KONGO-DINA-NZA : UN MODE DE REPRODUCTION NEGRO-AFRICAIN
Quand à la fin du XVème siècle les Portugais abordent (« découvrent ») le Kongo-Dina-Nza, ce pays est au summum de son expansion territoriale ; et n’a donc probablement jamais été aussi vaste, avec une superficie d’environ 2.2 millions de km2.
Cette configuration de Kongo-Dina-Nza est-elle récente, procède-t-elle d’un processus impérialiste, tel que des conquérants autochtones auraient soumis, de fraîche date, des populations de contrées alentours ? ON N’EN SAIT RIEN !!!
Mais si tel fut le cas, alors le Kongo-Dina-Nza de la fin du XVème siècle devait couver de graves dissensions internes, qu’au fil de décennies les Blancs auraient exploitées, voire attisées. A cette limite de connaissance documentée se heurte la théorie des « facteurs internes de destruction » de Kongo-Dina-Nza. Limite que d’aucuns franchissent joyeusement, munis de leur seule imagination débridée, quoique infertile…
Or, d’une part, des données archéologiques laissent entrevoir que le processus de formation de Kongo est déjà séculaire au XVème siècle. Il daterait au plus tôt du IIIème siècle de notre ère, sans que l’on ne puisse en déterminer les différents stades de déroulement précédant l’arrivée des Blancs.
Auquel cas, la configuration de Kongo telle que ces derniers le « découvrent » pouvait avoir été élaborée de longue date. A ce propos, l’historiographie occidentale a eu tendance généralement à « rajeunir » les phénomènes sociétaux négro-africains, certes par manque de données, mais aussi par idéologie raciste : ces Nègres ne pouvaient pas avoir fait grand-chose de leur propre chef, sans les Arabes et plus tard les Européens. Ainsi, en égyptologie, c’est la chronologie courte qui continue de prévaloir, malgré la Dynastie Zéro, le calendrier, etc. Et que l’ancienneté de la métallurgie africaine, de Ghana, Djenné, Simba Wé, etc. a été d’abord, systématiquement, sous-estimée…
D’autre part, les sociétés africaines anciennes se sont souvent constituées, et ont prospéré, grâce au contrôle de la REPRODUCTION SOCIETALE et à la maîtrise des routes du commerce lointain (intra-africain, et/ou exo-africain). Anciennement, le souverain négro-africain a été d’abord l’Aîné officiant lors du culte des morts, puis le Grand-Prêtre administrant le Temple installé au carrefour des autels lignagers ; avant de devenir le Prêtre-Roi locataire du Palais, installé à la croisée des routes du commerce lointain.
Ce sont les stratégies d’alliances matrimoniales et leur maillage en des places stratégiques (point d’eau, mines d’or, de cuivre, fer, chemins caravaniers, etc.) d'un milieu écologique donné (bassin du Kongo, vallée du Nil, boucle du Djoliba, mines de Bambouk, du Bouré, de l’Ashanti, etc.) qui progressivement culminent en un réseau politique inter-lignager, de structure fédérative : où chaque oncle (classificatoire) est maître sur ses terres, et que l’aîné de la Matrie est le grand-maître (le « Kam Wr ») de l’ensemble des terres ainsi occupées ; en tant qu’il préside aux grands sacrifices collectifs, et qu’il valide rituellement les mariages exogamiques, c’est-à-dire qu’il contrôle les échanges matrimoniaux dans cet espace-temps.
Dans un tel type de processus de formation politique, les guerres sont moins « nécessaires » (surtout dans une Afrique si vaste) et corrélativement peu fréquentes ; contrairement aux intrigues matrimoniales. En sorte que le souverain est plutôt un grand-prêtre qu’un grand-guerrier (qu’il peut devenir, au besoin). Cela est d’autant plus vrai(semblable) que les moyens/techniques militaires ont été partout en Afrique relativement peu développés, en comparaison des institutions et pratiques cultuelles prépondérantes. Ce, malgré une métallurgie (du fer) très ancienne, et une vaste palette de savoirs-faire artisanaux, manufacturiers, qui se sont davantage signalés dans la statuaire (Luba) et autres objets de culte (Fang). En outre, la circulation matrilinéaire du pouvoir politico-sacerdotal confère une place nodale aux Reines-Mères et aux Epouses-Royales.
Aussi, de ce que l’on sait de Kongo-Dina-Nza, il semble que ce pays procède de ce type de formation politique ; plutôt que d’un impérialisme expansionniste.
P.S. Je tiens d'Alain ANSELIN le concept de "Mode de Reproduction" qu'il a appliqué à l'étude de d'autres sociétés, notamment négro-africaines, que celle de Kongo-Dina-Nza. Il l'oppose, à juste titre, au fameux "Mode de Production Asiatique" que les Marxistes ont mobilisé à tort dans le contexte négro-africain. Une "mode" épistémologique à laquelle même Cheikh Anta Diop avait sacrifié...
_________________ "La langue est la boîte noire de toute civilisation"
Alain ANSELIN
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