Thersite a écrit :
:rool:
Le débat est INDISPENSABLE sur un forum d'histoire. Il ne s'agit pas de venir, proclamer une Vérité, puis se retirer vexée si jamais un malotru a l'audace d'exprimer un désaccord. Un débat se nourrit d'arguments, basés sur des sources. Le débat doit se concentrer concrètement sur les divergences d'interprétation de ces sources communes.
En l'occurence, tout le monde a eu un jour ou l'autre ce fameux texte de Rousseau entre les mains, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1755 :
Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu’ils se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou à embellir leurs arcs et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs ou quelques grossiers instruments de musique ; en un mot tant qu’ils ne s’appliquèrent qu’à des ouvrages qu’un seul pouvait faire, et qu’à des arts qui n’avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons, et heureux autant qu’ils pouvaient l’être par leur nature, et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d’un commerce indépendant : mais dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre ; dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire, et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.
Ce passage est à l'origine de votre controverse; il est tellement grossier, naïf, simpliste que je ne doute pas que Rousseau ait développé son argumentation ailleurs, en relativisant sa caricature (d'ailleurs, il précise déjà "autant qu’ils pouvaient l’être par leur nature", ce qui ne semble pas annoncer une vision très positive de l'âme humaine). Rousseau, je ne le connais pas. Apparemment, vous, oui ; alors argumentez que diable au lieu de se contenter d'affirmations laconiques "j'ai raison et t'as tort, et si t'es pas d'accord, je m'en vais, na!".
Merci Thersite d'avoir ressorti cette citation, ce que j'aurais dû faire. Je ne vois pas ce texte comme naïf, mais comme une allégorie. Si on le prend pour l'évocation d'une réalité ancienne et ayant eu une existence concrète à une époque donnée, il est effectivement naïf et faux en tous points (la division du travail et l'inégalité existent dans les sociétés les plus primitives). Mais cet homme que Rousseau nous peint ici, c'est un homme théorique, l'homme originel du contrat social, celui qui jouissait d'une liberté absolue y compris celle de tuer avec le risque de l'être aussi. Cette liberté il l'aurait un jour abandonnée en se fondant dans le corps social qui la lui rend redéfinie par la loi. Pour Rousseau aussi, le bon sauvage est un mythe, une allégorie à partir duquel il reconstruit une nouvelle conception de la société. Or, les mythes sont toujours taillés à la serpe.