Ibn Khaldoun écrivait son bouquin "L'Histoire des Berbères au moyen age (au 14eme siècle pour être précis) donc ce n'est pas une référence historique car depuis plusieurs découvertes ont été faites sur l'origine des Berbères.
Extrait de l'Encyclopédie Berbère de Salem Chaker et alii, fondateur: Gabriel Camps:
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A PROPOS DE L’ORIGINE ET DE L’AGE DE L’ECRITURE LIBYCO-BERBERE
Il convient d’abord de souligner qu’il s’agit quasiment d’une écriture "nationale" berbère puisqu’on en a des attestations dans toute l’aire d’extension de la langue berbère, i.e. de la Libye à la côte atlantique, de la Méditerranée au sud du Sahara. Partout où il y a/avaitdes Berbères, on trouve des traces de cette écriture, y compris aux Iles Canaries. De plus, même si les spécialistes reconnaissent des variantes dans l’écriture libyque (orientale, occidentale, méridionale…), cet alphabet est caractérisé par une profonde unité, sur toute l’immensité de son territoire. Unité de forme, de valeur et de mode d’emploi que rappelle avec insistance L. Galand (1989, p. 71) :
“ Au total, les divergences que l’on observe entre les alphabets […] ne dépassent donc pas ce qu’on peut attendre d’une longue histoire et ne sauraient infirmer l’idée d’une origine commune.Sans être une preuve, cette donnée à elle seule milite a priori en faveur d’une origine endogène de l’écriture berbère : l’unité des lieux, des formes et leur continuité vont indiscutablement dans le sens de la genèse locale.
Cette homogénéité recoupe remarquablement un autre élément d’unité qui nous paraît fondamental : l’unité des modes de vie des Berbères, basés sur le pastoralisme et l’agriculture, que l’on a vu naître, avec des variantes, aux temps néolithiques (Cf. C. Roubet, 1979). Ces modes de vie s’opposent radicalement à ceux des populations phéniciennes et puniques, nettement tournées vers la navigation et le négoce. Or, la société berbère, essentiellement pastorale et paysanne, organisée de tout temps sur le mode tribal-segmentaire, n’a pas, n’a jamais eu, globalement, besoin de l’écriture, en tant que système fonctionnel de d’enregistrement. Ceci contrairement aux peuples voisins, citadins, marchands et marins. L’hypothèse de l’emprunt de l’écriture par les Berbères a donc en soi quelque chose d’assez improbable au plan anthropologique : pourquoi auraient-ils emprunté et adopté l’écriture (déjà constituée en tant que telle) alors qu’ils n’en avaient pas vraiment l’usage ? Cette question-constat de bon sens débouche immédiatement sur deux autres interrogations : s’agit-il vraiment, au départ du moins, d’une écriture ? Ne doit-on pas plutôt envisager d’emblée un processus de développement endogène à partir de pratiques non scripturaires, en tout cas non alphabétiques ?
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1. La chronologie (antériorité de la présence phénico-punique par rapport aux plus anciennes inscriptions libyques)
Les plus anciennes inscriptions libyques sont postérieures à l’implantation phénicienne en Afrique du Nord : Carthage est fondée en – 814 et il existe des colonies plus anciennes, dès la fin du deuxième millénaire avant J.C. Or, les Phéniciens ou leurs ancêtres directs, sont réputés avoir été les inventeurs de l’alphabet. On en vient alors tout naturellement à penser que l’écriture a été introduite en Afrique du Nord par les Phéniciens et que, dans les siècles qui ont suivi leur arrivée, les Berbères ont emprunté leur alphabet.
Discussion
Les sources classiques s’accordaient à ne pas faire remonter les inscriptions libyques au-delà du IIe siècle, au plus au IIIe siècle avant J.C. ; cette chronologie basse s’appuyait sur les attestations numidiques1 pour lesquelles on disposait d’indices internes et externes de datation (bilingues punique/libyque, datation interne…). C’est, par exemple, ce qu’écrivait J.G. Février (1959, p. 327) :
“ … l’alphabet libyque a été constitué sous l’influence visible de l’écriture punique et même de la langue punique – et à une époque assez tardive, au – IIIe et au – IIe siècle… ”
1 L’ancienneté de la découverte des inscriptions de Dougga (1631/1842 ; Cf. J.B. Chabot, RIL, p. 1) paraît avoir induit en erreur les spécialistes qui ont manifestement eu tendance à caler leur chronologie sur ces documents............Or, les travaux de G. Camps (1978, 1996) ont fait faire un bond de plusieurs siècles en arrière à cette écriture. Le document clef à ce point de vue est la célèbre gravure d’Azib n’Ikkis (Haut-Atlas marocain), découverte par J. Malhomme (1959, 1960). Cette gravure, comporte à l’intérieur d’un cartouche anthropomorphe une ligne d’écriture de 15 à 16 caractères libyques. L’inscription est de même style et de même patine que les gravures qui l’environnent et qui portent des représentations d’armes remontant au Bronze-II. Camps situe, sur la base de ces indices archéologiques, l’inscription d’Azib n’Ikkis autour de – 500 J.C. :
“ Même en rajeunissant à l’extrême le contexte archéologique, cette inscription nous paraît bien antérieure au VII-Ve siècle av. J-C. ” (1996, p. 2571)
Plusieurs datations s’échelonnent entre cette date haute et les inscriptions monumentales de la Tunisie du Nord du milieu du IIe siècle avant J.C.
