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Message Publié : 22 Nov 2016 18:38 
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Dans "la longue traque" Gilles Perrault signale que la région d'Arras a résisté tout de suite, totalement étanche à la propagande de Vichy sur "l'impérialisme anglais" : la région était couverte de cimetières britanniques de la Grande Guerre, et on savait ce qu'on leur devait. De plus la proximité de la zone interdite dirigée par les Allemands depuis Bruxelles n'annonçait rien de bon à ceux qui avaient gardé le souvenir des territoires occupés de 14.

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Message Publié : 22 Nov 2016 21:42 
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Jean Froissart
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Pierma a écrit :
Robert Spierre a écrit :
Lorsqu'on ne sait pas ce que c'est/lorsqu'on ne l'a jamais vécue, je pense qu'il est inimaginable de "concevoir" la vie sous une dictature.

Et à quoi servirait alors le métier d'historien ?

par ailleurs, on peut parfaitement avoir vécu enfant l'atmosphère d'une dictature dans le cadre familial. Les cas ne manquent pas.
Je ne vais évidemment pas remettre en cause le métier/le rôle de l'historien mais je pense que sur certains sujets/thèmes il existe une "certaine" limite (au delà de laquelle...), ou un "univers" qu'il ne pourra jamais traiter.
D'autant plus que ces "thèmes" (ou périodes de l'Histoire) sont de + en + éloignés, en ce qui concerne le temps.

Par quels moyens un historien peut expliquer, définir ce qu'est la souffrance, le vécu de cette souffrance et sa conséquence quant au comportement des individus qui la subissent et, dans un sens historique, vont l' "écrire", à savoir l'Histoire ?

Je relis l'excellent ouvrage de Nicolas Bernard, "La guerre germano-soviétique 1941-1945", et je pense que le livre ne peut "expliquer" (avec tout ce qui est lié à la logique, l'étude des documents, des faits etc.) le comportement (et ainsi, la réaction) de gens (à savoir les Russes/Soviétiques) confrontés à une situation extrême. Les situations extrêmes engendrent logiquement une réaction extrême : en lisant "La Chute de Berlin" d'Antony Beevor on prend connaissance des viols commis par les soldats de l'Armée Rouge sur les femmes allemandes : c'est horrible/abject évidemment, mais l'historien, en décrivant les faits (et en annonçant des chiffres, des statistiques) décrit-il la psyché de jeunes soldats, par exemple, biélorusses qui découvrirent, en revenant sur leurs terres (après le départ de la Wehrmacht), leurs villages détruits incluant ses habitants, c'est-à-dire leurs familles, les proches etc. ?

C'est pour cela que les notions de courage/lâcheté etc. peuvent être tendancieuses, notamment en ce qui concerne leur(s) contexte(s).
Nicolas Bernard parle du "courage" des soldats roumains à l'occasion de l'opération Uranus (pour résumer, l'encerclement de Stalingrad) mais on ne sait pas ce qu'il veut dire. Il aurait parlé de "lâcheté" et on aurait pu se demander si c'était de la "lâcheté" que de fuir, simplement armé d'un fusil, face à une horde de T-34 ?

C'est pour cela que j'évoquais l'impossibilité à décrire objectivement une situation "extrême" sans l'avoir vécue : qui peut décrire un séjour en prison sans y avoir été ?
Ainsi, pour en revenir à l'Occupation, qui peut dire, aujourd'hui, ce qu'il aurait fait à l'époque (je précise : je fais la différence entre (vrais) Résistants et miliciens) ?
D'autant plus avec, à la tête de la France, un gouvernement qui n'est pas arrivé au pouvoir par un coup d'état.

PS : mes amis, désolé si j'ai été un peu abscons...

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C'est vraiment une commune du Nord... :mrgreen:

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Message Publié : 23 Nov 2016 1:08 
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En fait, je comprends très bien ce que vous voulez dire. L'historien doit raconter l'histoire aussi près que possible, mais il est des sensations que l'on ne peut transmettre, seulement évoquer.

Ainsi les déportés juifs libérés des camps se sont rapidement rendu compte que leur vécu n'était pas compréhensible par ceux qui n'avaient pas fait l'expérience de cet enfer. Et je crois que c'est une règle psychologique qui s'impose à tous les cas extrêmes.

