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Message Publié : 08 Juin 2007 23:53 
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Plutarque
Plutarque

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Daddycool a écrit :
Quelques précisions par rapport à ce qui s'est dit:
- Le mot "Berbère" existe depuis longtemps pour désigner les autochtones d'Afrique du Nord. Par contre, personne ne connait l'origine exacte de ce terme (on l'attribue au grec "Barbare" mais finalement rien ne le prouve). En gros, les arabes appelaient "Berbères" indistinctement les autochtones d'Afrique du Nord (malgré les spécificités de chaque groupe berbère). J'ai demandé à un arabe comment on dit "Berbère" dans sa langue, il a été incapable de me répondre.
- Une précision importante au sujet du mot Amazigh: ce mot n'existe pas dans bon nombre de langues berbères. Il n'existe pas en langue kabyle ou en langue chaoui: c'est un néologisme récent repris par les mouvements culturels berbères pour créer une identité "pan-berbère" qui n'a jamais existé dans l'Histoire et pour constituer une alternative au mot français "Berbère", qui est jugé péjoratif. Au fait, le mot "Amazigh" est présent dans différents groupes berbères mais pour désigner uniquement les membres au sein d'un groupe donné. C'est plus tard que les ethnologues ont fat un rapprochement et ont créé le "concept" d'Amazigh.

A noter qu'en arabe et dans les différentes langues berbères, il n'existe AUCUN mot pour désigner un Berbère. Les mots ne désignent qu'un groupe: kabyle, chaoui... Ce sont plus tard les ethnographes qui ont identifié une parenté linguistique et culturelle entre ces différents peuples d'Afrique du Nord pour ensuite accoucher du terme "Berbère" ou "Amazigh".

je suis désolé de vous contredire, mais le terme amazigh est attesté dans tout le maroc, du nord avec les rifain au sud avec les chleuhs.
par contre en effet, il avait disparu de kabylie et des aures. Par contre on peut le rapprocher des Imajighen touaregs ou des Imohagh touaregs.
Le terme amazigh est également attesté dans l'antiquité dans le terme maziques.


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Message Publié : 09 Juin 2007 0:01 
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Plutarque
Plutarque

Inscription : 26 Mai 2007 22:17
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Skipp a écrit :
Ce sentiment d'appartenance culturelle commune n'est effectivement que relativement récente... L'on a un cas assez similaire parmis les gaulois qui n'ont été appelés ainsi que par les romains, grecs, etc... Mais l'on n'a pas trace d'un sentiment d'appartenance à une même communauté culturelle... du moins pas avant l'invasion romaine. C'est souvent face à un envahisseur que l'on a un réflexe identitaire tardif...

oui en effet le sentiment Arabes vs Berberes est relativement récent au maghreb. Le maghreb était jusqu'a la colonisation francaise une société tribale. Les gens ne se définissaient pas en tant qu'arabes ou berberes, mais en tant que appartenant a tel ou tel tribus, a tel point que certaines tribus étaient a moitié arabes et a moitié berbere (plutot arabophones et berberophones) comme les Branes dans l'est Marocain ou les sanhadja dans le sud marocain.
Bref cette cristaliisation identitaire autour de l'arabité et de la berberité est contemporaine de la lutte pour l'indépendance. Il est d'ailleurs assez interressant de noter qu'au Maghreb il y a un vrai probleme d'identité.
voivi un article tres interessant d'un quotidien libanais qui traite de ce sujet:


"
Entre arabe et berbère, l'identité marocaine balance.
«Nous sommes tous musulmans et marocains. Il n’y a pas de différence entre Arabes et Berbères. Cette distinction a été faite par le colonialisme pour nous diviser. » Telle est la réponse de certains Marocains quand ils sont sollicités pour donner leur avis sur la discrimination qui existe envers la population berbère.

Or, selon les experts, les conquérants arabes du IXe siècle ayant été peu nombreux, la très grande majorité des Marocains est d’origine berbère, bien que la plupart soient devenus arabophones, plusieurs tribus berbères ayant été arabisées de force très tôt. Les experts se sont en effet accordés sur le fait qu’il n’y a pas eu de migration de masse venue du Moyen-Orient dans cette région.

Les Berbères sont présents au Maghreb depuis environ cinq mille ans. Cette communauté s’étend géographiquement sur une vaste région allant de la frontière égypto-libyenne à l’est, jusqu’à l’océan Atlantique à l’ouest.
Le mythe

Parallèlement à l’arabisation de la langue, une sorte d’arabisation de l’identité a eu lieu à travers des mythes mettant en exergue l’origine arabe des Marocains. Un observateur étranger remarquera l’insistance de certains habitants du royaume alaouite à affirmer leur identité arabe.

Les Marocains vénèrent ainsi Idriss Ier, descendant de Ali, gendre du prophète Mahomet, venu d’Arabie et qui s’installa dans cette région au VIIIe siècle. « C’est grâce à lui que nous sommes aujourd’hui musulmans et arabes », affirment avec fierté les Marocains qui se considèrent « d’origine arabe ». Beaucoup plus tard, les alaouites fondèrent, au XVIIe siècle, la dynastie qui règne encore aujourd’hui. Moulay Ismaïl est le premier monarque de cette dynastie qui prétend, elle aussi, descendre du Prophète.

Il gouverna pendant 50 ans (1672-1727), réorganisa le Maroc et en assura la pacification, après avoir mené une série d’expéditions militaires contre les tribus insoumises. Selon la légende, on lui attribue un harem de 500 femmes. Ce nombre impressionnant aurait, toujours selon la légende, des raisons politiques. Selon la légende, Moulay Ismaïl aurait en effet choisi une épouse dans chaque tribu berbère. Un moyen de pacifier le royaume.

Mais, dans la ville de Meknès, où se trouve le mausolée du roi, le visiteur remarquera qu’enterrés à côté de Moulay Ismaïl, ne se trouvent que son frère, son fils et son épouse. Questionné sur le sort des 499 autres femmes, un guide local reste bouche bée.

Outre la pacification du royaume, l’une des explications de ce mythe tient également en une volonté d’introduire du sang arabe au Maroc. Ainsi, malgré le nombre infime d’Arabes venus s’installer dans cette région, les partisans de l’arabité du pays peuvent s’appuyer sur ce mélange de sang, par alliance, pour affirmer « l’origine arabe des Marocains ».

Victime du nationalisme arabe

Fort de ses mythes, le Maroc, lors de son indépendance en 1956, proclame haut et fort son identité arabe. L’arabité, qui a alors le vent en poupe, est considérée comme un facteur d’unité, la diversité culturelle comme une source de division. Pendant plusieurs décennies, la spécificité berbère fut écrasée et opprimée au nom de l’arabité. Une pratique d’ailleurs courante dans d’autres pays dits arabes.

Le réveil berbère

Ce n’est qu’au début des années 90 qu’une revendication de l’identité berbère apparaît au Maroc. Le 5 août 1991, plusieurs associations réclament publiquement la reconnaissance de la langue et de la culture amazighes. Le terme « amazigh », masculin, signifie « homme libre ». Le féminin « tamazight » lui est généralement préféré pour désigner la langue. Les Berbères préfèrent le nom qu’ils se donnent dans leur langue, les Imazighen.

Quelques années plus tard, une poignée de manifestants sont arrêtés par les autorités pour avoir défilé avec des banderoles rédigées en langue berbère.

Sous la pression de l’opinion publique nationale et de certains mouvements locaux, qui furent d’abord culturels avant de devenir politiques, le gouvernement marocain a proclamé son intention de développer une politique multiculturelle et a reconnu, avec plus ou moins de bonne volonté, la place tenue par l’identité berbère dans la composition de la nation marocaine.

Le 20 août 1994, le roi Hassan II a décidé que la langue des Berbères, le tamazight, parlée par plus d’un tiers de la population du royaume, serait désormais enseignée « au moins au niveau primaire ». Cette décision, qui fera date, a ouvert la voie à une réparation historique, même partielle, à l’égard de la communauté berbère, dont la langue, la culture, l’identité et les droits ont été longtemps méprisés.

En 2000, un groupe d’intellectuels diffuse un « manifeste berbère » signé par plus de 200 personnalités. Le texte, qui réclame à nouveau la réhabilitation de la langue, de la culture et de l’identité berbères, est remis au porte-parole du nouveau roi Mohammed VI. En 2001, le monarque signe un décret créant l’Institut royal de la culture amazighe « Ircam ». Son rôle consiste à conseiller le souverain sur tout ce qui concerne l’identité berbère. Sa priorité aujourd’hui est d’accompagner la mise en place de l’enseignement du tamazight dans les écoles.

Cette reconnaissance illustre ainsi par excellence le processus marocain de transition démocratique. Il s’agit, dans ce cas, d’une sorte d’interaction entre les propositions faites par la société civile, d’une part, et le pouvoir central, d’autre part.

Actuellement, les associations amazighes réclament que la monarchie aille plus loin : elles demandent la reconnaissance officielle de la langue berbère dans la Constitution, en faisant valoir que près de 40 % de la population du pays sont berbérophones. En attendant sa pleine réhabilitation, la « berbérité » s’affiche. La population s’organise à travers des associations sociales et culturelles de plus en plus nombreuses, alors que les festivals de musique amazighe attirent un public croissant.


Paru sur L'Orient, quotidien libanais en langue française le 06/12/2005"


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Message Publié : 10 Juin 2007 11:58 
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Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
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Pour ceux que celà intéresse (autant dire tout le monde ici) j'ai trouvé une thèse en libre consultation intitulée: "Les Libyens en Egypte (XVe siècle a.C.-IIe siècle p.C.). Onomastique et histoire" de Frederic Colin.

Consultable ici:
http://tel.archives-ouvertes.fr/index.php?halsid=816de64cc6cda2f9c28d621d20a1a396&view_this_doc=tel-00120038&version=1

Sur le site HAL (Hyper Article en Ligne): http://hal.archives-ouvertes.fr/

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Message Publié : 18 Fév 2008 22:52 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 12 Fév 2008 9:32
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En ce qui concerne la langue berbère (nous on l'appelle Tamazgha) je poste un article ci dessou:

