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Message Publié : 06 Avr 2021 18:31 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Nebuchadnezar a écrit :
Lors du procès en béatification, l'Eglise remet ensuite les points sur les "i" en évoquant des propos allégoriques et en les raccrochant aux faits incontestés.
Qu'en pensez-vous ?
Oui.
Et je pense même qu'elle l'a fait bien avant la béatification et la canonisation (1909) : elle a fait cela dans le procès en nullité de la condamnation (1456).


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Message Publié : 06 Avr 2021 18:58 
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Jean Froissart
Jean Froissart

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Nebuchadnezar a écrit :
... je me méfie toujours de cette démarche de diagnostiquer un personnage historique sur des témoignages plus ou moins partiels et partiaux...

Alors il va vous falloir brûler plus d'une biographie. ;) Quant aux choix des mots "folle" ou "menteuse", ceci ne devrait pas même effleurer l'esprit d'un historien.
Folle ? L'historien ne peut l'évoquer, ce n'est pas dans son cursus, pas plus que menteuse à ce niveau qui tiendrait de la mythomanie + hallucinations visuelles et auditives : ce n'est plus du domaine de l'historien.

Citer :
... l'aval de Dieu, sauf s'ils s'agit d'artifices temporaires du Diable. Dans la mentalité médiévale, il n'y a pas d'alternative, ...

Nous en revenons au choix de "sorcière" ou "sainte". La "chance" n'existe pas en ces temps.

Citer :
Jeanne DOIT avoir été inspirée, par des visions d'anges, des voix, etc.

Non. Preuve en est : elle sera brûlée comme sorcière, ce qui ne fera nullement les pôles s'inverser ou la terre se mettre à tourner à l'envers et encore moins Charles VII se sentir un poil ennuyé.
A ce moment, la politique change vite (ce qui échappe un peu à Jeanne, là la fine analyse de Dieu est un peu en retard aussi...) et Jeanne avec ses choix enfin plutôt son comportement intransigeant/borné/limité/binaire (au choix) devient problématique. Je cite Beaune -là je pense du même car l'histoire du duché de Bourgogne m'intéresse- :

"... (Charles VII) voulait de toute façon changer de politique, négocier avec la Bourgogne, ce à quoi Jeanne s’opposait. Qu’elle soit mise hors jeu temporairement ne le gênait donc pas."

Quant au jugement alentour, le gagnant remporte l'adhésion et :
"Sur le plan collectif, l’opinion attendit de voir comment évoluerait le règne de Charles VII : si Dieu lui donnait par la suite victoire, paix et prospérité, c’est qu’Il ne lui tenait pas rigueur pour la passivité qu’il avait montrée en 1430-1431. Or, les victoires s’accumulèrent. Les troupes royales entrèrent dans Paris au printemps 1436, comme la Pucelle l’avait annoncé, puis le 19 octobre 1449 le roi entra à Rouen après une campagne à laquelle il avait activement participé, enfin, en 1450, la Guyenne, anglaise depuis le XIIe siècle, redevint française et en 1453 Bordeaux tomba."

Jeanne avait dit vrai mais que faire lorsque des princes de sang sont prisonniers en Angleterre et la rançon trop haute. A combien estimer une sainte ? Pour les Anglais, c'est une sorcière : on ne peut donc s'entendre.
L'église avait eu sa part de torts, il lui appartenait de les réparer. Ce qui fut fait (je viens de lire Karolus). Avec le début du Conflit des Deux-Roses, l'Anglais n'était-il pas puni (ce qui montre de quel côté est Dieu) ?
Les choses étaient rentrées dans la normalité. Pourquoi Charles VII se serait senti coupable ? Dieu n'avait pas envoyé un char de feu -comme pour Elie- afin d'épargner la jeune fille. Ainsi soit-il donc.
*

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


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Message Publié : 19 Oct 2022 11:01 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Rebecca West a écrit :
A ce moment, la politique change vite (ce qui échappe un peu à Jeanne, là la fine analyse de Dieu est un peu en retard aussi...) et Jeanne avec ses choix enfin plutôt son comportement intransigeant/borné/limité/binaire (au choix) devient problématique. Je cite Beaune -là je pense du même car l'histoire du duché de Bourgogne m'intéresse- :
"... (Charles VII) voulait de toute façon changer de politique, négocier avec la Bourgogne, ce à quoi Jeanne s’opposait. Qu’elle soit mise hors jeu temporairement ne le gênait donc pas."

Oserais-je dire que Jeanne d'Arc voulait une "négociation à la Poutine" tandis que Charles VII aurait été pour un gentlemen's agreement" ?

Après la victoire de Patay, elle aurait fait porter à Philippe de Bourgogne une lettre l”invitant à assister au sacre du Dauphin (ne jamais oublier que Bourgogne est aussi prince Valois), et le 17 juillet 1429, jour du sacre, elle a écrit une lettre au duc de Bourgogne l'enjoignant à faire la paix avec Charles VII ; une paix inconditionnelle :
« Hault et redoubté prince, duc de Bourgoingne, Jehanne la Pucelle vous requiert de par le Roy du ciel, mon droicturier et souverain seigneur, que le roy de France et vous, faciez bonne paix ferme, qui dure longuement. Pardonnez l'un à l'autre de bon cuer, entièrement, ainsi que doivent faire loyaulx chrestians ; et s'il vous plaist à guerroier, si alez sur les Sarrazins. Prince de Bourgoingne, je vous prie, supplie et requiers tant humblement que requerir vous puis, que ne guerroiez plus ou saint royaume de France, et faictes retraire incontinent et briefment voz gens qui sont en aucunes places et forteresses dudit saint royaume; et de la part du gentil roy de France, il est prest de faire paix à vous, sauve son honneur, s'il ne tient en vous. Et vous faiz à savoir de par le Roy du ciel, mon droicturier et souverain seigneur, pour vostre bien et pour vostre honneur et sur voz vie, que vous n'y gaignerez point bataille à rencontre des loyaulx François, et que tous ceulx qui guerroient oudit saint royaume de France, guerroient contre le roy Jhesus, roy du ciel et de tout le monde [...] »

Il serait intéressant de regarder, en contrepoint de cette lettre au ton comminatoire, la teneur des négociations ; car négociations il y avait : elles ont peut-être commencé dès le jour du sacre : Philippe le Bon a dépêché une délégation pour y assister ; elle était conduite par le bailli d'Artois mais nous ignorons si elle avait une mission précise. Vers le 1er août, des négociation sérieuses ont commencé à Arras (où se trouvait le duc Philippe). Elles ont donné lieu, vers le 1er août, à une suspension d'armes de 15 jours suivie à la fin du même mois d'une trêve générale signée à Compiègne, devant durer jusqu'au 25 décembre.
Cette trêve n'était pas si "générale" que ça, puisque l'armée royale, Jeanne d'Arc "en tête", a tenté l'assaut sur Paris (bourguignon) le 8 septembre.