J'ai quelques exemples à l'appui, hormis les camps de la mort :

- A Stalingrad, l'état-major allemand s'inquiète du nombre de morts sans causes apparentes et demande à Berlin l'envoi d'une mission médicale : un nombre significatif de soldats, en bonne santé apparente, sans blessure, s'éteignent soudain comme une bougie qu'on souffle.
Après avoir autopsié quelques cas, les médecins concluent : hypertrophie du coeur, atrophie du foi, absence totale de graisse, le soldat allemand est devenu une machine à combattre, qui a consommé toutes ses graisses, mis hors service son système digestif pour se consacrer uniquement à l'effort physique, et consommé toutes ses réserves dans les combats. Une machine à combattre. Qui pourra rendre compte de cet état ou du vécu de ce lieutenant qui raconte :"Oh Dieu, pourquoi nous as-tu abandonnés ? Nous nous sommes battus 17 jours au corps à corps dans le même immeuble" (Qu'on imagine le stress provoqué par deux heures de combat au corps à corps, et maintenant, essayez de passer à 17 jours, c'est intransmissible.)

- Guy Sajer raconte qu'à la fin de la guerre, ils n'arrivaient plus à dormir couchés. La plupart des soldats dormaient debout appuyés contre un mur, par séquences successives d'une demi-heure. le stress du guerrier constamment sur la brêche.

- Georges Blond parle de la préparation allemande à Verdun: neuf heures de bombardements ininterrompus, la tête entre les genoux pour donner moins de prise aux éclats, 300 chasseurs survivants sur 1300 chez Driant, par exemple, et partout ces hommes, dont certains seront trouvés endormis -vidés nerveusement - par les Allemands, savent à peine où ils sont. Il ajoute :"Mettons nous un instant dans l'exacte condition où se trouvaient ces hommes, et avouons honnêtement qu'à leur place nous n'aurions pas combattu."

Plus près de nous, je pense à Catherine Destivelle, qui a sorti la face nord hivernale de l'Eiger en 10 heures, et disait dans un magazine :"les gens qui n'y sont pas passés - et elle parle d'alpinistes - ne peuvent pas se rendre compte de ce que c'est."

Je crois qu'il fut accepter ça comme une limite du métier d'historien, aussi bon conteur soit-il, il ne peut se mettre réellement à la place des acteurs.

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Message Publié : 20 Déc 2017 14:09 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 17 Juin 2013 18:20
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Dans la saison 7.

Geneviève est violée par plusieurs soldats US. Elle n’a pas de preuves, seulement sa parole, et l’officier US l’envoie paître, elle et son grand résistant de fiancé.
Des mois plus tard, elle apprend que ses violeurs ont été condamnés, dont un, un Noir, condamné à mort (alors qu’une phrase qu’elle dit donne à comprendre qu’il n’a été que témoin du viol). Si elle retire sa plainte, les peines ne seront pas exécutées et elle recevra de l’argent.
Apprenant la proposition, son fiancé, Antoine, s’indigne qu’on puisse avoir voulu acheter Geneviève. En rentrant chez eux, il apprend qu’elle a accepté de retirer sa plainte : avec l’argent ils pourront démarrer une ferme dans de meilleures conditions... Il se rend compte qu’il a eu tort et admire Geneviève d’avoir agi ainsi.

Tout ça est très dense. On a des libérateurs US qui commettent un viol, sans être punis par leur hiérarchie, alors que les occupants allemands ne violaient pas, et, d’ailleurs, si par extraordinaire ils avaient violé, auraient été punis (pour une relation amoureuse avec une Française, Kurt est envoyé sur le front de l’Est). Libérateurs qui ne sont ni séduisants ni sympathiques, alors que les Allemands occupants (von Ritter, Heinrich, son ordonnance, Kurt, Krüger) sont l’un ou l’autre, ou les deux. Libérateurs racistes. Et le beau drame de conscience : j’accepte l’argent, ou je demande que justice (d’ailleurs imparfaite – cf le Noir) me soit rendue. Dense, intéressant, et avec un beau cas de conscience final, cas de conscience qui est la marque propre de cette série.

Mais invraisemblable au plus haut point en ce qui concerne la fin.

La justice militaire US proposant officiellement de l’argent à une victime française pour éviter qu’un militaire US condamné subisse sa peine…
1° Au VIIème siècle, je pense, le plaignant pouvait accepter un dédommagement financier en place du châtiment du coupable. Depuis un millénaire ou plus, en Occident ce genre de chose n’a plus cours.
2° De toute façon, après la condamnation, argent ou non, c’est trop tard.
3° Même avant le jugement, le fait que la victime porte ou non plainte est sans effet, me semble-t-il, le viol étant un crime. (Tout ce que peut faire la victime, c’est de dire qu’elle a fait un faux témoignage).

