… dites les gars, je ne sais plus quand vous rigolez ou quand vous êtes sérieux, moi…
Si la tirade d’Almayrac est à prendre au premier degré, l’impression que j’en ai cette fois :
Y’en a marre des Saintes Ecritures Wikipédiennes prises comme parole d’Evangile (voir article Brendan, source du message ci-dessus) et colportées comme des faits sans l’ombre d’une vérification ou d’une once d’esprit critique. Wiki est vraiment devenu la première entreprise de désinformation au monde…
Non, il n’y a pas de description de noix de coco dans les récits de Brendan…
Des descriptions de palmes, je n’en ai pas vu, mais quand bien même, elles sont connues et décrites depuis la plus haute antiquité, y compris… dans la Bible…
Les fruits sont peu ou pas décrits, mis à part des détails délirants qui ne se rapprochent de rien de ce qui existe (et à titre indicatif, ces fruits merveilleux incrustés de pierres précieuses poussent au milieu de rivières de lait… mais suis-je bête, ce doit être du lait de coco…)
Il n’est pas fait mention une seule fois de tortues, encore moins de leur chasse et de leur consommation…
Il n’y a pas de courant marin vert…
Par contre il y a des tas de dragons, des griffons, des légions de diables qui tourmentent Judas, une île-baleine, une île formée d’un arbre géant qui abrite des anges métamorphosés en piafs, des monastères perdus, des palais des milles-et-une nuits ; des richesses à ne plus savoir qu’en faire ; des moutons plus gros que des bœufs et leur gentil berger ; une colonne d’argent habitée par un diable tentateur ; des îles aux fleuves de lait et où le miel suinte des fleurs, une terre d’abondance aux fruits gigantesques incrustés de joyaux dont le jus d’un seul grain nourrit 14 hommes, poussent sur des montages d’or… Toutes choses qui bien entendu évoquent l’Amérique, c’est évident. Pis quand on part de l’Irlande, qu’on navigue tantôt à l’ouest, tantôt au nord, forcément, on arrive aux Antilles, c’est évident…
Autant prétendre que Liliput siège quelque part entre Cuba et Curaçao…
Si l’envie vient à quelqu’un de se faire une opinion plutôt que de gober la Parole de l’un ou l’autre…
- Navigation de Saint Brendan, VIIIe, latin traduit en français :
http://www.utqueant.org/net/doc.3.Bren.II.html - Vie de Saint Brendan I (p.247-261), vieil irlandais traduit en anglais :
http://archive.org/stream/livessaints00 ... 1/mode/2up - Vie de Saint Brendan II (p.44-92), vieil irlandais traduit en anglais
http://archive.org/stream/bethada02plum ... 4/mode/2up - Benedeit, Le Voyage de Saint Brandan, poème en vieux français du 1er quart du XIIe, traduit (ne pas tenir compte des titres ridicules rajoutés par l'éditeur, comme "l’iceberg" introduisant un palais merveilleux de cristal, d’or et de pierres précieuses… Si vous voulez rigoler un bon coup, chercher sur le site la carte qui "place" les étapes…)
http://saintbrendan.d-t-x.com/pages/page02.html
Ces versions varient déjà beaucoup entre elles. La légende a ensuite été déclinée à foison, inspirées toutefois de ces textes-ci, parfois enrichis de détails nouveaux, et en particulier un basculement vers l’est des navigations du saint qui le conduisent à Taprobane (Ceylan), l’île par excellence des pierres précieuses et autres merveilles. Les idioties sur les tortues proviennent je présume de ces versions-là : Taprobane est célèbre dans l’antiquité pour ses tortues et les « mangeurs de tortue » sont traditionnels sur la route de l’Inde, leurs techniques de chasse souvent décrite (Diodore III.21 ; Pline, VI.24.10 ; 28.3 ; IX.12.1sq ; Solin, 54 ; etc).
Ah, j’oubliais :
Non, Brenan ne navigue pas sur un coracle, qui n’est pas beaucoup plus qu’un gros panier posé sur l’eau, une armature de bois tendus de peaux, incapable de supporter un mat ni de tenir la moindre petite houle… Pour pêcher sur un lac par beau temps, ok, pour traverser l’Atlantique, la bonne blague.
C’est un
currach, la version améliorée, un poil plus gros, avec une poupe et une proue et capable de soutenir un mat ; mais le principe reste le même : une armature de bois un poil plus dense, tendue de peau imperméabilisées. Mais même là, son utilisation se limite à du cabotage par beau temps, et de la petite pêche côtière ; il ne supporterait pas le moindre grain et l’entretien du cuir et des coutures proscrit un séjour dans l’eau trop long.
Voir la description de la
Navigatio : «
Saint Brendan et ses compagnons, pourvus d'outils, firent une embarcation très légère, munie de couples et de vaigres, d'un bois utilisé traditionnellement dans ces régions, et ils la couvrirent entièrement de cuirs de bœufs, rougis dans l'écorce m'un chêne. Et ils enduisirent de beurre, à l'extérieur, toutes les jointures des peaux, et ils placèrent deux autres parois faites d'autres cuirs à l'intérieur du navire, ainsi que des vivres pour quarante jours, du beurre pour réparer les peaux servant à l'étanchéité du navire, et d'autres objets utiles qui conviennent à l'usage de la vie humaine. De plus ils placèrent et fixèrent au centre du navire un mât et une voile et tout ce qui convient à la manœuvre du navire. »
J’aime bien la précision du beurre emporté pour refaire l’étanchéité en cours de route ! Traverser l’Atlantique vers les Antilles avec ça ! Ce n’est pas un miracle qui leur faut, mais un miracle au quotidien !