Zunkir a écrit :
C'est comme ça que vous résumeriez ce phénomène ? Le problème est que ce phénomène a été particulièrement brutal, ce n'est pas juste un phénomène culturel, et c'est la façon dont cette ouverture s'est passée qui est source de traumatisme. L'aspect acculturation et métissage culturel, c'est juste une partie du phénomène colonial en Afrique, et ne peut pas le comprendre et comprendre les représentations mentales actuelles si on le limite à cela.
Malheureusement, quels sont les exemples dans l'histoire où ce phénomène aurait été "normalement" brutal ?
Les Perses en Asie Mineure ?
Les Grecs en Perse ?
Les Romains en Gaule ?
Les Turcs dans les Balkans ?
Les Moghols en Inde ?
Avant la colonisation européenne, j'ai cité d'autres événements très récents qui bouleversaient l'Afrique : Djihad Peul, fondation de l'empire Toucouleur, Mfecane, fondation du sultanat de Zanzibar, expédition d'Égypte au Soudan et fondation de Khartoum...
À l'arrivée des Européens, ces événements ne dataient que d'une ou deux génération. Ont-ils été plus acceptable, ou pour reprendre certains termes, moins "traumatisants" pour les peuples africains qui les ont subis que la colonisation européenne ?
Citer :
Peu importe pour cette discussion que ce soit une affaire de passé, que vous pensiez que les Africains devraient passer à autre chose : le fait que ce soit resté dans les discours prouve qu'on est bien dans un cas de traumatisme,
Les discours politique ne font pas des preuves. Ils jouent sur des représentations qui sont elles-mêmes l'objet de construction.
Citer :
c'est une affaire de représentations, de psychologie, peu importe que ce soit en adéquation ou pas avec ce qui a été la réalité de ce phénomène, dont on a de toute façon des perceptions différentes. Tout phénomène passé important est reconstruit et repensé par les générations qui suivent, et dans le cas de la colonisation en Afrique comme de l'esclavage on a bien affaire à quelque chose qui est de l'ordre du traumatisme.
C'est bien là le problème : la psychanalyse est-elle une bonne méthode d'étude historique ? Doit-on envisager le passé comme une suite de traumatismes ayant engendré des névroses dont les individus doivent guérir ?
Si l'on admet cela, alors la citation de Shakespeare :
"La vie est une histoire racontée par un idiot, pleine de fureur et de bruit, et qui ne signifie rien." laisse bien peu d'espoir de guérison.
Il est intéressant que l'esclavage et la colonisation soient toujours associés, alors qu'il s'agit de deux phénomènes très différents ayant touché des population très différentes.
Citer :
Vu tout ce qu'ont fait les puissances coloniales en Afrique, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Justement le fait que le phénomène colonial en Afrique ait été bref dans le temps ne manque pas d'interpeller quand on compare cela avec les changements opérés par les colonisateurs. Si cela se fait sur une ou deux générations, cela veut dire qu'on a des gens qui peuvent faire les passeurs entre trois périodes : l'avant, le pendant, et l'après. Donc pour les générations de l'après, le passé est bien connu par les discours des anciens. Évidemment il s'agit de discours, donc on peut les remettre en cause, et critiquer leurs finalités (si tant est qu'ils en aient réellement, hormis les discours politiques), mais le fait est qu'ils existent et entretiennent le souvenir de la colonisation. Au passage, je précise qu'il y a des discours qui peuvent être positifs pour certains aspects de la colonisation, chez les anciens colonisés ("le pays était plus beau", "ça tournait bien", pour ce que j'ai entendu).
La connaissance du passé est plus que problématique : explosion démographique oblige, une gigantesque partie de la population n'a rien connu de la colonisation.
Voici un
article de l'historien Jean-Luc Vellut sur le Congo, auquel il consacre l'ouvrage :
La Mémoire du Congo : le temps colonialJL Vellut a écrit :
Au Congo, chaque période de l’histoire semble avoir voulu effacer le bon souvenir de la précédente, justifier sa présence et pérenniser son image « édifiante » par une tabula rasa du passé.
[en note]Ainsi en a-t-il été, indique Isidore Ndaywel, de la période coloniale discréditant les sociétés traditionnelles précoloniales, de la période de la décolonisation effaçant les bons souvenirs de l’époque coloniale, de l’ère Mobutu traitant les premières années d’indépendance de période de désordre et d’anarchie, tandis qu’elle fut à son tour taillée en pièces par la Conférence nationale souveraine. L’entreprise de destruction des mémoires de la période précédente fut poursuivie par le régime Kabila, accusant la Conférence nationale d’avoir été complice de la pérennisation de l’époque de Mobutu.
Citer :
Je condamne les choses qui me dérangent, et c'est tout, je n'ai pas besoin de conseil sur ce que je dois condamner. Évidemment je critique tout phénomène colonial brutal, passé ou actuel,
Vous encouragez donc les phénomènes coloniaux doux
Citer :
On doit quand même tirer des leçons et des principes de l'étude des sociétés, et en cela c'est de l'Histoire, qu'on le veuille ou non (on n'est pas des machines sans âme).
Précisément, c'est pour cela qu'il faut étudier le phénomène en le replaçant dans son contexte et en le comparant à d'autres déjà arrivés dans l'histoire mondiale.