, dirigés par Ducasse, s'empare du plus riche entrepôt des Indes espagnoles. Le butin est colossal : 8 millions de livres en lingots d'or et en barres d'argent. Mais est-ce encore la flibuste, grommellent les irréductibles, lorsqu'ils forment des escadres, se plient aux codes des convois, obéissent aux ordres comme des unités militaires ? Avant le départ, il avait été convenu que le butin serait également partagé. Mais Pointis n'entend laisser aux autres qu'une solde de matelot. Furieux, Ducasse et ses compagnons pilleront de nouveau Carthagène après le départ de l'escadre. Signe des temps : la plupart des flibustiers, sentant le vent tourner, investiront leurs prises dans les plantations. Et Ducasse deviendra l'un des principaux propriétaires de Saint-Domingue...

Renoncer ou se faire pirate...

Bientôt, ils n'auront plus le choix. Plus de lettres de course. Plus de protection officielle à Port-Royal ou à la Tortue. Les plus irréductibles vont se faire pirates. Sans foi, ni loi. Libres. Bientôt, dans le XVIIIeme siècle naissant, ils vont semer la terreur jusque dans l'océan Indien. Les noms de Barbe-Noire, William Kidd, Bartholomew Roberts, John Rackham supplantent ceux des pires flibustiers pour une des aventures les plus radicales jamais vécues... Barbe-Noire allume des mèches sous ses cheveux pour terroriser les ennemis, comme s'il sortait droit de l'enfer. Edward Low aurait découpé les lèvres d'un prisonnier pour les cuire devant lui, tel autre arraché les oreilles d'un officier pour les lui faire manger à la croque-au-sel. On n'en finirait pas d'énumérer cette litanie de l'épouvante. Mais épouvante, seulement ? Pour les officiers de la Navy, sans doute. Pour leurs marins, enrôlés de force (système dit de la presse), soumis aux pires traitements, trop heureux d'échapper à ce funeste destin qu'ils n'avaient pas choisi, ces pirates sanguinaires sont la promesse d'une libération, d'une vie nouvelle. Qu'importe si elle ne dure pas ! Beaucoup rejoindront leurs rangs, volontaires.

"Revenge !" "Vengeance !" Ce cri retentit alors dans toutes les mers du Sud. "Revenge" se nomme le navire de Stede Bonnet, "Revenge", celui de Barbe-Noire. Des révoltés dressés contre les tyrannies, rêvant d'un nouveau monde, d'une société alternative. Et c'est cela le plus troublant : ce télescopage du crime et de l'utopie. D'autant qu'à y regarder de plus près, ce sont les utopies politiques modernes qui s'ébauchent ici et s'achèvent. Comme si, dans ce saut vers les marges les plus extrêmes, se donnait à lire le début et la fin des temps modernes... Kingston, la Tortue, désormais interdites, c'est le globe entier, ou presque, qu'ils sillonnent et ravagent, traversant l'Atlantique, pillant les côtes d'Afrique, avant de pénétrer l'océan Indien, où les flottes commerciales sont des proies faciles. A Madagascar, encore sauvage, ils vont établir leur place forte. Et tenter de donner corps à leur rêve de "monde à l'envers". Comme dans le royaume malgache d'Avery ou dans la république utopique de Sainte-Marie, à l'est de la Grande Ile rouge. Décidés "à vivre aussi libres que Dieu et la Nature les avaient faits !"

Restait un mystère: où diable cette contre-société de rebelles sataniques avait-elle trouvé ses valeurs ? Nous le savons aujourd'hui: des "dissenters", ces religieux radicaux, tenants d'un sourcilleux égalitarisme, furent à l'origine de la révolution anglaise et, par milliers, émigrèrent vers les Caraïbes, au milieu du XVIIIème siècle, où, ruinés, chassés par les gros planteurs, ils n'auront d'autre solution pour survivre... que de prendre la mer et de devenir pirates. Mystiques, les pirates ? Reconnaissons que ce parcours est fascinant, de la flibuste, née des guerres de Religion, défendant les idéaux des "réformés", à la piraterie inspirée par les "dissenters". Comme un rêve de paradis, au plus profond de l'enfer...

