Bon, je laisse de côté le ton véhément et les procès d'intention -qui commencent à me faire regretter d'avoir posté, sans doute trop tôt, en fait- pour répondre à vos remarques, plutôt intéressantes sur le fond.
Il est tout à fait exact que le film joue sur les représentations du public, je ne crois pas avoir dit autre chose en parlant de clichés. Mais faut-il refuser toute analyse de la culture populaire au prétexte qu'il ne s'agit pas de cinéma d'auteur ? Il me semble au contraire que c'est un reflet au moins aussi intéressant sur le plan historique que des oeuvres "intellectuelles".
Par ailleurs, je ne me prononce pas quant à savoir si les éléments que j'essaie de mettre en avant (et qui sont tout à fait critiquables et nuançables, sans aucun doute, d'autant qu'il s'agit là d'une interprétation qui n'est pas arrivée à son terme et a vocation à évoluer) sont le reflet d'une volonté ou simplement d'une imprégnation culturelle, historique, etc. Certains articles l'affirment haut et fort, mais sans preuve solide ; pur ma part, rien ne me permet de l'affirmer ou de l'infirmer.
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D'autant plus que Calame flirte avec l'hypercritique à plusieurs reprise en oubliant les éléments cités ci dessus ou en minimisant leur importance, en rapprochant ça d'autres films inconnus du grand public [Lesquels ?] et en ne considérant qu'une interprêtation possible. L'exemple de la charia est particulièrement éclairant en ce point. À lire Calame, on croirait à une broutille alors que l'actualité ne cesse de nous rapeller une réalité : la montée en puissance d'une application stricte de la charia et l'application stricte, au plus grand mépris de la déclaration universelle des DH, dans des pays comme l'Arabie saoudite. Bref, vous introduisez des jugements de valeur car, quoique vous en dites, vous jugez ce film mais il ne faudrait pas se tromper de valeurs. De même que votre argument du pilier de l'islam ne tient pas du tout la route, que ce soit hier ou aujourd'hui. Des pauvres crevant de faim au plus grand mépris des édiles, ce n'est pas neuf du tout. C'est même toujours d'actualité. Par ailleurs,je crois que certains contes des Milles et unes nuits évoquent des petits voleurs et des mendiants .
La surinterprétation est en effet le risque majeur d'une réflexion comme celle-ci, je vous l'accorde. L'actualité concernant l'application stricte de la sharia (en Afrique sub-saharienne notamment) est un peu trop récente, il me semble, pour être prise en compte dans le contexte de création d'Aladdin. La plupart des pays musulmans avaient déjà arrêté de pratiquer les châtiments corporels ; à ma connaissance, 4 pays appliquent actuellement - et devaient déjà le faire en 1992 - la mutilation physique prévue dans la sharia : l'Iran, le Yemen, l'Arabie Saoudite et les Emirats ; le Soudan a arrêté, je crois, dans les années 1980. La peine d'amputation a posé des questions et fait débat, semble-t-il, dès les débuts de l'Islam, puisque des hadiths (et ensuite des fatwa) posent des conditions restrictives (de témoins, de valeur du vol, d'âge du voleur...). (Je passe sur les différentes interprétations qui ont pu être données de la mise en place de ce châtiment au début de l'Islam, ça nous emmènerait trop loin et je n'ai pas assez de compétences pour cela.) Légalement, la scène d'Aladdin ne serait pas possible en pays d'Islam : le vol est trop faible et la demoiselle mineure.
Maintenant, est-il vraiment nécessaire de dire que ces pratiques m'horrifent et que je ne les considère pas comme des broutilles ???
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La barbiche, Le prince Jean (qui n'a pas de crinière), Scar, Sherkan, Raspoutine (mais bon là) etc ont tous une forme de barbiche mais surtout
un visage outrageusement déformé. Bref, l'hypercritique est ici flagrante : on se fixe sur une idée -qui est le fil conducteur de toute l'argumentation- au point d'en oublier le reste. La question pertinente aurait d'abord été de s'interroger sur la "typologie" Disney. Or il n'y est jamais fait allusion !!! Ici, on a clairement une lecture ou la question est :"où peut-on interprêter une chose comme raciste". On fait de Aladdin une exception, un OVNI disney pour évacuer tranquillement le langage Disney.
