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Message Publié : 16 Juil 2012 8:34 
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Grégoire de Tours
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Lorsque je suis arrivé en Afrique de l'Ouest, où j'ai vécu de longues années, j'ai été proprement sidéré d'observer la brutalité de propos tenus par des membres d'une ethnie sur les membres d'une autre ethnie, propos auprès desquels ceux de nos extrémistes à nous pouvaient sembler être de la petite bière !

Cela est peut être vrai comme vous le dites, il y a certainement du racisme dans les sociétés d'Afrique de l'Ouest aujourd'hui, mais tel n'était pas le propos de Tonnerre qui faisait la comparaison entre la société raciste américaine au XIXème siècle (période qui nous intéresse) et les sociétés esclavagistes d'Afrique à la même époque.

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Message Publié : 16 Juil 2012 8:47 
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Jean Mabillon
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Sur la question des esclaves de maison, j'ai oublié de mentionner un autre critère des maîtres pour admettre un esclave à ce service: qu'il soit "créolisé", c'est à dire descendant d'esclaves déjà installés aux UE depuis deux générations au moins: les "sauvages" arrivant directement d'Afrique ne pouvaient faire l'affaire.
Et j'insiste sur le fait qu'une division du travail poussée sur les critères exposés plus haut ne pouvait exister que sur les grandes plantations employant plusieurs dizaines voire centaines d'esclaves. Ce qui était assez typique de la Caroline du Sud, mais moins de la Caroline du Nord par exemple.
D'autre part, la situation d'esclave de maison n'était pas nécessairement une sinécure par rapport au travail des champs. Le travail était physiquement peu pénible, les esclaves de maison étaient mieux habillés, recevaient de la nourriture de la table des maîtres, pouvaient voyager avec eux, des relations familiales/affectives pouvaient se développer entre maîtres et esclaves.
Mais vu l'existence du "task system" pour les esclaves des champs, ceux-ci une fois la tache qu'on leur avait assignée terminée, pouvaient utiliser leur temps comme bon leur semblait, pour se reposer, s'occuper de leur famille ou de leur jardin, ou chasser.
Les esclaves de maison étaient en permanence, y compris la nuit, à la disposition de leurs maîtres et sous leur contrôle constant. Leur interaction quasi-permanente avec ceux-ci entraînait des risques de frictions, et donc de punition plus nombreux.
Certains esclaves préféraient travailler aux champs pour échapper à ces longues heures de présence et à cette surveillance permanente.


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Message Publié : 16 Juil 2012 21:09 
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Pourquoi un tel développement démographique "naturel" des esclaves africains aux EU, alors que partout ailleurs dans les pays fournis en esclaves africains par la traite occidentale, il y a eu au contraire deficit démographique de cette population?
Bonne question en effet. On pourrait penser de prime abord que la raison serait de meilleurs conditions de vie des esclaves aux États-Unis qu'au Brésil ou aux Caraïbes, mais vos posts précédents sur la condition des esclaves au sud des EU contredisent cet argument.
Je pencherai donc pour une adaptation du système esclavagiste aux EU après l'abolition de la traite en 1808. L'esclavage lui n'ayant pas été aboli et les EU, contrairement à la Grande-Bretagne, n'ayant pas accès à un empire colonial pour recruter de la main d’œuvre corvéable à merci (je pense aux coolies indiens), il a bien fallu trouver une source d'approvisionnement stable en esclaves. La seule solution possible, en dehors de la contre-bande mais je n'ai pas de références à ce propos, est la reproduction des esclaves in situ et l'asservissement de leurs enfants. Je ne sais plus où j'ai lu cela mais un auteur écrivait que cette reproduction était organisée comme celle d'un cheptel, mais peut-être qu'il grossissait le trait :!:

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Message Publié : 19 Juil 2012 12:46 
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e pencherai donc pour une adaptation du système esclavagiste aux EU après l'abolition de la traite en 1808.

Vous avez mis le doigt sur le principal facteur.

