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Message Publié : 18 Jan 2014 21:53 
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Salluste
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Alain.g a écrit :
La Chine a été en avance sur l'occident, puis elle a été rattrapée et largement dépassée, non pas au 19è siècle (arrivée des occidentaux en force) mais au 17è siècle
Eh bien votre cher Maddison vous contredit puisqu'en 1700, il place toujours la Chine devant l'Europe (The world economy : a millenial perspective, 2001.) D'autres historiens, eux, placent le rattrapage de la Chine par l'Europe peu avant 1800, ce qui paraît plus probable. Qu'un historien aussi favorable au décollage précoce de l'Europe soit plus mesuré que vous devrait vous faire réfléchir un peu et vous pousser à éviter les affirmations péremptoires.

Citer :
Gernet est "plus à l'aise dans l'histoire intellectuelle de la Chine que dans son économie" précise le commentateur d'un de ses ouvrages sur le site de Persée qui relève des lacunes.
lol Ca, c'est la meilleure.
Vous savez très bien que les travaux des Maddison, Needham et Landes que vous citez toujours sont très polémiques, du fait de leur position idéologique marquée et du fait qu'ils ne connaissent à peu près rien à la Chine. Et vous venez dire que Gernet a des lacunes ! L'hôpital qui se moque de la charité...

Citer :
Pour l'apparition de grandes entreprises, avant le colbertisme en France il en existe de nombreuses dans les villes italiennes, dans la laine notamment. Le capitalisme y est né.
Pourtant, la France est entrée dans la révolution industrielle avant l'Italie, ça ne colle pas avec ce que dit Maddison... La question de Barbetorte (comme toutes les autres d'ailleurs) était très pertinente, je trouve.


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Message Publié : 18 Jan 2014 21:57 
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Georges Duby
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Altai Khan a écrit :
.. je parlais d'auteurs essentialistes comme Needham, Landes ou Maddison, souvent critiqués pour leur européo-centrisme, position qu'ils revendiquent d'ailleurs eux-mêmes. Ces auteurs relativement discutables, pas toujours historiens d'ailleurs (Landes).
Sur David Landes:
" Landes élevé à New York, reçut un Ph.D. de Harvard en 1953. En 1964, il devint professeur d'histoire à Harvard. Il est professeur honoraire d'économie de l'université Harvard et professeur d'histoire à l'université George Washington à la retraite.
Il a écrit plusieurs ouvrages marquants d'histoire économique dont :
Revolution in Time, Clocks and the Making of the Modern World, en 1969,
The Unbound Prometheus: Technological Change and Industrial Development in Western Europe from 1750 to the Present, 1978 (Traduction: L'Europe technicienne ou le Prométhée libéré - Révolution technique et libre essor industriel en Europe occidentale de 1750 à nos jours, Gallimard, 1975)
The Wealth and Poverty of Nations: Why Are Some So Rich and Others So Poor?, en 1998. "

Je ne crois pas qu'on puisse éliminer des auteurs assez nombreux, notamment les spécialistes d'histoire économique, au prétexte qu'ils pensent mal et indiquent que la Chine a perdu son ancienne suprématie pour des raisons bien précises et qui tiennent à ses choix culturels, à partir du 17è siècle et pas au 19è siècle.
Braudel a repris ces auteurs, soi-disant discutables, dans sa grammaire des civilisations, un ouvrage remarquable. Il consacre 77 pages à la Chine; passionnant.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 18 Jan 2014 22:42 
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Georges Duby
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Altai Khan a écrit :
Eh bien votre cher Maddison vous contredit puisqu'en 1700, il place toujours la Chine devant l'Europe (The world economy : a millenial perspective, 2001.)
Roddinson:
" Il paraît toutefois utile de donner des estimations chiffrées très approximatives, sinon le lecteur devra se contenter d’interprétations qualitatives et littéraires dont la signification est très élastique, et il est difficile de savoir dans quelle mesure les jugements divergent. L’avantage des données chiffrées est qu’elles permettent de mieux focaliser les débats.
Tableau 1.3 de l'étude de Maddison sur l'histoire économique de la Chine
"Niveau estimatif très approximatif du PIB par habitant de la Chine et de l’Europe (en dollars 1990)

Chine: 450 600 600 pour les années 900, 1200 et 1700 (dernier chiffre)
Europe: 400 500 870 "

Chine et Europe sont presqu'à égalité en 900 et 1200 mais en 1700 l'Europe est nettement devant, de 40 %, selon les reconstitutions de l'auteur en fonction des travaux qu'il a menés à titre d'économiste. Le rattrapage s'est effectué bien avant 1700. La Chine fait du sur place, l'Europe progresse.

