Peut-être pourrait-on avoir une discussion posée et historique. A moins que la tactique employée consiste à faire déraper toute discussion qui déplait pour provoquer la fermeture du sujet en question.
C'est peut-être l'effet recherché, d'ailleurs.
Mais bon.
Le sujet était le rôle des royaumes africains dans la traite, non les effets pervers de la colonisation européenne en Afrique. On peut parfaitement lancer une discussion sur la colonisation de l'Afrique par les européens.
Pour ce qui concerne l'esclavage, il est établi que l'esclavage dont furent victime les africains fut d'abord et en majorité un esclavage entre africains. L'Afrique était suffisamment structurée en entités politiques fortes pour que des non-africains ne puissent que dans une faible proportion de cas capturer eux-mêmes des esclaves.
Ceci n'a d'ailleurs rien de spécifiquement africain. L'esclavage fut une pratique universelle. Une façon de se procurer des ressources. Une façon aussi de conforter leur pouvoir pour des élites dirigeantes.
Nous condamnons aujourd'hui cette pratique pour des raisons morales parfaitement justes.
De même que les gaulois ont réduit d'autres gaulois en esclavage parce qu'il n'y avait aucune notion de communauté nationale gauloise qui aurait interdit aux "gaulois" d'infliger un tel traitement à une personne considérée comme l'un des siens, il n'y avait aucune notion de communauté africaine qui aurait interdit aux "africains" d'infliger un tel traitement à d'autres "africains".
Le reste, c'est de l'anachronisme, pas de l'histoire.
Bref, comme ailleurs dans le monde, des africains ont réduit en esclavage certains de leurs voisins. D'abord et principalement pour leur propre usage. Puis, voyant que, plus loin, en Afrique du nord, en Europe (à destination des Amériques et des Caraïbes) et dans les pourtours aisatiques et insulaires de l'océan indien, d'autres hommes étaient très demandeurs de travail servile et prêts à payer en marchandises de valeur des esclaves, eh bien ils ont vendu comme esclaves à des européens, à des arabes, à d'autres asiatiques, des africains.
Pour ne pas faire dans l'anachronisme, il convient de reconnaître que les hommes ne prennent conscience de leur unité culturelle ou de leur unité de destin bien souvent que quand d'autres hommes leur renvoient une commune altérité.
L'Europe et la conscience européenne ne se sont construites que par rapport à des menaces perçues comme extérieures et qui ont renvoyé aux "européens" l'image de leurs points communs. Il en a été de même pour les africains noirs avec plusieurs phénomènes très distincts : l'esclavage et la colonisation.
S'agissant de l'esclavage, il est assez compréhensible qu'il y ait une focalisation sur le seul esclavage en zone non-africaine, encore qu'il me semble particulièrement révélateur de non-dits politiques qu'on se focalise sur la seule traite occidentale et le seul esclavage pratiqué par les occidentaux.
Pour ce qui concerne les problèmes de l'Afrique contemporaine, je serais très intéressé par un débat sur la question mais je pense que ces problèmes sont beaucoup plus liés :
- aux non-dits sur l'esclavage entre africains. Il y a en effet eu des ethnies dominantes et esclavagistes et des ethnies faibles ou vaincues et donc victimes. Des élites et des ethnies qui ont collaboré avec le pouvoir colonial pour assurer la domination sur les régions colonisées. D'où un inextricable noeud de haines et de rancoeurs.
- à la très lourde rupture introduite par les européens dans le processus de construction et d'évolution politique et sociale de l'Afrique qui s'était déroulé de manière autonome jusqu'à la colonisation.