En fait, les historiens américains discutent encore des causes de cette anomalie que constitue la démographie largement positive de l'esclavage aux EU.
Due bien évidemment :mrgreen: au fait que les esclaves y avaient un taux de naissance plus élevé que partout ailleurs aux Amériques/Antilles, et un taux de décès plus faible que partout ailleurs, et que le premier excèdait significativement le second, ce qui n'était pas le cas dans les autres cultures esclavagistes.
Cette spécificité démographique semble résulter de la combinaison de plusieurs facteurs associés en une synergie produisant un effet du type "cercle vertueux"
D'abord, oui, l'esclave des champs dans les plantations de coton, de tabac ou de riz du Sud des EU était mieux traité et son travail moins pénible que celui de l'esclave dans les plantations de canne à sucre des Antilles ou du Brésil.
Le travail de la canne à sucre était, parait il, particulièrement dur, mais surtout le mode d'organisation du travail était différent: pour la canne à sucre, en équipes travaillant un nombre d'heures défini par jour (gang system) , opposé au mode d'organisation du travail servile aux EU , qui était à la tâche (task system) , ce qui faisait que les esclaves pouvaient disposer de leur temps une fois qu'ils avaient terminé la tache qui leur était assignée; le temps de travail quotidien était de ce fait nettement plus court aux EU, probablement de 2 à 4 heures.

Aussi, l'autosuffisance alimentaire des EU opposée au manque de cultures vivrières des Antilles, qui devaient importer nombre de produits alimentaires de première nécessité--c'est toujours le cas d'ailleurs. Les esclaves US étaient de ce fait mieux nourris, même si leur nourriture, à base de farine de mais, riz et bacon, était plus satisfaisante quantitativement que qualitativement, et pouvait comporter de nombreuses carences, notamment protéiniques.

Mais sans doute le facteur le plus important a été en effet l'abolition relativement précoce de la traite aux EU: 1808, alors qu'elle a continué, éventuellement clandestinement, jusque vers 1850 à Cuba et 1868 au Brésil.
Cette abolition de la traite a eu pour conséquence une "créolisation'" (américanisation si vous préférez) des esclaves vivant aux UE, qui a indirectement favorisé l'expansion démographique de cette population, et ce de multiples façons.
D'abord, la traite, visant à importer de la force de travail pour des travaux agricoles durs, importait plus d'hommes que de femmes: environ 2/3 d'hommes pour 1/3 de femmes aux EU, peut être plus aux Antilles. Ce déséquilibre H/F n'est évidemment pas favorable à un taux de naissances élevé, et il s'est maintenu tant que la traite a continué.
Aux EU, par contre, à partir de 1808, la population servile s'est progressivementré ré-équilibrée dans le sens d'un nombre presque égal d'hommes et de femmes, comme c'est le cas naturellement.
Rapidement, les esclaves nés de parents et grands-parents ''américains" ont vu leur nombre augmenter, tandis que diminuait puis disparaissait celui des esclaves "africains".
Ces esclaves "créolisés" ont peu à peu abandonné leurs coutumes africaines et adopté des coutumes européennes; l'une d'elles a eu un retentissement direct sur le taux des naissances: les femmes africaines, comme dans la plupart des cultures traditionnelles, allaitaient leurs bébés pendant 2 ans ou 2 ans 1/2, ce qui (pour des raisons hormonales liées à la lactation) produisait un espacement des naissances de 2 à 3 ans.
Les esclaves noires créolisées ont adopté l'allaitement limité à un an, ce qui leur permettait (théoriquement) d'être enceintes tous les an et demi.
De même, la fin de la traite a modifié l'attitude des maîtres par rapport à leurs esclaves: désormais, il n'était plus possible de "boucher les trous" en important des esclaves d'Afrique, le stock d'esclaves ne pouvait se renouveler et s'accroître que par la reproduction naturelle de la population existante.
Les propriétaires ont donc de plus en plus considéré leurs esclaves comme un cheptel qu'il fallait soigner de façon à accroître sa fécondité, particulièrement les femmes.
J'avais signalé que, pendant tout le XVIIIème siècle, les esclaves femmes étaient traitées à peu de choses près comme les hommes pour ce qui est des travaux agricoles: elles défrichaient et nettoyaient les terrains des pierres, souches et broussailles pour les préparer à la mise en culture, elles semaient, binaient, labouraient (dans les rizières, le terrain était trop mou pour permettre d'utiliser chevaux ou boeufs qui s'enfonçaient, le labourage était donc entièrement exécuté par les esclaves), elles creusaient même parfois des fossés d'irrigation. Et elles travaillaient jusqu'à l'accouchement--des cas d'accouchement dans les champs sont rapportés--et reprenaient le travail très vite, emmenant leurs bébés aux champs sur leur dos ou les laissant en garde aux esclaves âgées de la plantation.


