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Message Publié : 09 Août 2012 15:22 
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Jean Mabillon
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Les 3 personnes qui discutaient étaient d'accord : fondamentalement, l'esclavage est par essence opposé au "rêve américain". C'est quoi le "rêve américain" : n'importe qui, par son travaille peut améliorer son sort, mais aussi celui de sa descendance.


Tout à fait, l'esclavage représente, dès la Révolution, une contradiction interne majeure qui, selon certains Pères fondateurs (Jefferson par exemple), pouvait à terme compromettre gravement la stabilité du système américain.
D'une part, en s'opposant au dogme central du capitalisme libéral: tout individu doit pouvoir profiter du produit de son travail et de ses talents, et améliorer ainsi sa condition.
D'autre part, en violant les concepts au nom desquels avait été menée la Révolution: liberté individuelle, droits naturels, rebellion légitime contre la tyrannie et l'injustice.
Les patriotes américains dénonçaient "l'esclavage " (au sens figuré) dans lequel les maintenait la couronne britannique, alors même qu'ils imposaient l'esclavage (au sens propre) à leur main d'oeuvre noire.
8 sur 12 des premiers présidents américains étaient propriétaires d'esclaves; pour un Washington qui a émancipé la majorité de ses esclaves dans son testament, la majorité d'entre eux ne l'ont pas fait--en particulier Jefferson.
Le Républicanisme relativement égalitaire de la Révolution posait que tous les hommes étaient égaux en droit; comment alors justifier le fait que certains hommes prétendaient avoir le droit d'en réduire d'autres en esclavage, alors qu'il refusaient que ce traitement leur soit appliqué?
La seule réponse possible à cette question était que ceux qui étaient réduits au rang d'esclaves n'étaient pas vraiment des êtres humains au même titre que ceux pour qui et par qui avait été écrite la Constitution; d'où le développement de l'idéologie raciste pour désamorcer cette contradiction fondamentale.
Les Pères fondateurs étaient néanmoins conscients de cette contradiction et de la question morale que posait l'esclavage, leur but était d'amener une disparition lente, prudente et très graduelle de cette institution, ils avaient même pris quelques mesures allant dans ce sens, de même que les législatures des états.
Par exemple, le 8ème amendement proscrivant les "cruel and unusual punishment" vise à limiter la sévérité des punitions infligées aux esclaves et aux "indentured servants".
Différents états du Nord abolirent l'esclavage de bonne heure (Vermont 1777, Massachusetts 1781), d'autres facilitèrent beaucoup les émancipations pour les propriétaires, de telle façon que le nombre des noirs libres augmenta considérablement dans ces régions.
Cette évolution post-révolutionnaire favorable s'inversa au début du XIXème, sous la pression du Sud, de ses monocultures intensives et de ses énormes besoins en main d'oeuvre.
Comme disait Jefferson à propos de l'esclavage, "la justice est dans un plateau de la balance, et dans l'autre est la préservation de nos intérêts".


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Message Publié : 14 Août 2012 12:36 
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Jean Mabillon
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Voilà la seule réponse que j'ai trouvée à ma question: pourquoi la culture esclavagiste du Sud des EU est la seule culture esclavagiste moderne qui soit allée jusqu'à la guerre civile pour défendre l'esclavage?

Selon l'ouvrage "White Over Black: American Attitudes Toward the Negro 1550-1812" de Winthrop D. Jordan, c'est pour la raison suivante:

Dans les autres sociétés esclavagistes, le nombre des noirs était massivement plus élevé que celui des blancs; la domination/exploitation des blancs sur les noirs y était corrélativement plus brutale et plus crue.
Accessoirement, c'est d'ailleurs dans ces zones que la pratique des relations sexuelles des hommes blancs avec leurs esclaves noires était la plus répandue et la plus admise, tandis que l'interdiction faite aux hommes noirs d'avoir des rapports sexuels avec des femmes blanches y était la plus absolue--et la plus cruellement punitive.
Dans les Antilles, au Brésil, le style de vie des planteurs était radicalement différent de celui des planteurs de Virginie ou même de Caroline du Sud: d'une part, on avait une caste qui (initialement) s'installait dans un milieu dur et dangereux, pour y faire ou refaire fortune rapidement, avec l'intention, si c'était le cas, de rentrer au pays avec l'argent ainsi récolté.
Peu de relations stables et affectives avec les esclaves, on était là pour ramasser de l'argent, on ne cherchait pas à s'installer, à développer des racines. Les îles n'étaient pas vraiment un endroit où on vivait, mais où on travaillait.
Les planteurs américains, par contre, étaient aux Amériques pour y rester, ils avaient développé des liens et des racines avec leur pays d'adoption et avaient largement coupé les ponts avec leur pays d'origine. Leur patrie n'était donc plus l'Angleterre, c'était là où ils vivaient.
De ce fait, ils avaient recréé sur place un mode de vie, une vraie culture originale, qui était encore fortement anglaise, mélangée avec certaines nouvelles caractéristiques dues à leur nouvel environnement. Cette culture propre du Sud, cette transplantation réussie (à leurs yeux) de la culture anglaise dans le Nouveau Monde, ils y étaient très attachés et la voyaient comme mortellement menacée par l'intrusion des noirs, si on les émancipait.
Le problème ne se posait pas pour les planteurs des îles: pour eux, l'esclavage n'était qu'une source de revenus; pour les planteurs du Sud des EU, c'était un mode de vie complet, on pourrait dire une civilisation.


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Message Publié : 16 Août 2012 15:51 
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Grégoire de Tours
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Est-ce qu'on peut considérer les planteurs du Sud comme la classe dominante des états du sud des États-Unis ? Classe dominante politiquement, économiquement et socialement. Et donc, en tant que classe politique dominante dans une république fédérale, avec une grande tradition libertaire, la sécession au prix d'une guerre est une solution envisageable pour conserver sa domination politique construite sur un système économique esclavagiste. Qu'en pensez-vous ?

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Message Publié : 17 Août 2012 10:51 
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Jean Mabillon
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Est-ce qu'on peut considérer les planteurs du Sud comme la classe dominante des états du sud des États-Unis ? Classe dominante politiquement, économiquement et socialement. Et donc, en tant que classe politique dominante dans une république fédérale, avec une grande tradition libertaire, la sécession au prix d'une guerre est une solution envisageable pour conserver sa domination politique construite sur un système économique esclavagiste.


Non seulement on peut considérer les planteurs comme la classe dominante des états du Sud, mais , jusque vers les 1820/1830 environ (jusqu'au jacksonisme en gros), ils ont dominé la politique des EU au niveau fédéral: dominé au Congrès par le nombre de politiciens sudistes, dominé à la présidence: on a nommé la Virginie "la mère des présidents" à cause du nombre élevé de présidents qui en sont originaires (Washington, Jefferson, Madison, Monroe, Harrison, Taylor).
Dominante, cette classe l'était de façon de plus en plus écrasante dans le Sud dans les années précédant la guerre de Sécession: les différences socio-économiques se creusent, le nombre de propriétaires d'esclaves diminue (les petits blancs vendent leurs esclaves), mais les grands planteurs deviennent de plus en plus riche et leur "cheptel" d'esclaves augmente.
Selon l'historien Gavin Wright, la fortune moyenne d'un planteur en 1860 était de 24 748 $; celle des blancs non planteurs de 1 781 $; les planteurs détenaient 93% de la richesse agricole des Etats du Sud; cet enrichissement était du à l'augmentation des prix du coton sur le marché international.
Donc l'esclavage n'était pas du tout une institution moribonde avant la guerre, en fait les planteurs n'avaient jamais été aussi prospères--et aussi arrogants.
Ceci étant peut être une des causes psychologiques de la guerre: l'hubris de cette caste aristocratique, qui n'allait pas sans créer des tensions avec les blancs non propriétaires d'esclaves. Ceux ci, avant le début de la guerre, représentaient tout de même 75% de la population blanche et n'étaient pas satisfaits du pouvoir politique disproportionné pris par les planteurs, qu'ils voyaient comme minant le principe d'égalité fondant la République américaine.

Comment s'explique ce pouvoir politique démesuré pris par la classe des planteurs? L'argent bien sûr, mais aussi la règle des 3/5èmes: un esclave comptait pour les 3/5èmes du vote d'un blanc, et c'est les propriétaires d'esclaves qui détenaient ce vote. Un propriétaire de 100 esclaves avait de ce fait 60 fois plus de poids électoral qu'un blanc qui n'en possédait aucun.
Donc dans les législatures des états du Sud, et au Congrès, les planteurs, qui étaient numériquement une minorité, détenaient néanmoins la majorité: dans le Mississipi, l'Alabama, la Georgie, la Caroline du Sud, environ 75% des sièges en moyenne étaient détenus par eux.

