Bonjour,
Je pense qu'en fait, un film ne peut tout simplement pas montrer une bataille de façon réaliste, voire en respectant les simples faits et le déroulement, tout simplement car ce sont deux langages différents.
Je veux dire par là qu'une bataille est nécessairement complexe et confuse, alors qu'un film doit pouvoir être immédiatement accessible et compréhensible par le grand public non-connaisseur.
Unagi a cité la bataille du Seigneur des Anneaux (je suppose la bataille des Champs du Pelennor devant Minas Tirith, où Orlando Bloom fait son kéké
). Je la trouve très représentative de ce que doit être une bataille pour être accessible au spectateur : simple dans les forces en présence et dans la tactique.
Les forces en présence sont facilement identifiables et différentiables (cavaliers humains vs fantassins Orcs). Regardez les batailles historiques : des barbares vociférants et vêtus n'importe comment contre des légionnaires disciplinés et en "uniforme" (même tenue pour tous) ; des chevaliers orgueilleux contre des fantassins patriotes ; des sauvages à moitié nus avec des sagaies contre des Tuniques rouges armés de fusils (cf. la guerre anglo-zoulou, et les films comme "L'ultime bataille")
Dans une vraie bataille, les 2 camps ne sont pas forcément différents dans leur tenue, et de toutes façons, le combat mélange tout le monde et salit les tenues - même les combattants ne savent plus qui est qui.
Un film a besoin de cette simplicité, car on n'a pas un livre (ou Wikipedia) sous la main pour vérifier ce qui se passe à l'écran. Ce qui pourrait expliquer les choix de batailles montrées par le cinéma que je viens de citer.
Ensuite, il y a la tactique. Austerlitz, c'est magnifique, c'est même un modèle du genre. Mais comment faire pour le faire comprendre au spectateur ? Napoléon affaiblit sa droite pour attirer l'ennemi, et attaque en force au centre. Ca a l'air simple comme ça, mais si on rajoute le brouillard, le terrain accidenté, la masse des combattants, les noms de tous ceux qui comptent, pour suivre ça, il faut... une carte ! Et dynamique, tant qu'à faire.
Or une carte, ça marche dans un documentaire, mais dans un film de fiction, ça casse le rythme, ce n'est pas dans le langage du support.
A la limite, on aura un des chefs expliquant son plan de bataille sur une carte à son état-major (il y a ça dans "Austerlitz" de Gance, non ?), mais ce n'est pas dynamique, et ça n'arrive qu'une fois.
Conclusion : il faut une tactique simple à suivre pour le spectateur. Et en matière de simplicité, il n'y a rien de mieux que la bonne vieille charge !
Je rajoute aussi le terrain, mais sous réserve, car je n'ai pas fait de vérification systématique. Une plaine avec un beau soleil, c'est plus simple et accessible qu'un terrain vallonné sous la flotte... Encore que cette dernière fait "réaliste", crasseux - comme Gladiator.
Puis il y a un impératif du film de fiction : il faut que ça soit spectaculaire. Et là-encore, la charge, c'est l'idéal, ça a de la gueule, ça fait des images magnifiques, surtout si son résultat est net et immédiat : soit elle se désintègre sur la défense, soit elle pulvérise ladite défense.
Je suis ainsi surpris que Crécy ou Azincourt n'aient pas eu les faveurs d'Hollywood
Ca correspond au principe des 2 camps différents, ça a le spectaculaire de la charge et sa simplicité, et surtout, on a les stéréotypes classiques des nobles bouffis d'orgueil et qui le payent face aux héroïques troufions. Sans parler que des Français qui se font dérouiller par des anglo-saxons, il paraît que c'est à la mode à Hollywood...
Enfin, et pour finir, il y a les stéréotypes. Un légionnaire, ça porte une jupette ; un chevalier, une armure de plaques brillante (avec le néon clignotant au-dessus "Tirez-moi dessus !"
) ; un Saxon, de la fourrure et torse nu...
Ca peut-être historiquement faux, mais c'est ce à quoi s'attend le spectateur. Déjà qu'il doit comprendre ce qui se passe à l'écran, pourquoi il y a une bataille, quels sont les camps, qui fait quoi, qui couche avec qui (il faut bien des personnages féminins dans toute cette testostérone, n'est-ce pas Peter Jackson ?
), si en plus il doit revoir ses stéréotypes...
Ce n'est pas pour rien qu'Astier a mis des armures de plaques à ses chevaliers de la Table Ronde dans Kaamelott, alors qu'il place l'action ouvertement à la fin de l'Empire romain. C'est parce qu'avant lui, il y a eu "Excalibur" (dont il s'inspire). Lancelot ne porte pas de la maille ou du cuir bouilli, mais une belle armure brillante (grâce au travail d'une bonne dizaine de larbins payés à la briquer, je suppose...)
Pour conclure mon propos, je ferais remarquer que le problème concerne toutes les batailles, y compris de fiction comme en SF ou en fantasy. Et ça va même au-delà, avec l'ensemble de l'activité militaire.
Vous avez déjà vu une armée US intelligente face à la routinière invasion extraterrestre/monstre géant/vermine rouge ? Au début de "Pacific Rim", les chasseurs à réaction attaquent les monstres géants A LA MITRAILLLEUSE !!! Et les robots géants préfèrent le catch (et la mort...) plutôt que d'utiliser les lasers ou les missiles installés sur leurs machines...
Vous n'avez jamais eu envie de faire écarteler le chef des armées Gungans dans "La Menace fantôme" ? Celui qui a dit
"Et les gars, on doit attirer les droïdes hors de la ville ? Laissez tomber la bonne vieille tactique de la guérilla, c'est has-been. on va plutôt mettre notre armée au milieu d'une plaine, sans soutien aérien (alors qu'en face ils ont plein de vaisseaux), et on attend sans rien faire. Ah oui, un dernier truc : SURTOUT on ne se bat pas, hein. Faut pas pousser."(NB : ceci était un coup de gueule strictement personnel. Mais quand même. Même pour des Gungans)
PS (et je finis là) : c'est hors-période, mais "La chute du faucon noir" ? On y trouve les 2 camps différenciés, la difficulté de suivre sans carte sur le pire des terrains (une ville), avec comme solution les briefings au commandement pour pouvoir suivre.