Concernant la "sémicité" des Berbères, il me semble pertinent de souligner qu'il n’y a que quatre grandes tribus arabes qui ont pénétrées sensiblement le territoire africain. Ce sont les Banû Hilâl, les Banû Sulaym, les Banû Ḥassân et – par après – les Banû Ma‘qîl ; or, ces tribus, qui au maximum de leur effectif n’ont pas comptées plus de 250000 individus se sont diffusées sur un territoire de près de 25 fois la France, cela depuis plus de dix siècles aujourd’hui. Le tout sans oublier de tenir compte que cette région était peuplée à l’époque par des millions et des millions d’Africains. Je vous laisse imaginer la proportion de "sémites" aujourd’hui.
L'haplogroupe sémitique J se divise en J1 (nord-arabique dont les Phéniciens) et J2 (sud-arabique dont les Arabes). Les régions nord-africaines qui ont été à la fois coloniser par les Phéniciens et les Arabes (comme le nord de la Tunisie par exemple) affichent les taux de "sémicité" les plus élevés de toute l'Afrique sans que ceux-ci ne dépassent les 35%:
http://thegeneticatlas.com/J_Y-DNA.htmL'historien et géopoliticie égyptien Masri Feki résume cette idée reçue de "brassage chamito-sémitique" comme tel:
"Je refuse le concept de Monde Arabe, je préfère celui de monde arabophone. Le partage d'une langue commune - du moins officiellement - ne signifie en aucun cas l'adhésion à une seule et même nation. Les Français, les Belges wallons, les Québécois et de nombreux Africains sont francophones de naissance; on parle de francophonie mais pas de Monde Français. De la même façon que les pays anglophones ne constituent pas une seule et même nation. Les Tadjiks et une grande partie des Afghans parlent le persan, ils ne sont pas pour autant Iraniens. Si les populations autochtones en Afrique du Nord font majoritairement usage de la langue des Arabes, cela ne fait pas d'eux des Arabes. Dans ce sens, l'arabisme d'Afrique du Nord est un arabisme idéologique avant tout, mais qui ne correspond en aucun cas à la culture de cette région, à son patrimoine historique, ni aux aspirations d'une grande partie des Berbères, c'est-à-dire ceux parmi les populations locales qui sont restés fidèles à leurs origines.
L'Egypte a toujours eu sa propre culture, son propre nationalisme, même après avoir adopté la langue arabe comme langue nationale, tout comme de nombreuses nations dans le monde ont adopté la langue de leurs anciens colonisateurs (le français et l'anglais en Afrique, l'espagnol en Amérique latine etc.). Le concept de pays arabe n'est apparu au Caire qu'en 1937 dans un discours du Premier ministre wafdiste Nahas Pacha, sous le règne du roi Farouk Ier. Le fondateur du même parti, Saad Zaghloul, devait se retourner dans sa tombe à ce moment. Zaghloul était un fervent opposant à l'adhésion de l'Egypte dans l'ensemble arabe qui était en train de se constituer au lendemain de la Grande Guerre sur les décombres de l'Empire ottoman. L'Egypte a toujours été perçue par les Arabes eux-mêmes comme un pays indépendant. Elle n'a ainsi pas été prise en compte dans tous les projets pan-arabes du début du siècle dernier. Au Caire, il existe un quartier résidentiel que les Egyptiens surnomment le quartier des Arabes en référence aux riches familles de cheikhs venus d'Arabie qui y résident. Cela démontre bien que le mot arabe renvoie aux peuples d'Arabie pour l'Egyptien moyen.
La berbérité est très méconnue en Egypte, je parlerais plutôt de coptité puisque les Egyptiens sont ethniquement des Coptes, c'est-à-dire des Egyptiens dans la langue égyptienne ancienne. Bien entendu, des liens de parenté existent entre Coptes et Berbères. Aujourd'hui, l'appellation désigne pour certains les Chrétiens de ce pays, alors qu'elle recouvre plus de 95% des habitants d'Egypte, le reste étant des descendants de colons arabes ou turcs. Prétendre que les Egyptiens sont des Arabes équivaut à affirmer que les Brésiliens sont des Portugais ou que les Ivoiriens sont des Français. Malheureusement, les manuels scolaires égyptiens, la littérature officielle, l'histoire du pays réécrite dans les bureaux du parti unique ne fait aucune référence au passé préislamique de l'Egypte, mettant un trait sur plusieurs millénaires d'histoire égyptienne antérieure à l'invasion des hordes musulmanes sous l'égide du général Amr ibn el-As. Mais tous les Egyptiens ne se soumettent pas à ce déni de l'histoire. Récemment un nouveau parti politique, baptisé Masr el-Umm (L'Egypte Mère-Patrie), a vu le jour au Caire et a pour objet principal de désarabiser l'Egypte, de rendre au pays son âme."
Maintenant, concernant les invasions arabes de l'Afrique du Nord, il faudrait préciser néanmoins deux choses très importantes.
La première est que lors des conquêtes islamiques, des Arabes de diverses tribus numériquement moins importantes que celles susmentionnées ont pénétrées le continent africain mais, il ne s’agissait que de quelques garnisons qui se déplaçaient au gré des dites conquêtes. Ce sont eux que l’on nomme les « pré-hilaliens ».
Ainsi, on parle de 4000 Syriens (Arabes du nord ou qaysites/adnanites) en Andalousie et de quelques milliers de Yéménites (Arabes du sud ou yamanites/qahtanites) au Maghreb ; cela donne une idée du nombre dérisoire d’envahisseurs en comparaison aux autochtones.
Vu que ce premier fait est admis même par les partisans de l’arabité de l’Afrique du Nord puisque relaté par des faits historiques chroniqués par des Musulmans de la première heure et donc sensé être de bonne foi, ces derniers se sentent naturellement obligés de se rabattre sur l’argument-marteau des invasions hilaliennes.
Or, nous savons que la dynastie fatimide a accueillie ces tribus sur les rives orientales du Nil pendant près d’un siècle avant de les envoyer châtier les Zirides d’Ifriqiyya pour leur félonie.
Durant ces années passées en coexistence avec des Nubiens et des Bedjas, les Banû Hilâl, entre autre, se sont fortement métissés avec eux par des alliances matrimoniales et tribales à caractère économique.
Les mines de pierres précieuses du wâdî al-‘allâqî (Nubie) étaient contrôlées par les autochtones et les Arabes se mélangèrent avec eux – un peu à l’image des Rashâydas soudano-érythréens d’aujourd’hui – afin d’obtenir une part du gâteau.
PS: petit addenda sur les Zénètes qu'un intervenant a mentionné: des populations berbères blanches et sédentarisées parlent des dialectes zénètes (Kabyles, Rifains) mais ce n'est dû qu'à un reflu sud-nord. Les populations considérées "ethniquement parlant" comme zénètes aujourd'hui correspondent à celles qui peuplaient autrefois la zone saharienne comprise entre l'Algérie centrale et l'Egypte. Ainsi, les Garamantes d'antan correspondent aux Fezzânis et les Gétules d'autrefois sont les ancêtres des Algériens centraux. D'où le fait, qu'actuellement, les dialectes zénètes les plus purs soit parlés du Touat à la Marmarique et non sur les montagnes surplombant la Méditerannée.