Qu'ils aient envisagé la sécession pour conserver leur domination politique? Elle était certainement affaiblie à l'échelon fédéral, mais extrêmement solide et pas du tout menacée dans le Sud, et ils l'y ont conservée bien après la guerre de Sécession, malgré les tentatives du Nord de la leur enlever lors de la Reconstruction.
Si vous voulez dire aussi qu'ils ont fait sécession pour rester maître chez eux, et ne pas laisser le Nord intervenir si peu que ce soit dans leurs affaires, en particulier dans leur système esclavagiste tel qu'il voulaient le garder, on est plus près de la réalité: les planteurs ne voulaient même pas d'une abolition progressive de l'esclavage assortie d'une compensation financière, comme certains politiciens du Nord le proposaient.
Le Sud avant la guerre était une région ou les stratifications sociales devenaient de plus en plus rigides, où les riches devenaient de plus en plus riches, et où l'oligarchie dominante s'enfermait de plus en plus dans un conservatisme intraitable, opposé à tout changement et à toute innovation.


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Message Publié : 17 Août 2012 18:33 
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Grégoire de Tours
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Merci pour votre réponse Tonnerre. Toujours un plaisir de vous lire sur ce sujet passionnant.

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...mais aussi la règle des 3/5èmes: un esclave comptait pour les 3/5èmes du vote d'un blanc, et c'est le propriétaire de l'esclave qui détenait ce vote. Un propriétaire de 100 esclaves avait de ce fait 60 fois plus de poids électoral qu'un blanc qui n'en possédait aucun.
Pouvez-vous nous dire, quand et comment fut voté cette loi ? Je croyais que la constitution des États-Unis avait instauré le principe "un homme = un vote" ?

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Message Publié : 17 Août 2012 19:26 
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Jean Mabillon
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Cette loi des 3/5èmes date de 1787 et figure dans la Constitution américaine, voici la notice wiki à ce sujet:

http://en.wikipedia.org/wiki/Three-Fifths_Compromise

Cette disposition ne donne pas directement 60 votes, plus le sien, à un propriétaire de 100 esclaves. Le poids électoral supplémentaire qu'elle donne est indirect: vous savez que le nombre de Représentants par état au Congrès et dans les législatures (ou Congrès) d'états (et par circonscription électorale dans chaque état donc) est proportionnel au nombre d'habitants.
Ce nombre d'habitants est déterminé tous les dix ans par census (recensement) et le nombre des Représentants de chaque état à la Chambre augmente ou diminue en fonction de ces chiffres.
Donc, prenons le cas d'un état essentiellement peuplé d'homme libres (où le nombre d' esclaves est très faible), et comptant 250 000 habitants (le territoire américain était beaucoup moins peuplé que de nos jours);
sur la base de la règle = 1 Représentant pour 50 000 électeurs par exemple, il pourra envoyer 5 Représentants à la Chambre. Même système pour la Chambre du Congrès de l'état, avec des ratios évidemment différentes.
Mais si un état a 250 000 électeurs blancs, plus environ 65% d'esclaves, comme la Caroline du Sud à certaines époques, soit environ 162 500 esclaves, cet état pourra envoyer à la Chambre un nombre de Représentants supérieur à celui de l'état précédent, puisque sa population électorale sera estimée à 250 000 + 98 000 (les 3/5èmes de 162 500) = 348 000.
Cet état aura donc 7 représentants au lieu de 5; même chose pour la représentation au Congrès de l'état de Caroline des régions de l'état comportant de grandes plantations avec beaucoup d'esclaves, opposée à celles où vivaient de petits blancs avec peu ou pas d'esclaves.
Sauf la proportion d'esclaves en Caroline du Sud, ces chiffres ne correspondent pas aux census réels de cet état et ne sont donnés qu'à titre de démonstration mathématique du principe des 3/5èmes.

