Enki-Ea a écrit :
Bon, quatre mois et demis au lieu de six mois, OK. Il n'en reste pas moins que c'est énorme pour un Français et que ça peut décourager certaines bonnes volontés.
C'est évident. Mais ne vous rendez-vous pas compte qu'en ayant dit que le Québec était enneigé pendant la moitié de l'année vous avez reproduit presque mot pour mot des clichés qu'on colportait à l'époque sur le climat rude de la Nouvelle-France?
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Ils savaient tout simplement lire une carte et savaient que l'Est du Québec se trouvait à 200 km et l'Ontario à 2000km. Pas besoin d'être très intelligent pour ça, n'est-ce pas?
Je pense que vous réduisez à un seul facteur un phénomène qui en compte plusieurs. Les colons anglais (qui ont par ailleurs à plusieurs reprises abandonné des terres du Québec parce que trop pauvres, notamment en Abitibi) ne seraient pas restés sur des terres improductives seulement parce que c'était moins loin de leur terre d'origine. Les anglophones des Cantons de l'Est ne se sont jamais enfuis du Québec par la suite, malgré leurs multiples moyens de rejoindre l'Ontario: ils ont même amené avec eux leur système de production agricole esclavagiste, qui a persisté jusqu'à l'Abolition dans toute la GB au cours des années 1830. Ces cultivateurs savaient ce qu'ils faisaient en s'installant au Québec, et ils y sont restés malgré la disponibilité des terres en Ontario, et malgré leurs ressources monétaires abondantes, et malgré le fait d'être entouré de misérables Canadiens français.
Coates affirme que si le Québec n'a pas reçu plus de loyalistes anglophones, c'était surtout parce que le régime anglais avait refusé d'abolir le système des tenures (2000, p. 24-25). Jamais dans son argumentation il n'est question de mauvaises conditions climatiques.
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Indéniable peut-être mais on attend toujours votre argumentation...
J'ai déjà argumenté là-dessus. Le taux de mortalité était tout simplement moins élevé en Nouvelle-France qu'en France. Toute personne qui a le moindrement fait de l'histoire du Québec le sait. C'est d'ailleurs écrit dans n'importe quel manuel d'histoire. Cette situation ne change qu'à la fin du XVIIIe siècle, à un moment où le rapport ressources/population devient moins avantageux. Relisez mes messages.
Greer le mentionne à plusieurs reprises dans "Brève histoire des peuples de la Nouvelle-France", qui est un condensé d'histoire démographique de la Nouvelle-France. p. 32 et p. 34.
En parlant des famines: "Les Canadiens français vivent à l'abri de ces calamités qui déciment leurs cousins européens." (p. 37). Ses arguments sont les mêmes que les miens: abondance de ressources, terre fertile, possibilité de chasser le gibier et de cueillir des fruits sauvages, etc.
Il cite un visiteur en page 35, qui fait implicitement une comparaison avec les colonies des Antilles: "Il n'est pas de climat plus sain que celui-là, il n'y règne aucune maladie particulière au pays [...]"
Il y avait bien entendu beaucoup de morts accidentelles ou violentes en Nouvelle-France, mais sans aucun doute que plus de la moitié de celles-ci étaient causées par la noyade et non par les Iroquois, le meurtre et le suicide. Le taux de mortalité infantile était élevé, mais ces facteurs ne suffisent pas à combler l'écart entre la mortalité en France et en Nouvelle-France.
Je pense avoir lu des témoignages similaires chez Coates (selon lui, les exportations massives de blé ne cessent que sous le régime anglais - 2000, p. 46) et Louise Dechêne.
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Je n'ai pas encore eu ce plaisir. Je sais juste que les Québécois sont des gens charmants... et incroyablement obsédés par la météo! Ils vénèrent le Dieu soleil.
Je ne crois pas que le peuple québécois soit plus ou moins charmant que les autres peuples, mais une chose est certaine: si les gens du Québec (en fait, c'est surtout les gens de Montréal, car ils sont pour la plupart locataires et n'ont pas d'espace pour ranger leur voiture pendant les tempêtes de neige) se plaignent de l'hiver rigoureux, ils savent cependant que le climat en général est tout à fait accueillant et qu'il est propice à l'agriculture.
Si vous avez la chance de venir, par ailleurs, vous pourrez observer que les plaines du Saint-Laurent offrent le même rendement agricole que les terres de l'Ouest et du Nord de la France. Si le gel les affecte (les blés d'hiver ont la vie dure) elles sont plus fertiles et mieux arrosées.
