Bergame a écrit :
Le problème, Narduccio, il est que, tout comme Auguste, vous ne semblez pas vouloir faire une distinction fondamentale : Celle qui existe entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Vous rapportez une invention à ses applications.
Cette distinction est bien pratique pour certains. De plus, je connais très peu de cas ou elle est aussi nette que vous semblez le penser. Prenons le cas de Marie Curie, très tôt, elle recherche des applications pratiques à ces découvertes (c'est aussi le cas de son mari, Pierre Curie). Aujourd'hui, les médias nous en ont donné une vision fausse, mais tout en faisant ses recherches fondamentales, elle fait aussi de la recherche appliquée.
Bergame a écrit :
Oui, les inventeurs du nucléaire avaient sans doute des objectifs qui étaient liées à la connaissance essentiellement, et le progrès de l'humanité.
D'accord. Admettons.
Je vous remercie de bien vouloir l'admettre. C'est la moindre des choses que d'accepter d'admettre la vérité.
Bergame a écrit :
Mais ensuite, quand on construit des têtes nucléaires, ou des centrales, on ne le fait pas au nom de la vérité.
Quand Marie Curie crée sa fondation, ce n'est pas non plus au nom de la vérité, c'est pour soulager la misère humaine.
Bergame a écrit :
Vous comprenez ? On le fait pour d'autres raisons : Le confort, la compétitivité économique, la nécessité de posséder une défense militaire, etc.
Vous savez, je ne suis pas aussi bête que j'en ai l'air.
Bergame a écrit :
Mais cela n'a plus rien à voir !! C'est cela que, je crois, nous aimerions vous faire comprendre.
Mais, c'est vous qui avez du mal à comprendre, parce que vous partez de vos convictions et que vous essayer d'y faire coller les faits. La démarche inverse de celle d'un historien.
Revenons aux faits:
Quelques savants découvrent des éléments qui sont à la frontière de la physique. Ils posent le cadre théorique et continuent leurs recherches. Dès 1914, Marie Curie s'en va le long de la ligne de front avec des roulottes aménagées en unités mobiles de radiologies. Cela n'a l'air de rien, mais c'est à l'extrême pointe du progrès technologique et scientifique de l'époque. Elle y va pour permettre, grâce à un diagnostic précoce de porter secours aux combattants de la guerre. Et elle y va
en appliquant les connaissances qu'elle a acquise grâce à ces recherches. Après diverses péripéties, elle réussit à créer en
1920, une fondation qui porte son nom et dont le but est de financer les activités de l'Institut du radium et de contribuer au développement de sa composante thérapeutique. Le dispensaire ouvre dans la foulée en 1922. Donc, de 1922 à 1945, les seules applications connues de la radioactivité sont des applications thérapeutiques. A moins de faire oeuvre de négation, les applications pacifiques apparaissent plus de 20 ans avant les applications guerrières et quelque soit la révulsion que vous inspirent ces dernières, personne ne peut nier la réalité et l'antériorité de ces applications.
Il est vrai qu'ensuite, on a inventé les bombes atomiques et je le déplore portant que vous. Les problèmes éthiques qu'elles posent ont été soulevés avant même que leur utilisations.
Mais ce qui est fort dommage, c'est que vous utilisez une vision partiale de l'histoire de la découverte de l'atome pour soutenir vos arguments. On ne construit rien de solide sur des bases fausses. Et votre raisonnement pêche en cela, il est erroné à la base et donc ne tient pas debout.
Je n'exonére à aucuns moments les scientifiques de leurs responsabilités.
Ainsi, ce passage me blesse profondément car il est exactement à l'opposé de ce que je pense et de ce que je dit, mais je doute que vous ayez lu tout ce que j'écris:
Bergame a écrit :
Or, tant qu'on dit que la science est bonne a priori, ou neutre a priori, il n'y absolument aucune place pour les questions éthiques. Bien entendu : Pourquoi interroger le sens de la science, si on part du principe qu'elle est est bonne, ou neutre ?
Et c'est exactement ce que vous faites. Et vous, encore une fois : pas vous particulièrement, mais la société dans son ensemble. Aucune discussion éthique n'est vraiment possible, tant que règne cette idéologie féroce qui dit que la science est neutre.
La science n'est pas neutre, si l'on peut prétendre que la recherche fondamentale possède une certaine immatérialité, mais l'on connaît souvent les applications probables des découvertes qui sont faites. Mais, cela ne saurait exonérer l'utilisateur de sa responsabilité. La voiture est un outil pratique pour celui qui veut se déplacer, mais cause environs 5 000 morts par an en France. Le responsable ce n'est pas l'ingénieur qui la met au point, quoique certains modèles sont de véritables armes. Le responsable est bien le conducteur qui va décider de ne pas prendre les précautions adéquates pour adapter sa conduite aux conditions locales. Bien entendu, on peut prétendre que l'ingénieur qui met au point certains bolides met au point des véhicules qui peuvent tuer, mais c'est aussi le cas de certains petits modèles. Faites le compte, il y a eu plus de morts sur les routes mondiales cette année que du fait des bombes atomiques, faut-il déclarer que la voiture est une arme de destruction massive ?
Ethiquement, ne devrions-nous pas interdire son usage ? Ne devrions-nous pas mettre les ingénieurs et les entrepreneurs de l'industrie automobile hors d'état de nuire ? Le gars qui conçoit une voiture capable de rouler à plus de 300km/h sur route ouverte a-t-il une part de responsabilité ? On le fête et on l'admire. Pourtant, il causera plus de morts que la bombe atomique.