Citer :
La langue Berbère
Passé, présent et avenir


A l’origine de l’écriture libyque...
Les Berbères ont possédé un système d’écriture millénaire et tous les indices laissent penser qu’il s’agit d’un système autochtone. Tamazight que ses adversaires veulent limiter aujourd’hui à la seule fonction de langue orale, régionalement enclavée a possédé un système d’écriture, considéré par les spécialistes comme l’un des plus anciens du bassin méditerranéen. Ce système se perpétue de nos jours au Sahara et une version modernisée est employée en Kabylie sur les enseignes et les panneaux de signalisation. Une utilisation plus large pourrait lui redonner une seconde vie. A côté de ce système millénaire, les Berbères utilisent aussi d’autres caractères pour transcrire leur langue : le système arabe a été surtout employé au Moyen âge et s’il l’est aujourd’hui encore, dans une certaine mesure, par certains groupes berbérophones, avec le latin, introduit au dix-neuvième siècle et qui a aujourd’hui la faveur de la plupart des chercheurs.
En Algérie, on a assisté, dans les années quatre-vingt à une "guerre de l’écriture" , où des tendances ont tenté, chacune avec ses arguments, d’imposer un caractère en dehors de l’autre. Cette guerre s’est quelque peu calmée aujourd’hui mais elle risque de ressurgir au cas ou le projet d’officialisation de la langue amazighe viendrait à se concrétiser. Nous tenterons, dans cet article et les suivants, de présenter avec le plus d’objectivité possible la situation au lecteur. Auparavant, nous tenterons de retracer l’histoire de l’écriture et des systèmes de transcription de tamazight.
Le libyque, un système d’écriture millénaire
Rappelons que le terme, libyque", qui désigne tantôt le système d’écriture berbère, tantôt la langue elle même dans l’antiquité, dérive de Lebou, nom que les anciens Egyptiens donnaient aux Berbères. A partir de ce mot a été formé également le mot Libye, pour désigner d’abord la partie orientale du Maghreb, puis le Maghreb tout entier, avant de désigner, à l’époque moderne, la Libye actuelle. Si l’on croit la plus ancienne inscription libyque jusqu’ici retrouvée, l’inscription de l’Azib n’Ikkis, dans le Moyen Attas marocain, l’alphabet libyque remonterait au 6éme ou au 7éme siècle avant J.C. ll faut donc supposer un développement de plusieurs siècles, ce qui ferait du libyque un contemporain des alphabets méditerranéens anciens, notamment le phénicien. C’est cet alphabet archaïque qui se perpétue aujourd’hui dans les tifinagh touaregs et qui a été repris, sous une forme nouvelle, dans les régions du nord, notamment la Kabylie. Même si les inscriptions libyques sont plus nombreuses dans certaines zones que dans d’autres, elles sont attestées ainsi que le montrent les découvertes effectives depuis plus d’un siècle dans toutes les régions du Maghreb et du Sahara et on les retrouve jusqu’aux îles Canaries. C’est dire que c’est une écriture nationale dont les variantes ne remettent pas en cause l’unité de base.
L’alphabet libyque et ses variantes
On a pris l’habitude de distinguer trois types d’alphabets libyques :
L’alphabet oriental, utilisé dans les inscriptions de la région de Thugga, l’actuelle Dougga, en Tunisie, et l’est de l’Algérie. C’est l’alphabet le mieux connu et surtout le plus étudié -L’alphabet occidental, figurant sur les inscriptions de Kabylie, de l’ouest constantinois et du Maroc
Les écritures sahariennes anciennes, contemporaines du libyque mais dont l’usage s’est perpétué jusqu’au l8e siècle au moins (c’est la date des plus récentes d’entre elles).
En fait, il ne s’agit pas d’alphabets différents mais de variantes régionales du même alphabet. On a beaucoup écrit sur la datation du libyque et son origine. Aujourd’hui, on connaît mieux cet alphabet, ce qui permet de corriger certaines assertions à son propos.
Datation
La datation du libyque a été revue ces dernières années : de la chronologie jusque là admise - 3ème / 2ème siècles avant J.C on est remonté au 6ème siècle avant J.C. En 1966 déjà, l’Américain E. L SMITH datait l’apparition du libyque de la fin de la période cabaline, expression par laquelle on désigne le groupe des œuvres rupestres du Sahara où le cheval apparaît à l’état domestique, ce qui correspond aux derniers siècles avant l’ère chrétienne. ll n’est pas exclu que l’affinement des méthodes de datation et de nouvelles découvertes repoussent encore plus loin ces estimations.
Les origines
Une autre remise en cause concerne l’origine de l’écriture libyque. Selon une hypothèse, à la fois ancienne et répandue, l’alphabet libyque dériverait de l’alphabet phénicien. Cette hypothèse repose essentiellement sur trois arguments :
Le caractère exclusivement consonantique de l’alphabet berbère, ce qui le classe parmi Les alphabets sémitiques,

Le nom de tifinagh que les Touaregs utilisent pour désigner leur écriture et dans lequel on a vu la racine FNgh / FNQ, de laquelle dérive le nom donné aux Phéniciens dans les langues sémitiques (par exemple l’arabe finiqî.) Le fait qu’il n’existe pas pour le libyque d’écriture pré-alphabétique qui indiquerait qu’on est en présence d’un système autochtone.
Concernant la notion d’écriture consonantique, les spécialistes pensent qu’il n’existe pas d’alphabet consonantique, même pour ce qui est des alphabets sémitiques puisqu’on ne peut lire une suite de consonnes sans intercaler de voyelles entre elles. Il est plus juste de parIer d’écritures syllabiques, c’est à dire de systèmes dont les caractères s’accompagnent obligatoirement de voyelles à la lecture. D’ailleurs, une écriture entièrement consonantique ne convient pas au berbère où les voyelles sont d’une fréquence élevée et permettent au mot, à base consonantique de s’intégrer dans une catégorie grammaticale. De plus le libyque, contrairement à ce que l’on croit a pu représenter des voyelles. Ainsi, on soupçonne les trois traits verticaux d’avoir noté la voyelle a et les signes qu’on identifie comme des semi-consonnes (y et w) on pu noter les voyelles i et u. Le rattachement du mot tifinagh au mot finiqî "Phénicien" est des plus contestables. En effet, le mot finiqî n’est pas sémitique mais... grec, et provient de phoenici, qui signifie "homme rouge", par référence à la couleur pourpre que fabriquaient les Phéniciens, il n’a donc pu être reçu des Phéniciens qui devaient disposer d’un terme propre pour se désigner. C’est ainsi qu’on peut voir dans Phoenici la traduction de Himyar, mot issu d’une racine sémitique signifiant également " rouge " dans les langues sémitiques. Ces Himyar sont peut-être les mêmes que ceux de l’Arabie du sud qui fondèrent dans la haute antiquité un royaume puissant et allèrent s’installer au 2ème millénaire avant J.C sur les côtes du Liban. Le mot tifinagh ne peut donc s’expliquer par le phénicien. En revanche, une étymologie par le berbère est tout à fait possible. On pense principalement à un mot attesté en touareg nigérien, asefinagh " explicitation, élucidation", mot dérivant du verbe ssejenagh "expliciter rendre clair ce qui est obscur". La notion d’ " explicitation " est ici liée à la légende d’un héros civilisateur qui, tout en révélant l’écriture aux hommes, réserva la signification cachée des lettres aux seuls initiés. Enfin, l’affirmation selon laquelle le libyque n’a pas de système pré-alphabélique qui aurait servi de base à une évolution vers l’alphabet, est loin de faire l’unanimité et des recherches sont en cours pour retrouver dans les peintures rupestres du Maghreb et du Sahara les avants courriers de l’écriture libyque. Mais on sait déjà que l’art berbère utilise depuis longtemps un répertoire de symboles qui rappellent fortement les caractères libyques. "Les signes même qui composent l’alphabet libyque entrent dans un fonds de motifs décoratifs propres à l ’art berbère qu’on retrouve dans les poteries et les tatouages. Les croix, les points, les assemblages de traits et de cercles qui sont à l’origine de l’écriture libyque, ont été signalés sur les gravures rupestres" (G. CAMPS, 1960). Certains auteurs, comme J.B Chabot et L. Galand se demandent même si certains signes figurant sur les stèles libyques n’ont pas une valeur ornementale. Il y a donc de fortes chances pour que le berbère ait possédé une écriture pré-alphabétique.
Le libyque, l’écriture berbère ancienne, disparue dans les régions du nord du Maghreb, a survécu au Sahara, dans les tifinagh. D’abord confinés au domaine touareg, les tifinaghs, connaissent un renouveau, en servant de base à de nouveaux systèmes de transcription, Au Moyen âge, des Berbères ont utilisé l’écriture arabe pour noter leur langue. Il est étonnant que le libyque n’ait survécu qu’au Sahara, chez les Touaregs : partout au Maghreb, il a disparu, et, apparemment avant l’arrivée des Arabes. Faut-il supposer que ce système, fortement concurrencé par les alphabets étrangers, d’abord le punique puis le latin, a cédé progressivement du terrain, jusqu’à disparaître, avec l’arrivée des Musulmans, porteur d’une autre écriture, de surcroît sacralisée, par la religion ? Tout ce que l’on peut affirmer avec certitude, c’est que le champ d’utilisation de cette écriture , était plutôt restreint : en tout cas, les vestiges qui nous en sont parvenus, sont, dans la quasi-totalité des cas, des épitaphes et de courts messages. C’est dans une autre langue, le latin, que les grands écrivains berbères de l’antiquité, comme Apulée ou Arnobe, qui étaient pourtant fiers de leurs origines et se sont opposés à la présence romaine, ont rédigé leurs œuvres. Les Berbères musulmans, juristes, théologiens, poètes, feront de même, en rédigeant leurs œuvres en arabe. Finalement, les seuls à produire, ou plutôt à nous léguer des bribes de textes en arabe, seront les Ibadites schismatiques, pour lesquels l’usage du berbère était, en plus de leur religion, un moyen d’exprimer leur particularisme, dans l’ensemble musulman orthodoxe.
Les tifinaghs
Il n’ y a pas de doute que les tifinagh sont les héritiers du libyque : même s’il n’y a pas une identité parfaite entre les caractères des deux systèmes, ils présentent beaucoup de caractéristiques communes. Les caractères tifinaghs s’écrivent de droite à gauche, mais on peut aussi les écrire de gauche à droite, de bas en haut et, comme en libyque, on peut commencer à écrire dans le coin droit de la feuille, puis monter jusqu’au bord supérieur, on tourne ensuite la forte, puis on remonte jusqu’au bord supérieur et ainsi de suite, jusqu’à épuisement de l’espace. Ce procédé, appelé boustrophédon se rencontrait dans beaucoup de systèmes d’écriture anciens. Comme le libyque aussi, les tifinaghs notent principalement les consonnes. Cependant, on note la présence d’un signe notant la voyelle a, le point, appelé tegherit. Les autres voyelles finales, i / e et u / o, sont notées par les signes qui notent y et w. Quelques dialectes méridionaux utilisent la tegherit pour noter toutes les voyelles. Notons aussi que les tribus maraboutiques de Tombouctou, au Mali, ont introduit, ces dernières décennies, les signes de vocalisation arabes : fatha pour le a et le â, kasra pour le i et le e, dhamma pour u et o. On relève aussi la chadda pour noter le redoublement et le sukun pour l’absence de voyelle. Comme le libyque, les tifinaghs sont principalement utilisées pour noter des messages courts, des poèmes, des inscriptions diverses, que l’on grave sur des pierres, les armes ou les bijoux. On ne relève aucune œuvre littéraire d’importance, qui aurait permis de fixer l’écriture, donc de dégager une norme, réduisant ainsi le foisonnement qui existe dans ce domaine. Aujourd’hui encore, on note, chez les Touaregs d’importantes variations, ce qui fait de l’écriture un système instable. En dépit de cela, I’usage des tifinaghs est très répandu, aussi bien parmi les hommes que les femmes. Ce sont d’ailleurs les femmes, gardiennes de la tradition et de l’identité, qui le transmettent aux enfants.
Les néo-tifinaghs
Depuis quelques décennies, grâce aux efforts de militants d’origine kabyles, les tifinaghs connaissent un renouveau, en servant de base à de nouveaux systèmes de transcription, d’abord du kabyle, en Algérie, et, plus récemment, de quelques grands dialectes au Maroc, où ce système a été officiellement choisi, dans le système d’enseignement. Ces néo-tifinaghs proviennent des caractères de l’Ahaggar auxquels on a ajouté des signes pour noter les phonèmes du berbère nord qui n’existent pas en touareg, c’est le cas de h’, de ’â, ou des fricatives, ts ou dj. Ces signes supplémentaires sont en général puisés dans les variantes du tifinagh ou même dans les signes libyques. Depuis quelques années aussi, on dispose de polices amazighes, ce qui permet de passer, sans difficulté du latin au tifinagh et inversement. (tableau)
L’utilisation des caractère arabes
Tout au long des siècles et jusqu’à nos jours, des groupes berbères ont utilisé l’alphabet arabe pour transcrire leur langue : groupes schismatiques du Moyen âge, comme les Ibadhittes ou les fameux Berghawata, qui ont fondé un royaume hérétique sur la côte occidentale du Maroc et élaboré une religion propre avec un Coran écrit en berbère et, aujourd’hui, les Chleuhs les Mozabites les Chaouis et d’autres groupes berbérophones.. Mais nulle par, le berbère n’a accédé au rang de langue écrite, reconnue par l’autorité politique : à l’inverse de langues comme le persan ou le turc transcrits en caractères arabes, il a toujours été écarté de l’Administration et de l’enseignement. Les textes écrits en berbère qui nous sont parvenus sont en nombre réduit, mais il faut supposer qu’il étaient plus nombreux. Les Ibadhites avaient l’habitude, après avoir écrit un livre en berbère, de le traduire en arabe pour les arabophones : dans la plupart des cas, les originaux berbères ont disparu alors que les traductions sont restées. Encore heureux que des morceaux de texte berbères soient cités, à titre d’illustration, dans les textes arabes. Parmi les ouvrages que l’on cite en berbère, citons la célèbre profession de foi ibadhite, al’Aqida, qui a été rédigée à une époque ancienne en berbère avant d’être traduite, à la fin du 14e siècle de l’ère chrétienne, par Abû Hafs ’Umâr ben Djami’e. On peut citer aussi l’œuvre d’Abû Salil al Farisi qui a composé en berbère et en vers une histoire des Ibadhites en douze volumes. Le livre a disparu, brûlé au cours de l’incendie de La Qal’a des Banu Dardjen en 1048. On a recueilli une partie des poésies auprès des gens qui les avaient apprises et ont les a consignées dans un volume. Mais celui-ci -s’est perdu à son tour et on peut considérer l’œuvre d’Abû Salil comme définitivement perdue. On sait aussi que des auteurs Ibadhites ont traduit en berbère des ouvrages de leur doctrine écrits en Orient. Le plus connu de ces livres est la Mudawwana d’Ibn Ghanem, recueil de textes sur la prière, le jeûne,l’aumone légale et diverses questions touchant à la famille et à la société. Tous ces textes -en fait, des bribes de texte, nous permettent de nous faire une idée du berbère au Moyen âge et de collecter des données linguistiques importantes. Pour transcrire le berbère en caractères arabes, les Anciens ont dû procéder à des adaptations. Ainsi : le j du berbère est transcrit dj le z’ de iz’i ’’vésicule" est transcrit ç (çad de l’arabe) etc... Il n’y a pas de doute que ces adaptations devaient poser des difficultés, voire provoquer des confusions. C’est pourquoi, par exemple, les copistes chleuhs devaient introduire des signes diacritiques pour faire des distinctions : ainsi le z’ est transcrit au moyen du çad, auquel on ajoute trois points souscrits. La transcription des voyelles était meilleure et elle a été reprise de nos jours par ceux qui transcrivent le berbère en caractères arabes : les Berbères ont eu l’idée d’employer les consonnes utilisées habituellement à noter les voyelles longues de l’arabe (y, w et â) pour noter les voyelles brèves du berbère (u, i et a)’ l’opposition voyelles longues / voyelles brèves n’étant pas, hors du touareg, pertinente en berbère.
M.A Haddadou - La Dépêche de Kabylie du 30 septembre 2005


