Je pense qu'il faut expliquer clairement à ce garçon le déroulé par étapes de l'indépendance algérienne, qui, disons-le clairement, fut une source de confusions et de massacres supplémentaires.
(J'indique ici ces étapes, en y ajoutant éventuellement mes commentaires personnels.)
La France signe les accords d'Evian avec le GPRA (le FLN si vous voulez) le 18 mars 1962.
Ces accords prévoient (entre 10 000 autres choses) quelques points qui vont déterminer les évènements jusqu'à la proclamation de l'indépendance de l'Algérie et l'installation du premier gouvernement algérien :
- Tout d'abord, pour que l'Algérie devienne effectivement indépendante, cet accord devra être approuvé par le peuple algérien, ce qui se fera par un référendum, en juillet 62.
(Commentaire : légalement, ça se tient. De Gaulle et le GPRA, chacun pour son opinion publique, veulent que le souhait du peuple algérien soit clairement et librement exprimé.)
- En attendant que les Algériens votent - ce qui inclut musulmans et européens, tous les résidents en d'Algérie - les délégués du GPRA à Evian ont absolument refusé que la France reste au pouvoir en Algérie. On est donc passé par la solution d'un "
exécutif provisoire" rassemblant des personnalités de bonne volonté, pour gouverner l'Algérie pendant ces quelques mois.
(Commentaire : là on a le fait qu'il faut être deux pour signer un traité. Côté algérien, on se méfiait de manoeuvres éventuelles de l'armée française, qui avait tant de fois amené les arabes voter "librement", en leur distribuant le bulletin à mettre dans l'urne. Cette crainte était très excessive, mais bon... Côté français, De Gaulle voulait en finir au plus vite "avec cette boite à chagrin". Donc la France ne dirige plus l'Algérie. L'exécutif provisoire s'acquittera de son mieux de cette mission impossible.)
- Les accords d'Evian mettent fin à l'état de guerre entre les deux parties. Le cessez-le-feu est déclaré le lendemain. A ce stade, l'armée française n'a plus de motif à mener des opérations armées - pour quelle raison que ce soit - sur le territoire algérien.
(Si la France ne dirige plus l'Algérie, on se demande bien pourquoi elle continuerait d'y combattre ceux avec qui elle vient de signer un accord. Le cessez le feu semble logique, mais cette décision est prise sur un nuage et néglige un "détail" important : en Algérie, tout le monde veut régler ses comptes avec tout le monde. En particulier l'OAS, organisation terroriste européenne, continue à tuer des arabes - le but, s'il y en a un, est de rendre les accords d'Evian inapplicables et d'empêcher que le référendum puisse avoir lieu - et ceux-ci de leur côté, sont nombreux à vouloir faire payer ces assassinats aux civils européens.)
- Ce "détail" n'a pas échappé aux signataires d'Evian. Si on veut que l'exécutif provisoire "tienne" un peu cette Algérie à feu et à sang, il lui faut une force armée chargée du maintien de l'ordre. D'où l'idée : on prend des officiers français - qui d'autre ? - et ils encadreront des arabes - les arabes sont citoyens français d'office depuis 1958 - des FSNA donc, à qui on ne demandera pas de faire leur service militaire dans l'armée française - dont la vocation est de quitter l'Algérie - mais qui devront donc servir comme soldats dans cette "force locale".
(Là on nage dans le n'importe quoi. Il est même étonnant que les négociateurs d'Evian aient inventé cette solution impossible à mettre en pratique : l'Algérie sera indépendante dans 6 mois maximum, et on demande à des jeunes arabes d'aller servir sous les ordres d'officiers français, avec le risque pour eux d'être éventuellement obligés de tirer sur d'autres arabes - en cas d'émeute - et dans tous les cas d'être méprisés par eux pour accepter de servir sous les ordres de ces officiers français détestés ? On ne les a pas regardés ! Jamais de la vie ils ne vont se lancer ou traîner dans cette ânerie.
Conséquence immédiate : les Européens isolés n'ont plus aucune protection. C'est un peu moins sensible dans les villes, où l'OAS est armée, et la population arabe encadrée "clandestinement" par le FLN. - Curieuse façon d'envisager le maintien de l'ordre... Mais dans le bled les disparitions d'Européens vont commencer. Pour être honnête, rien ne protège non plus les arabes des assassinats de l'OAS. En pratique, chacun est contraint de rester dans SON quartier.)
Voila, je pense que vous avez les raisons qui ont amené à lancer cette "force locale", et les arabes appelés, soit à se cacher, soit à y venir mais à en f...tre le camp le plus vite possible.
Notez qu'à Paris, les ronds de cuir n'ont pas mesuré le fossé de haine que la guerre avait creusé entre les deux parties. On y pensait que 100 000 pieds-noirs, au maximum, quitteraient l'Algérie. Ils furent un million, soit pratiquement la totalité. Trop de sang avait coulé des deux côtés.
Faget a écrit :
Je crains que vous ne mélangiez plusieurs choses. Avant les accords d'Evian , les recrues musulmanes (les FSNA, comme on disait) ne posaient pas de problème. C'est cette création après les accords qui ne voulait rien dire, puisque l'Algérie allait être indépendante.
On est d'accord, c'était absurde. Un point à confirmer : je ne me trompe pas en indiquant que les soldats pressentis étaient ceux qui avaient l'âge du service militaire ?
Au fait, un FSNA est un arabe - ou un kabyle : "français de souche nord-africaine."
Citer :
D'où ces jeunes gens cherchaient à être bien vu des futurs maitres du pays et pour cela désertaient si possible avec leur armement.
Je me suis laissé dire aussi que certains officiers français responsables de harkis ont organisé leur désertion, sachant que l'ordre de les désarmer et de les renvoyer dans leur village les condamnait à mort.
Citer :
En ce qui concerne Oran et la tuerie de juillet 1962, l'affaire est malheureusement plus claire et plus dramatique : les forces françaises sur ordre du général Katz étaient consignées dans leurs casernes avec interdiction d'intervenir. C'est une saloperie de plus à inscrire dans le livre noir de l'histoire de France.
Et le seul lieutenant qui a pris sur lui d'intervenir, effaré de se qui se passait sous ses yeux et fatigué d'attendre l'ordre de faire cesser le massacre, ce lieutenant a été sanctionné.
Pour l'émeute elle-même, il est honnête de rappeler que Oran était à feu et à sang, que l'OAS y était chez elle dans les quartiers européens (typiquement, elle s'était amusée à tirer au mortier sur le "village nègre", le quartier arabe, d'où aucun n'osait plus sortir.) Il semble que là les cadres du FLN n'ont pas fait leur travail d'encadrement, et même ont participé aux massacres d'européens.
A Alger, les cadres FLN avaient réussi à empêcher d'éventuelles émeutes arabes, en faisant savoir à la population arabe qu'ils vengeraient chaque arabe tué par l'OAS. Ce qu'ils ont fait, en partie, et de façon spectaculaire, par exemple en mitraillant en voiture des cafés réputés - c'était vrai ou c'était faux, qui s'en souciait ? - être des lieux de rendez-vous de l'OAS. Alger n'a donc pas connu ce genre de massacre collectif.
Au final, l'exode des Pieds-Noirs se fera dans des conditions très difficiles : ils préféreront aller attendre des jours un bateau sur les quais du port (grillagés et gardés par des CRS) plutôt que dans leur appartement.
Les Pieds-Noirs apprendront sur le bateau les résultats du référendum : 99,7 % en faveur de l'indépendance. L'Algérie indépendante était née. Le premier gouvernement algérien prendra ses fonctions en octobre.