Après la fin de la traite, la valeur reprodutrice des esclaves femmes est privilégiée aux dépens de leur valeur directement économique en tant que force de travail : les maîtres leur donnent des travaux légers quelques semaines avant l'accouchement, leur laissent ces travaux légers quelques semaines après, leur donnent une meilleure nourriture pendant leur grossesse. Certains maîtres vont même jusqu'à pratiquer une forme d'eugénisme empirique , comme pour du bétail, en choisissant l'esclave avec lequel elles sont censées procréer, pour sa force et sa santé, comme on sélectionne un étalon.
La majorité des maitres laissent leurs esclaves relativement libres de choisir leur conjoint toutefois, même si un esclave ne peut se marier sans leur autorisation.
La créolisation des esclaves entraîne aussi le développement d'une attitude paternaliste chez les maîtres: d'une part, les esclaves, parlant finalement bien anglais, connaissant les usages américains et christianisés, travaillent mieux, sont plus dociles, n'ont plus besoin qu'on leur explique tout ce qu'ils ont à faire et qu'on brise leur résistance comme pour des "sauvages" fraîchement arrivés d'Afrique.
Les maîtres sont donc moins portés à utiliser punitions et coercition, en fait il devient mal vu de punir cruellement ses esclaves, les mutilations, castrations etc régressent, faire preuve d'humanité et prendre soin de ses esclaves en récompense de leur travail devient le discours type tenu par la classe des planteurs avant la guerre de Sécession, et ce discours n'est pas nécessairement hypocrite: de vrais liens d'affection se développent avec des esclaves dont la famille travaille pour des maîtres depuis plusieurs générations.
Contrairement à ce qui se passe dans les plantations des Caraibes/Brésil, où la prédominence des esclaves africains entraîne l'absentéisme généralisé des maîtres, qui laissent la gestion difficile des esclaves à des contremaîtres et ne vivent pas sur les plantations, aux EU la majorité des maîtres au XIXème siècle vivent sur les plantations, et en surveillent eux-mêmes la marche, assistés d' overseers, changés fréquemment, souvent sous la pression des esclaves mécontents, et de "slave drivers" eux qui sont eux mêmes esclaves.
En d'autres termes, les esclaves sont de mieux en mieux traités, et on peut dire qu'avant sa disparition, l'esclavage était (relativement) en voie d'humanisation aux EU.


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Message Publié : 19 Juil 2012 13:14 
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C'est toujours un plaisir de vous lire Tonnerre. Votre érudition est remarquable, bravo ;)

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Message Publié : 19 Juil 2012 15:48 
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Jean Mabillon
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Merci Yughurtha, et pour ne rien vous cacher, vos questions et remarques toujours pertinentes me sont très utiles: je dois faire une série de conférences sur plusieurs topics américains à la rentrée, dont l'esclavage dans le Sud, et les postants qui interviennent aimablement sur ce fil me permettent d'avoir une idée des questions et remarques qui me seront faites par les assistants, et de m'y préparer.


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Message Publié : 21 Juil 2012 9:03 
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Une autre question âprement débattue par les historiens américains est celle-ci: qu'est il resté, des cultures et traditions africaines dans la culture africaine-américaine de la période de l'esclavage? Est-ce que la "créolisation " (américanisation) des esclaves a été rapide, ou t'il fallu 4 ou 5 générations (ou plus) pour qu'elle s'opère? Est-ce que les esclaves ont essayé de résister à cette acculturation forcée, et comment?
Et que reste t'il de l'Afrique dans la culture africaine-américaine actuelle?