Je vous conseille également de lire: "L'alphabet Latin serait-il d'origine Berbère?" de Mebarek Taklit chez l'Harmattan


Sur la civilisation Berbère, je vous conseille de lire les Berbères de Gabriel Camps déjà cité sur le fil; en effet Gabriel Camps conteste les allégations des historiens selon lesquels les villes nord-africaines auraient été fondées par les phéniciens, Gabriel Camps pense que la presque totalité de ces villes, y compris les villes portuaires seraient d’origine Berbère………… mais qu’elle était cette civilisation berbère, pourquoi a-t-elle disparue, là est la question !


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Message Publié : 18 Fév 2008 23:22 
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Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
Message(s) : 3419
Ahmed a écrit :
En ce qui concerne la langue berbère (nous on l'appelle Tamazgha) je poste un article ci dessou:

Citer :
A l’origine de l’écriture libyque...
Les Berbères ont possédé un système d’écriture millénaire et tous les indices laissent penser qu’il s’agit d’un système autochtone.

Sauf que cet alphabet est appelé Tifinagh qui signifit "le phénicien" (ti phaenic)... car l'écriture phénicienne est à l'origine de l'écriture Tifinagh...

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Message Publié : 18 Fév 2008 23:44 
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Ahmed a écrit :
En ce qui concerne la langue berbère (nous on l'appelle Tamazgha) je poste un article ci dessous:


Quelle est sa source SVP ?


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Message Publié : 19 Fév 2008 0:15 
Notre langue berbère on l'appelle pas Tamazgha! ^^

On l'appelle Tamazight! et l'ecriture tifinagh.

Tamazgha signifie la Berbère tout l'espace de l'Afrique du Nord qui va de la Libye jusqu'au Maroc et du Nord de l'Afrique jusqu'au Sahara avec les Touaregs.


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Message Publié : 22 Fév 2008 15:53 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 12 Fév 2008 9:32
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J'ai posté sur un autre fil un article qui tend à démontrer que le lybique dont est issu le tifinagh et le berbère est beaucoup plus ancien que le supposent la plupart des spécialistes.
Mieux je vous post un second qui est extrait du livre de Malika Hachid: Premiers berbères entre Méditerranée, Tassili et Nil.
Citer :
Tifinagh libyque : la plus ancienne écriture de l’Afrique du Nord
jeudi date_jnum20 mars 2004, par Agafay BENNANA





