marilynsaddict a écrit :
Je pensais aborder la question du point de vue des mythes fondateurs américains et leurs transcriptions/modifications/perceptions à l’écran mais j’ai l’impression que je me perds et que l’écueil à éviter est de laisser de côté soit l’aspect civilisationnel soit l’aspect cinématographique...
Pour ajouter de l'eau au moulin, je pense qu'il faut comprendre le sujet sous un angle double : (i) l'évolution de la vision de la conquête américaine à travers le cinéma et (ii) l'évolution du regard sur les acteurs de cette conquête. Dans les années 1930, il y a justement toute une littérature sur l'histoire de la conquête américaine (
La Petite Maison dans la Prairie,
Old Jules) donc une ambiance culturelle propice à l'émergence d'un cinéma sur la conquête de l'Ouest. Il faut se rappeler que le premier western est
The Great Train Robbery (1903) d'Edwin S. Porter, donc il y a déjà vingt ans de cinéma de western avant le premier film proposé dans votre liste. Le cinéma de western est ainsi d'abord apologique (à l'image d'une société qui encense le
self made man), devient politique (avec la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide) sur ce qu'il dit de "l'homme américain", puis spectaculaire avec le western spaghetti au début des années 1960. Il y a donc bien une évolution de la vision de la conquête américaine en fonction du cadre temporel.
Il y a aussi, cela a été dit dans de nombreuses interventions précédentes, une évolution des personnages : il y a de vraies interrogations sur la nature du héros (shérif ou bandit, ordre ou chaos), sur les relations entre le conquérant et les peuples indigènes (amis ou ennemis), sur le système établi (colon ou petite ville, caravane ou grande ville), sur la notion de société (propriété personnelle à l'extérieur de la cité ou ville avec son administration) et sur la hiérarchisation des rôles (système statutaire ou société de l'argent/de la violence, mairie ou saloon). Je vous conseille d'ailleurs, hors cadre mais intéressant du point de vue de ces interrogations, la série
The Son (2017) adaptée d'un bouquin de Philipp Meyer, avec Pierce Brosnan dans le rôle-titre.
makno a écrit :
La perception des amérindiens dans ces films peut être une piste intéressante. Dans Little big man on assiste un peu à un renversement des valeurs: les amérindiens sont plutôt magnifiés, sages et proches de la nature (peut être un clin d'oeil à la prise de conscience écologique) tandis que les blancs sont des sauvages sales, lubriques et alcooliques.
Je ne suis pas tout à fait d'accord !
Little Big Man sort en 1970, bien avant que l'écologie soit un sujet de société aux Etats-Unis - même si dans les cercles d'énergéticiens, la problématique fait son apparition sous l'administration Nixon. En outre,
Little Big Man, c'est avant tout l'histoire d'un homme capturé (après le massacre de sa famille) par des Pawnees, certes recueillis par des Cheyennes et élevé comme tel, mais qu'il choisit d'abandonner, libéré par un régiment de cavalerie. C'est encore les Cheyennes qui enlèvent sa femme et le font s'associer au capitaine Custer. Il y a cependant, je suis d'accord avec vous, un début de réflexion sur le massacre des Amérindiens et une image nouvelle de la culture amérindienne. C'est un film assez ambigu et c'est aussi un des premiers westerns à entretenir l'image du "bon indien" (Cheyenne) et du "mauvais indien" (Pawnee).
Sur cette problématique de la représentation des Indiens dans le cinéma :
https://journals.openedition.org/lisa/2756Oliviert a écrit :
D'une manière générale, les Westerns ont un côté mythique, car ils sont destinés avant tout à divertir, et non pas à représenter la réalité historique avec exactitude.
Oui, entièrement d'accord ! Le western est surtout un cinéma mythifié. Olivert évoquait les grands héros français ; le western américain a les siens. Le gang Doolin-Dalton, Billy the Kid, Jesse James ont inspiré le cinéma américain, plus que la vie ordinaire des conquérants du far West.
ThierryM a écrit :
Dans la liste, elle commence pour moi avec La Flèche brisée. Là, il est déjà question d'une entente pacifique entre Européens et Amérindiens (la flèche brisée par Cochise signifiant l'armistice), tandis que chaque camp comprend des extrémistes (Géronimo côté amérindien, d'autres côtés européens), donc on est déjà sur une idée de coexistence (d'ailleurs savoir s'il faut la mettre en parallèle avec une coexistence qui occupe bien plus les esprits à l'époque... à voir). De même, Les Cheyennes montrent les souffrances des Amérindiens prisonniers des réserves ; ils sont clairement des victimes et pas les "méchants Amérindiens" des films antérieurs. Et, enfin, oui, il y a Little Big Man.
Oui et, pour l'anecdote,
La Flèche brisée (1950) avait surtout à son casting des acteurs blancs, y compris dans le rôle des Amérindiens, comme Jeff Chandler, qui a gagné un Oscar pour son interprétation d'un chef apache.