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Message Publié : 22 Juil 2012 15:35 
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Et que reste t'il de l'Afrique dans la culture africaine-américaine actuelle?
A mon avis pas grand chose. Si on prend les caractéristiques les plus visibles d'une culture, à savoir la langue et la religion, on ne trouve plus rien des religions et des langues africaines chez les afro-américains. Cette situation est à opposer à Haïti avec le Vaudou et le créole haïtien. Certes, le nationalisme noir-américain et le mouvement Black Power au XXéme siècle a essayé de mettre en avant l'héritage africain mais cela relève du "reconstructionisme" idéologique.

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Message Publié : 30 Juil 2012 15:33 
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Survivance des coutumes africaines: là aussi, l'esclavage américain se distingue des autres sociétés esclavagistes comme celles des colonies britanniques , des Caraibes espagnoles ou du Brésil: la disparition de l'héritage africain a été plus rapide et plus complète aux EU que partout ailleurs.
Ceci étant une conséquence
- de l'abolition précoce de la traite africaine: l'arrivée d'africains s'est arrêtée dès 1808 dans ce pays , tandis qu'elle a continué pendant plusieurs décennies, voire presque jusqu'à la fin du XIXème siècle dans les autres sociétés esclavagistes; cette arrivée constante de nouveaux esclaves africains a permis d'y garder les traditions africaines vivantes plus longtemps.
- du fait que la société esclavagiste du Sud était différente des autres en ce que la proportion moyenne d'esclaves par rapport aux blancs y était relativement plus faible que dans les autres sociétés esclavagistes citées.
Et que, à la différence des plantations de canne à sucre des Caraibes ou du Brésil, les propriétaires de plantations en assuraient le plus souvent eux mêmes la gestion: les contacts entre blancs et noirs étaient nombreux de ce fait, tandis qu'ils étaient plus rares sur les plantations pré-citées.
C'est en Caroline du Sud, pays où le ratio noirs/blancs était le plus élevé, que ces traditions se sont maintenues le plus longtemps, jusque vers la fin XIXème/début XXème , alors que dans la majorité des autres états esclavagistes, après 3 ou 4 générations, il n'en restait plus grand'chose.
Un indice de la persistance, ou non, des traditions africaines, est les prénoms que donnaient les esclaves à leurs enfants (les esclaves n'avaient pas de nom, juste un prénom, qui pouvait être choisi par les maîtres). A l'origine bien sûr, ces prénoms étaient africains: Binah, Teenah, Sambo, etc.
Une étude faite sur les noms d'esclaves de C du S et du N par John Hiscoe met en évidence qu'avant 1750, environ 15% des esclaves recevaient encore des noms purement africains. Cette proportion tombe à 9% au début du XIXème et à 5% au moment de la guerre de Sécession. Des noms africains donnés au XIXème siècle sont souvent anglicisés (Joe pour Cudjo), et ils disparaissent peu à peu au bénéfice de prénoms anglais bibliques (au fur et à mesure de la christianisation des esclaves) ou tirés de l'Antiquité romaine (Cesar, Venus, Juno, Scipio, etc)
- une autre manifestation culturelle africaine qui persiste durant tout le XIXème voire début XXème est la persistance des réunions rituelles où les esclaves chantaient et dansaient, souvent tenues la nuit.
Durant ces réunions, des instruments de musique improvisés sont utilisés (il était interdit aux esclaves de posséder des instruments de musique), drums fabriqués avec des peaux d'animaux tendues sur un cadre, bongos, instruments à cordes rudimentaires.
Dans les musiques et chants, les structures rythmiques complexes prédominent, les assistants tapent des pieds ou des mains pour marquer le rythme. Les chants suivent un pattern antiphonaire: questions du leader/réponses de l'assistance (qui est encore utilisé dans le gospel et les églises noires actuelles).
A La Nouvelle Orléans, cette tradition s'est maintenue très longtemps. Pour que les esclaves puissent se réunir pour chanter et danser sans déranger les habitant, le maire de la NO a réservé en 1817 une place de la ville le dimanche après midi à cet usage; cette place, nommée "place Publique", a été rebaptisée "Congo Square" par les habitants à cause de ces réunions. Ces réunions du dimanche après-midi attiraient des centaines d'esclaves, qui en profitaient pour échanger et discuter les nouvelles, vendre et acheter les produits de leur jardin, chasse ou artisanat, tandis que des blancs profitaient du spectacle.
Les danses sur Congo Square se déroulaient selon des modalités africaines traditionnelles: les danseurs se déplaçaient en cercles concentriques, se regroupaient par ethnies, portaient des tatouages, des dents aiguisées et parlaient la langue d'origine de leur groupe. Les rituels et prêtres/prêtresses vaudous étaient très présents.
Ces manifestations furent interdites pendant quelques années, puis ré-autorisées en 1862, mais peu à peu, elles s'américanisèrent: le banjo et tambourins remplacèrent les bongos, plus de tatouages ni de "filed teeth", des chansons américaines chantées en Anglais.
Le gullah, patois anglais-africain de Caroline du Sud, y est encore parlé:

http://www.usatoday.com/news/nation/201 ... rolina.htm


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Message Publié : 30 Juil 2012 22:04 
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Yughurtha a écrit :
Citer :
Et que reste t'il de l'Afrique dans la culture africaine-américaine actuelle?
A mon avis pas grand chose. Si on prend les caractéristiques les plus visibles d'une culture, à savoir la langue et la religion, on ne trouve plus rien des religions et des langues africaines chez les afro-américains. Cette situation est à opposer à Haïti avec le Vaudou et le créole haïtien. Certes, le nationalisme noir-américain et le mouvement Black Power au XXéme siècle a essayé de mettre en avant l'héritage africain mais cela relève du "reconstructionisme" idéologique.

En Louisiane il reste des réminiscences de ces croyances vaudou. Mais les USA étant un pays bien plus moderne que les autres, il est normal que le vaudou s'y soit beaucoup plus dilué qu'ailleurs.


Dans l'Antiquité, les maîtres donnaient leurs noms à leurs esclaves ; aux Antilles françaises aussi. Il n'en était pas de même aux USA ?

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La poésie peut être plus vrai que l'histoire. Aristote


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Message Publié : 31 Juil 2012 10:48 
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Dans l'Antiquité, les maîtres donnaient leurs noms à leurs esclaves ; aux Antilles françaises aussi. Il n'en était pas de même aux USA ?


Vous soulevez là un point intéressant.
Comme je l'ai dit, avant la guerre de Sécession, les esclaves n'avaient qu'un seul nom, un prénom ou un surnom, ce n'est qu'après l'émancipation qu'ils ont été invités à adopter un nom de famille.
Comment l'ont ils choisi?
Souvent --mais pas toujours--ils ont choisi le nom de leur ex-propriétaire. Mais seulement si ceux ci étaient d'accord: la famille Ball, propriétaire d'une douzaine de plantations en Caroline du Sud, a refusé que des noirs portent son nom.
Parfois, les esclaves, en plus de leur prénom, avaient un "nom caché", généralement un surnom référant à certaines de leurs particularités physiques ou psychologiques; certains ont pris ce surnom comme nom de famille.
D'autres ont juste choisi un patronyme de grands hommes américains, comme Washington, Jefferson, Jackson ou bien sûr Lincoln. Ou encore "Freeman", symbole de leur nouvelle liberté.
. Ou même choisi un mot au hasard ou dont la sonorité leur plaisait: un esclave a raconté avoir pris comme nom de famille "Fashion" parce qu'il l'avait vu sur une boite à chapeaux.
A noter que certaines organisations noires ont encouragé leurs supporters à abandonner ces noms pris après l'émancipation, noms de leurs ex-maîtres en particulier, comme étant des noms d'esclaves. Muhamad Ali l'a fait--qui s'appelait originellement Cassius Clay (Cassius, prénom romain typiquement donné aux esclaves , la tradition s'est perpétuée longtemps après).