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Message Publié : 19 Jan 2014 0:04 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Citer :
Voilà qui nous amène au problème de la rupture. Si la Chine contemporaine a rompu avec son passé, le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle n'est pas seule dans ce cas. Nous aussi nous avons rompu avec notre passé, et nous sommes pris dans le même tourbillon de transformation accélérée. Et pourtant nos concepts, nos institutions, nos comportements, nos traditions religieuses et philosophiques plongent leurs racines dans un passé parfois très lointain et gardent des liens avec lui : notre image d'Occidentaux reste encore parfaitement reconnaissable. Ce qui est vrai pour nous est vrai pour les Chinois, malgré les influences occidentales. Il y a d'ailleurs dans la Chine la plus actuelle de curieuses résurgences. Des comportements sociaux et des traditions religieuses qu'on croyait disparus après trente ans de tourmente révolutionnaire refont surface comme s'ils avaient été simplement refoulés.
Léon Vandermeersch dans Le nouveau monde sinisé (PUF 1986) voit une rupture complète en Chine et au Japon, beaucoup plus profonde que celles qu'ont pu connaître les diverses sociétés occidentales :

L'histoire des pays sinisés depuis le milieu du siècle dernier est celle de la dévitalisation de plus en plus poussée, de plus en plus complète des traditions, sacrifiées par la volonté de développement à la nécessité de l'occidentalisation.

On aurait tort de croire que chez les Japonais la préservation d'un grand nombre de précieux accessoires de l'ancienne vie sociale, qui ont été saccagées en Chine, dénote une moindre pénétration de la greffe occidentale. Ils ont eu le bon goût de préférer au vandalisme la momification des monuments et coutumes du passé.

Non seulement cette rupture est complète, mais encore elle s'est accompagnée d'une volonté de se couler dans un moule étranger. Un ministre de l'éducation japonais, Mori Aronori, alla jusqu'à proposer l'abandon de la langue japonaise pour l'anglais. Ce n'est qu'au début des années 1980, quand le Japon eut fini de combler son retard sur les grandes puissances que naît le sentiment qu'il y a des racines particulières du développement des pays de l'Asie orientale, qu'il serait bon d'en connaître mieux la nature, d'en réévaluer la vitalité. Notons que ce sentiment n'a pas pris naissance dans les milieux sinisés eux-mêmes, tant on avait pris l'habitude de traiter par le mépris tout ce qui n'était pas exactement repris de l'Occident. Ce n'est même pas chez les orientalistes, mais chez les économistes américains, s'alertant soudain de la vigueur de certains ressorts sociaux de l'activité économique qu'ils n'avaient pas identifiés jusque-là, qu'on commence d'attirer l'attention sur ces traits atypiques. Du coup, l'Asie s'interroge à son tour sur ce que pourrait quand même bien valoir sa propre culture, sur ce qui pourrait en être réensemencé.

Un regain d'intérêt se manifeste alors pour le confucianisme. Selon Vandermeersch, ce qui permet actuellement en Chine d'utiliser des symboles de cette sorte [faire venir à un congrès des descendants de Confucius], c'est qu'ils ne sont plus dangereux. La rupture avec le passé est désormais irrévocable. Désormais aucun retour n'est concevable à ce qui tenait peu ou prou à l'ancienne société. Le monde a trop changé.

Un facteur déterminant de continuité avec le passé malgré une occidentalisation à marche forcée a été, selon Vandermeersch, la conservation du système d'écriture idéographique, véhicule de l'essence du confucianisme : ...c'est aussi parce que le confucianisme est définitivement mort que son héritage peut être réinvesti dans la mentalité nouvelle sans contradiction avec les exigences du développement. Il suffisait pour cela que cet héritage soit resté disponible quelque part. Or il l'était : tout l'esprit du confucianisme est conservé dans un merveilleux dépositoire qui n'est autre que le système des caractères chinois, dont le tissu sémantique est le tissu même du confucianisme.


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Message Publié : 19 Jan 2014 1:06 
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Pierre de L'Estoile
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Pierma a écrit :
Au total, si on peut minimiser l'apport de la science dans la naissance de ce phénomène, je pense qu'on aurait tort de sous-estimer l'aspect scolaire de la révolution industrielle : elle ne peut apparaître que dans un pays ayant une population "éduquée" significative.

Sans parler de scolarisation massive, cela suppose tout de même une société où le savoir et l'éducation sont valorisés - y compris le savoir technique -et non pas réservés à une élite traditionnelle ultra-minoritaire, comme cela semble être le cas en Chine.

