Sujet complété à la suite du crash de Pâques
Geopolis a écrit :
Bonjour,
J'aimerais que vous donniez votre avis sur cet extrait de L’État criminel – Les génocides au XXe siècle (Yves Ternon (1995), p. 280) :
Citation:
Le régime de terreur le plus perfectionné jamais conçu fut celui de Chaka, chef de l’État zoulou d’Afrique du Sud de 1816 à 1828. Avec pour seule arme une sagaie courte transformée en poignard, Chaka édifie un système « protototalitaire », un modèle de contrôle par la terreur plus efficace que les techniques les plus sophistiquées des États modernes, « le plus parfait despotisme que le monde ait connu ». Chaque guerre menée par Chaka est une guerre totale. Il ne lutte pas contre les forces armées de ses ennemis mais contre l’ensemble de leurs ressources. Il détruit tout et ne laisse en vie que les jeunes gens pour en faire des guerriers. Il entoure son domaine d’un désert artificiel – traffic desert –, ce qui présente le double avantage de dissuader ses hommes de s’évader et de poser à d’éventuels agresseurs des problèmes de logistique. Toute résistance est levée par la destruction. Son armée est soumise à la même discipline de terreur. « Quand la violence est utilisée au service du pouvoir, sa limite est la destruction de l’objet contraint. » […] Chaka porta jusqu’à ses plus extrêmes limites le système de gouvernement fondé sur l’anéantissement d’un adversaire réel ou fictif, système où le génocide est utilisé comme instrument de la terreur et qui ressemble à celui édifié par les Khmers rouges.
Quelques points d'évaluation des guerres de Chaka (
article Wikipedia) et du bouleversement démographique et migratoire qu'il engagea ou accompagna, le mfecane :
Citation:
Contexte : les Zoulous envahissent leurs voisins bantous en plusieurs vagues de déplacements. Surnommé le « Napoléon noir », le roi Shaka soumet le Natal et fédère 283 tribus. Même après son assassinat en 1828, certaines tribus bantoues vaincues fuient vers le nord jusqu’au Tanganyika et, adoptant les techniques guerrières des Zoulous, sèment la terreur et la désolation sur leur passage.
onwar.com fait part de l'expansion zoulou (1818-1828) avec 100.000 guerriers bantous (40.000 morts) contre 100.000 guerriers zoulous (20.000 morts)
Mais le
Twentieth Century Atlas fait état dans ses recherches bibliographiques référencées de plus d'un million de morts résultant des guerres de Chaka (Henry Francis Flynn), 2.000.000 morts (George Theal) ou peut-être moins (Eugene Walter), 2.000.000 morts (Britannica) et précise que ces chiffres sont controversés.
Nebuchadnezar a écrit :
Comme toujours, il faut éviter de porter sur des faits des jugements fondés sur des valeurs de notre époque.
Avant la colonisation, l'Afrique avait vu plusieurs conquérants mettre sur pied des empires par la force.
Les méthodes elles-mêmes de Shaka n'ont rien en elles-mêmes d'exceptionnelle : on les retrouve chez les Romains ("Ils répandent la mort et la désolation et appellent cela la paix", dit un chef Calédonien), les Mongols (qui "tuent la terre"), et les Arabes (qui formaient leurs troupes d'élites avec les jeunes Turcs capturés) et tous les bâtisseurs d'empire.
Ce qui frappe surtout, c'est la cohérence et l'ampleur de vue de Shaka.
Il est surtout connu pour avoir révolutionné la tactique des armées du Natal : alors que celles-ci pratiquaient un style de guerre ritualisé, basé sur des jets de lance et des duels, Shaka introduit le combat de masse et le choc frontal et l'enveloppement - la formation en "impie" disposées en "cornes de buffles".
D'une certaine manière, il réinvente ainsi la légion romaine. Sait-on combien de guerriers comportait chaque "impi" ? Aurait-il pu imaginer également de doter ses guerriers de cuirasses ?
Stratégiquement, il fait subir à des soldats un entraînement rigoureux et maintient une discipline sévère, la base de toute armée moderne. Il s'assure également que ses conquêtes lui amènent de nouveaux soldats, évitant ainsi à ses armées de s'épuiser dans la guerre. Il cherche à annexer les territoires conquis et non à simplement les vassaliser.
L'édifice bâti fut assez solide pour survivre à son assassinat, ce qui est déjà une belle réussite. L'art de la guerre qu'il a mis en place constitue bien une révolution, puisque les bantous qui se sont opposés à lui l'adoptent.
Bref, Shaka est l'exemple des mutations que peut faire subir un homme seul à un peuple et de l'influence de personnalités exceptionnelles sur l'histoire. A ma connaissance, il n'a pas bénéficier d'aide, ni subi d'influence particulière.
La seule faiblesse des armées zoulous sera leur méconnaissance des armes à feu. De plus, la confrontation avec les Britanniques arrivera trop tard, alors que ceux-ci se seront dotées de mitrailleuses. L'affrontement d'Isandlwana montrera en effet que les Zoulous étaient en mesure de vaincre des troupes sans armes à tir rapide. Si Shaka avait vécu plus tôt, l'empire Zoulous se serait peut-être étendu à toute l'Afrique du sud (au nord, le désert du Kalahari aurait empêché son expansion), et les conquêtes hollandaise et britannique aurait été certainement beaucoup plus difficiles