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Message Publié : 31 Juil 2012 19:49 
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J'ai lu dans un article, qu'en 1708 le gouverneur de Caroline du Sud estimait que son état comptait 1400 esclaves indiens (amérindiens) pour une population de 12500 personnes. L'auteur de l'article poursuit en disant que l'esclavage des indiens demeura marginal.
A votre connaissance, y a t-il eu une volonté de la part des autorités anglaises de réduire massivement les amérindiens en esclavage ? Et pourquoi ne pas l'avoir fait, puisque économiquement c'est une solution moins coûteuse que de déporter des esclaves d'Afrique ?

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Message Publié : 01 Août 2012 11:25 
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Tonnerre a écrit :
Citer :
Dans l'Antiquité, les maîtres donnaient leurs noms à leurs esclaves ; aux Antilles françaises aussi. Il n'en était pas de même aux USA ?


Vous soulevez là un point intéressant.
Comme je l'ai dit, avant la guerre de Sécession, les esclaves n'avaient qu'un seul nom, un prénom ou un surnom, ce n'est qu'après l'émancipation qu'ils ont été invités à adopter un nom de famille.
Comment l'ont ils choisi?
Souvent --mais pas toujours--ils ont choisi le nom de leur ex-propriétaire. Mais seulement si ceux ci étaient d'accord: la famille Ball, propriétaire d'une douzaine de plantations en Caroline du Sud, a refusé que des noirs portent son nom.
Parfois, les esclaves, en plus de leur prénom, avaient un "nom caché", généralement un surnom référant à certaines de leurs particularités physiques ou psychologiques; certains ont pris ce surnom comme nom de famille.
D'autres ont juste choisi un patronyme de grands hommes américains, comme Washington, Jefferson, Jackson ou bien sûr Lincoln. Ou encore "Freeman", symbole de leur nouvelle liberté.
. Ou même choisi un mot au hasard ou dont la sonorité leur plaisait: un esclave a raconté avoir pris comme nom de famille "Fashion" parce qu'il l'avait vu sur une boite à chapeaux.
A noter que certaines organisations noires ont encouragé leurs supporters à abandonner ces noms pris après l'émancipation, noms de leurs ex-maîtres en particulier, comme étant des noms d'esclaves. Muhamad Ali l'a fait--qui s'appelait originellement Cassius Clay (Cassius, prénom romain typiquement donné aux esclaves , la tradition s'est perpétuée longtemps après).

Merci pour ces précisions.

Une autre question, si vous le permettez : vous dîtes que les esclaves des champs avaient un avantage sur les esclaves domestiques, c'était de pouvoir profiter de leur temps libre, alors que les esclaves domestiques étaient 24h/24h au service des maîtres. Or, je me disais, que peut faire un esclave des champs une fois le travail auprès du maître achevé ? Avait-il vraiment du temps libre ? Les maîtres ne laissaient-ils pas à leur disposition une parcelle qu'ils devaient cultiver eux-mêmes pour pouvoir se nourrir ? Ainsi, les esclaves des champs devaient travailler encore et toujours, alors que l'esclave domestique bénéficiait comme le maître du non-travail des champs. C'est pourquoi malgré tout la position d'esclave domestique restait toujours très avantageuse, d'autant que la femme noire pouvait espérer avoir un enfant métis avec le patron, ce qui lui aurait permis de s'émanciper. La position de domestique était enviée et les maîtres faisaient miroiter cette promotion sociale aux esclaves des champs qui ne se révoltaient pas et qui étaient le plus obéissant et gentil possibles. Une arme machiavélique terrible pour le maître pour éloigner le spectre d'une révolte.