A partir de 1750, combattus par de puissantes escadres et par une volonté politique intransigeante, la geste des bateaux sous pavillon noir, tête de mort et tibias entrecroisés, commence à s'essouffler. Mais pas le rêve rebelle qui nourrit l'imaginaire européen du XVIIIème siècle, puis celui du mouvement romantique, à l'origine du roman d'aventures anglais. Et puis, ne raconte-t-on pas qu'au XIXème siècle, le dernier des pirates, le Français Jean Lafitte, basé à Galveston, au Texas, finança de ses deniers, en 1848, la première édition du "Manifeste du parti communiste" de Karl Marx ?


Bibliographie : "D'or, de rêve et de sang", essai de Michel Le Bris, Hachette Littératures


http://www.mrugala.net/Histoire/Grand%2 ... rates.html


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Message Publié : 12 Juil 2009 15:14 
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Jules Michelet
Jules Michelet
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Inscription : 29 Déc 2003 23:28
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Une bonne synthèse sur le sujet reste celle de J.-P. Moreau, Une histoire des pirates, édité en poche chez Le Seuil en 2007. Il fait la part belle aux Français, et étudie même leurs lieux d'origine.


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Message Publié : 12 Juil 2009 18:18 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 28 Mai 2009 21:52
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Enki-Ea a écrit :
jamaica-insula a écrit :
Ha bon ? J'ignorais que les gens pensaient cela - surtout en France où l'on est si fiers de nos "corsaires-pirates-flibustiers".
Vous plaisantez, quasiment personne ne connaît ça en France. Ni dans d'autres pays d'ailleurs. Le cliché selon lequel piraterie et course=Angleterre est tellement bien installé qu'il n'y a qu'à feuilleter des revues (même d'histoire!) ou consulter sites français ou étrangers pour s'en rendre compte. J'ai dû corriger l'article wikipedia correspondant à la flibuste/piraterie dans les Caraïbes, ce dans plusieurs langues. D'après ces articles, la flibuste commençait en 1560 avec Hawkins et Drake! :rool:
Le magistère moral des historiens de la marine anglais est absolu et, jusqu'à récemment, personne ne l'avait remis en doute. Il ne viendrait pas à l'idée d'un bon Britannique (même éminent professeur de fac) d'imaginer que des Français les ont devancé; la domination de l'anglais faisant le reste, le monde entier est persuadé que tout cela vient d'Angleterre...

Pour ma part, je me montrerais plus nuancé...
La plupart des bouquins que je possède sur le sujet ont bien été écrits par des Français... Et il me semble qu'ils traîtent des Flibustiers (et autres pirates) sans accorder aux « Anglais » plus d'importance qu'ils n'en eurent.
Mais, quand on étudie le sujet, il faut quand même bien se rendre compte que les Britanniques comptent bien plus de célèbrités que les Français... Drake et Hawkins au 16e s., Henry Morgan au 17e s., Edward Teach (alias « Barbe noire ») au 18e s., j'en passe et des meilleurs.
Et finalement, celà découle d'une certaine logique, puisque les insulaires - par la force des choses - étaient bien souvent obligés de se tourner vers la Mer !

Pour ma part, que les Français ignorent cette partie de leur propre histoire, j'aurai tendance à dire que ce n'est jamais qu'une parmis tant d'autres.
Du reste, cette ignorance de son propre passé est tout aussi étendue dans mon propre pays, chez les Wallons... Ce n'est donc pas une « amnésie » propre à la France.
Il me semble que ce phénomène s'inscrit dans une tendance générale en Europe : celle qui consiste à ne plus apprendre aux jeunes générations qu'une version très allégée de l'Histoire...
Exit donc, le Moyen-Âge et ses horribles croisades, exit donc la Renaissance, son Inquisition et ses odieuses guerres de religion, exit donc le 17e siècle et le « glorieux » Louis XIV (33 ans de guerre sur 54 ans de règne, la Révocation de l'édit de Nantes, etc). Aujourd'hui, pour le nez de ceux qui se mouchent au politiquement correct, on se doute que ça pue tout ça...
Et, vu de chez moi, j'ai souvent l'impression que les Français croient désormais que l'histoire de leur pays commence en 1789... A ce tarif-là, la France ne serait pas plus vieille que les Etats-Unis ! Notez qu'en Belgique, c'est encore mieux : la plupart des Wallons semblent désormais ignorer que l'Indépendance du pays remonte à la Révolution de 1830 !