Y avait-il deux partis : un parti modéré et un parti intransigeant dont la Pucelle ?


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Message Publié : 19 Oct 2022 14:37 
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Jean Froissart
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Karolvs a écrit :
Oserais-je dire que Jeanne d'Arc voulait une "négociation à la Poutine" tandis que Charles VII aurait été pour un gentlemen's agreement" ?
Il serait intéressant de regarder, ... la teneur des négociations ; car négociations il y avait : elles ont peut-être commencé dès le jour du sacre ... elle était conduite par le bailli d'Artois mais nous ignorons si elle avait une mission précise.
Vers le 1er août, des négociation sérieuses ont commencé à Arras (où se trouvait le duc Philippe).
... Y avait-il deux partis : un parti modéré et un parti intransigeant dont la Pucelle ?

Je ne m'arrête pas sur le contenu de la lettre de Jeanne à Philippe II "le Bon". C'est -d'après Beaune- le style et le ton de la personne ; cette occurrence lui vaudra -un temps- d'être appréciée.

Vous évoquez des  négociations sérieuses. Je n'ai pas trouvé trace de ces négociations chez Calmette (Les princes de Bourgogne) pas plus chez Contamine (Charles VII) ni chez Minois (La Guerre de Cent Ans) ou chez Schnerb (L'Etat bourguignon). Je n'ai pas les bios de Vaughan sous la main, bio de Philippe II qu'il faut prendre avec un certain recul. Je suis peut-être passée à côté.

Est évoqué un vague essai de La Trémoille à des échanges (la ville d'Arras n'est pas mentionnée) en 1429-1430 . Schnerb évoque un mauvais timing en ce qui concerne Bourgogne ; Contamine une volonté de Charles VII de traiter en position de force. Les deux mettent l'épisode au crédit de La Trémoille, une initiative personnelle visant à mettre Jeanne en difficulté :
- démontrer les difficultés de Jeanne sur le terrain de la négociation ?
- Jalousies d'influence(s)  ?
- Reste de proximité avec les Valois/Bourgogne ?
- un peu des trois ?

Par ailleurs le duc était très occupé avec diverses successions. Auriez-vous plus de précisions quant à ces négociations ?

Un bipartisme (sinon plus) est évident et tous les coups seront permis. On peut noter ceci avant l'arrivée de Jeanne et au sein des deux cours. Les héritiers ne font que reprendre le flambeau avec un apport supplémentaire d'événements. Suivant les fils, ce sera en mode opposition à la politique du père (Henry V) et choix d'une franche ouverture à la Bourgogne, soit -côté bourguignon- une inflexion dans la vision du conflit qui ajoute la notion de guerre juste .
Après Montereau, la politique bourguignonne d'attache à l'Angleterre essentiellement économique puis de plus en plus politisée avec Jean Ier et son rapport au pouvoir, prend une tournure de choix d'honneur.
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Message Publié : 20 Oct 2022 13:36 
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Philippe de Commines
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Rebecca West a écrit :
[...]
Vous évoquez des  négociations sérieuses. Je n'ai pas trouvé trace de ces négociations chez Calmette (Les princes de Bourgogne) pas plus chez Contamine (Charles VII) ni chez Minois (La Guerre de Cent Ans) ou chez Schnerb (L'Etat bourguignon). Je n'ai pas les bios de Vaughan sous la main, bio de Philippe II qu'il faut prendre avec un certain recul. Je suis peut-être passée à côté.

Est évoqué un vague essai de La Trémoille à des échanges (la ville d'Arras n'est pas mentionnée) en 1429-1430.
Schnerb évoque un mauvais timing en ce qui concerne Bourgogne ; Contamine une volonté de Charles VII de traiter en position de force. Les deux mettent l'épisode au crédit de La Trémoille, une initiative personnelle visant à mettre Jeanne en difficulté :
- démontrer les difficultés de Jeanne sur le terrain de la négociation ?
- Jalousies d'influence(s)  ?
- Reste de proximité avec les Valois/Bourgogne ?
- un peu des trois ?
La Trémouille…
Feu Philippe Contamine lui consacre quelques pages dans son Jeanne d'Arc – Histoire et Dictionnaire (ouvrage collectif chez éd. R. Laffont).

Le " vague essai de La Trémoille à des échanges"
P. Contamine indique que La Trémouille a participé en août 1429 à une " journée " à la Fère-en-Tardenois aux côtés du chancelier Regnault de Chartres, de Poton de Xaintrailles et de La Hire, avec comme interlocuteurs Jean de Luxembourg, le chancelier Rolin et le sire de Croÿ. Contamine y voit un " indice parmi d'autres que, quelle que soit son influence auprès de Charles VII, qui, semble-t-il, le redoutait, La Trémouille n'était pas seul, il avait sa place à l'intérieur de toute une partie du conseil royal ".

La divergence entre La Trémouille et la Pucelle
Contamine explique que cette divergence n'est apparue qu'après le sacre de Reims : divergence entre la combattivité vibrionante de la Pucelle et le pragmatisme de La Trémoille. a Trémouille était au premier rang de ceux qui souhaitaient renouer un lien avec la Bourgogne, pour enfoncer un coin entre Philippe le Bon et le gouvernement anglais ; ceci pour des raisons de politique générale (lesquelles?) et pour des considérations militaires.
La Pucelle, elle, était dans " autre chose "…

La Trémouille voulait-il mettre Jeanne en difficulté ?
Contamine argue que non : il ne voulait pas neutraliser Jeanne d'Arc, mais seulement canaliser son enthousiasme. Il utilisera même sa combativité pour régler un compte personnel avec Perrinet Gressart.
Trémouille ne s'est pas opposé à l'assaut contre Paris par jalousie envers la Pucelle, ni parce qu'il aurait joué un jeu trouble avec le Bourguignon, mais par pragmatisme : il pensait que cet assaut entraînerait "trop grande occision car les […] assaillants avaient intention comme l'on disait d'occire et ardre ". En somme, il voulait qu'on ménage Paris ; son pragmatisme voulait qu'on ne détruise pas la ville qu'on voulait avoir, qu'on n'agisse pas en contradiction avec les trêves en cours, qu'on ne rendre pas impossible une paix future.

