Aponie a écrit :
- J.Edgar: la réputation de C.Eastwood n'est plus à faire, alors que Di Caprio forge brillamment la sienne. Un message simple, aucune connaissance préalable pour suivre le déroulement de son film: nul doute que le réalisateur ait voulu attirer un large public. Mais il n'indique pas à la lecture du titre que son film est davantage qu'une biographie politique, et qu'il s'attache d'abord à la psychologie de Hoover. Toutefois de manière frustrante, en suscitant la curiosité sans jamais pleinement la satisfaire, en dévoilant légèrement sans retirer l'intégralité du voile, bref en s'arrêtant de creuser là où un Kubrick par exemple n'aurait que commencé.
Pourtant, en souhaitant montrer qu'Hoover ne fut pas seulement l'anticommuniste obsessionnel et le grand maître du FBI plein de vices que l'on connaît, mais aussi un homme plein de faiblesse, il nous propose une compréhension plus grande de la personnalité de Hoover. On pense communément qu'il n'a été qu'un individu rusé et un homosexuel éhonté. Bien sûr, nous dit C.Eastwood, vous ne me verrez pas nier combien Hoover put être un homme insupportable, mais enfin ne vous arrêtez pas à cela et voyez comme derrière le masque se cache quelqu'un capable d'amour, plus victime que coupable de ce qu'il est publiquement et en privé. Le coupable ? C'est la mère ! Toujours, son spectre le hante. Et quand Hoover se regarde dans le miroir, l'objet ne peut que lui renvoyer l'image d'un autre homme. Il fallait que la mère meure pour que l'affranchissement fût complet, pour que l'homosexualité fût entièrement assumée, pour qu'enfin Hoover devînt homme. Alors seulement le baiser (la scène la plus forte du film) prend sens.
Mais ici encore, on sent que C.Eastwood a la clé, qu'il dénoue la complexité et historicise Hoover, mais il nous laisse avec un cadavre encore trop peu prolixe dans les bras: on sent que Hoover avait encore quelque chose à nous dire.
Les limites sont visibles, mais voilà un beau film.
Pour avoir enfin visionné le film hier, je dirais que
J. Edgar est assez complexe... Sans doute à l'image de Hoover lui-même.
Il y a des allers-retours continuels dans la narration... Et finalement, Clyde Tolson (son fidèle compagnon) dit même à Hoover qu'il affabule et raconte son histoire de manière à le faire passer pour un héros. Or, héroïque, il ne le fut jamais vraiment. Dès lors, comment discerner le vrais du faux dans le film ?
Le problème est là... L'ombre de Hoover a plané sur les États-Unis de 1935 jusqu'en 1972, et il était probablement autant détesté voire haï que respecté. Machiavélique, il était parvenu à se maintenir à son poste, grâce à ses dossiers compromettants sur toutes les personnalités politiques américaines.
Pour autant, Hoover était-il malhonnête et assoiffé de pouvoir ? Apparemment non. On nous le montre ne sortant ses dossiers qu'à une seule occasion : sa protection quand le président le convoque, certainement en vue de le limoger. Peine perdue... Aucun président n'osera jamais déboulonner Hoover ! Il pourra donc continuer à protéger les États-Unis à sa manière...
Même chose pour sa relation ambigüe avec Clyde Tolson... D'un côté, on nous montre un Hoover manifestement névrosé (avec une mère tyrannique et un père absent) et probablement terrifié par les femmes. D'un autre côté, rien ne prouve qu'il y ait vraiment relation charnelle avec Clyde Tolson... Si Hoover était homosexuel, il était sans doute complètement refoulé ?
Finalement Eastwood a sans doute choisi la voie la plus intelligente : nous montrer un Hoover imbuvable, certes, mais peut-être plus humain qu'on ne le pense. Un individu à la fois redoutable et d'une fragilité invraisemblable. Que se serait-il passé si l'on était parvenu à prouver publiquement qu'il y avait une relation homosexuelle entre Hoover et Clyde Tolson ? Rappelons qu'à l'époque, les relations " contre-nature " étaient encore considérées comme des maladies mentales voire des crimes... Bref, au minimum le scandale et la fin de la carrière des deux individus. Et que serait ensuite devenu le FBI ?
Dès lors, il est compréhensible que Hoover soit resté jusqu'à la fin un homme secret, emportant ses mystères jusque dans la tombe.