La recherche Google est simple : on a à peine écrit "Les méchants" que le premier choix est ceux de Disney :
http://www.google.be/search?q=les+m%C3% ... d=0CDwQsAQVous avez raison sur le fait que je n'ai pas assez étudié la "typologie Disney". Cependant, dans
cette galerie de portraits, je ne vois aucune trace d'une barbiche (ou d'un bouc, ou d'une barbichette, comme il vous plaira de l'appeler) semblable à celle que porte Jafar et qu'on trouve chez de nombreux personnages dans Aladdin, barbiche qui est associé au type de l'Arabe dans l'imaginaire populaire. La déformation des traits, certes, est toujours importante, mais celle du langage (r roulés) l'est moins, il me semble (j'avoue humblement n'avoir pas regardé tous les films disney en VO, toutefois...). Ces deux éléments sont, à mon avis, des caractères raciaux assez évidents (d'ailleurs, on trouve de nos jours à louer des "Arab goatees" dans les boutiques de déguisement), en ajoutant la couleur de peau. On peut peut-être plus discuter sur d'autres détails comme le nez. Mais il n'est pas anodin que des personnes se revendiquant comme arabes-américains se soient senties offensées par la représentation.
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Le délire de la bombe est tout de même l'exemple le plus navrant de votre argumentaire. À quel public ce film est-il destiné ? Aux enfants nés en 1980 ... Et non leurs parents !
Et alors ? Le film a-t-il été réalisé par des enfants ? Et est-ce parce qu'il a pour spectateur des enfants (et leurs parents !) qu'il se trouve émancipé du contexte idéologique dans lequel il baigne ?
Jack J. Shaheen, qui a analysé environ 200 BD américaines (à partir des années 1950 jusqu'au moment de l'écriture) avec des personnages d'Arabes ("Arab images in american comic books", Journal of Popular Culture, 1994) montre non seulement qu'aucun personnage arabe n'est présenté de manière positive, "combattant du bon côté", mais que lorsqu'ils sont mauvais (et non passifs, le cas le plus général), 3 stéréotypes sont très récurrents : le "Sheikh sinistre", le bandit, le terroriste. Par exemple, en 1988, un des épisodes des aventures de
The Punisher, "Nuclear Terrorist Over Time Square" présente des terroristes arabes qui volent du plutonium. Evidemment, là encore, on peut arguer qu'il ne s'agit que d'un exemple, et que le nucléaire est une ficelle assez courante dans les scénarios de cette époque. Mais il me semble que justement, dans pas mal de cas, ce sont des Arabes qui jouent le rôle des méchants.
En fait, je me rend compte qu'il y a un problème de méthode dans ma réflexion. Il serait plus intéressant et plus crédible de chercher à étayer la chose par une étude à plus vaste échelle (dommage, pas le temps en ce moment !) : Aladdin seul ne peut pas être représentatif, mais seulement fournir des indices ; il faudrait une accumulation d'exemples convergents pour vraiment tirer une conclusion.
Ceci dit, je note aussi qu'en 1994, soit deux ans après la sortie du film, un intellectuel se pose la question de la représentation des arabes dans la culture populaire (et qu'il n'est pas le premier), ce qui est un signe que cette représentation est considérée comme problématique. La sortie en 1991 du Robin des bois avec Kevin Costner, avec un second rôle "oriental" (M. Freeman étant "récupéré" par le héros lors des croisades) valorisé, montre un changement de mentalités. Que justement, à ce moment, Disney ne prenne pas la mesure de ce changement de mentalité (alors même qu'un certain féminisme - discutable - pointe dans le personnage de Jasmine) m'étonne.
Par ailleurs, un fait intéressant, la gentille victime dans cette BD "Punisher" est une agent des services secrets israëliens sont les parents ont été tués dans son jeune âge par des Arabes. Ca me rappelle que le gentil génie est conçu - par son chef-animateur même (cf. bonus du DVD, où il explique qu'il a pensé justement à la belle image que donnerait l'amitié entre un génie Juif et un garçon arabe), et par le fait que R. William, qui lui prête sa voix et certains mots de yiddish - comme un Juif, mais je vais me faire taper sur les doigts et accuser d'être dans la polémique. JE NE DIS PAS qu'Aladdin est conçu, volontairement, comme une oeuvre de propagande pro-israëlienne ni même qu'il en est une. Par contre, il me semble qu'on peut considérer que le contexte du conflit proche-oriental est un élément de contexte qui imprègne les animateurs et nécessairement le film. C'est à mon avis la même chose avec le problème nucléaire : un fond qui répparaît, plus ou moins volontairement.
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Bref, Aladdin est un Disney comme les autres. Ultra fidèle à la bien pensance US, présentant un monde simpliste et caricatural inspiré de l'imaginaire collectif avec un manichéïsme devant permettre au spectateur (les enfants) de s'identifier directement au héros.
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Sur ce point, je ne suis pas en désaccord avec vous comme vous semblez le penser. Ce qui m'étonne le plus, en fait, c'est le contenu de la "bien pensance US" par rapport à la date.