En conclusion de son article, Contamine a écrit : […] Malgré tous les défauts du grand chambellan (brutalité, cupidité, cynisme : la liste pourrait être allongée), son gouvernement fut loin d'être une catastrophe pour Charles VII : il fut du côté la Pucelle pendant plusieurs mois et, s'il prit pleinement ses distances à partir d'août 1429, estimant qu'elle faisait fausse route compte tenu du rapport des forces, il sut en gros préserver les gains territoriaux que l'action est l'ascendant johanniques avaient valus au roi Valois. Son idée force était de ruiner les conséquences de la "paix finale" de Troyes, soit par la diplomatie soit par la guerre. Sa principale faiblesse fut cette calamiteuse querelle avec Richemont. [...]

Rebecca West a écrit :
Par ailleurs le duc était très occupé avec diverses successions. Auriez-vous plus de précisions quant à ces négociations ?

Je n'ai que quelques informations générales, glânées ici et là. Pour l'essentiel :

D'abord, nous avons la lettre de Jeanne d'Arc à la ville de Reims, bien connue, datée peu après le sacre (5 août 1429), dans laquelle elle indique que le roi a conclu avec le duc de Bourgogne une trêve de quinze jours, à l'expiration de laquelle le duc doit lui rendre Paris. Malgré la promesse de rendre Paris, Jeanne dit qu'elle n'est pas contente de la trêve et qu'elle ne sait pas si elle la respectera, et que si elle la respecte, ce sera seulement pour garder l'honneur du roi ; et si la paix n'est pas signée à l'expiration de la trêve de 15 jours, l'armée sera prête à agir, s'ils ne font la paix.

Henri Wallon, sans son Jeanne d'Arc[i] de 1879, donne un appendice dédié entièrement aux trêves en question. On peut lire cet appendice sur le site Ste Jeanne d'arc. Il renvoie vers une source que je n'ai pas trouvée sur internet : les "[i]Preuves de l'Histoire de Bourgogne", de dom Plancher (XVIIIème siècle)

à H. Wallon, je préfère encore ce qu'a écrit Philippe Contamine dans son " Bouquins " précité, que je cite plus longuement ici :
[...]
Survinrent la levée du siège d'Orléans, la campagne sur la Loire moyenne, le voyage du sacre et couronnement, le sacre lui-même (17 juillet 1429). De Gien à Reims, Charles VII récupéra ainsi quantité de villes réputées bourguignonnes. Le duc Philippe était sur la défensive. Une ambassade bourguignonne assistait à l'événement.

Des conférences se déroulèrent à Arras, où se trouvait le duc. Du côté français, il y avait Regnault de Chartres, chancelier de France, Christophe d'Harcourt et le sire de Gaucourt. On aboutit aux alentours du 1er août à une suspension d'armes de 15 jours. Le 16 août, les offres de Charles VII, cautionnées par les ambassadeurs du duc de Savoie, également présents, furent formulées ainsi : le roi reconnaissait quasiment sa culpabilité dans le meurtre de Jean sans Peur, le duc et ses vassaux seraient exempts de tout hommage et de tout serment de fidélité durant la vie de Charles VII. L'honneur bourguignon était sauf. Il convenait pour aboutir à la paix de conclure ou de prévoir une « abstinence générale » (la cessation des combats). Des propositions de paix furent faites aussi en direction de l'Angleterre, que les ambassadeurs de Savoie jugèrent insuffisantes. Le duc était perplexe, les Arrageois flattaient les Français. Etait-ce le prélude à une entrée facile de Charles VII dans Paris dès lors que la ville ne demeurait « anglaise » que parce qu'elle était « bourguignonne » ?

Jeanne d'Arc et une partie des chefs de guerre ne le croyait pas, car ils soupçonnaient à bon droit la duplicité du duc Philippe. Charles VII comptait sans doute regagner rapidement ses bases, au sud de la Seine, puis de la Loire. Les Anglais l'en empêchèrent. L'armée royale, bon gré mal gré repartit vers le nord : Paris redevenait l'objectif.

Les négociations continuaient. Elles aboutirent, le 28 août, à la conclusion à Compiègne de trêves générales, à effet immédiat, entre France et Bourgogne. On voit tout à l'oeuvre, à cette occasion, le parti de la paix, fort composite, puisque s'y trouvent René d'Anjou, duc de Bar, les Comtes de Clermont et de Vendôme, le sire d'Albret, l'archevêque de Reims Regnault de Chartres, l'évêque de Sées, Robert de Rouvres, le sire de La Trémouille, Christophe d'Harcourt, le Bâtard d'Orléans, les sires de Trêves et de Gaucourt. Ces trêves, prévu pour durer jusqu'au 25 décembre, s'étendaient au territoire situé sur la rive droite de la Seine, depuis Nogent-sur-Seine jusqu'à son embouchure. Des villes comme Amiens et Saint-Quentin qui étaient semble-t-il disposées à changer d'obédience se trouvaient donc rejetées dans l'espace bourguignon.

La question se pose de savoir si les Français en s'installant à Saint-Denis, en assaillant Paris, contrevenaient aux trêves, avec la complicité de Charles VII. En fait, la publication des trêves ne fut pas immédiate et le sort de Paris n'était pas des plus clairs. Le fait est que ce fut seulement par un acte du 18 septembre, 10 jours après la malheureuse tentative de la Pucelle, que Paris, le bois de Vincennes, Saint-Denis et les ponts de Saint-Cloud et de Charenton, en aval et en amont de la ville, furent formellement compris dans les trêves.

Il n'empêche que la coalition anglo-bourguignonne avait eu très peur. Le résultat fut que, par un acte donné à Paris le 13 octobre 1429, en présence du Régent Bedford, du duc de Bourgogne, du cardinal d'Angleterre Henry Beaufort, des évêques de Beauvais (Cauchon) et de Noyon (Mailly), du comte de Guise (Jean de Luxembourg), la garde de Paris et de tout ce qui restait de la « France anglaise » en dehors de la Normandie fut confiée au duc de Bourgogne.