On pourra me rétorquer que les commerçants chinois savent compter, à l'évidence, mais cela est vrai partout depuis le haut moyen-Age, et il y a une différence entre savoir compter et savoir mesurer et en tirer des applications pratiques, ce qui est un problème tout différent.
C'est tout à fait vrai et cette sous-scolarisation de la population chinoise par rapport à celles de l'Europe occidentale (on me contredira si je fais erreur) était certainement un facteur déterminant d'un retard qu'il lui sera difficile à rattraper. Au Japon, la situation était différente. Si je ne m'abuse, à la fin de la période d'Edo, la moitié des japonais savaient lire et écrire. En outre, la société japonaise connaissait à ce moment son siècle des lumières. La vie intellectuelle était en pleine ébullition. Alors que la noblesse européenne était décimée sur les champs de bataille, les bushi, condamnés à la paix depuis deux siècles, relativement nombreux (environ 7% de la population), ne pouvant travailler de leurs mains ou faire du commerce se sont lancés, outre les arts martiaux et la poésie, dans toutes sortes d'études et de réflexions. La légitimité du Bakufu commençait à être remis en question, on s'interrogeait sur l'essence de l'âme japonaise et l'on envisageait, dans la nostalgie d'une antiquité idéalisée, à de nouvelles institutions dont l'empereur prendrait la tête. Dans le même temps, on prenait conscience de la montée en puissance des nations occidentales et l'on commençait à s'en préoccuper sérieusement. Les conditions du décollage étaient réunies.


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Message Publié : 19 Jan 2014 1:26 
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Pierre de L'Estoile
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Alain.g a écrit :
Je ne crois pas qu'on puisse éliminer des auteurs assez nombreux, notamment les spécialistes d'histoire économique, au prétexte qu'ils pensent mal et indiquent que la Chine a perdu son ancienne suprématie pour des raisons bien précises et qui tiennent à ses choix culturels, à partir du 17è siècle et pas au 19è siècle.
Braudel a repris ces auteurs, soi-disant discutables, dans sa grammaire des civilisations, un ouvrage remarquable. Il consacre 77 pages à la Chine; passionnant.
Il ne faut pas les éliminer. Mais ce n'est pas parce qu'ils sont nombreux, reconnus, sérieux et intelligents qu'il faut tout avaler sans esprit critique. Quand ils sont contredits par un chercheur ayant tout particulièrement étudié la Chine et qui en maîtrise la langue, ce qui est important, on peut légitimement accorder plus de crédit à ce dernier. Le doute est d'autant plus permis lorsqu'ils s'appuient sur des arguments, concernant leurs propres sociétés, qui ne résiste pas à l'examen le plus bref.


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Message Publié : 19 Jan 2014 6:20 
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Salluste
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Désolé, j'ai interchangé les noms, c'est Needham qui n'est pas historien, et non Landes.

Alain.g a écrit :
Sur David Landes:
" Landes élevé à New York, reçut un Ph.D. de Harvard en 1953. En 1964, il devint professeur d'histoire à Harvard. Il est professeur honoraire d'économie de l'université Harvard et professeur d'histoire à l'université George Washington à la retraite.
Il a écrit plusieurs ouvrages marquants d'histoire économique dont :
Revolution in Time, Clocks and the Making of the Modern World, en 1969,
The Unbound Prometheus: Technological Change and Industrial Development in Western Europe from 1750 to the Present, 1978 (Traduction: L'Europe technicienne ou le Prométhée libéré - Révolution technique et libre essor industriel en Europe occidentale de 1750 à nos jours, Gallimard, 1975)
The Wealth and Poverty of Nations: Why Are Some So Rich and Others So Poor?, en 1998. "

Puisque vous citez la fiche de David Landes, vous auriez pu aller un tout petit peu plus loin et copier-coller également ceci :
Ses travaux ont été critiqués pour leur supposé eurocentrisme, une critique qu'il endosse explicitement, expliquant que l'explication d'un miracle économique qui se produisit originalement en Europe devait bénéficier d'une analyse eurocentrique.
Le même reproche est fait à Angus Maddison, que vous citez abondamment.


Citer :
Je ne crois pas qu'on puisse éliminer des auteurs assez nombreux, notamment les spécialistes d'histoire économique, au prétexte qu'ils pensent mal
Où avez-vous lu ça ? Le problème n'est pas qu'ils pensent mal, le problème est que leur démarche est biaisée, empreinte d'idéologie et qu'ils connaissent très mal dans le détail leur sujet d'étude. Pour le bien de leurs explications essentialistes et de leur dogme idéologique, ils assènent un certain nombre de contre-vérités. Plus haut, Barbeborte a relevé avec pertinence l'incohérence des explication apportées par Maddison. Peut-être pourriez-vous lui répondre...


Citer :
et indiquent que la Chine a perdu son ancienne suprématie pour des raisons bien précises et qui tiennent à ses choix culturels
Les choix culturels de la Chine n'ont pas varié fondamentalement. Ces auteurs le sauraient s'ils connaissaient mieux l'histoire de ce pays. Evidemment, pour ça, il faut être sinologue...