La plus ancienne écriture de l’Afrique du Nord, le libyque, a plus de 3000 ans d’âge*
. Par Malika HACHID**
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Notre écriture à nous, en Ahaggar est une écriture de nomades parce qu’elle est tout en bâtons qui sont les jambes de tous les troupeaux. Jambes d’hommes, jambes de méhara, de zébus, de gazelles, tout ce qui parcourt le désert. ét puis les croix disent si tu vas à droite ou à gauche. ét les points, tu vois, il y a beaucoup de points. Ce sont les étoiles pour nous conduire la nuit, parce que nous, les Sahariens, nous ne connaissons que la route, la route qui a pour guide, tour à tour, le soleil puis les étoiles. ét nous partons de notre coeur, et nous tournons autour de lui en cercles de plus en plus grands, pour enlacer les autres coeurs dans un cercle de vie, comme l’horizon autour de ton troupeau et de toi-même." DASSINE OULT YEMMA, musicienne et poétesse de l’Ahaggar.
Nul doute que l’apparition de l’écriture soit un événement majeur. Ici aussi, comme pour le métal, son apparition dans l’art rupestre est bien plus précoce qu’on ne le croyait et qu’il n’a été partout écrit. C’est donc une plus grande ancienneté que nous allons défendre, mais aussi l’idée d’une origine autochtone de l’écriture des Paléoberbères, indépendante de l’écriture phénicienne ou de sa variante punique auxquelles on l’a souvent liée. L’hypothèse d’une genèse locale de cette écriture n’a rien de nouveau ni d’original, plusieurs linguistes ayant depuis longtemps défendu cette thèse bien avant nous, une thèse à laquelle nous avions tenté d’apporter de nouveaux éléments lorsque nous avons étudié les gravures rupestres de l’Atlas saharien, notamment la Période libyco-berbère de cet art (Hachid M.1992).
Nous versons, ici, au dossier, des inscriptions que nous avons recueillies au Tassili et dans la Tadrart Acacus : nous les considérons comme les plus anciennes inscriptions libyques que l’on connaisse, peut-être même comme les premières manifestations de cette écriture.
La question de l’origine du libyque se présente sous trois aspects : cette écriture est soit un emprunt à l’alphabet Phénicien, soit une invention locale, ou encore un emprunt à un prototype fort ancien que l’on ne connaît pas encore. Qu’il y ait eu ensuite des contacts et des échanges entre le libyque et le phénicien, le punique ou autres écritures, est une chose tout à fait possible, notamment en ce qui concerne l’invention de l’alphabet.
Avant d’aborder les éléments en faveur, ou défaveur, de l’une ou l’autre de ces trois hypothèses, voyons d’abord l’écriture elle-même.
Les caractères libyques, d’une simple et délicate géométrie non cursive, constituent une des plus anciennes écritures connues au monde, la première et la seule écriture autochtone d’Afrique du Nord. Comme pour les Libyens, le terme "libyque" vient du nom de la Libye, terme par lequel les Grecs désignaient l’Afrique. Le lybique dans lequel s’exprimaient et écrivaient les premiers Berbères figure aux côtés des autres langues énigmatiques de notre Terre comme celle dite "linéaire A" de Crète, ou celle de l’île de Pâques. Si la persévérance permet de plus en plus de déchiffrer les glyphes mayas, pourtant si complexes, le libyque ancien attend toujours son Champollion, lequel, dès 1838, préfaçant le Dictionnaire de la langue berbère de Venture de Paradis, établissait déjà une parenté entre la langue berbère et l’égyptien ancien.
Malgré la forme moderne du libyque, les tifinagh, que les Touaregs sont les seuls parmi les Berbères à avoir conservés, malgré l’inscription bilingue en punique et libyque du temple de Dougga (Tunisie), datée de l’an 138 ou 139 avant notre ère (10e année de Micipsa, roi des Numides), qui a permis de transcrire l’alphabet libyque oriental, malgré les quelque 1200 inscriptions publiées dont la majorité provient du pays massyle, berceau de la Numidie berbère (Camps G. 1996, p. 2564), sans compter toutes celles qui ont été peintes et gravées sur les rochers du Sahara - les plus mal connues - la langue des Paléoberbères reste indéchiffrée, même si on connaît la valeur d’une partie de ses signes ! A l’heure où les paléo-linguistes retrouvent et reconstituent des langues mortes qui remontent à la préhistoire en comparant les langues qui en sont issues, on ne sait pas encore lire le libyque !
On s’est passionné pour le punique ou le grec, mais pas pour le libyque, et ce désintérêt est déjà fort ancien. Ni Hérodote, ni Pline, ni Shabon n’ont daigné faire quelque commentaire sur cette langue, une langue dont la répartition géographique est pourtant vertigineuse : du Nil occidental et de la Nubie, à l’est, jusqu’aux îles Canaries à l’ouest et de la Méditerranée au Sahel. Une inscription sur bois, objet rare, l’inscription du chajasco d’él Hoyo de los Muertos, découverte dans l’île de él Hierro dans l’archipel canarien, qui daterait du Xe siècle, est constituée de l3 signes qui ont été rapprochés des alphabets libyques de l’ouest de l’Afirique du Nord ou des alphabets touaregs ! (Cuscoy D. et Galand L.1975).
L’élite dominante protoberbère de la Préhistoire, puis paléoberbère, en étendant sa souveraineté à toute l’Afrique du Nord, confère un tel prestige à sa langue que seule celle-ci sera parlée au Sahara avant l’arrivée de l’hébreu et de l’arabe.
Si le berbère a fait disparaître les langues qui l’ont précédé au Sahara - comme l’expansion indo-européenne a fait disparaître les langues antérieures, dont le basque reste le cas le plus spectaculaire (Basques qui, malgré les millénaires de métissage, ont gardé certaines particularités génétiques, comme le plus haut pourcentage mondial du gène codant le rhésus négatif) -, il est très probable que des populations résiduelles mises en servage ou en esclavage ont longtemps continué de parler le nilo-saharien ou le niger-kordofanien dans leurs oasis avant que ces parlers soient à leur tour absorbés par le berbère. Pourtant, le complexe de supériorité du nord se manifeste déjà : seul, un auteur africain, Fulgence, au Ve siècle, précise que l’alphabet libyque compte 23 signes, tandis qu’au siècle suivant, Corippe, du haut de la civilisation qu’il représente, évoque cette langue pour nous en dire du... mal. Strabon, Diodore de Sicile, parlant du célèbre oracle d’Ammon de l’oasis de Siwa, décrivent la cérémonie durant laquelle l’image du dieu était portée dans une procession à travers l’oasis suivie de femmes chantant "[...] des hymnes grossiers dans la langue libyenne.". Quant à Salluste, c’est à peine s’il fait remarquer que les Numides parlent une autre langue que celle des Phéniciens.
On sait par l’histoire que la première occurrence du mot "barbare" se trouve chez Homère, dans l’Iliade. élle désigne plus exactement le langage des Cariens peuple asiatique lié aux Troyens. Selon Homère, les Cariens sont "barbarophones" c’est-à-dire ceux qui parlent mal leur propre langue. Parler en barbare c’est parler en borborygmes. Le redoublement, considéré comme grotesque, de la première syllabe (bar-bar) désigne celui qui parle mal jusqu’à sa propre langue. Plus tard, chez Platon et Aristote, les Barbares seront ceux qui sont étrangers à la langue de la civilisation, le grec, bien sûr. Montaigne se montre plus objectif en disant que "Chacun appelle "barbarie" ce qui n’est pas de son usage".
Ces auteurs grecs et romains, si dédaigneux de la langue des Libyens, ne pouvaient pas savoir que leur langue mère, le proto-indo-européen, était apparu il y a 6 000 ans seulement, alors que l’afrasien remonte au moins à 17 000 ans, que le français, l’italien, l’espagnol, le roumain, langues romanes, dérivent de la langue latine parlée dans l’Empire il y a 2 000 ans, alors que le berbère s’est probablement individualisé avec les Protoberbères, il y a environ 8 000 à 7 000 ans. Le mépris des cultures, ou des pays dominants, ne datent finalement pas d’aujourd’hui.
Les spécialistes déplorent que les inscriptions sahariennes soient courtes et pauvres, qu’elles se limitent à des souhaits, des avertissements, des déclarations amoureuses, des indications sur une piste, un point d’eau, un abri-refuge. Le corpus du libyque est presque entièrement constitué des inscriptions recueillies en Numidie (Tunisie septentrionale et Algérie orientale) et dans les Mauritanies césarienne et tingitane (Algérie centrale et occidentale et Maroc septentrional), c’est-à-dire au Maghreb. Mais si on s’attelait à recenser et déchiffrer ces innombrables inscriptions sahariennes - et surtout les plus anciennes qui accompagnent les chars -, ne découvrirait-on pas un jour qu’un chroniqueur rupestre a peint quelque message significatif, peut-être même le nom de l’Egypte, des Peuples de la mer ou de Carthage ?
On sait donc que le libyque appartient à la famille afrasienne comme l’égyptien et le sémitique. L’écriture est alphabétique et consonantique, elle se lit généralement du bas vers le haut quoique sa disposition et son orientation soient très libres et même fantaisistes, dessinant parfois de jolis boustrophédons. La difficulté de son déchiffrement réside dans la complexité de sa structure : la non séparation des mots, la non notation des voyelles dont la fonction dans le texte est de surcroît diversifiée... Imaginez que vous ayez à lire, sans connaître la langue, un texte en allemand où les mots ne sont pas séparés, sans aucune voyelle, avec la possibilité de mettre à la place de la voyelle non énoncée aussi bien un a, un i ou un o ! Lionel Galand, qui, depuis de fort nombreuses années, tente d’élucider cette écriture rebelle, donne le meilleur et le plus humoristique des exemples pour illustrer ces difficultés en écrivant : IIECOII = "ltmbl" pourrait être traduit par "elle est aimable", "l’automobile", ou encore "il tue ma belle" (Galand L 1991, p. 56) ! Sans compter l’évolution que l’écriture a nécessairement connue, à l’instar de celle qui sépare le français actuel de celui des temps médiévaux, par exemple.
Longtemps, les linguistes ont considéré qu’il existait dans l’Antiquité trois alphabets libyques qui se différenciaient par le nombre de leurs lettres et leur répartition géographique. Le premier était dit oriental, le second occidental et le troisième, saharien. Mais il semble que la réalité soit bien plus complexe : "On a longtemps considéré qu’il y avait un alphabet "oriental" pour la partie est du domaine et un alphabet "occidental". Cette dichotomie commode ne correspond pas, en fait, à la réalité [...] et, comme l’a montré Lionel Galand, "il faut renoncer à tracer une limite géographique précise entre les deux alphabets qui sont comme autant de facettes d’une culture" - alphabets qui correspondent vraisemblablement à des états de langue aussi variés pour ces époques anciennes qu’ils le sont aujourd’hui" (Aghali-Zakara M. et Droutin J. 1997, p.101). Le terme générique "libyque", le berbère de l’Antiquité, recouvrirait donc différents alphabets ayant des caractéristiques communes mais dont l’expansion, dans l’espace et dans le temps, a abouti à la diversification d’une partie des signes et de leur valeur. Selon ces mêmes auteurs : "A part quelques manifestations tardives, la pratique de cette écriture a disparu au nord de l’Afrique, vraisemblablement à la fin de la domination romaine, vers le Ve siècle après J.-C." (idem, p. 102). On sait effectivement que cette écriture ne s’est conservée que dans le groupe des Berbères Touaregs du Sahara et du Sahel. Mais, s’agissant du nord de l’Afrique, notamment de l’Atlas saharien, il existe des inscriptions qui, d’après le contexte, sont postérieures à la période romaine : nous pensons donc que la pratique de l’écriture berbère, en tous les cas dans l’Atlas saharien, s’est conservée bien après la période romaine.
C’est à peine si les sources classiques accordaient aux alphabets occidental et oriental, considérés comme contemporains, une ancienneté remontant au IIIe ou IIe siècle avant J. -C., bien que la supposition qu’ils soient bien plus anciens ait aussi été défendue. En effet, à Tiddis, en Algérie orientale, la datation d’une sépulture contenant des poteries, dont l’une portait des caractères libyques, indiquait qu’une plus grande ancienneté était possible. Plusieurs stèles portant des inscriptions libyques se situaient entre le IIIe siècle avant et le Ve après J. -C.
C’est un document rupestre qui devait mettre en garde les spécialistes sur une plus grande antiquité possible du libyque. A Azib n’Ikkis, dans le Yagour (Haut Atlas marocain) se trouve une gravure représentant un cartouche anthropomorphe dans lequel s’inscrivent quinze à seize caractères libyques (Hachid M. 1992, t. 2, fig. 257). Le contexte iconographique de cette gravure, notamment un grand nombre d’armes métalliques, faisait remonter l’ensemble à l’âge du Bronze. Se basant sur le contexte archéologique, Gabriel Camps en déduisit que cette inscription pouvait être bien antérieure aux VIIe-Ve siècles avant notre ère (Camps G. 1996). Signalons que, depuis, cette inscription a été gravement détériorée par une main vandale qui a, en quelques minutes, détruit un document archéologique fondamental et des millénaires d’histoire. Nous devrions, chercheurs maghrébins que nous sommes, avec les spécialistes et les autorités responsables du patrimoine, contribuer à protéger ces précieux témoins.
L’ancienne thèse de l’existence de trois alphabets localisait le troisième dans la Berbérie présaharienne et saharienne, territoire des Gétules et des Garamantes. C’est celui qui nous intéresse ici et c’est malheureusement le plus mal connu et le plus mal situé dans la chronologie. De plus, on sait aujourd’hui que les inscriptions sahariennes se divisent à leur tour en plusieurs alphabets quasi régionaux. Au Sahara central, plus exactement à Djerma, au Fezzan, les fouilles ont révélé des amphores gravées de caractères d’écriture datés du Ie siècle de notre ère. A Bu Njem, en Tripolitaine, on possède les preuves archéologiques que les Garamantes possédaient un alphabet particulier au IIe siècle de notre ère. On sait par le mausolée du personnage dit de "Tin Hinan", à Abalessa (Ahaggar), où des blocs ayant servi à la construction portaient des inscriptions interrompues par leur débitage, que les tifinagh récents peuvent remonter au moins au Ve siècle de notre ère, date à laquelle fut érigé cet important édifice funéraire. Cela donne donc aux tifinagh anciens une plus grande ancienneté que celle qu’on leur prêtait au départ et les fait très vraisemblablement contemporains des autres "écritures libyques du nord" (Gabriel Camps).
Les Touaregs attribuent l’invention de leur écriture à un héros fondateur, Amamellen (qui signifie "celui qui possède la clarté") ou Aniguran (se traduisant par "proverbe ou énigme, étant compris"), héros fondateur de la culture touarègue. Il s’agit de ces nombreux tifinagh qui "marquent le moindre relief du Sahara et qui commencent par : nek, c’est-à-dire par les lettres I = ien et :- = iek, qui veulent dire "Moi, un tel...". Les Touaregs arrivent à en épeler la plupart des caractères quoiqu’ils n’en comprennent pas toujours le sens et que quelques-uns des signes aient aujourd’hui disparu. Ces tifinagh, bien sûr, annoncent les tifinagh récents en usage aujourd’hui, et qui commencent par le traditionnel : awa nek (c’est moi un tel...).
Henri Lhote pensait que les inscriptions sahariennes se divisaient en trois groupes. Les tifinagh les plus anciens apparaissaient dans un contexte caballin uniquement, avec des gravures de chevaux et des cavaliers bitriangulaire à plumes, tenant un bouclier rond et portant un couteau-pendant de bras ; ils commençaient par : = ieh, 0 = ier, = ( ?) et étaient intraduisibles. On se demande quelle est la relation entre cette formule usitée au Tassili et en Ahaggar, et celle, relativement répandue dans l’Adrar des Ifoghas, l ’Adrar Ahnet et l’Aïr, qui comporte aussi les deux premières lettres (ieh et ier), mais dont la troisième diffère, l’ensemble signifiant "Je suis à la trace de...", suivi généralement d’un nom propre féminin. C’est le personnage que cet étage reproduit qui correspondrait donc à Amamellen. Le deuxième groupe identifié par Henri Lhote se constituait de caractères introduisant les tifinagh actuels puisque les Touaregs arrivent à les traduire partiellement ; ces dernières apparaissent dans un contexte camelin et débutent souvent par la formule traditionnelle : = iaou, l = ien, :- = iek, qui signifie : awa nek, "C’est moi...". énfin, les tifinagh actuels formaient le troisième groupe. Le fait que ces inscriptions soient lues entièrement, partiellement, ou qu’elles échappent à tout déchiffrement est significatif de la variété des signes et de leur évolution à travers le temps. S’agissant des innombrables inscriptions rupestres du Sahara, il est tout à fait vrai que leur déchiffrement ne sera "[...] rendu possible que par des recensements systématiques et une comparaison méthodique des textes bien localisés" (Aghali-Zakaria M. et Drouin J. 1997, p.102). C’est en ce moment l’objectif d’un groupe de chercheurs de l’Ecole pratique des hautes études, au seins du Recueil des Inscriptions libyco-berbères.
La série chronologique d’Henri Lhote doit aujourd’hui être corrigée, du moins dans sa partie initiale. Comme nous allons le voir, le premier groupe n’est pas le plus ancien, sachant que les premiers caractères d’écriture qui apparaissent au Sahara central sont des signes libyques, peints et associés au peuplement bien défini des Paléoberbères dans un contexte animalier où la girafe existait encore au Tassili. Un élément semble toutefois bien établi : les tifinagh anciens figurent dans un contexte exclusivement caballin, avant que le dromadaire n’apparaisse au Sahara.
Le terme "tifinagh" est le pluriel de tafinek (dans le système phonologique du berbère, gh et q sont les allophones d’un même phonème). Il pouvait signifier "les phéniciennes ou les puniques" (Punica) : c’est sur cette base étymologique que l’on a admis que l’alphabet libyque s’était inspiré en partie ou en totalité du système d’écriture punique, d’autant que, on le sait, six de ses lettres ont une forme tout à fait similaire à ce dernier. Cet argument étymologique pour prouver l’origine punique du libyque est loin d’être convaincant et a très bien été réfuté par Gabriel Camps qui rappelle que "[...] les chiffres arabes sont persans et les figues de Barbarie, américaines" !
D’autres explications étymologiques possibles du terme tifinagh ont récemment été proposées par Salem Chaker. La première est qu’il existe dans l’Adrar des Ifoghas un verbe "efne" qui signifie écrire. La seconde est que la racine FNQ est contenue dans l’une des dénominations du coffre domestique kabyle : afniq. Sachant que ces coffres ont été utilisés en guise de cercueil dans l’Antiquité punique et libyque, Salem Chaker se demande : "[...] l’emprunt punique supposé n’est-il pas d’abord une influence au niveau des rites funéraires ? ét le terme tifinagh n’aurait-il pas d’abord signifié pour les Berbères "les épitaphes", dont la pratique aurait été empruntée aux Puniques, plutôt que "les phéniciennes/puniques" ? (Chaker S. et Hachi S. 1999, p.10). Si l’existence d’un verbe qui signifie "écrire" en berbère est fort intéressante, un emprunt du terme "épitaphe" en punique nous apparaît plutôt tardif, sachant qu’à cette date l’écriture libyque est déjà constituée, comme nous allons essayer de le démontrer.
Pour tenter une évaluation chronologique de la période à laquelle les caractères du libyque ont pu être mis au point, dans l’optique d’une genèse locale, nous basant bien sûr sur les données que la linguistique a recueillies sur la nature de cette écriture, nous ferons aussi appel à des éléments archéologiques et historiques. La première question que nous nous posons est de savoir si le libyque ne pourrait pas être aussi ancien que le phénicien lui-même ou le punique, assez pour que l’on puisse proposer que ses lettres ne puissent en dériver !
On attribue l’invention de l’alphabet aux Phéniciens vers l300/l200 ans avant J.-C., mais on sait aujourd’hui que le principe de l’alphabet est né bien avant. L’alphabet phénicien se répand vers 1000 avant J.-C. en Méditerranée et vers l’Asie, porté par l’activité du négoce et les nécessaires contacts entre les royaumes et les peuples. C’est ainsi qu’entre autres peuples de la Méditerranée orientale, il est adopté par les Grecs vers 800 ans avant J.-C. Cette hypothèse voudrait donc que les groupes paléoberbères en aient fait autant. Sur le plan historique, cette hypothèse paraissait encore plus défendable puisque les plus anciennes inscriptions libyques étaient considérées comme postérieures aux premières colonies phéniciennes en Afrique du Nord, datant de 1200 avant J.-C., et même à l’établissement de Carthage en 8l4 avant notre ère. Mais déjà Stéphane Gsell devait protester, considérant que si le libyque et le punique présentent, certes, plusieurs signes communs, les caractères puniques sont généralement cursifs et se présentent horizontalement alors que dans le libyque, ils sont anguleux et géométriques, et placés verticalement pour les plus anciennes.
Comme nous l’avons dit précédemment, la théorie selon laquelle le libyque pourrait être tout ou partie une invention originale possède ses supporters. én 1959, J.G. Février voyait dans l’écriture libyque un mélange de lettre empruntées et de lettres puisées dans "[...] un vieux répertoire local : tatouages tribaux, marques de propriété, signes gravés sur les pierres de taille..." (Février J.G. 1959, p. 325). Selon Lionel Galand, il a pu exister une graphie libyque sur laquelle, effectivement, le punique a pu exercer une influence (Galand L. 1989, p. 110). Cette graphie originale était en mesure d’emprunter quelques lettres et d’en aménager d’autres, tout en ayant les siens propres. Selon Gabriel Camps, partisan de l’existence de prototypes fort anciens, desquels dériveraient les alphabets phénicien et libyque, "en fait, il n’es guère possible de fixer les origines de l’écriture libyque" (Camps G. 1987, p. 202). Quant à Salem Chaker, il fait remarquer que le libyque apparaît partout tel qu’on le connaît dans son aspect géométrique sans être précédé de stades intermédiaires qu’on ne possède pas, stades qui pourraient représenter une transition ou une évolution progressive du libyque à partir d’un modèle phénicien ou punique, comme c’est par exemple le cas entre le phénicien et le grec archaïque ou la séquence araméen/nabatéen/arabe (Chaker S. et Hachi S. 1999, p. 8).
Outre la linguistique, il existe des éléments ou d’autres voies d’investigation que l’on peut verser au dossier compliqué de l’apparition du libyque : il s’agit des peintures rupestres et des découvertes faites au cours des fouilles archéologiques au Sahara, d’une part, de l’histoire antique de la Méditerranée, d’autre part.
Nous devons à nos années passées dans l’Atlas saharien et le Tassili, y observant des centaines d’inscriptions gravées et peintes, l’intuition d’une genèse locale du libyque. L’argument peut paraître subjectif, mais la fréquentation du terrain est un élément fort important. Si les physiciens, mathématiciens et astrophysiciens d’aujourd’hui, parmi lesquels des noms célèbres comme celui de Newton ou Einstein, ont parfois accédé à des découvertes fondamentales grâce à des théories qui ont été vérifiées par la suite, des théories souvent bâties sur une grande part d’intuition de l’aveu même de ces célèbres chercheurs, on se demande pourquoi la même démarche serait interdite aux archéologues dans la mesure où leurs hypothèses peuvent trouver preuve.
Dans l’Atlas, nous remarquions que les inscriptions rupestres étaient postérieures à la période du char et du cheval, un constat qui nous étonnait, car, au Tassili, nous commencions à découvrir que char et cheval, écriture et métal semblaient aller de pair (aussi, nous ne serions pas surprise si dans l’Atlas des caractères d’écriture se trouvaient un jour associés au char et au cheval). Les inscriptions atlasiques que nous avons soumis à Salem Chaker lui permirent de les rattacher à un alphabet occidental avec des caractères sahariens anciens (in litteris) (Hachid M. 1992).