À part ça :
1° Au moment où Geneviève porte plainte, les autorités US se contrefoutent du viol. On ne voit pas du tout pourquoi, des mois après, ils seraient aller exhumer cette non-affaire.
2° L’auraient-ils exhumée, et auraient-ils jugé les violeurs, qu’ils auraient fait comparaître Geneviève au procès.

En résumé : les auteurs de la série prennent les spectateurs pour des imbéciles. Ils ont raison d’ailleurs : moi aussi sur le coup je me suis laissé prendre, et c’est seulement en y réfléchissant que je me suis rendu compte à quel point ça ne tenait pas debout.


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Message Publié : 21 Déc 2017 11:26 
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jovien a écrit :
Mais invraisemblable au plus haut point en ce qui concerne la fin.

La justice militaire US proposant officiellement de l’argent à une victime française pour éviter qu’un militaire US condamné subisse sa peine…
1° Au VIIème siècle, je pense, le plaignant pouvait accepter un dédommagement financier en place du châtiment du coupable. Depuis un millénaire ou plus, en Occident ce genre de chose n’a plus cours.
2° De toute façon, après la condamnation, argent ou non, c’est trop tard.
3° Même avant le jugement, le fait que la victime porte ou non plainte est sans effet, me semble-t-il, le viol étant un crime. (Tout ce que peut faire la victime, c’est de dire qu’elle a fait un faux témoignage).

À part ça :
1° Au moment où Geneviève porte plainte, les autorités US se contrefoutent du viol. On ne voit pas du tout pourquoi, des mois après, ils seraient aller exhumer cette non-affaire.
2° L’auraient-ils exhumée, et auraient-ils jugé les violeurs, qu’ils auraient fait comparaître Geneviève au procès.

En résumé : les auteurs de la série prennent les spectateurs pour des imbéciles. Ils ont raison d’ailleurs : moi aussi sur le coup je me suis laissé prendre, et c’est seulement en y réfléchissant que je me suis rendu compte à quel point ça ne tenait pas debout.


Sauf que l'on a de nombreux témoignages qui montrent que ce n'est pas une invention de scénaristes. Les prostituées napolitaines s'étant fait une spécialités de la captation de ces sommes d'argents. Elles se faisaient mettre enceinte par un soldat américain (qui ignorait la vrai profession de la dame). Le "père" de la donzelle allait, avec sa "fille" et l’objet du délit (le petit enfant) porter plainte auprès des autorités américaines qui payaient une certaine somme pour que l'affaire soit étouffée...

Quand il y a eu procès, cela se passait souvent en cour martiale, près du front et avec seulement la présence des officiers de la cour et la lecture des PV d'audition. On allait pas chercher à quelques centaines ou milliers de kilomètres les victimes pour qu'elles viennent témoigner comme dans un procès moderne. C'était souvent assez expéditif, on avait une guerre à mener et pas que cela à faire. Si la plainte était retirée, c'était toujours cela de moins à faire, puis on mettait le gars dans une des unités du front, et si Dieu le voulait, justice serait faite ...

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Message Publié : 21 Déc 2017 11:54 
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Grégoire de Tours
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Merci de ces intéressantes précisions.
Je retiens quand même trois ou même quatre invraisemblances dans ce point du scénario (mes numéros 1°,2°,3° puis 1°, avec un doute sur mon premier n°1).

Ces Napolitaines, elles portaient plainte pour quoi ?
Il me semble que, pour un géniteur, ne pas reconnaître un enfant n'est pas un délit.
Mais c'était peut-être une infraction au code militaire, avoir une relation sexuelle avec une Italienne non prostituée ?
Ou alors elles se plaignaient, mais sans à proprement parler porter plainte ?


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Message Publié : 21 Déc 2017 12:48 
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En fait, les pseudos pères de ces napolitaines allaient crier au scandale car on avait attenté à l’honneur de leurs filles et ils réclamaient qu'il y ait réparation. Donc théoriquement que le "fautif" épouse la dame ... Mais, ils acceptaient la liasse de billet pour "solde de tout compte" que leur délivraient les autorités militaires pour taire le scandale ... Apparemment, ils ont mis du temps à comprendre qu'il ne s'agissait que d'une arnaque, que l'on se repassait les nourrissons et que les pauvres filles qui avaient vu leur vertu atteinte n'en avaient pas tant que cela ... de vertu, bien évidemment...

La plupart des boys avaient une fiancée au pays et c'étaient laissé entourlouper par ces filles... Le fait est que ce petit traffic s'est mis en place justement parce que les autorités militaires américaines payaient facilement pour que le scandale n'éclate pas au grand jour...

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