Plus haut, dans une réponse à Pierma, je donne un tableau à grands traits de la puissance économique comparée entre l'Europe et la Chine. Vous avez certes l'habitude de ne pas lire les messages qui vont à l'encontre de votre dogme, mais je vous invite cordialement à y répondre. Comment expliquer le chassé croisé incessant entre l'Europe et la Chine ? Pourtant, ni l'une ni l'autre n'a changé de modèle culturel. C'est bien la preuve qu'il y a d'autres causes à l'expansion ou à la stagnation économiques. Des causes historiques : guerre/paix, invasions, choix politiques, épidémies...


Citer :
Braudel a repris ces auteurs, soi-disant discutables, dans sa grammaire des civilisations, un ouvrage remarquable. Il consacre 77 pages à la Chine; passionnant.
Si vous refusez de prendre en compte Gernet, l'un des plus grands sinologues français et mondiaux du XXème siècle, vous n'espérez tout de même pas que nous allons tomber en pâmoison devant Braudel qui ne connaît rien à la Chine...


Alain.g a écrit :
"Il paraît toutefois utile de donner des estimations chiffrées très approximatives, sinon le lecteur devra se contenter d’interprétations qualitatives et littéraires dont la signification est très élastique, et il est difficile de savoir dans quelle mesure les jugements divergent. L’avantage des données chiffrées est qu’elles permettent de mieux focaliser les débats.
Je suis très content que vous remettiez enfin en cause les travaux de Maddison ou, du moins, que vous les preniez avec esprit critique. J'ai dit plus haut combien il était illusoire de calculer un PNB par habitant en 1500...


Citer :
Tableau 1.3 de l'étude de Maddison sur l'histoire économique de la Chine
"Niveau estimatif très approximatif du PIB par habitant de la Chine et de l’Europe (en dollars 1990)

Chine: 450 600 600 pour les années 900, 1200 et 1700 (dernier chiffre)
Europe: 400 500 870 "

Chine et Europe sont presqu'à égalité en 900 et 1200 mais en 1700 l'Europe est nettement devant, de 40 %, selon les reconstitutions de l'auteur en fonction des travaux qu'il a menés à titre d'économiste. Le rattrapage s'est effectué bien avant 1700. La Chine fait du sur place, l'Europe progresse.
... et malheureusement, vos affirmations péremptoires contredisent l'utile introduction que vous avez cru bon de souligner. La "signification des interprétations est très élastique" quand ça vous arrange et elle ne l'est plus dans votre conclusion. Mais bon, voyons vos chiffres dans le détail...

- Même s'il est totalement vain de prétendre connaître le PNB et le nombre d'habitants à des époques aussi reculées alors que nous ne les connaissons même pas en 2014,
- Même si les chiffres de Maddison sont très discutables, d'autres auteurs comme Bairoch donnant des chiffres et des dates assez différentes,
je vais me laisser prendre au jeu pour vous montrer qu'on peut faire dire tout et son contraire aux chiffres...

Dans son ouvrage The world economy : a millenial perspective, Maddison donne le PNB suivant (en millions de dollars 1990) :

Chine
1500 : 61 800
1700 : 82 800

Europe
1500 : 44 192
1700 : 81 302

(Entre parenthèses, comme vous le constatez, la Chine, loin de faire du "surplace" comme l'affirmez péremptoirement, reste devant l'Europe en 1700).

Maintenant, le PNB par habitant. Je cite les chiffres que vous avez donnés plus haut :

Chine
1200 : 600
1700 : 600

Europe :
1200 : 500
1700 : 870

(encore une fois, passons sur le fait que d'autres auteurs donnent des chiffres complètement différents et qu'il est de toute façon illusoire de prétendre connaître le PNB ou le nombre d'habitants à ces époque reculées).

De tout cela, vous déduisez que l'Europe prend son envol tandis que la Chine fait du surplace et s'enfonce dans la pauvreté. C'est drôle, je peux en déduire exactement l'inverse !
Je peux en déduire que la Chine a connu une forte croissance démographique durant cette période - à l'époque moderne, l'accroissement de la population est la conséquence de l'accroissement des richesses et d'une abondance agricole - qui fait mécaniquement stagner son PNB par habitant. Tandis que l'Europe n'a pas connu de grande croissance démographique - du fait des guerres (de religion, de Trente ans), de la stagnation des techniques agricoles* etc. -, ce qui fait mécaniquement augmenter son PBN par habitant.
Une stagnation du PNB/hab chinois du fait de la richesse de la Chine et une augmentation du PNB/hab européen pour les raisons inverses (c'est d'ailleurs le scénario le plus probable). Vous voyez, on peut faire dire tout et son contraire aux chiffres... Un esprit critique se doit de les prendre avec recul et parcimonie.

* Jusqu'à ce que les techniques agricoles chinoises soient copiées par les Européens comme semblent le montrer les travaux de Francesca Bray.


Enfin, je constate qu'une fois de plus, vous avez "kidnappé" ce fil pour en faire une tribune sur la supériorité supposée de l'Occident (comme pour Alexandre le Grand, comme pour tout... :rool: ), puisque la discussion présente n'a plus grand chose à voir avec l'hypothétique occidentalisation de l'extrême-Orient. A ce propos, il y a encore beaucoup d'arguments sur les pages précédentes auxquels vous n'avez pas répondu...