Le fouillis géométrique des parois de l’Atlas fut pour nous décisif. Nous avions été frappée par ce riche cortège de signes géométriques marquant les rochers, parmi lesquels des signes très proches du décor géométrique des arts populaires actuels (tissage et tapisserie, poterie, sculpture sur bois, tatouages, peintures murales, forme et décors des bijoux). Il nous paraissait clair que ces signes étaient déjà de véritables idéogrammes, des symboles, une sorte de graphie naissante, porteuse de sens.
Cette hypothèse allait se renforcer avec les prospections que nous fîmes dans la région de Tébessa (nord-est de l’Algérie). Nous y vîmes des sites rupestres inédits reproduisant exactement les mêmes signes géométriques que ceux ornant les coquilles d’oeuf d’autruche des Capsiens, ces premiers Berbères dont l’une des caractéristiques culturelles essentielles, voire identitaires, est celle du décor géométrique qui marque tous leurs objets utilitaires et leur parure. Nous avons alors publié un motif à l’allure décorative, mais ayant déjà un sens précis : un arbre, peut-être le palmier (Hachid M. 1982, fig. 297) en écrivant : "Le palmier est avec le dromadaire le plus grand ami du Saharien ; chez les Kabyles comme chez les Touaregs le palmier est la maison des anges" Aujourd’hui, l’interrogation de Salem Chaker et de Slimane Hachi : "Ne doit-on pas plutôt envisager d’emblée un processus de développement endogène à partir de pratiques non scripturaires, en tout cas non alphabétiques ?" (Salem S. et , Hachi S. 1999, p. 2), vient rejoindre l’avis des partisans d’une origine locale du libyque et conforter ce que nous écrivions sur les gravures géométriques de l’Atlas saharien : "De plus en plus réduites, les figures tendent à se géométriser et la période libyco-berbère entre progressivement dans la voie de l’abstraction. De nombreux motifs au tracé rectilinéaire, ignorant le volume et la courbe, apparaissent dès l’étage caballin et se multiplient surtout en milieu camelin - losange, triangle, carré et rectangle, marelle, ligne brisée, chevrons, signe en M, barbelures, branche, croix... C’est ce même cortège de motifs que l’on retrouve aujourd’hui dans les arts populaires... Avec les temps protohistoriques et historiques, le dessin figuratif tend à disparaître ; le style géométrique envahit les parois et peu à peu cet art se confine aux graffiti. Au début de ce processus, entre la fin de la période des chars et le début de la période libyco-berbère, on ne sait d’où ni comment surgissent les premiers caractères d’écriture." (Hachid M. 1992, p. l47). On ne peut, dans ce cas, admettre l’idée d’un emprunt total au punique.
Ces mêmes auteurs font remonter ce processus à l’art rupestre caballin du Tassili : "[...] les artistes du caballin ont été ceux qui ont inauguré, puis généralisé de manière graduelle, le schématisme à base géométrique. Ce style, nouveau, en nette opposi avec le réalisme et la diversité des représentations bovidiennes, correspond à un profond changement dans le graphisme..." (idem, p. 5). Ce constat est certes valable en ce qui concerne les gravures de l’Atlas saharien, mais pour le Tassili et le Sahara, le graphisme géométrique est bien plus ancien que la période caballine. S’agissant du Sahara central, nous pensons que, des Protoberbères Bovidiens aux Paléoberbères, il y a certes un changement de style dans l’art de la peinture, dans la mesure où les premiers s’inscrivent encore dans un art figuratif alors que les seconds abordent un traitement des figures plus stylisé et plus géométrique. Néanmoins, l’apparition de motifs géométriques est plus ancienne que ne l’estiment Salem Chaker et Slimane Hachi : les peintures que les Protoberbères Bovidiens du néolithique appliquaient parfois sur toute la surface de leur corps, le décor des vêtements, notamment féminins, sont déjà investis de motifs divers pouvant se prêter peu à peu à l’esquisse d’un graphisme symbolique, s’il ne l’était pas déjà...
Partout dans le monde, chez les peuples premiers, les peintures corporelles ont une importance capitale d’un point de vue magico-religieux.Pour les Protoberbères Bovidiens, nous pensons que les peintures corporelles (qui pouvaient aussi être des tatouages) jouaient déjà le rôle de "marqueur", chaque groupe ayant les siennes, les uns préférant les zébrures, les autres, les lignes ondulées, d’autres encore, les motifs géométriques. S’il y a différence dans ce décor corporel qui marque l’appartenance tribale, c’est qu’il y a déjà un début de sens. élles pouvaient aussi être liées à des activités particulières ; ainsi, on remarque que les chasseurs ont souvent des zébrures sur les jambes. Avec les Libyens orientaux magnifiquement restitués par l’art égyptien, les signes-tatouages sont visiblement réservés aux rois et aux dignitaires et impliquent, comme le double baudrier, les notions de prestige, de pouvoir et de noblesse. On a reconnu parmi ces tatouages le signe de la déesse Neith, signe à la fois religieux et prophylactique, et le signe de croix qui n’a aucun lien avec le christianisme, loin d’être né. Chez les Garamantes, notamment, le graphisme géométrique va prendre les proportions qu’on lui connaît. Surtout, il va intervenir sur les figures elles-mêmes qui perdent de plus en plus leur aspect figuratif au profit d’un traitement géométrique. Cette graphie a pu donner naissance plus tard à quelques signes sommaires préalphabétiques.
én résumé, nous pensons que c’est d’abord chez les Capsiens du Maghreb, il y a plus de l0 000 ans et chez les Protoberbères Bovidiens du Sahara, il y a déjà 7 000 ans, qu’il faut chercher ce vieux stock de signes divers, puis chez les Libyens orientaux et sahariens des débuts de l’histoire. C’est dans ce creuset iconographique que se trouvent certains éléments graphiques socio-religieux (et autres ?) qui ont pu se prêter progressivement à la mise en place d’une sorte de langage idéographique primaire. Ce n’est qu’avec les Paléoberbères Garamantes que ce système primaire s’est orienté vers une forme scripturaire pour donner les premiers caractères d’écriture (mais nous ne serions pas étonnée que l’on découvre un jour que ces caractères soient l’invention des Libyens sahariens).
L’avantage qu’offre le cas des peintures du Tassili ou de l’Atlas saharien réside dans l’étonnante continuité ethnique berbère qui se manifeste dès le Néolithique moyen avec les Protoberbères Bovidiens jusqu’à la période cameline subactuelle.
A la suite des travaux d’Henri Lhote, il était admis que le cheval avait été attelé avant d’être monté et que l’écriture apparaissait tardivement au stade seulement de la cavalerie. Des images rupestres prouvent la simultanéité de la monte du cheval et de son attelage au char. Quant à l’écriture, nous connaissons au moins six à sept inscriptions au Tassili qui appartiennent incontestablement à la période des chars : elles se trouvent à Tachekelaouat, Oued Bohediane, Titeghas n’Elias, Akraren, In Oufnane, Ekaden Ouacharène, Takoudématine ; et peut-ètre aussi In Eleli. Ce sont toutes des inscriptions peintes. Fabrizio Mori en a publié quelques-unes dans la Tadrart Acacus, mais il n’en a pas tiré parti ; celle de Teghaghit, dans la Tadrart Acacus, est tracée en blanc. Tout au long de la période garamantique, qui a évolué sur plusieurs siècles, les inscriptions deviennent de plus en plus nombreuses, au point que lorsqu’elles se trouvent associées aux premières images du dromadaire, elles envahissent les parois. Leur contexte et leur style permettent de les sérier, et les plus anciennes, sous réserve de confirmation par un examen linguistique, nous paraissent se trouver à Tachekelaouat, Oued Bohediane, In Oufnane, Titeghas n’Elias, Ekaden Ouacharène, Akraren, In Eleli, et In Teghaghit.
Nous avons remarqué que, parfois, procédé volontaire de la part de ces peintres, les inscriptions viennent en dernier lieu comme pour "signer" ou référencier la peinture réalisée. Sur la roue de Brooklyn étudiée par Jean Spruytte et datant du Ve siècle avant J. -C., il y a des marques de repérage reproduisant le signe X, une lettre libyque. Quant à l’inscription d’Ekaden Ouacharène, elle est associée à un quadrige très particulier, un magnifique galop cabré de quatre chevaux, quadrige tout à fait comparable aux chars d’apparat des scènes de triomphe ou de mythologie de l’art grec des VIe et Ve siècles avant J. -C. En outre, cette inscription constitue une preuve des contacts qui existèrent entre les Paléoberbères du Sahara central et la Grèce classique.
Dans l’état actuel de nos connaissances, si la langue berbère s’individualise dans la région du Maghreb il y a environ 8 000 à 7 000 ans, peut-on dire que l’écriture, le libyque, a de fortes chances d’être apparu au Sahara ? Du moins peut-on affirmer que dans l’état actuel de nos connaissances, les inscriptions libyques les plus anciennes se trouvent au Sahara central.
Ces inscriptions que nous considérons comme les plus anciennes sont encore peu nombreuses et il s’agit le plus souvent de quelques lettres brièvement tracées, presque toujours alignées verticalement. Etant indéchiffrées, on ignore ce qu’elles expriment. Les écritures les plus anciennes au monde, les tablettes sumériennes de Mésopotamie et les hiéroglyphes égyptiens, sont apparues dans la seconde moitié du IVe millénaire avant J. -C. "[...] dans des sociétés en plein développement où l’essor du commerce au bord des fleuves et l’urbanisation font surgir de nouveaux besoins : celui de la liste comptable, du répertoire, de la trace administrative, de la marque de la propriété. L’écriture fixe et enregistre, pose des repères, indique des bornes, elle fonde l’ordre social et politique, garantit le pouvoir de quelques-uns. Cependant les mythologies, tant mésopotamienne qu’égyptienne, font de l’écriture un don divin" (Zali A., 1997, p.12). L’écriture libyque est née dans un environnement naturel qui était celui d’une brousse sèche, voire prédésertique, un milieu s’enfonçant dans l’aridité et qui ne pouvait répondre à des besoins économiques comme ces grandes civilisations que d’importants fleuves comme l’Euphrate, le Tigre et le Nil ont fertilisées.
Ces inscriptions sahariennes étant fort courtes, nous ne pensons pas qu’elles viennent seulement préciser le sens de l’image à laquelle elles sont associées ou qu’elles soient une simple légende. Les langues sumériennes et égyptiennes étaient aussi porteuses de messages importants, à dimension religieuse par exemple. En Egypte, les hiéroglyphes sont l’émanation du verbe divin et à ce titre se traduisent par "lettres sacrées" ; en dessinant un hiéroglyphe, le scribe lui donnait vie. Au cours l’Antiquité, l’écriture n’était pas à la portée de tous : sous le règne des pharaons, on a estimé que seul 1% de population savait écrire (Vercoutter J. 1994, p. 66). La société protoberbère puis paléoberbère, telle qu’elle apparaît dans les peintures, privilégie un message figuré : celui de la représentation d’une élite sociale et de son idéologie de pouvoir. Parmi les Paléoberbères Garamantes, seule cette élite pouvait posséder des chevaux et des chars ou le métal. Aussi pensons-nous que ces inscriptions ont de fortes chances d’exprimer l’idée de chefferie, d’autorité et de classe sociale. A son tour, l’écriture a pu être considérée comme un instrument de prestige réservé à cette élite. Ces inscriptions pourraient, par exemple, livrer le nom du propriétaire du char et du cheval, le nom ou le titre d’un chef ou d’un clan.
Par ailleurs, la société berbère a toujours été une société de tradition orale où la mémoire et la communication non écrite tiennent une place de choix. Cela ne réduit en rien l’importance des écritures libyques, mais peut expliquer que la parole fut privilégiée au détriment de l’écriture. "Qualifier l’Afrique de "continent sans écriture", c’est oublier, aveuglés par la place privilégiée de l’écriture dans notre conception occidentale de la communication, que dans les systèmes graphiques africains, les signes et les figures tracées viennent exprimer de façon concrète et visible ce que la parole ne dit pas. Dans les sociétés africaines, la parole ne doit pas être comprise comme le seul et unique moyen d’expression privilégié mais comme un moyen de communication parmi d’autres." (Girard é. 1997, p. 88)
Au Sahara central, nous avons pu constater que (à ce jour) aucune inscription n’accompagne les peintures des Libyens sahariens. Les premiers caractères apparaissent avec ceux qui leur font immédiatement suite, les Paléoberbères Garamantes. Nous avons vu que ces derniers se mettent en place après 1500 ans avant J.-C. et avant l000 ans avant J.-C. C’est donc dans ce laps de temps, de moins de 500 ans, qu’il faut rapporter l’apparition du libyque, c’est-à-dire dans la seconde moitié du IIe millénaire avant J.-C.
L’alphabet phénicien a vu le jour entre 1300 et l200 avant. J.-C. Le document le plus ancien que l’on connaisse est l’inscription sur le sarcophage du roi Ahiram à Byblos daté entre 1100 et 1000 avant J.-C. C’est exactement la période à laquelle le libyque a pu se mettre en place. Par conséquent, la relative contemporanéité de ces deux écritures ne permet pas d’envisager que le libyque soit issu du phénicien et encore moins du punique.
On pourrait admettre que les inscriptions associées aux Paléoberbéres du Tassili sont donc les plus anciens témoignages de l’écriture libyque en Afrique du Nord et qu’elles peuvent se situer vers 1300-1200 ans avant J.-C. Or, nous sommes en plein Sahara central, bien loin du domaine phénicien et carthaginois. C’était déjà le cas, rappelons-nous, de la plus ancienne inscription connue au Maghreb, celle d’Azib n’Ikkis dans le Haut Atlas marocain, située complètement à l’ouest et à l’opposé des zones d’influence punique. Mais la mise en place de cette écriture dans des régions strictement continentales, en dehors de tout contact, ne nous satisfait pas. En voici les raisons. Des arguments d’ordre archéologique et historique vont dans le sens de la contemporanéité du libyque et du phénicien, mais ils induisent aussi des contacts obligatoires dans la mise en place de l’écriture des Paléoberbères. La période à laquelle le libyque surgit sur les rochers du Tassili correspond non seulement à l’invention de l’alphabet en Méditerranée, mais aussi à un événement capital dans la partie orientale de cette région. Il s’agit des formidables invasions des Peuples de la Mer qui mettent les Libyens orientaux en contact avec des peuples très divers venus des Balkans, d’Asie mineure, du Levant, de la mer Egée... C’est avec quelques-uns d’entre eux qu’ils se sont alliés contre les pharaons Mineptah puis Ramsès III. Comment l’écho de cet événement qui va bouleverser la Méditerranée, entraîner l’effondrement de grandes civilisations comme celle des Mycéniens ou des Hittites d’Anatolie ne serait-il pas parvenu aux Libyens sahariens, lesquels par ailleurs ont pu prêter main forte à leurs cousins Libyens orientaux ? Les Peuples de la Mer débarquant avec femmes, enfants, bagages, us et coutumes, s’attaquant aux royaumes et empires méditerranéens, suscitant batailles célèbres, mouvements de populations et autres désordres ont entraîné une vague déferlante qui a forcément mis en contact des peuples et des cultures. Il suffit de contempler l’iconographie égyptienne immortalisant les batailles de pharaon pour s’en assurer : les étrangers y sont soigneusement reproduits, chaque détail de leurs vêtements, de leur coiffure ou de leur armement nettement restitué. Cette configuration mouvementée de la Méditerranée a entraîné des échanges et des emprunts culturels, et pourquoi pas des signes d’écriture, voire un système alphabétique ? Salem Chaker n’a-t-il pas fait remarquer que l’une des racines du nom du cheval (ayis) en berbère semblait plutôt avoir puisé au lexique indo-européen (ekwos) qu’égyptien (lequel a emprunté le terme susim, d’origine sémitique) ?
Les Libyens ne pouvaient ne pas connaître l’existence des hiéroglyphes. Par ailleurs, ils étaient en contact avec des peuples, comme les Egéens, par exemple, qui, dès la fin du IIIe millénaire avant J.-C., possédaient des systèmes d’écriture (le hyéroglyphique crétois ou minoen, le linéaire A, le linéaire B ou écriture mycénienne). Ils ne pouvaient donc pas ignorer qu’il existait des procédés permettant de transcrire une langue. Comme nous l’avons vu, ils ont pu posséder une graphie propre, sorte de substrat autochtone qu’ils ont alors amélioré grâce à cette puissante mise en contact avec les peuples de la Méditerranée orientale. Ceci aurait l’avantage d’expliquer les quelques ressemblances notées par les linguistes avec d’autres alphabets sémitiques anciens, des ressemblances peut-être puisées à un fonds méditerranéen commun, comme le suppose Gabriel Camps. Ainsi le X marqué sur la roue de Brooklyn, marque de repérage, est certes une lettre phénicienne, mais c’est également une lettre libyque. De la même manière que les Paleoberbères ont su mettre à profit un savoir technologique commun à la Méditerranée, adoptant et adaptant à leur tour char et cheval, ils ont pu aussi s’inspirer d’un système d’écriture plus performant que le leur qui s’en trouva ainsi amélioré. Les Grecs, eux même n’ont-ils pas puisé à la même source, empruntant plusieurs signes au phénicien pour noter leur voyelles, via l’araméen ?
Même en admettant une genèse tout à fait locale du libyque, par les nécessaires contacts avec la Méditerranée, ses caractères se sont forcément frottés à des prototypes très anciens. N’a-t-on, pas mis en valeur un alphabet apparu antérieurement au phénicien ? A Ougarit, près de Byblos, en Syrie du Nord, vers 1400 avant J.-C., il existe une écriture cunéiforme qui utilise trente signes seulement, tous des consonnes. Les linguistes n’hésitent pas à considérer l’alphabet d’Ougarit comme la première écriture alphabétique. Comme beaucoup de langues afrasiennes, les voyelles sont rétablies d’après la physionomie des mots. On sait justement que c’est de cette cité-Etat d’Ougarit que les Peuples de la Mer se sont ébranlés pour attaquer Ramsès III en l’an 1177 avant J.-C. Non pas qu’il faille en déduire un lien entre ce cunéiforme et le libyque, bien sûr, mais l’exemple montre la circulation et la mobilité des hommes et des connaissances d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Il reste aussi aux linguistes à nous confirmer si les premiers caractères d’écriture libyque sont déjà un alphabet ou non. Dans le cas positif, alors les Libyens ont inventé leur écriture et leur alphabet sans avoir forcément emprunté ce dernier à celui des Phéniciens, mais on ne peut écarter la possibilité qu’il y ait eu un contact entre les deux, et donc quelques emprunts. Mais dans ce cas, pourquoi les-dits emprunts n’auraient-ils pas été réciproques ?
Est-il d’ailleurs nécessaire d’invoquer les événements qui secouèrent la Méditerranée lors des invasions des Peuples de la Mer, sachant la richesse culturelle et linguistique du bassin méditerranéen oriental et les échanges naturels entre peuples et royaumes ? Mais cette référence à la Méditerranée orientale au moment où elle s’expose à tous ces désordres historiques correspond justement à cette date de 1200 ans avant J.-C. qui marque l’émergence très probable des premières inscriptions libyques au Tassili avec les Garamantes bitriangulaires. Tous les éléments, archéologiques, linguistiques et historiques convergent vers ce même repère, celui de l’apparition du libyque vers la fin du IIe millénaire avant J. -C., entre 1500 et 1000 avant J.-C.
C’est le moment où une vague de progrès porte les Paléoberbères, qui adoptent cheval et char, mettent au point écriture et métallurgie. Que l’écriture soit apparue, à quelques siècles près, en même temps que le cheval, le char et le métal n’est pas le fait du hasard. Cette dynamique de progrès est un ensemble qui, de proche en proche, gagne la Méditerranée. A ce progrès, tous ont participé : les Paléoberbères ont si vite maîtrisé la technologie de l’attelage et de la cavalerie qu’ils vont inventer le quadrige et une méthode particulière de dressage de chevaux ; ils en feront de même pour la métallurgie. Il n’est pas étonnant que l’écriture ait justement accompagné tous ces importants bouleversements.
Il reste maintenant à se demander pourquoi, si l’écriture libyque s’est également construite au contact des autres civilisations méditerranéennes, pourquoi celle-ci serait née au Sahara central et non pas, plus logiquement chez les Libyens de la côte méditerranéenne ? Pourquoi ne serait-elle pas apparue dans les gravures rupestres de l’Atlas saharien, nous dira-t-on ? Nous avons attentivement examiné celles-ci : les inscriptions les plus anciennes sont postérieures aux représentations de chars. Mais comme nous en émettions l’intuition ci-dessus, nous sommes persuadée que cette écriture a pu naître dans le même temps que l’attelage. Il reste donc à découvrir une association possible d’inscription et de char dans l’Atlas (cette région étant pour l’instant dangereuse à parcourir, l’avenir nous le dira). Si l’écriture libyque est née sur les rives de la Méditerranée, alors nous en découvrirons aussi un jour les plus anciennes traces. Si elle s’est mise en place au Sahara central, alors il faut croire que les Paléoberbères sahariens étaient plus doués que les Libyens orientaux ou occidentaux, qui auraient dû être les premiers dans le domaine, sachant leur position géographique plus propice aux contacts avec les peuples de la Méditerranée orientale ou est née l’écriture.
Aujourd’hui, pour mieux comprendre et dater le libyque saharien, nos efforts doivent tendre vers la recherche et l’exploitation systématique des inscriptions qui accompagnent les peintures rupestres paléoberbères les plus anciennes, mais aussi des inscriptions liées à un contexte archéologique parfaitement datable, comme celle du char d’Ekaden Ouacharène au Tassili, par exemple. Par ailleurs, il est évident que l’étude de ce contexte peut être d’un grand apport pour établir une chronologie relative de ces inscriptions : celles qui sont associées à des girafes et des chevaux sont forcément plus anciennes que celles qui jouxtent le chameau et l’autruche... Pour identifier ces catégories, il faut un travail étroitement lié entre archéologie et linguistique. On ne peut continuer de travailler chacun de son côté, sachant que archéologues et linguistes ont des éléments complémentaires. Le domaine saharien reste le champ d’étude par excellence, les inscriptions ayant eu l’avantage d’avoir été peu ou pas du tout exposées aux influences et aux altérations qu’ont connues les alphabets septentrionaux, notamment l’oriental fortement influencé par le punique.
Peut-on savoir à quel moment s’accomplit la mutation du libyque saharien en tifinagh anciens, forme plus récente ? On sait qu’au Tassili ces derniers apparaissent avant le dromadaire, mais il est pour l’instant difficile d’établir à quel moment précis cet animal est arrivé au Sahara. Toutefois, sachant d’une part, que le dromadaire est repérable dans le dernier siècle avant notre ère, qu’il abonde dans la partie orientale de l’Afrique romaine dès les premiers siècles de notre ère et, d’autre part, que les inscriptions du mausolée d’Abalessa (Ahaggar) au Ve siècle de notre ère sont déjà des tifinagh récentes, logiquement les tifinagh anciennes ne peuvent qu’être apparus au cours du dernier millénaire avant J.-C., avant le dernier siècle (au moins).
én Aïr, Jean-Pierre Roset a montré que les inscriptions n’apparaissent que dans la phase caballine finale, celle où les hommes tiennent leur cheval par la bride (Roset J.P. 1993). Ces guerriers portent un voile dissimulant le bas du visage, des plumes sur la tête, une natte de cheveux sur le côté, le pantalon bouffant, style seroual, un bouclier rond et le couteau pendant de bras. L’écriture libyque, après une longue gestation à travers l’art géométrique, est très vraisemblablement apparue vers 1300/1200 avant J.-C. Il y en eut assez vite plusieurs formes, du nord au sud, d’est en ouest de cette immense Berbérie. Les tifinagh anciens sont forcément en place avant le Ie siècle avant J.-C. et se transforment en tifinagh récents. Les tifinagh récents remontent au moins au Ve siècle de notre ère, date du mausolée d’Abalessa. Les tifinagh anciens ont donc, au minimum, six siècles d’âge et les écritures libyques ont pu durer plus de 1000 ans.

