Narduccio a écrit :
Loïc a écrit :
«et pourtant personne ne taxe les Britanniques de lâcheté»
Et dans la suite, on démontre que les anglais sont passés très près d'un complet anéantissement de leur Corps Expéditionnaire ... Donc, ils peuvent mériter le même titre que les français, CQFD. Avec une certaine dose de diplomatie.
Je ne comprends pas bien le sens de ton intervention. Remettre les deux nations à égalité ?
Si c'est le cas, je ne suis pas d'accord. A Dunkerque ce sont d'abord les Anglais qui se sauvent (au sens propre du terme) et ce sont les Français qui défendent jusqu'au bout le périmètre.
Mais de là à taxer les Anglais de lâcheté il y a de la marge. Que les Français présents à Dunkerque l'aient pensé c'est naturel, mais un historien, surtout après tant d'années, peut tout de même s'extraire de ce sentiment spontané.
En réalité les deux armées ne sont pas confrontées au même problème. Lord Gort a un problème vital : il dirige pratiquement la totalité des officiers et des soldats expérimentés de l'Angleterre. Sans eux, l'Angleterre, qui n'a rétabli la conscription que début 39, ne peut envisager de former ses nouvelles recrues : c'est le noyau de cette future armée qui risque de disparaître. D'où le fait qu'il est le premier à lâcher face aux Allemands et à gagner Dunkerque. (Après, que Loïc trouve des détails scabreux, dans une armée qui a reçu la consigne de f..tre le camp, et au milieu d'un désordre pareil, ça me paraît inévitable.)
Ce choix de Lord Gort on le comprend assez bien - il est même possible que la décision soit prise en commun avec Londres ? - mais ça ne transforme pas ses soldats en fuyards peureux.
Si on veut chercher la cause première de cette situation de "fuite obligatoire", il faut remonter à Chamberlain et aux appeasers. Le scandale, c'est que l'Angleterre n'ait commencé que début 39 à se construire une armée, alors que la situation en Europe était "chaude" depuis le réarmement allemand. L'Angleterre qui tenait soigneusement à tout faire pour conserver sa supériorité navale, ne semble pas éprouver le besoin de faire la même chose pour les forces terrestres, alors que la question se pose, et c'est un euphémisme. Pire encore, elle offre sa garantie à la Pologne et part en guerre avec la France... alors qu'elle-même n'a quasiment pas d'armée !
(On peut même se demander à quoi les appelés anglais de 1939 occupaient leur temps, faute d'armes et faute d'instructeurs. Quand je dis "construire une armée", là on n'en est qu'à la première ébauche. Je suis prêt à parier que mis à part quelques exercices de tir, ce n'était guère plus que du scoutisme...)
Bref, je trouve que l'imputation de lâcheté faite aux soldats anglais de Dunkerque n'est pas pertinente et ne tient pas compte de la situation réelle de l'Angleterre : l'évacuation conditionne sa capacité ultérieure à défendre le Royaume-Uni. (Et Dieu sait que ni Churchill, ni probablement la quasi-totalité des généraux anglais n'ont souhaité en être réduits à cette extrémité. Il est probable qu'ils auraient, de longue date, souhaité toute autre chose.)
La question se pose différemment pour l'armée française. Qu'elle évacue un maximum de soldats est souhaitable, mais ça ne changera rien au cours ultérieur de la guerre, parce que la France n'est pas une ile, et parce qu'on n'a pas les moyens de les réarmer. Dès lors, il ne reste aux Français qu'à sauver l'honneur, et les défenseurs de Dunkerque font partie de ces Français qui l'ont fait.
Qu'on le veuille ou non, à ce moment crucial l'issue future de la guerre dépendait de l'égoïsme anglais. Quelques temps plus tard, De Gaulle, envoyé en vain auprès de Churchill pour réclamer davantage d'avions dans la campagne de France le reconnaîtra, en lui disant :"C'est vous qui avez raison." La défense des Iles Britanniques primait tout.
Loïc ce n'est pas la première fois que l'évocation de Dunkerque (et tout autant avec Mers-el-Kébir) vous met dans les transes, au point que je me suis déjà demandé si vous aviez un vécu familial douloureux associé à l'un ou l'autre des deux évènements ?