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Message Publié : 19 Jan 2014 10:07 
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Salluste
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Barbetorte a écrit :
Léon Vandermeersch dans Le nouveau monde sinisé (PUF 1986) voit une rupture complète en Chine et au Japon, beaucoup plus profonde que celles qu'ont pu connaître les diverses sociétés occidentales :
L'histoire des pays sinisés depuis le milieu du siècle dernier est celle de la dévitalisation de plus en plus poussée, de plus en plus complète des traditions, sacrifiées par la volonté de développement à la nécessité de l'occidentalisation....
Il faut faire très attention à la date de publication car, depuis, Léon Vandermeersch est largement revenu sur ce qu'il disait dans cet ouvrage datant de 1986. C'était l'époque du modèle américain dans toute sa splendeur (reaganisme), de l'économie montée au pinacle dans les médias, de l'ouverture de la Chine qui semblait prendre la direction du chemin suivi par l'Occident, du Japon sous obédience américaine depuis trente ans et qui se dirigeait vers la première place de l'économie mondiale... On peut comprendre que dans cette conjoncture/confusion de faits, il ait vu alors une occidentalisation de l'extrême-Orient. Bien sûr, ce vénérable sinologue, très attachant au demeurant, ne va pas ouvertement avouer qu'il avait utilisé une grille de lecture trompeuse, mais il est depuis largement revenu sur cette "illusion" d'une occidentalisation de l'Orient, en tout cas de la Chine, dans ses deux derniers livres - Sagesses chinoises et Les deux raisons de la pensée chinoise - où il montre une culture et une pensée chinoises profondément différentes de celles de l'Occident.
Cela va dans le sens de ce que l'on observe par ailleurs - que ce soit au petit niveau de l'expérience personnelle de ceux qui y vécu ou au niveau de la réflexion plus poussée comme les travaux de Jean-Luc Domenach, l'un des tout meilleurs sinologues et observateurs de la Chine contemporaine : après un semblant de rapprochement trompeur dans les années 80, la Chine s'écarte en réalité de plus en plus de l'Occident. Elle n'en avait jamais été proche mais actuellement, elle l'est moins que jamais à certains égards...


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Message Publié : 19 Jan 2014 11:25 
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Altai Khan a écrit :
... et malheureusement, vos affirmations péremptoires contredisent l'utile introduction que vous avez cru bon de souligner. La "signification des interprétations est très élastique" quand ça vous arrange et elle ne l'est plus dans votre conclusion.

Une fois de plus, évitez de massacrer vos interlocuteurs, d'autant plus que là vous tapez à côté : j'ai lu cette introduction et j'en ai compris, comme Alain.g, que l'auteur préfère mettre en avant des données chiffrées plutôt que des interprétations qualitatives, toujours sujettes à caution. (donc "élastiques".) Alain.g ne s'est absolument pas contredit, ou en tous cas on est au moins deux à avoir compris la même chose.

Après je partage votre scepticisme sur l'évaluation de PIB en l'an 1200 (aussi bien en Europe qu'en Asie, d'ailleurs) mais je suppose qu'un économiste sérieux a dû expliciter ses méthodes, et même si on doute des chiffres en valeur absolue, ils peuvent malgré tout avoir une valeur comparative. J'ai un peu de mal à imaginer un économiste consacrer plusieurs années de travail pour déboucher sur une simple évaluation de la vitesse du vent au doigt mouillé.