* Extrait de " Les Premiers Berbères. Entre Méditerranée, Tassili et Nil ", Ina-Yas. Edisud 2001
** Malika Hachid est diplômée de l’université de Provence en préhistoire et protohistoire sahariennes. Tour à tour chercheur, maître-assistant, conservateur, puis directeur du Parc national du Tassili des Ajjer (Patrimoine mondial), elle est avant tout un chercheur de terrain, férue du Sahara en général et du Tassili en particulier, une région qu’elle parcourt à pied et à dos de chameau depuis plus de vingt ans.
Auteur de nombreux articles et conférences à travers le monde, elle a aussi collaboré à de nombreuses réalisations audiovisuelles et, consacré deux ouvrages au patrimoine de l’Algérie et du Sahara :
El-Hadjra el-Mektouba. Les Pierres écrites de l’Atlas saharien,
1 volume de texte, 176 pages ; 1 volumc d’images, 385 photos couleurs, Editions Enag, Alger,1992.
Le Tassili des Ajjer : Aux sources de l’ Afrique, 50 siècles avant les Pyramides, 310 pages, 460 illustrations couleurs et noir et blanc, Editions édif 2000 et Paris-Méditerranée, Alger, Paris, 1998.
Les Premiers Berbères. Entre Méditerranée, Tassili et Nil. Ina-Yas. édisud 2001






