gamelin a écrit :
Avant l'arrivée des anti-dépresseurs, comment soignait-on les personnes diagnostiquées anxio-dépressives, ou malades psychologiquement? Il y avait les electro-chocs, mais encore???
Cet état n'était pas diagnostiqué. La dépression étant "inconnue", inutile d'ajouter que tout ce qui avait rapport à l'anxiété ou à l'angoisse l'était encore plus. L'état "mélancolique" a un tout autre sens outre-Rhin et la mélancolie vue par un Gudden ou un Freud n'ont rien de commun...
On ne soignait donc pas. C'était de que Voltaire nommait "Les petites maisons", on isolait, on ne voulait pas voir.
Au XIXème, ceci était mis sur l'air du temps, une sorte de mode et vu la stabilité émotionnelle des porte-paroles du "romantisme", l'état était attribué à "du vague à l'âme", du "spleen" etc. Le patient donnait dans l'automédication : absinthe et autres...
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La société n'a aidé en rien : "un homme, un vrai, un dur..." (vu le schéma de l'époque) ne pouvait tomber dans ce style de pathologie donc une autre appellation était donnée, quant aux femmes lorsque l'on arrivait au stade de "mettre en danger sa vie", on faisait avec (question de temps pour la réussite) mais "mise en danger de la vie des autres", c'était l'asile avec -bien souvent- le diagnostic d'hystérie.
On peut le noter dans le cas de Camille Claudel dont l'état a commencé par une dépression puis d'autres névroses et psychoses se sont greffées à un point tel qu'il a fallu l'isoler. Vous avez un autre cas que l'on voit dans le film "L'Eté meurtrier" et qui, là encore, se termine par l'enfermement mais parce-que le diagnostic de "dépression" (un choc affectif dans l'enfance pour ce cas) n'a pas été fait, ce qui aboutit à une névrose en strates et la fin que vous connaissez.
Il est rare d'ailleurs qu'un diagnostic d'anxio-dépression soit donné. Sans doute voulez-vous évoquer la dépression qui amène au "ressassement".
Il faut savoir que les anti-dépresseurs -terme vague et mal approprié- ne guérissent pas une dépression mais sont employés pour "stabiliser" un état. Ensuite, le psychiatre oriente vers l'accompagnement ou la médication appropriés.
L'emploi des électro-chocs comme ce que l'on nommait il fut un temps "cure de sommeil" n'a jamais guéri personne mais "stabilisé" après des électro-chocs et bien... on est choqué
, ce qui signifie que l'on est calmé pendant un certain temps). Il n'y a pas encore bien longtemps, le discours entendu était "... c'est une question de volonté... il suffit de se secouer... etc.". La dépression semblait être l'apanage des femmes tout simplement parce-qu'un homme "dépressif" exprime ceci autrement : colère, violence etc. et que ma foi, un homme "colérique" c'est un peu normal et puis un homme ne "ressasse" pas, il évoque le bon vieux temps ; il n'a pas d'angoisses non plus, il "pète les plombs" et vous déclinez... Notre société faite par des hommes pour des hommes, ceux-ci ont longtemps trouvé un dérivatif à certains états franchement maladifs ou pervers, tout simplement. Il a fallu l'entrée dans notre société du fameux "burn out" qui a touché les hommes pour que l'on se penche sur le sujet. Nulle honte puisque ceci était le fruit de "trop de travail" mais si vous analysez le "truc", au départ c'est ce que l'on nomme "une dépression", c'est à dire un changement environnemental qui déstabilise, handicape, tire vers le bas dans un laps de temps très court d'où le mot. Certaines "dépressions" passent (c'est l'origine du mot), d'autres non. On ne se posait par exemple pas de question devant une personne en "dépression" puis au bout d'un moment en phase d'hyperactivité et autres symptômes et ceci de façon assez régulières. C'est après un certain temps que l'on a posé le diagnostic de maniaco-dépressifs puis bipolaires...
Beaucoup de personnages historiques semblent avoir eu des périodes de profonde dépression, des dépressions post trauma sans compter avec des états borderline voire bipolaires (les Bourbon, la branche cadette des Wittelsbach, la branche cadette des Hohenzollern d'où est issue Marie de Prusse mère de Louis II et d'Othon Ier de Bavière, la branche cadette des Hesse-Darmstadt etc.).
Avant donc de soigner, il faut connaître, poser un diagnostic sur la maladie ensuite stabiliser l'état en sachant que certains patients "remonteront" et d'autres jamais. C'est donc impossible de répondre à cette question, chaque cas étant unique ou alors excellemment cerner "la dépression". Vous évoquez les anxio-dépressif, il est rare que l'on soit dépressif sans un peu d'anxiété, maintenant plus "anxieux" ou "plus dépressif" ? Et comment ceci se traduit-il, lors de l'anxiété ? Et lors du passage à vide ? Crise d'anxiété ou crise d'angoisse ? Y-a-t-il des pics paroxystiques ? L'angoisse prend sa source où ? Quel est le déclencheur de l'état "anxieux" ? etc.
Pendant longtemps la forme fut traitée : enfermement, isolation, acceptation de l'entourage. Puis le fond a commencé à interpeler et donc on a pu nuancer les tendances et faire des classements très approximatifs parce-qu'une personne peut présenter des symptômes à un moment et changer, devenir "normale". Dans l'histoire il est déjà difficile de faire lâcher le pouvoir à des personnes malades et dont la pathologie entraîne des souffrances qui ne sont pas sans influer dans l'exercice du pouvoir mais comment faire devant un personnage "changeant" (on le voit avec Charles VI, on l'a vu avant avec Jeanne Iere d'Espagne etc.). Si la pathologie est différente, le départ est le même : souvent un choc qui entraîne une "dépression" puis ensuite...