Les négociations continuaient : le 10 octobre eu lieu à Saint-Denis une rencontre entre Regnault de Chartres, le cardinal Beaufort et Jean de Luxembourg, prévoyant une grande conférence de paix le 1er avril 1430 à Auxerre. Il ne faut jamais oublier dans tout cela le désir de paix d'une population à bout.

Même après Orléans, Patay et Reims, les Anglo-Bourguignons n'avaient pas renoncé : un rapport du bourguignon et anglophile Hur de Lannoy, datable du mois d'octobre 1429, envisageait notamment la possibilité d'obtenir le concours actif du duc de Bretagne (il lui promettait le Poitou, à conquérir) et d'Arthur de Richemont (il lui serait offert l'épée de connétable de France, la Touraine, la Saintonge, l'Aunis et La Rochelle, là aussi à conquérir).

Par suite d'une intervention de Raoul de Gaucourt, les trêves du 28 août 1429 furent prolongées jusqu'au 15 mars et même jusqu'au 16 avril 1430. La guerre reprit alors. La contre-offensive anglo-bourguignonne fut déclenchée. Elle se porta sur Compiègne. Philippe le Bon, qui, dans sa magnificence, venait de fonder son ordre de la Toison d'Or, était d'autant plus volontaire que Bedford, le 8 mars, lui avait cédé le comté de Champagne, à charge pour lui de le reconquérir sur les Français. Et, cependant, la conférence d'Auxerre n'était pas décommandée. Malgré tout, le 6 mai, de Compiègne, une lettre manifeste, émanant du camp de Charles VII, dénonçait la duplicité bourguignonne : les trêves n'avaient été qu'un leurre. Tardive clairvoyance. Le 23 survint la prise « inespérée » de Jeanne d'Arc. Dans la lettre, datée de Venette-lès-Compiègne le 25 mai, par laquelle il annonçait cette grande nouvelle à son oncle Amédée VIII duc de Savoie, Philippe le Bon - le bon apôtre - lui signifiait que les conférences d'Auxerre étaient prorogées au 1er juin : le cardinal d'Angleterre était troujours d'accord, lui-même y était favorable « pour la révérence de Jésus-Christ et en faveur du peuple de ce dit royaume qui tant a souffert et souffre en tous états » qu'on doit en avoir «pitié et compassion». Le duc de Savoie, en tant qu'intermédiaire, était prié de s'informer sur les intentions de l'adversaire : avait-il véritablement « affection et volonté pure d'entendre et venir » à la paix générale ? Effectivement à cette date on peut en douter, d'autant que la bataille d'Anthon du 11 juin allait quelques jours plus tard démasquer les intentions bourguignonnes.

Et malgré tout, tenace, l'espoir de paix demeurait. Le pape Martin V y songeait et avait désigné pour cela son légat le très pieux Nicolas Albergati [...]


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Message Publié : 24 Oct 2022 20:30 
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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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Je vous remercie pour ces précisions.

Peut-on raisonnablement songer qu'avec le décès d'Henry V, la Bourgogne a été quelque peu désemparée et ait -vu les régents choisis- opté pour un rapprochement français afin d'anticiper d'éventuelles difficultés ?
Concernant la régence du royaume de France pendant la minorité d'Henry VI : est-ce insensé de songer que le duc de Bourgogne aurait pu y être associé sur proposition d'Henry III (écrite, lue ensuite au duc de faire le choix ?) ; si oui, pourquoi Henry III ne s'est pas attaché un tel allié ?
Le décès de Bedford n'a-t-il pas achevé une construction très fragilisée ?

Certains rapprochements -chez les tenants d'une paix- peuvent être vu comme hétéroclites cependant trouver Anjou côtoyant un représentant de la Bretagne (les unions familiales ayant été judicieusement choisies) se comprend et montre qu'en effet, à la vue de cet assemblage, il devenait prudent pour Bourgogne de revoir ses alliances.
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Message Publié : 25 Oct 2022 10:48 
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Philippe de Commines
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Inscription : 30 Juil 2003 21:44
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Rebecca West a écrit :
Concernant la régence du royaume de France pendant la minorité d'Henry VI : est-ce insensé de songer que le duc de Bourgogne aurait pu y être associé sur proposition d'Henry III (écrite, lue ensuite au duc de faire le choix ?) ; si oui, pourquoi Henry III ne s'est pas attaché un tel allié ?

Henry III ?
Sur son lit de mort, Henry V aurait destiné la régence à Philippe le Bon.
Le fait n'est pas avéré. Qui l'a allégué ?

Bourgogne aurait décliné la proposition.
Pourquoi ?
Hypothèse : pour ne pas insulter l'avenir, pragmatisme.
D'abord, on constate que Philippe le Bon ne jugeait pas utile de tenir Charles VII comme illégitime de naissance ; seulement illégitime "moralement", par suite de la félonie du pont de Montereau. La chose était "réparable", et elle recevra de facto un commencement de réparation à la trêve du 16 août 1429.
Ne pas insulter l'avenir : s'il fallait devenir régent, il eût mieux valu devenir régent du Valois en France que du Lancastre en France, étant soi-même du sang des Valois. Mais cela entraînerait la continuation de la guerre civile si préjudiciable à la prospérité et la puissance qu'on recherche. Par conséquent, gardons nous d'accepter quelque régence que ce soit ; surtout qu'on peut espérer mieux qu'une régence, qui est par définition quelque chose de temporaire.

Et, tout de même, au fond, Bedford, beau-frère de Philippe de Bourgogne, n'arrive finalement pas à grand chose en royaume de France, et il ne lâche rien : Paris était prêt à se rendre à condition que fût au duc Bourguignon, mais Bedford n'y a pas consenti. Pour Philippe, peut-être qu'il vaudrait mieux que Bedford s'en retourne s'occuper de ses affaires d'outre-Manche (ou à la rigueur de Normandie), ainsi, Bourgogne pourrait mieux labourer son sillon continental, entre françois. Cré nom ! Entre Valois, on est encore capable de se f.... sur la gu... tout seuls comme des grands sans que les mangeurs de pudding viennent y mettre leur sauce à la menthe !... :mrgreen:

Rebecca West a écrit :
Le décès de Bedford n'a-t-il pas achevé une construction très fragilisée ?