Pour en revenir à l'histoire de la piraterie (et plus particulièrement de la Flibuste), je conseille la lecture des ouvrages suivants... Qui datent un peu, mais restent particulièrement intéressants, je trouve ! :arrow:

* Tels étaient corsaires et flibustiers (par Jean Merrien), Ed. Le Livre contemporain, 1957.
* Histoire de la Flibuste (par Georges Blond), Ed. Stock, 1969.
* Histoire de la piraterie (par Philip Gosse), Ed. Payot, 1978.
* Vues sur la piraterie (sous la direction de Gérard A. Jaeger), Ed. Tallandier, 1992.

_________________
“La barbarie est l'état naturel de l'humanité, [...]. La civilisation n'est pas naturelle. Elle résulte simplement d'un concours de circonstances. Et la barbarie finira toujours par triompher.” ― Robert E. Howard


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Message Publié : 13 Juil 2009 0:41 
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Jean Mabillon
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Inscription : 26 Juin 2008 8:11
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Lord Foxhole a écrit :
La plupart des bouquins que je possède sur le sujet ont bien été écrits par des Français... Et il me semble qu'ils traîtent des Flibustiers (et autres pirates) sans accorder aux « Anglais » plus d'importance qu'ils n'en eurent.
Mais, quand on étudie le sujet, il faut quand même bien se rendre compte que les Britanniques comptent bien plus de célèbrités que les Français...
C'est justement là toute la question, isn't it? Comment se fait-il que les Britanniques soient beaucoup plus célèbres alors que les premiers et ceux qui ont fait les plus belles prises (trésor aztèque...) ont été les Français? Faut-il y voir l'exagération habituelle pour tout ce qui concerne la Grande-Bretagne, l'image dépassant la réalité, le tout soutenu par le pouvoir de "persuasion" médiatique de ce pays? Il est quand même étonnant de voir que les articles wikipedia en différentes langues traitant de la flibuste la faisait démarrer en 1560. Les gens qui écrivent des articles sur wikipedia ne sont pas des crétins finis; et pourtant eux-aussi ignorent totalement tout un pan (et le plus important, celui qui va donner son identité au mouvement) de la flibuste. Plus étonnant encore; certaines revues historiques tombent également dans le piège. J'avais coutume de feuilleter la bonne revue espagnole Historia y Vida; c'était la même chose. Dans un article sur les corsaires ennemis de l'Espagne, il n'y en avait que pour les Anglais. Pas une seule fois le nom de Jean Fleury n'avait été écrit (et celui de François Le Clerc une fois, dans un petit encadré). Que des historiens, des spécialistes de l'histoire, en arrivent à un tel degré d'ignorance est stupéfiant. Mais évidemment, quand on n'a dans sa bibliographie que des ouvrages d'universitaires anglais, ce n'est pas trop étonnant...


Citer :
Pour ma part, que les Français ignorent cette partie de leur propre histoire, j'aurai tendance à dire que ce n'est jamais qu'une parmis tant d'autres.
Du reste, cette ignorance de son propre passé est tout aussi étendue dans mon propre pays, chez les Wallons... Ce n'est donc pas une « amnésie » propre à la France.
Il me semble que ce phénomène s'inscrit dans une tendance générale en Europe : celle qui consiste à ne plus apprendre aux jeunes générations qu'une version très allégée de l'Histoire...
Exit donc, le Moyen-Âge et ses horribles croisades, exit donc la Renaissance, son Inquisition et ses odieuses guerres de religion, exit donc le 17e siècle et le « glorieux » Louis XIV (33 ans de guerre sur 54 ans de règne, la Révocation de l'édit de Nantes, etc). Aujourd'hui, pour le nez de ceux qui se mouchent au politiquement correct, on se doute que ça pue tout ça...
Et, vu de chez moi, j'ai souvent l'impression que les Français croient désormais que l'histoire de leur pays commence en 1789... A ce tarif-là, la France ne serait pas plus vieille que les Etats-Unis ! Notez qu'en Belgique, c'est encore mieux : la plupart des Wallons semblent désormais ignorer que l'Indépendance du pays remonte à la Révolution de 1830 !
Oui, je comprends tout à fait ce que vous dites. Ceci dit, je crois qu'il faut y rajouter une chose, qui est l'histoire vue sous le prisme anglo-saxon imposée par la puissance culturelle américaine. Parce que toutes ces ignorances dont vous parlez, elles ne concernent curieusement que les pays de la "vieille Europe". Par contre, un Français sera insatiable si vous lui demandez de parler de Pocahontas (l'exception qui confirmait la règle dans l'Amérique britannique, la norme dans l'Amérique française), d'Edward Teach etc... C'est plutôt la géométrie variable de l'ignorance qui me gêne.