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 19 Jan 2014 13:02 
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Georges Duby
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Altai Khan a écrit :
Vous savez très bien que les travaux des Maddison, Needham et Landes que vous citez toujours sont très polémiques, du fait de leur position idéologique marquée et du fait qu'ils ne connaissent à peu près rien à la Chine. Et vous venez dire que Gernet a des lacunes ! L'hôpital qui se moque de la charité...
On a déjà vu les références de Maddison et Landes. Pour ce qui est de Needham, s'il n'est pas économiste de formation, il est ... sinologue réputé, l'un des plus grands spécialistes de l'histoire des sciences de la Chine, connu pour des travaux menés avec des chinois en Chine.
Wiki:
Joseph Terence Montgomery Needham (9 décembre 1900 – 24 mars 1995) est un biochimiste et sinologue britannique, qui a acquis une renommée mondiale en menant des recherches sur l'histoire des sciences et des techniques dans la civilisation chinoise1.
Comptant parmi les pionniers du domaine, il a contribué à la reconnaissance du passé scientifique de la Chine avec, notamment, la publication de la monumentale Science et civilisation en Chine, collection encyclopédique qui aborde tous les développements de la science chinoise.
...
En 1936, trois chercheurs chinois viennent travailler avec Needham, qui est déjà un chercheur très réputé : Lu Gwei-djen (en), (魯桂珍, Lǔ Guìzhēn, 1904-1991), Wang Ying-lai (en), et Chen Shi-chang. Lu, fille d'un pharmacien de Nankin, devient sa maîtresse. Elle lui enseigne la langue et les classiques chinois. Cela suscita l'intérêt de Needham pour le passé technologique et scientifique de la Chine.
Sous la direction de la Royal Society, Needham devient le directeur du Bureau de Coopération scientifique sinobritannique à Chongqing entre 1942 et 1946, collaborant avec l'historien Wang Ling. Il rencontre de nombreux intellectuels chinois, dont le peintre Wu Zuoren, et voyage dans une multitude de sites en Chine, à Dunhuang et au Yunnan par exemple. Il rend aussi visite a de nombreuses institutions universitaires, où une importante masse documentaire fut rassemblée, constituant la base de sa série Science et Civilisation en Chine. "
...
" En 1974, lors d'un passage en France, il est invité à une table ronde au sujet de la Chine. Ainsi que le souligne Jean-Marc Lévy-Leblond, « La fascination qu'exerçait alors la Chine maoïste conféra un vif intérêt à sa venue ». Contrastant avec les autres participants qui débordaient d'enthousiasme sur la situation en Chine, « avec une réserve et une ironie toutes britanniques, (Needham) se garda d'entrer dans ces dithyrambes et exposa avec concision une synthèse de ses travaux sur les très anciennes traditions scientifiques et techniques chinoises, le rapport entre ces innovations, et la "révolution scientifique" européenne du XVIIe siècle, pour conclure en posant, sans y répondre, ce qu'il appela lui-même la "question à cent francs" : pourquoi la Chine, avec sa considérable avance sur l'Europe jusqu'à la Renaissance, n'a-t-elle pas été le théâtre de cette révolution ? »10 "

Au regard de ce CV impressionnant, Jacques Gernet fait figure de petit calibre non qualifié en sciences et économie.

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Message Publié : 19 Jan 2014 13:06 
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Pierma a écrit :
Une fois de plus, évitez de massacrer vos interlocuteurs, d'autant plus que là vous tapez à côté : j'ai lu cette introduction et j'en ai compris, comme Alain.g, que l'auteur préfère mettre en avant des données chiffrées plutôt que des interprétations qualitatives, toujours sujettes à caution. (donc "élastiques".) Alain.g ne s'est absolument pas contredit, ou en tous cas on est au moins deux à avoir compris la même chose.
Désolé, mais le dialogue de sourd devient pénible et frustrant, j'ai l'impression de me cogner la tête à un mur... (et en lisant d'anciens fils, je constate que je ne suis pas le seul dans ce cas)

Un minimum de courtoisie consiste à répondre aux arguments de son interlocuteur, en citant son message par exemple, ce qu'il ne fait presque jamais. Moi, je réponds toujours à ses arguments, parfois avec un peu de véhémence, d'accord, mais je le respecte, je respecte le temps qu'il a passé à écrire. Les pages précédentes sont pleines de longs messages de ma part dont les arguments n'ont toujours pas trouvé de réponse, ça ne l'intéresse visiblement absolument pas... Et chaque nouvelle page ajoute son lot de messages qui tombent dans le vide... :rool: Au total, j'ai passé des heures à écrire ces messages, pour rien, car ils écartés d'un revers méprisant de la main. Ce manque de respect devient frustrant.


Citer :
Après je partage votre scepticisme sur l'évaluation de PIB en l'an 1200 (aussi bien en Europe qu'en Asie, d'ailleurs) mais je suppose qu'un économiste sérieux a dû expliciter ses méthodes, et même si on doute des chiffres en valeur absolue, ils peuvent malgré tout avoir une valeur comparative. J'ai un peu de mal à imaginer un économiste consacrer plusieurs années de travail pour déboucher sur une simple évaluation de la vitesse du vent au doigt mouillé.
C'est quand même un peu au doigt mouillé... lol
Prenons un exemple actuel. Disons que le PNB de la Chine est de 8 000 milliards de dollars (c'est plus, mais j'arrondis).
Avec 1,3 milliard d'habitants, on a un PNB de 6150 dollars/hab.
Avec 1,5 milliard d'habitants, on tombe à 5330 dollars/hab.
Ca donne quand même une différence de 15% à 20% ! Actuellement, on ne sait pas quel est le PNB/hab réel de la Chine, il peut varier de presque 20%. 8-| Alors imaginez sur des périodes reculées où l'on ne connaît ni la population, ni le PNB... Ces travaux des historiens de l'économie ne sont acceptés qu'avec beaucoup de réticence par la communauté historienne. Et comme en plus, ils ne sont jamais d'accord entre eux et que chacun donne des chiffres qui contredisent ceux du voisin...