Certes, Bedford a fait sacrer Henri VI "roi de France" à la Noël 1431, mais en 1435 il ne contrôle guère plus que sa Normandie. Ses derniers échecs militaires (Lagny) lui ont d'ailleurs valu de se "faire remonter les bretelles" à Londres. Le pudding anglais en France achève de se décomposer.

Quand Bedford rend son dernier souffle le 14 septembre 1435, l'ex-allié bourguignon est déjà loin dans sa marche vers un autre avenir : il est à quelques jours de signer la paix avec Charles VII (traité d'Arras, 21 septembre). La paix des Valois aurait été signée en septembre 1435 même si Bedford n'était pas décédé.


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Message Publié : 25 Oct 2022 13:44 
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Jean Froissart
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Karolvs a écrit :
Qui l'a allégué ? ... Bourgogne aurait décliné la proposition.

En effet "qui a allégué" ?
Connait-on la source qui avance le refus de Philippe II "le Bon" ?
Citer :
... seulement illégitime "moralement", par suite de la félonie du pont de Montereau. La chose était "réparable", et elle recevra de facto un commencement de réparation à la trêve du 16 août 1429.

Comment une trêve peut annuler/effacer l'assassinat d'un duc ?
N'était-ce pas à la justice du moment d'en décider ? Philippe "le Bon" pouvait estimer seul ce qui compensait la faute (assassinat de son père) ? Comment se fait-il qu'il en ait été autrement pour Louis d'Orléans (la question a été discutée/disputée).
Citer :
Ne pas insulter l'avenir : s'il fallait devenir régent, il eût mieux valu devenir régent du Valois en France que du Lancastre en France...

Pourquoi ? Ne serait-ce pas une vision/lecture actuelle et française des événements ?
En France, le duc de Bourgogne n'avait pas à espérer une quelconque régence : Charles était en âge de gouverner et il avait un fils à lui succéder. Il aurait fallu une suite énorme de fâcheux hasards pour une régence en place et un Bourgogne admis à cette régence. Les leçons avaient dû être tirées -au niveau des princes- d'un Jean "sans Peur" aux manettes.

Bien que né Valois, Bourgogne -de part le statut de son duché et autres possessions- ne semblait pas avoir été trop taraudé par la fibre familiale. Par ailleurs, désormais, il est autant implanté familialement, au sein des princes anglais tout en ayant su garder un équilibre d'unions avec la France.
Citer :
Par conséquent, gardons nous d'accepter quelque régence que ce soit ; surtout qu'on peut espérer mieux qu'une régence, qui est par définition quelque chose de temporaire.

J'entends bien mais hormis obtenir être prince-référent sur le royaume de France pour un Lancastre, Bourgogne n'avait rien espérer côté France sinon rentrer dans le rang des princes de sang français, être un parmi les autres et pas forcément le mieux loti car le dernier arrivé. D'où peut-être une option naissante vers le Saint Empire, ce qui montre aussi que la France n'est pas le but final de la politique bourguignonne, tout au plus un pivot et un recours si rien de mieux n'aboutit.

Pourquoi, soudainement le duc de Bourgogne négocie plus ou moins voire s'accommode d'ouvertures a minima afin de s'orienter vers une paix après avoir été très présent lors du traité de Troyes ?
Est-ce une fatigue palpable de ses sujets ? La crainte de nouveaux problèmes dans ses possessions septentrionales ? Une révision de choix économiques anglais (plutôt abonder la Bretagne que les PBB en laine ou autre) ?
Citer :
Paris était prêt à se rendre à condition que fût au duc Bourguignon, mais Bedford n'y a pas consenti...

Est-ce là que Bourgogne comprend que, désormais, l'Anglais sûr de son fait prend du recul avec l'allié d'hier ? Ce qui aurait amené Philippe à reconsidérer -et soudain se souvenir de sa naissance- sa place au sein d'une cour ?
Citer :
Pour Philippe, peut-être qu'il vaudrait mieux que Bedford s'en retourne s'occuper de ses affaires d'outre-Manche (ou à la rigueur de Normandie), ainsi, Bourgogne pourrait mieux labourer son sillon continental, entre françois. Cré nom ! Entre Valois, on est encore capable de se f.... sur la gu... tout seuls comme des grands sans que les mangeurs de pudding viennent y mettre leur sauce à la menthe !... :mrgreen:

Vous présentez la chose étonnement :-) cependant, à la tête d'un tel duché, j'imagine que l'on ne plaisante pas avec la politique ni dans le choix des alliances. On ne se réveille pas un matin avec la fibre Valois qui se rappelle à vous : il a fallu un intérêt qui tienne la route et des propositions.
Quelles furent les propositions françaises et à quel moment et pourquoi ce changement chez Philippe "le Bon" ?
A moins qu'un désintérêt anglais palpable n'ait obligé le bourguignon à revoir ses alliances.

Vous évoquez un recadrage anglais concernant Bedford : qui ? Un personnage du conseil de Régence ? Certains Grands ?
En quel sens Bedford aurait-il été recadré : est-ce le début du désintérêt anglais pour la France et la difficulté -vu les échecs- d'obtenir des prébendes ?
Est-ce déjà au sein de la Cour anglaise quelque(s) prince(s) ambitieux déçus eux aussi des choix d'Henry V voire carrément muselés par Henry V (l'homme n'était pas un tendre) et cherchant à se placer auprès d'un Henry VI mineur donc estimé influençable ?
Il semblerait qu'Henry V n'ait pas été très clairvoyant dans le choix des hommes pour le tutorat de son fils.
Citer :
La paix des Valois aurait été signée en septembre 1435 même si Bedford n'était pas décédé.

Qu'est-ce qui vous amène à cette conclusion ?
Et/ou quelles sont les propositions faites à Bourgogne afin qu'il efface -et ceci obérera les ambitions de son fils- tout envie d'alliance(s) avec l'Anglais ?
N'est-ce pas plutôt le constat que l'Anglais semble songer que bon ou mauvais, le sort de la France henricienne se jouera sans la Bourgogne tout simplement parce-que les désirs ne suivent plus et la balance budgétaire ne souhaite plus abonder un puits sans fond alors que déjà des remous intérieurs se font sentir ?
Une régence est toujours propice à problèmes : voyez combien, lors de la minorité de Richard II, les ambitions d'un Jean de Gand étaient craintes au point qu'il fut shunté ; ceci ne fit qu'accentuer les ambitions de son fils qui règnera.
Il est étonnant qu'un roi tel Henry V n'ait pas songé à s'attacher la Bourgogne. Tellement étonnant que ceci peut être ressenti comme un début d'éloignement d'un allié devenu peut-être un peu moins sûr.
.

