Paic a écrit :
Mais que savez-vous de la religiosité de ces moines-guerriers ? Que savez-vous de leur expérience religieuse ? Sur quels documents vous reposez-vous ? Quelle différence faites-vous selon les temples et les époques ? D'autant plus que ces "moines" entraient bel et bien dans les ordres, de tout temps, vous ne pouvez nullement les définir comme de simples séculiers.
Je vous conseille de vous arrêter et de vous documenter uniquement sur le cas du Mont Hie pour commencer. Étudiez les choses dans l'ordre, période par période, groupe de moines par groupe de moines, évènement par évènement.
Attention à bien cerner le sujet. Je ne parle pas du tout de la "religiosité" des moines comme vous dites ou de celles des guerriers. Sinon autant parler du Bouddhisme Zen ou de la voie du samouraï. Ce n'est pas mon propos. Je parle de moine ayant fait des voeux monastiques tout en faisant la guerre.
Concernant les Sohei, je me base sur le livre Mikael Adolphson que j'ai cité plus haut :
http://fr.scribd.com/doc/145230965/The- ... se-HistoryVoici un extrait concernant le début des violences monastiques qui ont commencé au début de l'époque Heian (794-1185) :
"La plupart des historiens de nos jours s'accordent sur le fait que les monastères ont adopté l'utilisation des armes pour résoudre les conflits durant l'ère Heian, mais au de-là de cela il est difficile de trouver un consensus. Les problèmes les plus importants se trouvent dans les indices épars de violence à travers l'ensemble de l'ère et la difficulté de déterminer précisément quelles forces peuvent être vue comme une partie institutionnelle et sociale qui composaient les temples. En bref, c'est une question de séparation entre des cas isolés de violence individuelle et locale, et une tendance générale, ou - pour reprendre des termes du domaine économique - une "innovation" ou une "mise en oeuvre". Le peu d'exemple recensés indique que la violence monastique au début de Heian tendait à être extrêmement localisé, impliquant rarement plus que quelque clercs solitaires."
Concernant l'une des principales figures de la violence monastique à la fin du 10ème siècle sur le Mont Hiei, auquel vous faites allusion, à savoir le moine Ryogen, Adolphson affirme :
"Ryogen s'occupa directement de la question de l'armement sur le Mont Hiei. Il proclama que ceux qui avaient fait des voeux bouddhistes ne devaient se préoccuper que des sutras et que le port d'équipement militaire devait être réservé aux guerriers séculiers."
Plus loin il explique :
"Certains moines ordonnés semblent avoir porté des épées, mais qui étaient les membres de ces bandes est moins clair, surtout ceux armés avec des arcs et des flèches. Il semble évident que ces bandes incluaient des hommes à vocations plus séculières."
Et en conclusion sur l'explication de cette violence monastique à l'ère Heian :
"Une augmentation graduelle de la violence cléricale est ainsi évidente pour les archives historiques, mais à quel point ce fait indique l'implication de forces religieuses dans le cadre institutionnel - certain appelerai cela la "militarisation" - des temples ? Premièrement, comme noté plus haut, la violence des clercs n'avaient rien de nouveau, même si il y a un indice de cas plus fréquents durant les 10ème et 11ème siècles. Deuxièmement, les sources font comprendre très clairement que les monastiques armés étaient soit des clercs de bas rangs ou des guerriers des différents domaines et branches, mais il n'y a aucune preuve qu'elle rassemblaient les groupes cohérents de Sohei auxquelles se réfèrent les sources plus tardives."
Si vous comprenez l'anglais, je vous conseil vivement la lecture de son livre.
Je sais que c'est une thèse qui surprend car elle prend le contre-pied de pas mal de spécialistes sur la question, mais son livre est tellement bien documenté et analysé qu'il est difficilement réfutable. Moi même en le lisant je partais du principe que les Sohei étaient de véritables armées de clercs en capuchon portant katana et autres naginata comme on en le voit souvent dans l'imagerie actuelle (notamment dans les films et les jeux vidéos) mais au vu de son texte j'ai dû revoir ma position.
Mais lorsqu'on y réfléchit bien, à la lumière de la doctrine bouddhiste et notamment du
Canon Pali, ce n'est pas étonnant. Car à l'origine le Bouddhisme condamnait toute forme de violence et il a fallu du temps aux théologiens bouddhistes pour trouver des arguments en faveur d'une militarisation des moines et des monastères. Cette théorisation eut d'ailleurs lieu pour l'essentiel dans le Bouddhisme Mahayana, le grand véhicule surtout présent en Chine, Tibet, Corée et Japon et qui, pour le Theravada, le petit véhicule, pourrait s'apparenter à une distorsion de l'orthodoxie bouddhiste originel.