Hattousili a écrit :
Bonjour,
J'ai vu, il y a quelques jours le film Master commander avec Russell Crowe.
etes-vous nomreux a l'avoir vu ?
Une petite chose m'a étonné dans le film... l'âge des aspirant.
Ce sont de jeunes ados (10 - 15 ans).
Je voulais savoir si c'était une pratique courante d'intégrer dans la marine des officiers (un jeune d'environ 10 ans est lieutenant dans le film) aussi jeune ou est-ce une pure invention du réalisateur ?
merci par avance de vos réponses.
Effectivement, dans la marine anglaise de l'époque, plus on était jeune, plus vite on apprenait. Le jeune âge n'était pas considéré comme un obstacle à la future carrière d'officier. Cela peut vous sembler choquant, mais Nelson lui-même a commencé à 12 ans à embarquer sur le Raisonnable, le navire de son oncle Maurice Suckling. De toute façon, l'âge minimum des aspirants était noté sur les ordonnances de marine du roi George III (1760-1822).
Le premier tome de la saga d'Alexander Kent, A rude école, parle des années d'aspirant de son héros, Richard Bolitho, né en 1757, aspirant en 1772. Les Anglais considéraient que le métier de marin s'apprend sur le terrain, à bord d'un navire, plutôt que sur les bancs d'une école des Gardes-Marine française, création de Colbert. En somme, le métier de marin anglais était plus "pratique", moins "théorique". Et le franchissement des grades d'officiers était plus rapide qu'en France.
En France, les futurs officiers entraient à 14-15 ans seulement en école des Gardes-Marine, comme je l'ai dit, à Brest, Toulon et Rochefort, selon les désidérata de Colbert. Mais des futurs officiers, tels Suffren entré à Toulon, ont déclaré s'ennuyer ferme en classe, et tout rejeter pour apprendre à bord d'un vaisseau de guerre...
En Angleterre, le cursus d'un futur officier était le suivant :
- aspirant pendant au moins 6 ans
- passage devant une commission de capitaines de vaisseaux, pour l'examen de lieutenant, ou obtention du grade à la suite d'un combat victorieux. Pour l'examen de passage, le candidat devait avoir des certificats de bonne conduite rédigés par son capitaine ; on devenait lieutenant de vaisseau en moyenne autour de 20 ans ; un lieutenant pouvait se voir confier un commandement, mais il portait une épaulette dorée sur l'épaule gauche ;
- promotion d'abord au grade de capitaine de corvette, une seule épaulette dorée sur l'épaule droite de l'uniforme ;
- promotion ensuite au grade de capitaine de frégate, puis capitaine de vaisseau (2 épaulettes dorées sur l'uniforme) ;
- promotion au grade de commodore, pour commander une petite escadre (à environ 40 ans) ;
- promotion au grade de contre-amiral, et on hissait le pavillon rectangulaire au mât d'artimon ;
- promotion au grade de vice-amiral, et on hissait le pavillon rectangulaire au mât de misaine ;
- promotion au grade d'amiral de la flotte, et on hissait le pavillon rectangulaire au grand mât ;
A Trafalgar, Nelson avait le grade d'amiral de la flotte, à 47 ans, et lord Collingwood était vice-amiral. Dernière chose : tout fils de lieutenant, de capitaine, de commodore ou d'amiral recommensait au bas de l'échelle. Et le père avait libre arbitre pour apprécier s'il avait réellement la capacité de lui succéder avec dignité. C'est ainsi que, par exemple, Richard Bolitho, vice-amiral, refuse que son neveu Miles Vincent entre dans la carrière d'officier naval, après l'avoir observé. On pourrait dire que les "fils à papa" n'ont qu'à bien se tenir, dans la Royal Navy ! Pour moi, c'est un système dur mais sain, pourvoyeur de véritables talents. La sélection anglaise était rude, mais le meilleur sortait souvent du lot : amiraux lord Richard Howe, John Jervis, Rodney, Collingwood, Samuel Hood.