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Message Publié : 25 Oct 2022 18:01 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 30 Juil 2003 21:44
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Karolvs a écrit :
Qui l'a allégué ? ... Bourgogne aurait décliné la proposition.
Rebecca West a écrit :
En effet "qui a allégué" ?
Connait-on la source qui avance le refus de Philippe II "le Bon" ?
Désolé, je ne sais plus où j'ai lu cela.
Il y avait aussi une histoire de pension qu'Henry V aurait promise à Philippe le Bon en échange de sa reconnaissance du droit à la couronne, et dont Philippe réclama le paiement à Bedford (qui rechigna, si je me souviens bien).


Karolvs a écrit :
... seulement illégitime "moralement", par suite de la félonie du pont de Montereau. La chose était "réparable", et elle recevra de facto un commencement de réparation à la trêve du 16 août 1429.
Rebecca West a écrit :
Comment une trêve peut annuler/effacer l'assassinat d'un duc ? N'était-ce pas à la justice du moment d'en décider ?
La justice du moment, c'est une vision/lecture un peu actuelle de la " procédure criminelle ".
Quelle justice du moment, c'est-à-dire quel juge ou collège de juges, neutres et reconnus par les deux partis, pouvait juger le puissant Jean sans Peur ? Il a fait "légaliser" par l'Université et par la vox populi parisienne l'assassinat de Louis d'Orléans comme un régicide.
Même genre de question pour l'assassinat de Montereau : quel tribunal reconnu par les deux partis aurait pu juger ça ?


Rebecca West a écrit :
Philippe "le Bon" pouvait estimer seul ce qui compensait la faute (assassinat de son père) ?
Oui, si on regarde toute l'affaire à travers la logique (juridique) de la faide (privatisation de la justice), et en l'absence d'instance judiciaire au sens moderne du terme (cf supra : quel juge…?).
En 1429, Philippe ayant abondamment demandé raison par les armes (et comment ! : toute une guerre civile, depuis 10 ans) il peut à présent estimer, sans faillir à l'honneur, qu'on arrive à la phase où il pourrait lui être possible d'accepter un compromis. D'où les échanges diplomatiques et la trêve dont nous avons parlé précédemment.
En 1435, il peut conclure : les concessions de Charles VII peuvent être acceptées sans forfaire à l'honneur en regard des usages féodaux : Charles reconnaît la responsabilité des siens dans le meurtre de Jean sans Peur, cède plusieurs villes à Philippe, le dispense de prêter l'hommage vassalique au roi de France du vivant de Charles….etc. C'est le traité d'Arras.

Il est évident que l'application du " code de la chevalerie " est grandement facilitée par les nécessités terre à terre, urgentes, d'un côté comme de l'autre, de mettre un terme à la guerre civile qui ne règle rien et qui coûte si cher à tout le monde.


Rebecca West a écrit :
Comment se fait-il qu'il en ait été autrement pour Louis d'Orléans (la question a été discutée/disputée).
En a-t-il vraiment été autrement ?
Certes, au départ, sur le papier, il y avait encore un juge reconnu légitime par tous, et non impliqué, qui aurait pu " arbitrer " : le roi Charles VI. Il était a priori innocent, sacré (je crois qu'il a d'ailleurs tenté une médiation en réunissant les deux parties à Chartres), mais il était fol ; ce qui nous ramène à la même question : quel juge accepté par tous ? L'Université ? Jean sans Peur avait fait "légaliser" l'assassinat par l'Université et le peuple de Paris.


Rebecca West a écrit :
(la question a été discutée/disputée).
Vous voulez dire : discutée sur le forum ?


Karolvs a écrit :
Ne pas insulter l'avenir : s'il fallait devenir régent, il eût mieux valu devenir régent du Valois en France que du Lancastre en France...
Rebecca West a écrit :
Pourquoi ? Ne serait-ce pas une vision/lecture actuelle et française des événements ?
En France, le duc de Bourgogne n'avait pas à espérer une quelconque régence : Charles était en âge de gouverner et il avait un fils à lui succéder. Il aurait fallu une suite énorme de fâcheux hasards pour une régence en place et un Bourgogne admis à cette régence. Les leçons avaient dû être tirées -au niveau des princes- d'un Jean "sans Peur" aux manettes.
Certes, pas de perspective de régence immédiate après le sacre de Charles VII.
Ce que je voulais dire, c'est que si Philippe de Bourgogne avait accepté une régence sur le jeune roi anglais en France, il aurait pris le risque de se griller définitivement auprès du Valois qui venait de rencontrer quelques beaux succès, donc au moment où l'avenir de l'Anglois de ce côté-ci du Channel devenait hasardeux.
Je corrige donc ma phrase : Ne pas insulter l'avenir : il valait mieux ménager la possibilité de revenir un jour au premier rang chez un cousin Valois en France, que devenir régent du Lancastre en France...


Rebecca West a écrit :
Bien que né Valois, Bourgogne -de part le statut de son duché et autres possessions- ne semblait pas avoir été trop taraudé par la fibre familiale. Par ailleurs, désormais, il est autant implanté familialement, au sein des princes anglais tout en ayant su garder un équilibre d'unions avec la France.
Ayant deux petites "fibres familiales" qu'il peut faire vibrer, laquelle doit-il privilégier au moment dont nous parlons (l'époque johannique et post johannique) ? Celle qui le lie aux Lancastres qui sont en train de " prendre cher " et de s'éloigner, ou celle qui pourrait replacer Bourgogne (si ce n'est Philippe, peut-être son fils qu'il veut téméraire…) au premier rang qui était autrefois à son père et à son grand-père au sein du conseil royal. Le Conseil du Roi de France qui revient à la vie ; lieu de tous les possibles (décuplés si les hasards et les nécessités offrent un jour l'opportunité d'une régence, par exemple).


