Voici le genre d’appel au massacre dont était capable Dessalines :
« Ce n'est point assez d'avoir chassé de notre pays les barbares qui, pendant des siècles, l'ont inondé de sang, ni d'avoir réprimé successivement les factions qui se laissaient éblouir par un fantôme de liberté que la France plaçait devant leurs yeux ; il faut assurer, par un dernier acte d'autorité nationale, la durée de l'empire de la liberté dans le pays qui nous a donné naissance ; il faut ôter au gouvernement inhumain qui nous a tenus jusqu'ici dans l'abrutissement le plus honteux, l'espoir de nous enchaîner de nouveau. Les généraux qui ont dirigé nos efforts contre la tyrannie n'ont point achevé leur ouvrage : le nom français répand encore la tristesse dans nos campagnes, et tout nous rappelle les cruautés de ce peuple barbare. Nos lois, nos coutumes, nos villes, tout porte l'empreinte de la France. Que dis-je ? il demeure encore des Français parmi nous ! Victimes, depuis quatorze ans, de notre crédulité et de notre clémence ; vaincus, non par les armées françaises, mais par l'éloquence artificieuse de leurs agents, quand serons-nous enfin las de respirer le même air qu'eux ? Qu'avons-nous de commun avec ces hommes sanguinaires ? Leur cruauté, comparée à notre modération, leur couleur à la nôtre, l'étendue des mers qui nous séparent, notre climat qui leur donne la mort, tout nous dit clairement qu'ils ne sont pas nos frères, qu'ils ne le deviendront jamais, et que, s'ils trouvent un asile parmi nous, ils se rendront encore les instigateurs de nouveaux troubles et de nouvelles divisions. Citoyens, hommes, femmes, enfants et vieillards, jetez les yeux autour de vous ; parcourez toute l'étendue de cette île ; cherchez-y vos femmes, vos époux, vos frères, vos sœurs : que dis-je? cherchez-y vos enfants à la mamelle, que sont-ils devenus ? Au lieu de ces intéressantes victimes, l'œil épouvanté ne voit que leurs assassins, dont la présence vous reproche votre insensibilité et la lenteur de votre vengeance. Que tardez-vous à apaiser leurs mânes ? Croyez-vous que vos cendres pourront reposer paisiblement dans le tombeau de vos frères, si vous n'exterminez la tyrannie ? Irez-vous les joindre sans les avoir vengés ? Non, leurs ossements repousseraient les vôtres ! Et vous, généraux intrépides, qui a avez ressuscité la liberté en prodiguant votre sang, sachez que vous n'avez rien fait, si vous ne donnez aux nations un exemple terrible, mais juste, de la vengeance que doit exercer un peuple vaillant qui recouvre sa liberté. Intimidons ceux qui tenteraient de nous la ravir encore, et commençons par les Français. Qu'ils tremblent en approchant de nos côtes ! et dévouons à la mort tout Français qui osera souiller de sa présence cette terre de liberté. »
_________________ " Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)
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