Pehr Kalm, 1749: "À la baie Saint-Paul, le blé est l’espèce de grain que l’on sème en plus grande quantité. Le sol est très fertile, et même on récolte quelques fois vingt-quatre ou vingt-six boisseaux pour un; le rendement ordinaire est de dix ou douze pour un." (Et pourtant, Baie-Saint-Paul est à mi-chemin entre Tadoussac et Québec. Le climat hivernal y est beaucoup plus rude que dans la région de Montréal.)
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Je vous signale que la Nouvelle-France est tombée en 1760 ou 1763 (selon que l'on prenne en compte la situation militaire ou le traité). Durant cette même période, comme vous le relevez, il n'y a qu'une crise de subsistance en France, celle de 1709. Donc dire comme vous le faites : "Vous ne pouvez pas prétendre que les Français n'immigraient pas au Canada parce que les crises de subsistance étaient inexistantes en France: elles l'étaient à une période où la Nouvelle-France n'existait plus" est de bien mauvaise foi.
L'immigration en Nouvelle-France s'est tarie au XVIIIème siècle (jusqu'en 1760, je précise maintenant). Coïncidence, le XVIIIème (jusqu'en 1760) est marqué par la quasi-absence de crises de subsistance en France. N'y voyez-vous pas une relation de cause à effet?
Je ne vois pas de cause à effet entre la fin des crises de subsistance en France et la baisse de l'immigration française en Nouvelle-France, si c'est la nature de votre question. L'immigration, en Nouvelle-France, a commencé à être importante en 1660, c'est-à-dire bien avant que se termine cette ère de crises de subsistance. A-t-elle stoppé avec l'augmentation du rendement agricole en France dans la première moitié du XVIIIe siècle? Non. L'accroissement démographique de la colonie est de 8 pour 1 entre 1700 et 1760. Une partie de cet accroissement est certes dûe à la natalité galopante, mais ça n'explique pas tout.
De plus, vous faites fi des importantes disettes ayant eu lieu au XVIIIe siècle, après 1709.
Les démarches les plus importantes pour l'immigration en Nouvelle-France viennent du règne de Louis XIV. Ces démarches se sont soldées par un échec relatif, si on compare les résultats avec ceux de la Nouvelle-Angleterre. Le règne de Louis XIV précède la fin des crises de subsistance en France.
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Il faut reconnaître que l'immigration n'a jamais été très forte au XVIIème siècle non plus, les Antilles françaises (Martinique, Guadeloupe) attirant plus les colons français que la Nouvelle-France.[/quote]
Les colons sont allés en Guadeloupe et en Martinique pour des raisons économiques, pas en raison du climat. Et d'ailleurs il faut relativiser ce que vous dites: la population de Guadeloupe était formée par plus de 50% d'esclaves au XVIIe siècle, donc de "colons" forcés. Au Canada, c'était plus de l'ordre de 2 à 5% (selon Trudel). La comparaison n'est pas bonne, surtout que la Nouvelle-France comptait plus de français en 1670 que la Guadeloupe (Le Canada dépasse le cap des 3000 habitants en 1665 - encore selon Greer) justement grâce à l'immigration, sans compter bien sûr les autochtones qui habitaient directement sur le territoire français en périphérie de Montréal et de Québec et qui étaient directement impliqués dans la l'économie. Il y a aussi le fait que le type d'immigration n'était pas le même: il y avait beaucoup d'indigents qui s'installaient au Canada, alors qu'en Martinique et en Guadeloupe, c'était des planteurs.
Notez que la famine a tué plusieurs centaines de personnes en Guadeloupe entre 1738 et 1740.
Les facteurs qui expliquent la faible immigration en Nouvelle-France ne sont pas reliés à la difficulté de faire face aux éléments. Il y a surtout, selon moi, des facteurs politiques et culturels. Tout d'abord, la France interdisait aux Protestants de s'installer au Canada, ce qui fait que pendant un certain temps, il y avait plus de Français à New York qu'au Canada (Greer). Inutile de vous dire, je crois, que ce sont les dissidents religieux d'Angleterre qui ont fondé la Nouvelle-Angleterre. La Nouvelle-France s'est privée de beaucoup de colons en se faisant imposer une politique discriminatoire.
Ensuite, il y a le type d'économie favorisé. Les Anglais ont immigré en Amérique pour cultiver la terre, ce qui demande un peuplement plus dense. Les Français ont fondé la Nouvelle-France pour exploiter les fourrures et le poisson, ce qui demande peu d'immigration. Les Anglais ont fondé des compagnies de peuplement, les Français des compagnies de traite avec les autochtones.
Finalement, les Anglais voyaient l'Amérique comme une terre de liberté, alors que les Français la voyaient comme une terre sauvage et hostile - ce qui était une vision fausse.