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Message Publié : 13 Juil 2009 11:56 
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Thucydide
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Inscription : 02 Mars 2009 15:31
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Lord Foxhole, vous nous faites une poussée de parano ! :D Je comprends votre point de vue mais je crois que l'histoire de France est un rien plus longue que celle des US et qu'il faut faire des choix. La révolution de 1789 est sans doute bien plus significative dans notre histoire actuelle que le rôle de Leclerc ou même Surcouf. Y a-t-il ici un complot révisionniste, un désir d'instrumentaliser l'histoire ? Cela m'étonnerait. Les Français passent leur temps à se flageller : la manière dont vous résumez le règne de l'un des trois plus grands rois de toute notre histoire démontre bien que les Anglais n'ont pas grand-chose à faire pour nous dénigrer... :D

Maintenant, Wikipédia, bon... moyen, comme référence. Je me souviens que Lediard, dans son histoire navale d'Angleterre, se démerde comme un chef pour démontrer que, finalement, a bien y regarder (de travers), c'est l'Angleterre qui a découvert le Nouveau Monde ! Mais c'était il y a 250 ans et je serais étonné de constater que ce pays n'a pas, comme le nôtre, engendré depuis des gens intelligents et intellectuellement honnêtes qui écrivent sur l'histoire.

De plus, pour parler de flagellation, notons qu'en dehors d'un soubresaut sous l'ignoble Louis XIV (je vous charrie, Foxhole), la flotte française n'a jamais vraiment égalé celle de l'Angleterre. Quant à leurs "flibustiers", ils étaient souvent plus flamboyants. Drake, pour ne parler que de lui, a tout de même fait le tour de la terre et défait l'armada espagnole. Les Français ne feront leur premier tour du globe que... 250 ans plus tard ! Pas étonnant qu'on ait plus de choses à raconter sur ce type-là (dont l'épopée est d'ailleurs fascinante). A la même époque, nous avons Jacques Cartier qui, halte à la flagellation !, n'est pas le dernier des inconnus pour qui est un tant soit peu versé dans le sujet.

Enfin, faudrait-il se priver de parler de Teach et de ses femmes pirates au destin atypique, sous prétexte de ne pas faire de l'ombre à notre histoire ?! Diantre, voilà un procédé digne d'un scélérat anglais ! :D



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Message Publié : 13 Juil 2009 12:38 
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jamaica-insula a écrit :
Lord Foxhole, vous nous faites une poussée de parano !


Nous, nous préfèrerions que vous nous fassiez une poussée de politesse. On n'apostrophe pas les gens comme cela ! Vous avez lu la charte du forum ?

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Message Publié : 13 Juil 2009 16:38 
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Thucydide
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Inscription : 02 Mars 2009 15:31
Message(s) : 46
Toutes mes excuses, cher Narduccio,
il me semblait que l'ajout d'un smiley (sourire) après cette "apostrophe", en trahissait le caractère convivial et bon enfant. Je ne voulais pas vous fâcher tout rouge. Me voilà confus. J'avais pensé que sur un sujet traitant de gens qui violaient, torturaient et pillaient à longueur de temps, cette petite saillie amicale passerait plutôt sereinement. J'avais tort et vous me le faites savoir avec un panache qui vous fait honneur.


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