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Message Publié : 19 Jan 2014 13:31 
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Salluste
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Alain.g a écrit :
On a déjà vu les références de Maddison et Landes.
Auteurs biaisés et européo-centristes dont les travaux sont polémiques. Effectivement, on en a déjà parlé...

Citer :
Pour ce qui est de Needham, s'il n'est pas économiste de formation, il est ... sinologue réputé, l'un des plus grands spécialistes de l'histoire des sciences de la Chine, connu pour des travaux menés avec des chinois en Chine.
Joseph Terence Montgomery Needham (9 décembre 1900 – 24 mars 1995) est un biochimiste et sinologue britannique....
Merci, je sais lire wikipédia... Je sais même lire Needham dans le texte.

Needham n'a aucune formation d'historien, il est... biochimiste.
Il est venu à la sinologie par... les lettres classiques, et n'est pas considéré comme un véritable sinologue (ou alors, tout le monde est sinologue... Babar, Casimir...)

Par contre, il est devenu un spécialiste reconnu dans son domaine, qui est l'histoire des sciences et des techniques. Le problème se pose quand des spécialistes de ce genre, qui n'ont pas reçu de formation historienne, sortent de leur domaine de spécialité pour se mettre à analyser les causes et le contexte de ce qu'ils étudient.
Needham étudie l'histoire des sciences et des techniques chinoises. ok
Puis il veut expliquer le blocage des sciences par la société, la culture... Non, stop, problème.
Car c'est là qu'on tombe dans l'à-peu-près, les généralisations ("le confucianisme est ceci", "la société chinoise est cela", alors qu'il ne connaît rien au confucianisme ou à la société chinoise, car il n'a pas eu la formation pour). Il n'a pas les outils analytiques et la méthode nécessaires. Et c'est la même chose pour les historiens économistes qui, une fois sortis de leur domaine de spécialité, se mettent à broder sur des domaines qu'ils connaissent mal.

On prend le fil par le mauvais bout. C'est par la sinologie qu'on doit arriver à l'histoire des sciences ou l'histoire économique, et non partir de ces domaines pour se prétendre sinologue.

PS: j'ajoute que dans Science et Civilisation en Chine, il est contredit par certains de ses collaborateurs dont Francesca Bray dont j'ai parlé plus haut.

Citer :
Au regard de ce CV impressionnant, Jacques Gernet fait figure de petit calibre non qualifié en sciences et économie.
lol
Bien tenté, Alain...
Mieux vaut être un sinologue formé à la recherche historique non qualifié en sciences ou en économie et savoir utiliser les travaux de spécialistes dans ces domaines, que d'être un spécialiste en science ou en économie non qualifié en histoire et en sinologie et ne pas savoir réfléchir en dehors de son domaine de spécialité. :wink:


Enfin bon, je vois qu'on ne répond toujours pas aux centaines et centaines de lignes que j'ai écrit pour rien...


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Message Publié : 19 Jan 2014 13:46 
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Georges Duby
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Altai Khan a écrit :
Enfin bon, je vois qu'on ne répond toujours pas aux centaines et centaines de lignes que j'ai écrit pour rien...
J'ai bien lu vos messages mais sur un forum je vais à l'essentiel pour éviter l'effet ping pong qui n'a aucun intérêt en dehors des protagonistes et ai relevé ce qui comptait. On n'est pas obligé de se répondre sans cesse à l'infini à toutes les remarques. Rien de personnel!

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 19 Jan 2014 13:56 
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Salluste
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Inscription : 16 Déc 2013 13:24
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Alain.g a écrit :
Altai Khan a écrit :
Enfin bon, je vois qu'on ne répond toujours pas aux centaines et centaines de lignes que j'ai écrit pour rien...
J'ai bien lu vos messages mais sur un forum je vais à l'essentiel pour éviter l'effet ping pong qui n'a aucun intérêt en dehors des protagonistes et ai relevé ce qui comptait. On n'est pas obligé de se répondre sans cesse à l'infini à toutes les remarques. Rien de personnel!
Ah d'accord. Sur des centaines de lignes, il n'y en a que quatre ou cinq qui comptent... Merci, c'est très sympa. Je suis désolé de vous avoir fait perdre votre temps précieux avec ces bêtises idiotes et ces arguments débiles... Veuillez me pardonner... :oops:


