Ceci nous amène à un autre mystère : pourquoi un taïkonaute aurait-il une moins bonne vue qu'un astronaute d'origine chinoise
I. La construction de la Grande Muraille
Pour en revenir au sujet initial, voici ce que je viens de lire dans
Face aux Barbares de Jean-Christophe Richomer (ed. Tallandier).
Les Royaumes Combattants (Ve-IIIe siècle avant JC) sont les premiers à s'entourer de fortifications, autant pour se protéger des barbares du nord que de leurs voisins Chinois. La plupart de ces fortifications ne sont que des levées de terres, parfois renforcées d'un fossé.
Quand Qin Shi Huangdi, en -223, prend le pouvoir, et réunifie la Chine - et lui donne son nom pour le monde entier - il charge son général Meng Tian de refondre les différents dispositifs défensifs en un seul. A la tête de 300 000 hommes, le général commence par détruire les ouvrages qui séparent les anciens royaumes, puis joint les différents tronçons faisant face au nord, où les Xiong-Nou, qui viennent de s'organiser en empire, sont devenus menaçants.
Dans certaines parties, les levées de terre sont remplacées par des constructions de briques de terre séchées. La couleur de ces briques donne à la muraille son nom mongol de Muraille Blanche.
Plus qu'un édifice, la Muraille est une institution dont Qin Shi Huangdi se sert pour unifier la Chine : chaque province doit fournir un contingent. Elle justifie également une justice répressive : les condamnés sont "envoyés sur la Muraille". Cette main d'oeuvre permet à Meng Tian de finir le projet en 10 ans, au rythme délirant, même aujourdhui, d'1.5 km par jour.
II. Autres fonctions de la Grande Muraille
En plus de ses fonctions défensives et unificatrices, la Grande Muraille sert également à restreindre le mouvement des Chinois à l'extérieur. La distinction entre l'Empire du Milieu et le reste est ainsi gravée dans la pierre.
Elle souligne l'identité de la Chine, et principalement celle de la Chine du nord, alors que celle-ci est plus pauvre que la Chine du sud, et moins bien peuplée (le mouvement de dépopulation s'amplifiant avec l'insécurité frontalière), et aurait pu être assimilée par les envahisseurs, comme la Transoxiane (autour de la Mer d'Aral) et l'Asie Mineure ont été turquisée.
En Chine, ce n'est pas le cas : une fois passée la Grande Muraille, les Turco-Mongols et autres n'étendent pas le territoire de leur horde, ils deviennent des empereurs chinois : Wei pour les Tagbach, Liao pour les Kitan, Jin pour les Jürched, Yuan pour les Mongols et enfin Qing pour les Mandchous.
Rappelez-vous l'anecdote célèbre où le Khan envisage de tuer les Chinois, raser les villes et de transformer la Chine en steppe : ces conseillers lui démontrent que taxer les villes rapportera beaucoup plus.
En ce sens, la Grande Muraille a parfaitement rempli sa fonction symbolique : les nomades eux-mêmes ont assimilé la notion de frontière qui leur était tout-à-fait étrangère.