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Message Publié : 22 Fév 2008 17:16 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 12 Fév 2008 9:32
Message(s) : 52
En référence bibliographique sur l'histoire des berbères je pense plutôt à l'oeuvre de Gabriel Camps:

Les berbères
L'encyclopédie berbère
L'Afrique du nord au féminin

et les oeuvres du général Daumas, d'Ernest Mercier et Stéphane Gsell téléchargeables sur le site Algérie Ancienne
http://www.algerie-ancienne.com/index.htm


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Message Publié : 22 Fév 2008 19:55 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
J’avais déjà eu l’occasion de parcourir et mettre à profit le site auquel tu renvoies, il est excellent par sa volonté de mettre en ligne les textes majeurs de l’histoire ou de l’historiographie de l’Afrique du Nord. Une perle.

Pour le long texte que tu nous livres… Il est certes très intéressant, mais pas vraiment évident, long et parfois confus. Un résumé, avec un renvoi au document complet, aurait peut-être été préférable, je crains que sa taille ne fasse fuir de nombreux participants. :D

J’ai donc essayé de comprendre les arguments en faveur d’une datation aussi haute de cette écriture, qui m’interpelle de premier abord, je ne te le cacherai pas. J’ai donc lu tout ça avec en arrière-pensée « Où est l’arnaque ». Autant prévenir par honnêteté ! :wink:

1) Les premières inscriptions en caractères libyques datent du IIIe av. (je fais abstraction de la roue de Brooklyn du Ve qui présente juste une croix (repère ?), et de l’inscription d’Ekaden Ouacharène que personne ne verra jamais puisqu’elle a été détruite et dont la datation se base sur une comparaison avec des représentations de chars grecs 8O du VIe, méthode pour le moins discutable !!)
2) Mais des signes décoratifs géométriques courants dans l’art rupestre, les poteries, etc., (et toujours employés de nos jours) ressemblent à des lettres du futur alphabet libyque. Mais ils sont difficilement datables, voire pas du tout (et surtout ils sont toujours isolés, ce n’est jamais des « inscriptions » ou des succession de signes mais des dessins et des symboles isolés. Rien n’indique un sens alphabétique, phonétique ou autre.
3) Ces signes couvrent le territoire des Garamantes
4) Les Garamantes se sont installés sur ces territoires entre 1500 et 1000 av. JC
5) Donc l’écriture libyque date des environs de 1200 av., en même temps que les invasions des Peuples de la mer.

J’ai juste ou j’ai loupé une étape majeure ?
Si j’ai bien tout compris, je retiens surtout que l’écriture libyque date du IIIe avant, réemployant une tradition iconographique géométrique ancienne et subissant une forte influence punique. Et que le faire remonter au-delà ne repose sur rien de bien concret, pour ne pas dire sur rien du tout.

Mais je n’ai peut-être rien compris, ne connaissant pas (ou très superficiellement) la préhistoire d’Afrique du nord et encore moins les inscriptions et l’alphabet libyque.


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Message Publié : 22 Fév 2008 21:06 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 12 Fév 2008 9:32
Message(s) : 52
Merci beaucoup Thersite, vous avez je pense de fortes connaissances sur la civilisation berbère.
Vous avez écrit:
Citer :
1) Les premières inscriptions en caractères libyques datent du IIIe av. (je fais abstraction de la roue de Brooklyn du Ve qui présente juste une croix (repère ?), et de l’inscription d’Ekaden Ouacharène que personne ne verra jamais puisqu’elle a été détruite et dont la datation se base sur une comparaison avec des représentations de chars grecs du VIe, méthode pour le moins discutable !!)


Pour le char grec, G. Camps (1) nous donne l'image du Sahara néolithique où des hommes se déplaçaient enchar attelés à plusieurs chevaux.

Sinon, j'ai un autre livre récent ou l'auteur, Mebarek Slaouti Taklit (2)
qui cite plusieurs chercheurs: Galland, Chaker, Gabriel Camps, Laporte....
Pour la datation des inscriptions trouvées:

Celles de Azzibs (Maroc) G. Camps les date bien antérieurement au 6eme siècle avant JC.

Les stèles figurées en grande Kabylie: Abizar, Souama: pour Laporte elles seraient antérieures au 3eme siècle avant JC

Celle de Dougga (Tunisie) daterai de 138 avant JC

Pour G Camps le libyque est antérieur d'un millénaire avant JC

Personnellement je ne comprends pas pourquoi on dit l'écriture Libyque venait du punique alors que précisément l'élite libyenne n'écrivait qu'en punique avant l'invasion romaine?
Cela veut dire qu’ils ont abandonné un alphabet pour un autre !

(1) Les berbères G Camps Edisud
(2) L'alphabet latin serait-il d'origine berbère?


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Message Publié : 23 Fév 2008 12:29 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
Ahmed a écrit :
vous avez je pense de fortes connaissances sur la civilisation berbère.

Nonononon, détrompes-toi Ahmed, je ne connais pas du tout la culture berbère, tout au plus, je me suis intéressé aux Libyens et au Numides tels que les textes greco-latins nous les décrivent. Là se bornent mes connaissances. Je me suis contenté de résumer l’article, en fonction de ce que j’avais compris, espérant ainsi enclencher une discussion qui m'en apprendrait plus.
Mais le sujet est très intéressant et les études sahariennes en plein développement sont très porteuses (et qui n’a pas rêvé sur les émeraudes des Garamantes ?). Par contre, la politique et la recherche identitaire (qu’on me pardonne si l’expression est maladroite) berbère tendent à envahir le domaine historique, au point que la passion aveugle trop souvent la raison et que des tas d’exagération, voire de rumeurs infondées corrompent ce champs d’étude et rend son défrichement difficile pour le néophyte que je suis. D’où ma prudence et une attitude assez critique par rapport aux conclusions les plus audacieuses présentées.
Internet est envahi par quelques textes récurents qui sont copiés-collés d’une page à une autre sans analyse, sans critique, tels quels. Ca frise le harcèlement ou la propagande ! Ainsi, je viens de me rendre compte que le texte que tu as présenté l’a déjà été, ici même sur ce forum, il y a deux ans. Absolument identique, y compris quelques fautes de frappe. Et je l’ai aussi retrouvé en cherchant à en savoir un peu plus des dizaines de fois sur de multiples forums. Il devient difficile de trouver de nouvelles infos tant ces « classiques » sont omniprésents. Je ne te jette pas la pierre pour autant, je suis ravi d’avoir l’occasion de m’y pencher, mais je regrette que cette répétition ne s’accompagne pas de réflexions, de créativité, de la part de trop de militants berbères, qui en voulant promouvoir leur culture la décridibilisent au final par cette attitude passive de simple "propagation".

