Dans son
Histoire de l'Afrique (édition 1997 chez Aubier),
John Illife a écrit :
« C’est depuis la forêt orientale et ses marges que les peuples parlant des langues bantoues s’avancèrent peu à peu à travers toute la moitié sud de l’Afrique. [...] Ce fut l'une des plus grandes migrations de toute l'histoire de l'humanité. [...]
La langue bantoue ancestrale possède des mots pour désigner l'igname et l'huile de palme, mais non les céréales. L'analyse linguistique montre que ses locuteurs ont commencé à se diviser il y a près de 5000 ans. Certains groupes s'avancèrent lentement vers l'est en suivant la frontière nord de la forêt équatoriale, en direction des grands lacs d'Afrique orientale. D'autres s'installèrent dans les prairies du Cameroun actuel. [...] À partir de 1000 av. J.-C. environ, [...] ces peuples plus occidentaux menèrent leur culture jusqu'au nord du Gabon actuel et, le long de la bordure ouest de la forêt, jusqu'aux sources du fleuve Congo [...]. Ces peuples devaient ensuite poursuivre leur chemin plus au sud, jusqu'au nord de la Namibie actuelle, où les franges arides du désert du Kalahari les dissuadèrent sans doute d'aller plus loin. En chemin, certains de ces pionniers se dirigèrent vers l'est, remontèrent les vallées rivières pour traverser la forêt équatoriale, et introduisirent leur langue et leur culture d'outils de pierre très loin dans l'intérieur des terres, à savoir la frontière sud-ouest du Soudan moderne, le rivage ouest du lac Tanganyka, et le moyen Zambèse. [...]
Ce ne fut pourtant que la première phrase de l'expansion bantoue. La plupart des langues bantoues actuelles de l'est et du sud de l'Afrique ne sont pas dérivées des groupes de l'ouest, mais de ceux qui s'étaient dirigés vers les grands lacs, où ils parvinrent, selon les témoignages archéologiques, vers 1000 av. J.-C. [...] C'est probablement là aussi que les bantous s'initièrent à une autre compétence : le travail du fer. [...]
Il poursuit plus loin : ce qui est sûr, « c’est que les forgerons des grands lacs parlaient des langues bantoues. […] Les Bantous avaient ajouté à leur agriculture sylvestre une gamme d’activités productrices de nourriture adapté à la savane. Une telle combinaison aurait pu permettre une croissance de la population, et pourrait expliquer pourquoi les bantouophones l’emportèrent finalement sur les locuteurs de langues saharo-nilotiques, auprès desquels ils avaient probablement acquis ces compétences agricoles et pastorales. ». Par là, « l’agriculture, la métallurgie, l’élevage et les langues bantoues se diffusèrent depuis les grands lacs jusqu’à la quasi-totalité de l’Afrique de l’est et du sud. […] [Mais tout cela ne se réduit] pas à une simple migration de masse de Bantous conquérants et supérieurs par leur culture ; souvent des traits particuliers de cette culture parvinrent dans une région donnée à des dates différentes. »
Dans ces conditions, « on peut supposer que de véritables mouvements de populations ont eu lieu, sans doute par petits groupes épars. À cette époque, les colons bantouophones n’étaient pas des fermiers qui étendaient lentement leurs cultures en mordant sur les franges de la brousse, mais des pionniers itinérants qui, probablement, dépendaient encore fortement de la chasse et de la cueillette, et ne choisissaient que les terres les mieux adaptées à leurs techniques agricoles, évitant les plaines arides au profit de sols mieux arrosés qu’ils abandonnaient sans remords après les avoir épuisés. »
John Illife a écrit :
La forêt équatoriale, où il y a peu à manger ou à chasser, était difficile à pénétrer, plus encore à défricher ; les cultivateurs bantous en abandonnèrent la plus grande partie aux groupes pygmées avec qui ils nouèrent des liens d’échange et de clientélisme. [...]
À mesure que les groupes s’adaptaient à des environnements spécifiques, la culture et la langue des bantous de l’ouest se différencièrent peu à peu et formèrent différents groupes ethniques… […] Bien que les Bantous occidentaux se soient très largement répandus, ils laissaient derrière eux beaucoup de terres inoccupées. Au siècle dernier, une bonne part des hautes terres situées à l’est de la province du Kivu étaient encore vides. […] Les Bantous de l’ouest vivaient donc dans des villages séparés par de vastes étendues inhabitées. La plupart d’entre eux étaient situés à la frontière de la savane et de la forêt… […] C’est là que les premières structures politiques importantes allaient prendre forme après l’an 1000. [...]
Dans le centre du continent, les bantouophones étaient extrêmement dispersés au milieu des chasseurs-cueilleurs khoisan. [...]
La transmission héréditaire du pouvoir, la ferme comme unité sociale, et la prédominance du bétail devinrent les caractéristiques culturelles communes des peuples bantous d’Afrique australe.
Dans ses
Civilisations africaines (PUF, collection « Que sais-je ? », édition de 1993), Anne Stamm ajoutait que la migration bantoue avait été fort lente car les bantous n'avaient pas encore atteint l’Afrique australe quand les premiers Européens s'installèrent au Cap (milieu du XVIIe siècle).