Il y a d'autres critiques intéressantes dans les liens afro-américains que j'ai donnés; je ne peux pas tout traduire, mais voilà quelques remarques en vrac:
Cecil Brown: "Tarentino a fait de l'esclavage une plaisanterie".
Plus historique: "Tarentino ne fonctionne que sur des clichés, mais des clichés inversés"; la littérature sudiste est en effet pleine de tels clichés: le maître de plantation bienveillant et paternel avec ses esclaves devient le maître de plantation sadique et psychopathe incarné par Di Caprio. Le noir servile et passif devient Django, un esclave courageux et combatif; le chasseur de primes des westerns, vénal et brutal devient un individu capable d'empathie et qui aide les opprimés etc.
Sauf le stéréotype du noir "Uncle Tom", qui ne change pas, et celui, très hollywoodien, de la "damsel in distress": la jeune fille prisonnière des méchants que le héros masculin doit délivrer--sans quoi il n'y a pas de film.
Le critique remarque que la demoiselle en détresse est traditionnellement jeune, jolie, passive, impuissante face à l'adversité--et blanche. Un stéréotype de femme délicate et faible, habituellement réservé aux femmes blanches, est ainsi transposé à une noire (Broomhilde) dans le film--et le critique remarque que c'est nouveau mais peu historique, parce que les femmes noires, esclaves ou non, n'ont jamais été décrites comme de faibles créatures mais comme robustes, travailleuses, autonomes et compétentes.
- autre critique qui rejoint celle que j'avais postée plus haut: selon QT, l'esclavage n'existe qu'à cause de quelques blancs méchants, idiots ou psychopathes. Le critique commente: l'esclavage est un système, une structure socio-économique, pas une question de psychologie individuelle; c'est un enfumage de le présenter ainsi.
De même, Django est individualiste, il s'occupe de ses intérêts et de libérer Broomhilde, il ne s'intéresse pas à l'émancipation collective des esclaves, seule la sienne le motive. Il est présenté dans le film comme LE noir parmi des milliers qui ne se soumet pas et prend sa vie en mains, à l'étonnement de Calvin Candie, qui professe des théories racistes selon lesquelles les noirs auraient dans leur cerveau une bosse (ou creux) de la subordination et de l'obéissance.
Le critique ajoute avec humour: Django est un libéral, un disciple d'Adam Smith, il est l'exemple de ce schéma américain fondateur: le "bootstrapping": tout individu a la possibilité de se "soulever par les bretelles" (pour trouver un équivalent très approximatif de l'expression américaine) et de réussir grâce à son initiative et son travail. Dans cette optique, la liberté n'est qu'une affaire individuelle, le capitalisme c'est la liberté, et Django est un porte-parole du capitalisme CQFD
.
Sans aller jusque là, c'est vrai que la dimension purement individuelle de la quête de liberté de Django est frappante. QT ne fait aucune référence à ces révoltes collectives qui ont fait trembler les blancs , comme celles de Nat Turner entre autres.
- autre critique intéressante: les noirs dans ce film sont présentés comme devant leur libération à des blancs évolués et bienveillants--en quelque sorte, des progressistes genre Jane Fonda
. Selon le critique, le film est de ce fait paternaliste --reprenant ainsi une vieille tradition sudiste et abolitionniste--, et même inconsciemment raciste, non pas au sens de poser l'infériorité des noirs (en fait, QT vénère la culture noire) mais en ce sens qu'il recycle inconsciemment certains préjugés et misconceptions des blancs sur les noirs.
Et surtout qu'en tant que progressiste qui aime les noirs, QT prétend parler pour eux et à leur place. Et voit ce film comme le "cadeau" qu'il leur ferait.
Enfin, un joli trait de modestie tarantinienne: QT aurait déclaré en interview que "personne ne s'était intéressé à l'esclavage depuis 30 ans" (sauf lui évidemment).
Quiconque suit un peu les publications américaines sur l'esclavage, sujet qui continue à susciter de nombreux travaux, ne peut que sourire de la présomption d' un tel énoncé.