En fait, c'est une variation sur le principe du vote censitaire: les riches, ici les planteurs, pèsent plus lourd électoralement que les citoyens sans moyens.
Et comme je l'ai mentionné ailleurs, le principe "un homme, un vote'' ne fait pas partie des dispositions constitutionnelles américaines originelles.
Originellement, le droit de vote était censitaire dans un très grand nombre d'états, c'est sous la présidence de Jackson que cet état de choses a été battu en brèche, pour aboutir à la disparition totale de ce système vers les années 1840/50, et à ce que l'on appelle"universal manhood suffrage" (suffrage masculin universel) .


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Message Publié : 17 Août 2012 20:52 
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J'ai vu récemment un documentaire sur le boxeur Mohamed Ali. Il y est dit que les prénoms du genre Cassius (Clay) étaient répandus chez les noirs américains car du temps de l'esclavage les maîtres donnaient souvent à leurs esclaves des prénoms romains.
Et c'est vrai que dans le roman et les films "La planètes des singes" qui parlent en fait du racisme et de l'esclavage, les personnages singes ont des prénoms comme Cornelius, Zaius, Honorius, qui sonnent romain.

Quelqu'un peut m'en dire plus ?


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Message Publié : 17 Août 2012 21:24 
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Philippe de Commines
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René Fonck a écrit :
Et c'est vrai que dans le roman et les films "La planètes des singes" qui parlent en fait du racisme et de l'esclavage, les personnages singes ont des prénoms comme Cornelius, Zaius, Honorius, qui sonnent romain.

Oui

Recherche Google : Planète des Singes, Boulle Cornelius Zaius Honorius => http://www.google.be/#hl=fr&gs_nf=1&cp= ... h=918&bs=1

http://libresavoir.org/index.php?title= ... _Schaffner


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Message Publié : 17 Août 2012 21:32 
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Merci mais je ne cherche pas à en savoir plus sur le film, mais sur l'usage des prénoms romains donnés aux esclaves.


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Message Publié : 17 Août 2012 21:43 
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Jean Mabillon
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Citer :
du temps de l'esclavage les maîtres donnaient souvent à leurs esclaves des prénoms romains.
Et c'est vrai que dans le roman et les films "La planètes des singes" qui parlent en fait du racisme et de l'esclavage, les personnages singes ont des prénoms comme Cornelius, Zaius, Honorius, qui sonnent romain.

Quelqu'un peut m'en dire plus ?


C'est exact, des noms de l'Antiquité romaine, historiques ou mythologiques, étaient donnés par les maîtres aux esclaves: Julius, Cesar, Juno, Venus, Socrates, Cupid (pour Cupidon), etc.
Il y en avait d'autres types: des prénoms tirés de la Bible, des prénoms référant à l'occupation principale de l'esclave (Cotton), à l'origine de l'esclave (Mandingo Jack, Angola Amy, Igbo Clarinda), des prénoms africains américanisés, ou non.
Ces prénoms étaient les seuls noms que portaient les esclaves: ils n'avaient qu'un prénom,pas de nom de famille.


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Message Publié : 17 Août 2012 21:56 
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Merci pour ces infos du Tonnerre.


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Message Publié : 18 Août 2012 10:36 
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Jean Mabillon
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Les esclaves n'appréciaient pas nécessairement d'être ainsi nommés par leurs maîtres (ou renommés s'ils arrivaient d'Afrique).
L'historiographie de l'esclavage américain, après avoir initialement présenté les esclaves comme totalement victimisés et impuissants face à l'oppression dont ils étaient l'objet, s'est ensuite attachée au contraire à étudier et à mettre en évidence les formes de résistances ouvertes ou--plus souvent--dissimulées des esclaves contre ce qu'ils devaient subir.
Comme le sabotage ou la "perte" du matériel agricole avec lequel ils travaillaient, les larcins de nourriture, les resquillages divers, essayer de couper aux heures de labeurs et aux corvées, la fuite, et parfois même le poison dans la nourriture des maîtres ou les confrontations directes, physiques, avec eux.
Une des formes que prenait cette résistance sourde à l'oppression était le fait que, si les esclaves étaient bien forcés d'accepter les noms choisis par les maîtres dans leurs rapports avec eux, dans leurs relations avec les autres esclaves, loin de la surveillance des blancs, ils se donnaient parfois des "surnoms secrets" (concealed surnames) qui ne sortaient pas du "slave quarter".
En particulier, c'était fréquent si plusieurs esclaves portaient le même nom.
Par exemple, "Bright Ma", "Captain Hannah", "King George", "Bill the Smith" (de "blacksmith, forgeron), etc.


