La vision traditionnelle consiste à dire que la Chine a assimilé ses dirigeants étrangers qui se seraient sinisés aux contact de la civilisation chinoise. Mais...
En ce qui concerne les Mongols (Yuan), j'en doute un peu. Leur domination a duré trop peu de temps (un siècle) et a coûté trop de vies humaines (certains vont jusqu'à dire que plus du tiers de la population chinoise a péri lors de la conquête mongole!) pour favoriser une fusion entre les dirigeants étrangers et le pays sur lequel ils régnaient.
Même s'ils se disent "fils du ciel", les empereurs yuan favorisent les étrangers aux postes importants, étrangers qui viennent des différentes nationalités de leur empire (Mongols, Sogdiens, Tibétains, Syriens...). Ce qui donne à penser que, pour eux, la Chine est une composante parmi d'autres de leur immense empire... Pour les élites chinoises (lettrés, fonctionnaires...), les Mongols sont des barbares inassimilables.
Si vous n'avez pas le temps de lire de livres, il y a toujours ce très bon article qui résume assez bien la situation:
http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/la_dyna ... s_yuan.aspJe pense que la dynastie yuan a duré trop peu, est arrivée au pouvoir dans des conditions trop dramatiques, pour que ses empereurs aient pu s'assimiler. Les Yuan et la Chine, c'est l'histoire d'une coupure.
En ce qui concerne les Mandchous (Qing), c'est assez curieux car ça varie beaucoup avant le temps.
Avant la conquête du trône du Fils du ciel, les Mandchous étaient fortement sinisés. Nurhaci, le fédérateur des tribus mandchoues (et dont l'urne contenant les cendres est l'objet d'une bataille dans un restaurant au début d'un Indiana Jones
), Nurhaci, donc, est entouré de conseillers chinois. La conquête de la Mandchourie est le fait de généraux chinois au service des Mandchous tandis, qu'à l'inverse, le chinois est utilisé à la cour. On aurait pu s'attendre à ce qu'ils se fondent totalement dans la civilisation chinoise une fois la conquête achevée,et bien pas du tout!
Le pouvoir mandchou s'impose avec brutalité. Une politique de ségrégation est mise en place avec, par exemple, la division de Pékin en deux villes distinctes, mandchoue au nord, d'où sont expulsés tous les habitants han) et chinoise au sud. Les mariages mixtes sont également interdits tandis que les Han sont expulsés de Mandchourie (ce qui ne manque pas de sel quand on se rappelle que la montée en puissance mandchoue à l'époque de Nurhaci est en grande partie due aux conseillers et généraux han). Enfin, ils imposent à la population le port de la fameuse natte.
Les choses vont changer sous le règne de Kangxi (1662-1722). Cet empereur profondément sinisé, grand admirateur de la civilisation chinoise, va prendre des mesures favorables à la paysannerie (régime fiscal favorable), aux lettrés-fonctionnaires (revalorisation des salaires et des examens) qui vont lui valoir le ralliement de la population. Kangxi et ensuite Qianlong (1736-1796) feront plusieurs voyages culturels dans les foyers de culture chinoise (Hangzhou etc.), financent les lettrés, commandent des peintures et calligraphies... Bref, l'osmose est à peu près totale entre ces empereurs profondément sinisés qui ont quasiment oublié les moeurs de leurs ancêtres des steppes et les élites chinoises ralliées au nouveau pouvoir.
Les Qing seront tellement sinisés que le prétexte mandchou de Puyi, le dernier empereur, pour monter sur le trône du Mandchoukuo mis en place par les Japonais paraîtra complètement hors de propos.