Karolvs a écrit :
Par conséquent, gardons nous d'accepter quelque régence que ce soit ; surtout qu'on peut espérer mieux qu'une régence, qui est par définition quelque chose de temporaire.
Rebecca West a écrit :
J'entends bien mais hormis obtenir être prince-référent sur le royaume de France pour un Lancastre, Bourgogne n'avait rien espérer côté France sinon rentrer dans le rang des princes de sang français, être un parmi les autres et pas forcément le mieux loti car le dernier arrivé. D'où peut-être une option naissante vers le Saint Empire, ce qui montre aussi que la France n'est pas le but final de la politique bourguignonne, tout au plus un pivot et un recours si rien de mieux n'aboutit.
D'accord.


Rebecca West a écrit :
Pourquoi, soudainement le duc de Bourgogne négocie plus ou moins voire s'accommode d'ouvertures a minima afin de s'orienter vers une paix après avoir été très présent lors du traité de Troyes ?
Est-ce une fatigue palpable de ses sujets ? La crainte de nouveaux problèmes dans ses possessions septentrionales ? Une révision de choix économiques anglais (plutôt abonder la Bretagne que les PBB en laine ou autre) ?
Tout ça à la fois ? Avec en plus le fait que toute cette affaire, depuis tant d'années, lui coûte quand même un tantinet ?
Et comme le traité de Troyes, où il a été très présent, devient obsolète avec la consolidation de l'événement " sacre de Charles VII ", autant devenir très présent là où "ça va le faire" à partir de maintenant ?...


Karolvs a écrit :
Paris était prêt à se rendre à condition que fût au duc Bourguignon, mais Bedford n'y a pas consenti...
Rebecca West a écrit :
Est-ce là que Bourgogne comprend que, désormais, l'Anglais sûr de son fait prend du recul avec l'allié d'hier ? Ce qui aurait amené Philippe à reconsidérer -et soudain se souvenir de sa naissance- sa place au sein d'une cour ?
N'est-ce pas plutôt Bedford qui a compris ? Il ne pouvait pas ne pas être informé que Bourgogne avait un fer au feu chez Charles. Bedford a mesuré le risque qu'il prendrait s'il confiait Paris à un tel personnage. Quant à Bourgogne, c'est à ce moment qu'il peut comprendre (s'il l'ignorait) que Bedford n'était pas idiot au point de lui donner la garde d'une place de l'importance de Paris.


Karolvs a écrit :
Pour Philippe, peut-être qu'il vaudrait mieux que Bedford s'en retourne s'occuper de ses affaires d'outre-Manche (ou à la rigueur de Normandie), ainsi, Bourgogne pourrait mieux labourer son sillon continental, entre françois. Cré nom ! Entre Valois, on est encore capable de se f.... sur la gu... tout seuls comme des grands sans que les mangeurs de pudding viennent y mettre leur sauce à la menthe !... :mrgreen:
Rebecca West a écrit :
Vous présentez la chose étonnement :-) cependant, à la tête d'un tel duché, j'imagine que l'on ne plaisante pas avec la politique ni dans le choix des alliances. On ne se réveille pas un matin avec la fibre Valois qui se rappelle à vous : il a fallu un intérêt qui tienne la route et des propositions.
Quelles furent les propositions françaises et à quel moment et pourquoi ce changement chez Philippe "le Bon" ? A moins qu'un désintérêt anglais palpable n'ait obligé le bourguignon à revoir ses alliances.
Je ne pense pas que Philippe le Bon se soit "réveillé un matin avec la fibre Valois qui se rappelle à lui". Je pense qu'il est un bon analyste, un bon observateur de la situation. Or, la situation en 1435 n'est plus celle de 1428, et encore moins que celle de 1419.
Les propositions françaises ? Je ne les connais pas, mais on sait comment elles se sont traduites concrètement dans le traité d'Arras : plutôt pas mauvaises pour Bourgogne, non ?


Rebecca West a écrit :
Vous évoquez un recadrage anglais concernant Bedford : qui ? Un personnage du conseil de Régence ? Certains Grands ?
Aïe !!!! C'est plus intense que le feu roulant des katiouchas poutiniennes, votre questionnement… :-)
De mémoire, c'est devant le parlement de Londres qu'il a dû se justifier, en 1432 je crois


Rebecca West a écrit :
En quel sens Bedford aurait-il été recadré : est-ce le début du désintérêt anglais pour la France et la difficulté -vu les échecs- d'obtenir des prébendes ?
Je n'en sais rien, si ce n'est qu'il a été confirmé dans sa fonction.


Rebecca West a écrit :
Est-ce déjà au sein de la Cour anglaise quelque(s) prince(s) ambitieux déçus eux aussi des choix d'Henry V voire carrément muselés par Henry V (l'homme n'était pas un tendre) et cherchant à se placer auprès d'un Henry VI mineur donc estimé influençable ?
Il semblerait qu'Henry V n'ait pas été très clairvoyant dans le choix des hommes pour le tutorat de son fils.
Qu'en pensez-vous ?


Karolvs a écrit :
La paix des Valois aurait été signée en septembre 1435 même si Bedford n'était pas décédé.
Rebecca West a écrit :
Qu'est-ce qui vous amène à cette conclusion ?
Simplement le fait que je ne vois pas comment Bedford aurait pu empêcher Charles VII et Philippe de Bourgogne de faire la paix en 1435, et je ne vois pas pourquoi Philippe le Bon se serait gêné.

Rebecca West a écrit :
Et/ou quelles sont les propositions faites à Bourgogne afin qu'il efface -et ceci obérera les ambitions de son fils- tout envie d'alliance(s) avec l'Anglais ?
Ou encore : quel profit Bourgogne peut-il espérer de la poursuite d'une alliance avec l'Anglais qui ne contrôle plus que la Normandie (pour combien de temps) et un peu la Guyenne (idem) ? Et ceci alors que le Valois est en train de se requinquer joliment ?


Rebecca West a écrit :
N'est-ce pas plutôt le constat que l'Anglais semble songer que bon ou mauvais, le sort de la France henricienne se jouera sans la Bourgogne tout simplement parce-que les désirs ne suivent plus et la balance budgétaire ne souhaite plus abonder un puits sans fond alors que déjà des remous intérieurs se font sentir ?
Euh… des remous intérieurs... où ça ? Suis un peu perdu, là…


Rebecca West a écrit :
Une régence est toujours propice à problèmes
Les problèmes, on les résout éventuellement en les faisant assassiner, quand on n'a pas peur (voyez par exemple Jean sans peur...).


Rebecca West a écrit :
voyez combien, lors de la minorité de Richard II, les ambitions d'un Jean de Gand étaient craintes au point qu'il fut shunté
" Shunté ", qu'il a été ? Kezako ?


