ça déborde un peu de la chirurgie mais autrefois la médecine cherchait des explications un peu partout . Par exemple : « in vino veritas » , dans l’Aude la mithridatisation par le vin des Corbières… ou dans la météo !
Article paru le mercredi 8 novembre 1809
« Voici les détails d'un nouvel accident causé par les champignons, et où des circonstances toutes particulières méritent peut-être quelqu'attention de la part des gens de l'art :
Dans la commune de Portels, une femme septuagénaire, accoutumée à ramasser, dans cette saison, des champignons dans les bois-pins que renferme cette commune, s'y transporta le 11 octobre (1809), et en cueillit d'un espèce qui lui était familière. Elle en mangea trois fois, à son souper, à son déjeuner et à son dîner. A ce dernier repas, une femme, sa voisine, venue chez elle par hasard, lui demanda de lui céder ce qu'elle n'avait pas fait cuire, pour en régaler son mari et sa famille, ce qui lui fut accordé.
Le mari, la femme et leur fille mangèrent de ces champignons à leur dîner, et continuèrent leurs travaux sans éprouver aucune douleur. Ce ne fut que dans la nuit que les nausées, les angoisses, les défaillances et tous les symptômes du poison se manifestèrent chez ces trois derniers individus. Mais ne soupçonnant pas (tant leur confiance était aveugle) que les champignons qu'ils avaient mangé étaient l'unique cause des douleurs aïgues qu'ils ressentaient, ils n'appelèrent le chirurgien que quarante huit heures après, c'est-à-dire au moment où le poison avait causé tous les ravages, et où l'inflammation des premières voies rendait inutiles tous les moyens curatifs. Tous les soins du chirurgien furent en effet infructueux, et ces trois victimes succombèrent à un jour de distance l'une de l'autre.
La vieille femme, qui avait mangé, le soir et le lendemain, à trois reprises, des mêmes champignons, a refusé de prendre le vomitif et les antidotes que le chirurgien lui a offerts. Néanmoins elle a résisté aux effets du poison, et n'a éprouvé que de vives douleurs dans les reins et les intestins, et un grand abattement. Cependant cette femme, âgée de 73 ans, est depuis longtemps infirme, et son estomac est entièrement usé et délabré, tandis que les trois individus que la mort a moissonné étaient sains, dispos, vigoureux et à la fleur de l'âge.
Voici la solution de cette espèce de phénomène, donnée par le chirurgien appelé en cette circonstance : la vieille femme que le poison semble avoir respectée, est depuis longtemps adonnée au vin; elle était ivre lorsque le soir elle mangea des champignons; elle était ivre lorsque le lendemain elle en mangea à son déjeuner; elle l'était également lorsqu'elle en mangea à son dîner : c'est cet état d'ivresse qui l'a sauvée. Le vin qu'elle avait bu était tourné et très aigre, et cette circonstance remarquable ne doit laisser aucune incertitude sur l'efficacité des acides contre de pareils poisons.
Les champignons qui ont causé la mort des trois malheureux dont on vient de parler, étaient de deux espèces : - la première, connue dans le Pinadosses (?), vient au bas des troncs des pins; elle est fongueuse, semblable à celles que produisent ordinairement les vieux troncs de sureau et de peupliers, - la seconde, connue dans le pays sous le nom de Catalaus (nb : ou Catalqus ?), est d'un rouge brun foncé; elle est membraneuse en dessous; le champignon est porté sur une queue courte, creuse et cannelée.
Les victimes de ces champignons, ainsi que tous ceux qui les ont vu et examinés, ont prétendu en avoir mangé plusieurs fois les années précédentes, sans avoir éprouvé le moindre accident. Il s'en suivrait que les champignons non malfaisants peuvent devenir des poisons, lorsque, dans des années comme celle-ci, l'action bienfaisante du soleil aura été interrompue par des brouillards, des pluies et des rosées presque continues. »
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