Ahmed a écrit :
Pour le char grec, G. Camps nous donne l'image du Sahara néolithique où des hommes se déplaçaient en char attelés à plusieurs chevaux.
Le char est incontestablement caractéristique de la culture garamante, on est bien d’accord. Les descriptions en manquent pas chez les classiques, déjà Hérodote mentionne les chars à quatre chevaux des Garamantes en IV.183. Et c’est justement cette permanence du quadrige pendant la période historique qui rend obscure cette datation : pourquoi le char d’Ekaden Ouacharène daterait-il du VIe ou VIIe av. et pas plus tard ? Par ce que des dessins d’une culture complètement différente située à des milliers de kilomètres de là lui ressemblent vaguement, ils seraient contemporains ? C’est plus que léger, c’est ridicule.

On touche du doigt un des gros problèmes spécifiques à l’étude de l’art rupestre saharien. Comment le dater ? Il n’existe aucun contexte archéologique, et ce sont des lieux de passage millénaires. A terme, des études stylistiques et techniques de grande ampleur arriveront, j’espère, à proposer des chronologies relatives convaincantes, mais ce n’est visiblement pas du tout le cas actuellement, leur recensement et leur étude n’ayant commencé que très récemment. D’ici là, prudence.

Ainsi, prenons l’inscription d’Azib n’Ikkis que tu mentionnes, étudiée par Camps, l’argument le plus valable (pour ne pas dire le seul) pour remonter la chronologie, meilleur que ceux de l’article précédent (je m’étonne d’ailleurs qu’il n’y soit pas mentionné). Je m’appuie sur un résumé de son travail trouvé ici
Image
Tout d’abord, il faut admettre que texte et dessin sont contemporains. C’est très probable dans ce cas là, d’après Camps, en s’appuyant sur la technique de gravure et la « patine » de la pierre, mais pas certain. Ensuite, isolé, ce document est indatable. Camps compare donc aux dessins des environs, qu’il estime contemporains. Là encore, c’est pas évident, pas évident du tout.
Par chance, une de ces gravures voisines présente des hommes pourvues d’armes typiques de Bronze-II (je n’ai pas réussi à trouver une représentation, je regrette de ne pas pouvoir me faire d’opinion). Et Camps conclut alors « Même en rajeunissant à l’extrême le contexte archéologique, cette inscription nous paraît bien antérieure au VII-Ve av. » Mais pour accepter cette conclusion, il faut déjà admettre beaucoup de choses… Et la plupart des autres inscriptions n’ont pas la chance de côtoyer des représentations d’armes archéologiquement datées.

A cela se rajoute deux nouveaux problèmes : d’abords, les actes de vandalismes se multiplient. Ainsi, cette inscription capitale a été depuis martelée, elle aussi. Donc les conclusions de Camps, pionnier en la matière, sont désormais invérifiables… Avec celui d’Ekaden Ouacharène présenté dans le texte que tu donnes, cela fait deux documents majeurs qui disparaissent par malveillance (à moins qu’il ne s’agisse du même ??).
Ensuite, j’ai été surpris de constater « l’apparition » de gravures magnifiques à côté d’anciennes déjà décrites ( Gravures inédites d’éléphants dans l’Atlas marocain). Soit les chercheurs précédents se sont montrés particulièrement distraits lors de leurs relevés… soit étonnement partiaux dans les descriptions de documents… soit il y a des faux récents !

Donc encore une fois, prudence sur cette datation haute… Je ne dis pas que cela est faux, mais que en l’état, la seule certitude réside dans les inscriptions numides datables par un contexte archéologique précis (habitation, céramique, etc.) voire datée, comme celles de Dougga. Le reste, c’est plus une piste que les études stylistiques de grande ampleur en cours pourrons ou non confirmer (espérons-le), mais pour l’instant, ça ne s’appuie pas sur grand chose. Et remonter jusqu'à l'apparition des Garamantes entre 1500 et 1000 ne repose sur rien.

Ahmed a écrit :
Personnellement je ne comprends pas pourquoi on dit l'écriture Libyque venait du punique alors que précisément l'élite libyenne n'écrivait qu'en punique avant l'invasion romaine? Cela veut dire qu’ils ont abandonné un alphabet pour un autre !

Je me garderai bien d’émettre un avis, je ne comprends pas grand chose à la linguistique ! D’où ma prudence en me contentant d’évoquer une forte influence punique et non une origine.
J’ai trouvé sur ce site une excellente présentation des deux thèses en présence :

La position classique, qui admettait un emprunt à l’alphabet phénicien (ou une variante punique), s’appuyait sur :
a- Datation : l’apparition du libyque est postérieure à l’implantation phénicienne en Afrique du Nord, les Phéniciens étant réputés être les inventeurs de l’alphabet.
b- Géographie : l’écrasante majorité des inscriptions antiques provient de zones directement influencées par Carthage et la culture punique
c- Principe de l’écriture : le libyque est un alphabet consonantique, principe éminemment sémitique, plutôt mal adapté au berbère.
d- Histoire de l’Ecriture : il n’existe pas (jusqu’à nouvel ordre) en Afrique du Nord de systèmes d’écriture pré-alphabétique qui pourraient expliquer l’apparition locale de l’alphabet.
e- Ressemblances : Un certain nombre de ressemblances existent entre l’alphabet libyque et le phénico-punique (6 à 7 caractères identiques ou proches).
f- Dénomination : l’appellation moderne, tifinagh la racine ressemble donc à la dénomination même des Phéniciens- Puniques.

L’approche critique de Chaker & Hachi : […] position plus nuancée fondée sur les indices suivants :
a- Les ressemblances libyque/phénicien sont très minoritaires (6 à 7 caractères sur 24 ou 25 lettres) et l’aspect général (ainsi que l’orientation) des deux alphabets est très différent.
b- L’apparition de l’alphabet libyque est bien plus ancienne qu’on ne le pensait traditionnellement (au moins VIe siècle avant J.C.) et remonte à une époque où l’influence phénico-punique est encore limitée en Afrique du Nord.
c- Les documents les plus anciens proviennent de régions éloignées des pôles d’influence punique (notamment le Haut-Atlas, et sans doute les régions sahariennes).
d- La concentration des témoignages libyques dans les zones de forte implantation punique peut s’explique par une influence sur l’usage de l’écriture (développement de la pratique de l épitaphe) plutôt que par une origine punique.
e- Les formes générales de l’écriture libyque (géométrisme) s’inscrivent parfaitement dans la lignée des figures et symboles géométriques de l’art pariétal protohistorique (peintures et gravures) nord-africain et du décor géométrique de l’art rural berbère.
f- La dénomination tifinagh, contrairement aux apparences, n’implique pas une origine phénico-punique. Comme le rappellent de très nombreux autres exemples (en français : "figuier de Barbarie", originaire d’Amérique, etc.), une telle appellation ne peut être considérée comme une preuve d’origine ; elle peut tout aussi bien s’expliquer par le développement de l’usage funéraire sous l’influence des pratiques puniques.
g- La racine lexicale berbère pour "écrire/écriture" R(w) est berbère et pan-berbère et résulte certainement d’une évolution sémantique à partir d’un signifié plus ancien, antérieur à l’écriture("graver", "marquer", "inciser").
h- Enfin, et surtout, il n’y a aucune forme intermédiaire entre le phénico-punique et le libyque : les deux alphabets coexistent dès l’origine, totalement différenciés, avec une solution de continuité absolue entre l’alphabet sémitique et l’alphabet berbère. Un emprunt direct au phénicien ou au punique supposerait des stades, même brefs, intermédiaires adaptatifs,


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Message Publié : 27 Fév 2008 19:42 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 12 Fév 2008 9:32
Message(s) : 52
Excuse moi si j'ai tardé à te répondre, moi-même je ne suis pas très calé en ce qui concerne les recherches linguistiques.
Je me suis attelé à la lecture du livre de

Mebarek Slaouti Taklit :
L'Alphabet Latin serait-il d'origine Berbère?
Aux éditions L'Harmattan


Ce qui me paraît interéssant dans son oeuvre est que l'auteur n'agit pas comme une militante berbèriste comme l'auteur de l'article que tu incrimine mais examine toutes les théories à la loupe; pour le moment j'en suis qu'au début où elle se penche sur les écritures orientales, européennes et africaines. Si tu as lu ce livre, j'aimerai connaître ton avis, merci


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Message Publié : 28 Fév 2008 22:50 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 11 Juin 2007 19:48
Message(s) : 2289
Mais tu es tout excusé pardi, quelle idée !

Je ne l'ai pas lu, mais j’ai parcouru le plan, les quelques résumés et les pages disponibles à la consultation.

L’auteur ne semble pas remettre en cause la filiation traditionnelle, à savoir alphabet phénicien --> alphabet grec --> alphabet étrusque --> alphabet latin.
Par contre, elle considère que les symboles utilisés ultérieurement comme lettres sont originaires de l’Ouest méditerranéen, ont été transposés en Orient suite à des invasions, et que par conséquent, le phénicien et tous les autres alphabets qui en sont issus usent de symboles d’origine occidentale, et plus particulièrement libyque.

Le titre choisit est polémique, et malvenu je trouve.
Il gomme d’abord la différence entre un signe et une lettre ; ce n’est pas les Occidentaux (au sens d’habitant de l’Ouest, y compris Maghreb) ou les berbères qui ont donné du sens à ces signes. Ce n’est donc pas l’étude d’un alphabet qui est faite, mais l’étude de plusieurs dessins, A, B, C, etc. qui ne sont que des graffitis, sans le moindre sens vocalique, étudiés indépendamment les uns des autres. C’est une histoire de l’art, ou du symbole si on préfère, mais pas d’écriture ou d’alphabet.
Esuite, je regrette surtout la mention du mot « berbère », qui rattache directement à une communauté contemporaine qui n’existe pas pour les hautes époques concernées. Il n’y a pas de « berbères » en pleine préhistoire ! Pendant des siècles, certains ont voulu faire des berbères des barbares arriérés, et maintenant, poum, d’autres partent dans l’autre sens en voulant faire des berbères les initiateurs de la civilisation ! Vivement que les historiens, qu’ils soient européens, arabes ou berbères, abandonnent ce vocabulaire anachronique, les opinions et les réactions seront peut-être moins abruptes.

Soit dit sans porter ombrage à la qualité de son travail sur ces signes, que je serais bien incapable de critiquer ou même de discuter, puisque je ne l’ai pas lu et que je n'y connais rien ! :P

Si tu pouvais résumer sa thèse quand tu auras fini ta lecture, ce serait sympa de ta part. Mon résumé n’ayant guère de légitimité, puisque inspiré de sources de seconde mains…


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Message Publié : 28 Fév 2008 22:58 
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Jules Michelet
Jules Michelet
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Inscription : 15 Mai 2005 12:40
Message(s) : 3419
Thersite a écrit :
Par contre, elle considère que les symboles utilisés ultérieurement comme lettres sont originaires de l’Ouest méditerranéen, ont été transposés en Orient suite à des invasions, et que par conséquent, le phénicien et tous les autres alphabets qui en sont issus usent de symboles d’origine occidentale, et plus particulièrement libyque.

Quelles sont ces invasions ? 8O

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