Rebecca West a écrit :
Il est étonnant qu'un roi tel Henry V n'ait pas songé à s'attacher la Bourgogne. Tellement étonnant que ceci peut être ressenti comme un début d'éloignement d'un allié devenu peut-être un peu moins sûr
Peut-être qu'il y a songé, mais que le Bourguignon n'était pas assez fiable pour garantir un retour à hauteur de l'investissement (quid si le quidam avançais quelque excuse capilotractée pour s'abstenir au moment où on aurait besoin de lui dans quelque campagne décisive. C'est du déjà vu, non ?

Et Jeanne d'Arc dans tout ça ? Pour le moment, le Bourguignon ne l'a pas encore capturée, je crois ?


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Message Publié : 26 Oct 2022 11:40 
Hors-ligne
Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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Karolvs a écrit :
En 1429, Philippe ayant abondamment demandé raison par les armes (et comment ! : toute une guerre civile, depuis 10 ans) il peut à présent estimer, sans faillir à l'honneur, qu'on arrive à la phase où il pourrait lui être possible d'accepter un compromis.

Ceci faisait bien longtemps que l'honneur des uns et des autres n'avait plus sa place dans ce qui était devenu un conflit de territoires et d'influences.
Que la Bourgogne ait révisé son choix n'est nullement une question d'honneur mais le choix d'une politique avisée vu les événements. L'Angleterre en grande perte de vitesse sur le continent. Il est temps, pour le duc, d'offrir un visage plus continental.
Karolvs a écrit :
Je corrige donc ma phrase : Ne pas insulter l'avenir : il valait mieux ménager la possibilité de revenir un jour au premier rang chez un cousin Valois en France...

Je suis d'accord cependant pour le "premier rang chez un cousin Valois" c'était fichu. Restait à envisager d'autres alliances afin de faire fructifier les nouveaux acquis. Maintenir une juste balance entre l'Angleterre et la France était à ce moment une question de survie économique.
Les victoires françaises et l'ambiance délétère de la Cour anglaise ont facilité le retour d'une politique plus équilibrée. Le temps du traité de Troyes est passé, restait à s'offrir un rétropédalage potable et Bedford -entre autres- offre cette opportunité.
Maintenant, je ne vois pas la cour de France comme un lieu de tous les possibles mais comme un équilibre retrouvé afin d'avoir les pensées nettes pour d'autres ambitions.
Bedford marche dans les instructions laissées par son frère : s'attacher la Bourgogne. Cependant il fait l'erreur de contracter une union problématique, il n'a visiblement pas le sens politique de son aîné. Il ne peut laisser Paris à un duc un peu chiffonné. C'est le problème lorsque les personnes -Bedford à ce moment- ne laissent plus leur tête les gouverner.
La bêtise de Bedford apporte sur un plateau l'occurrence d'un repositionnement bourguignon.
Laisser Charles d'Orléans, bien vieilli, retrouver la France n'est pas un grand problème pour qui n'a plus espoir d'influence dans le royaume cependant que les gains à l'est ne peuvent qu'initier des attachements ultérieurs.
A ce moment le parlement londonien devait être réticent à lâcher des crédits alors que de vieilles querelles entre grandes familles -jusque là un peu étouffées- refont surface. Il l'était déjà sous Henry IV pour régler la solde des hommes avancés par les Percy pour contenir quelques Ecossais. Il y a suffisamment à faire à l'intérieur du royaume d'Angleterre.
Citer :
rebecca west a écrit :
Il semblerait qu'Henry V n'ait pas été très clairvoyant dans le choix des hommes pour le tutorat de son fils.
Qu'en pensez-vous ?

Que tout dépend si l'on accepte la proposition du wiki anglais (sans source) à savoir qu'Henry V aurait désigné Bourgogne comme tuteur pour Henry VI sur terre de France. Bedford étant le second choix en cas d'impossibilité.
Il n'est pas mentionné que Philippe ait refusé, force est de constater que c'est Bedford qui s'y colle.
Une grande question reste donc en suspend : à ce moment la Bourgogne a-t-elle déjà fait un choix définitif cette fois ? Celui de négocier avec son suzerain...
Le traité de Troyes peut être considéré comme un coup de sang, aller de l'avant est désormais possible en partant sur des bases saines cette fois. L'Angleterre n'est plus un allié potable et va l'être de moins en moins vu les problèmes internes au royaume outre-Manche.
Cet état n'a pu échapper à un politique comme Bourgogne. Il doit aussi être question de l'union de l'enfant et les occurrences ne sont pas pléthore, le choix angevin ne sera pas spécialement une ouverture pour le duc. La consolidation des acquis, un bon équilibre des relations tant avec la France qu'avec l'Angleterre, bref un désengagement du conflit qui trouve aussi écho outre-Manche est la meilleure option. Un agrandissement côté Est n'est pas à rejeter.
Ce sera d'ailleurs l'option du prochain duc.
Citer :
Rebecca West a écrit :
N'est-ce pas plutôt le constat que l'Anglais semble songer que bon ou mauvais, le sort de la France henricienne se jouera sans la Bourgogne tout simplement parce-que les désirs ne suivent plus et la balance budgétaire ne souhaite plus abonder un puits sans fond alors que déjà des remous intérieurs se font sentir ?
Euh… des remous intérieurs... où ça ? Suis un peu perdu, là…

En Angleterre certaines grandes familles commencent à remuer de nouveau. Vous y voyez les Percy et leur clientèle (March etc.) qui de pro-lancastre sont passés en mode opposition au début du règne d'Henry IV et puis sort du lot les Neville ; les marches galloises et écossaises sont loin d'être apaisées.
Citer :
Rebecca West a écrit :
voyez combien, lors de la minorité de Richard II, les ambitions d'un Jean de Gand étaient craintes au point qu'il fut shunté
" Shunté ", qu'il a été ? Kezako ?

"oublié" si vous préférez.
Jean de Gand a tout simplement été mis hors jeu lors de la minorité de Richard II.
Citer :
Et Jeanne d'Arc dans tout ça ?

:-) c'est en effet le sujet. J'ai été honnête : l'interaction des ducs de Bourgogne était la source de mon intérêt. :-)
Je suis certaine que vous saurez nous présenter l'épopée johannique de manière attractive. :wink:
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