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Message Publié : 01 Août 2012 11:42 
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J'ai lu dans un article, qu'en 1708 le gouverneur de Caroline du Sud estimait que son état comptait 1400 esclaves indiens (amérindiens) pour une population de 12500 personnes. L'auteur de l'article poursuit en disant que l'esclavage des indiens demeura marginal.
A votre connaissance, y a t-il eu une volonté de la part des autorités anglaises de réduire massivement les amérindiens en esclavage ? Et pourquoi ne pas l'avoir fait, puisque économiquement c'est une solution moins coûteuse que de déporter des esclaves d'Afrique ?


Votre chiffre sur les esclaves indiens en Caroline du Sud est exact.
En fait, les raisons de ce faible nombre d'esclaves indiens sont assez évidentes si l'on connait la situation d'ensemble.
Historiquement, il a toujours été problématique de réduire une population en esclavage sur son propre territoire.
Les indiens réduits en esclavage par les Européens pouvaient s'enfuir plus facilement, connaissant le terrain. Des captures d'esclaves entrainaient des représailles des tribus qui en étaient victimes; or, au début de leur présence aux Amériques, les Européens voulaient commercer avec les indiens et souvent avaient besoin de leur aide.
Donc en fait, souvent, on essayait d'expédier les esclaves indiens loin de leur lieu de capture, voire même aux Antilles.
Les indiens de sexe masculin refusaient énergiquement toute forme de régimentation, refusaient de travailler sous les ordres d'un "overseer", refusaient la sédentarisation pour certains d'entre eux et refusaient de faire des travaux agricoles.
C'est la raison pour laquelle , alors qu'au début de la traite, la majorité des esclaves noirs étaient des hommes, lamajorité des esclaves indiens étaient des femmes qui, elles, acceptaient plus facilement l'autorité de maîtres blancs et de faire des travaux agricoles.
Mais surtout, il n'y avait tout simplement plus assez d'indiens: quelque temps après la conquête européenne, ils étaient morts comme des mouches des maladies apportées par les colonisateurs.
Une estimation de la population indienne avant la colonisation, Amérique du Sud comprise, est de 70/80 millions (ça me semble excessif). Un siècle après l'arrivée des premiers blancs, cette population aurait été réduite à 10/20 millions.
Hispaniola (St Domingue) avait une population indienne d'environ 60 000 indiens en 1508, en 1570, il n'en serait resté que 500. Toutes les Antilles, françaises, anglaises, hollandaises, maintenant à population noire, étaient originellement peuplées d'indiens.
Le nom anglais de Caraibes donné aux Antilles vient du nom d'un groupe d'indiens qui les habitaient, les Caribs.
Entre parenthèses, au XVIIIème siècle, St Domingue était très prospère, la plus riche des Antilles.
Et enfin , la présence noire en Amérique débute avec les tous premiers voyages d'explorations hispano-portugais: des noirs accompagnaient Christophe Colomb lors de ses voyages dans le Nouveau monde, et Alfonso Pietro, le pilote de la "Nina", aurait été noir.
Hernan Cortes et Francisco Pizarro obtinrent permission royale d'importer des esclaves noirs aux Amériques de 1529 à 1537. L'esclavage des noirs était déjà courant en Europe du Sud (Espagne et Portugal) au moment de ces premières explorations, les explorateurs n'ont fait que l'emporter avec eux dans le Nouveau monde et l'y implanter, avec un développement exponentiel lors de la création de l'agriculture de plantations.
Dernier point, la main d'oeuvre européenne des "indentured servants" était peu stable (les contrats duraient de 3 à 5 ans), et surtout plus coûteuse que l'esclavage.
La recherche de main d'oeuvre à bas coût a toujours été un des grands moteurs du capitalisme. C'est elle qui est à l'origine de ce grand transfert de populations, l'importation forcée d'esclaves noirs aux Amériques, de même que c'est elle qui, de nos jours, est à l'origine de la mondialisation et de l'immigration.


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Message Publié : 01 Août 2012 12:43 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

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Or, je me disais, que peut faire un esclave des champs une fois le travail auprès du maître achevé ? Avait-il vraiment du temps libre ? Les maîtres ne laissaient-ils pas à leur disposition une parcelle qu'ils devaient cultiver eux-mêmes pour pouvoir se nourrir ?