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Message Publié : 19 Août 2012 0:45 
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Salluste
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René Fonck a écrit :
J'ai vu récemment un documentaire sur le boxeur Mohamed Ali. Il y est dit que les prénoms du genre Cassius (Clay) étaient répandus chez les noirs américains car du temps de l'esclavage les maîtres donnaient souvent à leurs esclaves des prénoms romains.
Et c'est vrai que dans le roman et les films "La planètes des singes" qui parlent en fait du racisme et de l'esclavage, les personnages singes ont des prénoms comme Cornelius, Zaius, Honorius, qui sonnent romain.

Quelqu'un peut m'en dire plus ?

Les Romains à leur époque aimaient donner à leurs esclaves des noms grecs ; c'était pour eux une revanche sur les Grecs, qui méprisaient fort les Romains qui le leur rendaient bien.
De plus, le sadisme s'y ajoutait. Par exemple, nombreux étaient les esclaves qui avaient été appelé "Felix" qui veut dire heureux en grec... on comprend l'ironie e la chose quand on est un esclave et qu'on est censé incarner le bonheur...

Les maîtres au moment de la libération des esclaves (XIX°s.) firent de même : ils devaient trouver des noms à leurs esclaves, beaucoup prirent des livres qu'ils avaient sous la main (souvent des Bibles) et piquèrent au hasard des pages les premiers prénoms qu'ils trouvaient... ce qui donne tout le côté folklorique des noms d'anciens esclaves.

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La poésie peut être plus vrai que l'histoire. Aristote


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Message Publié : 19 Août 2012 6:46 
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Jean Mabillon
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Citer :
Les maîtres au moment de la libération des esclaves (XIX°s.) firent de même : ils devaient trouver des noms à leurs esclaves, beaucoup prirent des livres qu'ils avaient sous la main (souvent des Bibles) et piquèrent au hasard des pages les premiers prénoms qu'ils trouvaient...


Les maîtres (je parle des EU) ne choisissaient les noms de leurs esclaves que durant la période de l'esclavage. Et pas nécessairement au hasard: la prédominance des noms romains est liée à la dominance des études latines et des auteurs latins dans le curriculum scolaire/universitaire des établissements d'enseignement anglais et américains au XVIIIème et XIXème siècle.

Et surtout, lors de la libération des esclaves en 65, ce sont bien entendu les esclaves eux-mêmes (et non les maîtres) qui ont choisi leur nom de famille, nom auquel ils avaient droit pour la première fois--porter un nom qu'eux mêmes avaient choisi, c'était un de leurs tout premiers actes d'hommes libres.
Ils ont choisi le plus souvent le nom de leur dernier ou avant dernier propriétaire, ou des noms de grands hommes américains. Si le nom de famille d'un Américain est Washington ou Jefferson, il y a de fortes chances pour que le porteur de ce nom soit noir.


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Message Publié : 20 Août 2012 16:07 
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Jean Mabillon
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Sur l'observation de Narduccio, que les conséquences ultimes des principes de la Révolution américaine aboutissaient nécessairement à l'abolition de l'esclavage: en étudiant l'histoire de l'abolitionnisme aux EU, on note que la première organisation abolitionniste non religieuse (Society for the Relief of Free Negroes Unlawfully Held in Bondage--Société pour la libération des noirs illégalement maintenus en esclavage ) est née en 1775, à Philadelphie.
La date de cette création, effectuée un an avant l'indépendance, en pleine Révolution, n'est pas un hasard: certaines idées étaient dans l'air.
Auparavant, la seule attaque contre l'esclavage, basée sur le concept du caractère immoral, non chrétien, de cette institution, et de la reconnaissance de l'égalité devant Dieu des noirs et des blancs, ne venait que de groupes religieux--Quakers, Puritains, et Presbytériens dans une moindre mesure--en tout cas exclusivement d'églises protestantes.
Le lieu de création de ce groupe laic est intéressant aussi: la Pennsylvanie était une sorte de forteresse quaker aux EU, la Constitution de l'état lui même était fondée sur les principes quakers.
Les quakers ont véritablement été la locomotive du mouvement abolitionniste aux EU et ces groupes religieux restèrent très actifs dans la lutte anti-abolitionniste même après la création de groupes laics.


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