Dans le même ordre d’idées, de nombreux protohistoriens (M. Hachid, H. Lhote, C. Dupuy…) s’accordent désormais à reconnaître (ou en tout cas n’excluent pas) le caractère très ancien de certaines attestations épigraphiques dans les zones sahariennes : Atlas saharien, Sahara central, Aïr, Adrar des Ifoghas... Ancienneté établie par la très probable contemporanéité de ces témoignages épigraphiques avec les gravures et peintures rupestres du type caballin, période que les spécialistes font généralement débuter2 vers – 1500. Ainsi, dans les attestations sahariennes, il est fort possible que certaines inscriptions, associées à des représentations caballines datent de plusieurs siècles avant J.C. On attend avec impatience le jour où les techniques archéologiques permettront d’établir des datations absolues pour les peintures et gravures rupestres.
Quoi qu’il en soit, il est désormais nettement établi que les inscriptions monumentales numidiques sont relativement tardives et que l’écriture berbère existait déjà depuis plusieurs siècles quand les habitants de Thugga ont rédigé leur dédicace à Massinissa (– 139/138). Sans être totalement annihilé, l’argument chronologique est de ce fait très sérieusement ébranlé, en tout cas relativisé : l’écriture existait déjà, telle qu’on la connaît, à une époque (– 500 au minimum) où il est difficile d’admettre une influence en profondeur de Carthage et des autres implantations puniques.
2. La géographie (concentration) .........D’une part, la datation la plus ancienne à ce jour provient du Haut Atlas, région qui est à la fois très occidentale (donc très éloignée de Carthage), très continentale (donc éloignée des côtes d’influence punique), et située dans une zone reculée montagneuse (donc à l’écart des grandes voies de communication). On peut très sérieusement douter que vers – 500, l’influence punique ait déjà pénétré si profondément dans l’arrière pays berbère. D’autre part, comme on l’a évoqué précédemment, il n’est pas du tout impossible que certains documents épigraphiques sahariens associés aux peintures et gravures de la période caballine soient au moins aussi âgées que l’inscription d’Azib n Ikkis.
Les attestations les plus anciennes paraissent donc bien appartenir aux plus occidentales et aux plus méridionales, c’est à dire être parmi les plus éloignées des sources de la supposée origine phénicienne ou punique !
En fait, la prédominance numérique des attestations provenant de la Numidie et des zones d’influence punique peut recevoir d’autres explications que la proximité du point d’origine postulé de l’écriture.
– En premier lieu, on ne doit pas oublier la sur-fréquentation de ces régions par l’archéologie et l’épigraphie classiques, à l’inverse des parties occidentales du Maghreb et du Sahara, moins parcourues par ces disciplines. En la matière, il convient donc de ne pas confondre état des lieux et état des connaissances.
– D’autre part, à l’évidence (Cf. RIL), la densité des inscriptions dans l’Est de l’Afrique du Nord correspond plus à la généralisation d’une pratique, celle l’inscription funéraire, qu’à la généralisation de l’écrit proprement dit. Or, l’usage de l’inscription funéraire peut procéder d’une influence punique sans que cela implique que l’écriture soit d’origine punique.
Et l’on voit du reste très clairement que dans les régions plus éloignées de l’influence punique, l’écriture est (reste) généralement non-funéraire et revêt d’autres fonctions : marquage de l’espace et/ou usage magico-religieux…, avec, souvent de bonnes répartitions géographiques, comme l’atteste la série de stèles à inscription libyques de la vallée du Sébaou et de ses environs (Cf. J.P. Laporte, 1992) ou le corpus de l’Atlas saharien (M. Hachid 1992). De ce fait, elle est moins fréquente et moins concentrée que dans les grandes nécropoles de Numidie.
Je vous conseille d'aller sur le site de l'Inalco; pour ceux qui ont contesté la qualité de spécialiste de G Camps, sur l'ouvrage il est écrit:
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Ouvrage publié avec le concours et sur la recommandation du conseil internationnal de la philosophie et des Sciences humaines (UNESCO)