Non, les maîtres devaient fournir la nourriture des esclaves: comme je l'ai dit, à base de farine de mais, riz et porc/bacon. De même, le maître fournissait un certain nombre de vestes, pantalons et chaussures à chaque esclave par an.
Tout ce que cultivait l'esclave sur son lopin , c'était pour lui: soit il le gardait pour sa consommation personnelle, soit il le vendait, souvent au maître lui-même. Cette pratique de vente au maître était courante au XVIIIème, plus rare ensuite, elle permettait à l'esclave de se constituer un pécule, et dans certains cas (rares), de se racheter.

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Ainsi, les esclaves des champs devaient travailler encore et toujours, alors que l'esclave domestique bénéficiait comme le maître du non-travail des champs. C'est pourquoi malgré tout la position d'esclave domestique restait toujours très avantageuse, d'autant que la femme noire pouvait espérer avoir un enfant métis avec le patron, ce qui lui aurait permis de s'émanciper. La position de domestique était enviée et les maîtres faisaient miroiter cette promotion sociale aux esclaves des champs qui ne se révoltaient pas et qui étaient le plus obéissant et gentil possibles. Une arme machiavélique terrible pour le maître pour éloigner le spectre d'une révolte.


C'est plus complexe.
Le travail des champs (dans les plantations de riz) ne durait que 5/6 heures par jour à certaines périodes. L'esclave de maison était à disposition 24 heures sur 24 et subissait souvent la mauvaise humeur, les caprices voire les violences de son maître.
Et vous avez l'air de considérer que les femmes esclaves étaient nécessairement enchantées d'avoir des relations sexuelles avec le maître, ce n'était pas toujours le cas.
De même que le fait d'avoir des relations sexuelles avec le maître n'entraînait nullement automatiquement l'émancipation; en fait, ça n'avait lieu, et encore pas toujours, que dans le cas de relations de type liaison maritale/concubinage.
Et surtout, à partir grosso modo des années 1820, les Codes noirs des états du Sud interdisent purement et simplement aux maîtres d'émanciper leurs esclaves.
Il était courant par exemple que les jeunes fils du maître aient des relations sexuelles avec des esclaves noires, que les "overseers" ou autres blancs sur la plantation aient des relations sexuelles idem, ou que le maître lui même ait des relations sexuelles occasionnelles avec telle ou telle esclave.
Cela n'entraînait pas l'émancipation, même en cas de maternité: car c'est alors quasiment toute la population d'esclaves jeunes de sexe féminin qu'il aurait fallu émanciper: un peu coûteux comme cadeau pour de simples relations sexuelles occasionnelles, vu la valeur d'une jeune esclave.
Et non, les maîtres, d'après ce que j'ai lu (nous parlons ici de livres d'histoire, pas de romans style "Mandingo" ou "Autant en emporte le vent" , qui mettent en scène le fantasme romancé du Sud plus que la réalité), ne faisaient pas miroiter tellement cette promotion aux esclaves des champs, pour des masses de raisons--en fait la promotion servile telle que vous la postulez n'existait guère.
D'abord, relisez ce que j'ai posté ci-dessus sur les préférences des maîtres pour le choix des esclaves de maison: sur les plantations, les esclaves des champs, appartenant à des ethnies considérées comme ne convenant pas au travail de maison, restaient généralement esclaves des champs toute leur vie.
Le travail de maison était réservé en priorité aux esclaves créolisés, et/ou aux esclaves issus de certaines ethnies, ou aux métis.
Enfin, ce n'est qu'à la fin de l'esclavage que les propriétaires ont eu recours au système de "la carotte" (les promesses, mensonges et manipulations psychologiques) pour gérer les esclaves. Durant tout le XVIIIème siècle et le début du XIXème, ils privilégiaient le bâton: des méthodes plus expéditives utilisées sans complexe, comme la coercition, la répression violente, le fouet, le cachot (chaque plantation avait un cachot pour y interner les esclaves rétifs), les mutilations, et la mort.


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