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Message Publié : 19 Jan 2014 14:32 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Altai Khan a écrit :
On peut comprendre que dans cette conjoncture/confusion de faits, il ait vu alors une occidentalisation de l'extrême-Orient. Bien sûr, ce vénérable sinologue, très attachant au demeurant, ne va pas ouvertement avouer qu'il avait utilisé une grille de lecture trompeuse, mais il est depuis largement revenu sur cette "illusion" d'une occidentalisation de l'Orient, en tout cas de la Chine, dans ses deux derniers livres - Sagesses chinoises et Les deux raisons de la pensée chinoise - où il montre une culture et une pensée chinoises profondément différentes de celles de l'Occident.
A vrai dire, nous ne parlons pas exactement de la même chose et nous ne sommes pas loin du quiproquo. L'eurocentrisme vous agace et vous fait réagir à juste titre. Il ne faudrait cependant pas ignorer certains faits et faire dire à vos interlocuteurs ou aux auteurs qu'ils citent ce qu'il n'ont pas dit. Quand Vandermeersch dit que le monde sinisé s'est occidentalisé, il ne prétend pas qu'on a produit les petits Chinois et les petits Japonais à la chaîne dans des usines telles que les imaginait Aldous Huxley avec des cerveaux formatés à l'américaine. C'est quand même un peu plus subtil et ses considérations sur le système d'écriture le montrent bien. Et je n'ai pas cité les passages de son ouvrage (de 1986 pendant l’ère Reagan) où il distingue d'un côté individualisme et de l'autre esprit communautaire. En deux mots, il voit les sociétés occidentales comme un ensemble organisé d'individus et les individus des sociétés sinisées comme des éléments qui se définissent par leur appartenance à une communauté et la place qu'ils occupent dans celle-ci. En espérant ne pas les dénaturer, je traduirais ses propos en faisant appel à des notions juridiques : les sociétés occidentales sont des sociétés de droit, les sociétés sinisées sont des sociétés de devoir. Mais ce n'est pas parce que les ressorts sont différents qu'ils n'impulsent pas des mouvements pouvant aller dans le même sens et je ne souscris absolument pas à ce que disait Cush dans un précédent message : Les libertés individuelles? Je ne sais même pas si on peut transcrire cette expression en Japonais tant elle semblerait incongrue!. Non seulement, cette expression existe en japonais (on peut tout traduire en kanji et peut-être plus facilement que dans les langues latines) mais encore elle n'est pas incongrue dans le sens où les libertés individuelles sont aussi bien respectées au Japon qu'en Europe de l'ouest ou aux Etats-Unis. Ce qui paraît incongru à un Japonais, c'est de brandir à tout instant la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou le xième amendement sur les prétextes les plus futiles. C'est tout.
Vous faites état de profondes différences dans les comportements et les mentalités entre Chinois et Occidentaux. On ne peut sérieusement le nier. Mais vous en déduisez qu’il n’y a pas eu de réelle mutation culturelle et là, je ne vous suis pas. En dix ans, de 1790 à 1800, la société française a subi une profonde mutation. Napoléon a pu réinstaurer une monarchie et rétablir les cultes, il ne touchait plus les écrouelles, les français devenus citoyens n’étaient plus citoyens du Roi Très chrétien. Ce n’était pas là un banal changement institutionnel et les symboles ne sont pas que des décorations de façade. Ils s’ancrent profondément sous la surface des choses. L’épisode révolutionnaire clos, le retour en arrière n’était plus possible. La Restauration n’a pas effacé la Révolution. Pour son malheur Charles X n’a su le voir. Bien que légitimiste, Chateaubriand, lui, l’avait bien compris : une page de l’Histoire avait été tournée, les mentalités avaient changées. La culture française n’avait pourtant pas été entièrement balayée, les mœurs n’avaient pas changé du tout au tout, les modes de vie n’avaient pas été transformés radicalement mais les esprits avaient évolué, une nouvelle strate s’était déposée sur les sédiments anciens.
Alors que la Chine et le Japon ont été secoués par des évènements culturellement plus violents encore que la Révolution ne l’a été pour la France, on ne peut n’y voir que des péripéties n’ayant pas plus marqué les peuples que l’eau glissant sur la plume du canard. Il serait intéressant de prendre connaissance des programmes scolaires dans les enseignements primaires et secondaires et plus encore ce qu’on enseigne dans les universités de lettres et de sciences humaines. Quelle place réserve-t-on respectivement à Confucius et à Platon ? Au Japon, lit-on encore beaucoup d’ auteurs antérieurs à l’ère Meiji ? Ce que j’en sais est qu’un ouvrage français du 17ème siècle est beaucoup plus accessible, même dans l’orthographe de l’époque, au lecteur français qu’un ouvrage japonais de la même époque à un lecteur japonais. En matière de musique, quel est l’instrument le plus joué ? Le violon ou le shamisen ?
Vous dites, ce qui compte, c’est la face, et vous en donnez pour preuve que lorsqu’on a réussi socialement il faut montrer sa richesse. Mais est-bien dans la tradition confucéenne ? Cette tradition ne devrait-elle pas enseigner au contraire la mesure et la sobriété ? Pour montrer quelle est sa position, si tant est qu’il y ait dans la tradition confucéenne obligation de s’afficher, il y a tout de même des moyens plus discrets qu’une ostentation de nouveau riche. Un lettré de la Chine des Qing ne trouverait-il pas affreusement barbare le comportement de la nouvelle bourgeoisie chinoise ?


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