Le siège est un type de bataille particulière, qui mobilise plus l'ingéniosité, la planification, l'architecture et la logistique que la force brute, le nombre de troupes et l'ardeur au combat.
Les fortifications permettent à une troupe réduite de tenir tête à une force plus grande. Pour surmonter l'obstacle, les assaillants ont inventé le "génie" militaire. Les différentes recettes pour prendre une ville fortifiée ou une place forte ont été très tôt rassemblées et ont constitué la poliorcétique, ou art de la prise des villes. Les auteurs de traité de stratégie militaire y ont toujours consacré une bonne part de leurs œuvres.
C'est pour les sièges qu'ont été mise au point les armes de... siège, qui ont donné naissance à l'artillerie, ainsi que les actions commandos, dont l'équipée du cheval de Troie offre un parfait exemple. On dit même que la guerre bactériologique et chimique y est née : jeter des cadavres de pestiférés dans les places fortes...
En général, le défenseur s'enferme dans des fortifications parce qu'il ne pense pas pouvoir l'emporter en bataille rangée. Il espère avoir les vivres suffisantes pour tenir jusqu'à ce que l'attaquant se lasse, ou qu'une armée de secours arrive.
L'attaquant entreprend un siège s'il pense que la ville en vaut la peine, mais qu'il n'a pas les forces suffisantes pour la prendre d'assaut en envoyant ses hommes escalader directement les murailles. Dans ce cas, il va soit réduire la place par la famine, soit diminuer sa capacité défensive par des travaux de sape qui permettront ultérieurement de lancer un assaut dans de bonnes conditions, une fois une brèche dans la muraille effectuée, ou la distance à grimper diminuer. Flavius Josèphe, dans
la Guerre des Juifs, dit que les légionnaires construisirent une rampe de 100 m de haut contre la face ouest du plateau, avec des milliers de tonnes de pierres, de terre battue et de troncs d’arbres pour prendre la forteresse de Massada.
maeuk a écrit :
J'ai lu que durant de nombreux sièges, la tactique des ottomans consistait à creuser des mines de plusieurs centaines de mètres jusque sous les murailles pour ensuite remplir une pièce d'explosif et faire sauter la muraille par ses fondations.
Ce n'était pas l'exclusivité des Ottomans : la sape est une technique connue en Europe dès l'Antiquité, et couramment pratiquée au Moyen-Âge. Mais l'effroi causé par les offensives ottomanes en Europe centrale a marqué les mémoires et laissé des traces durables, comme les croissants viennois.
Le combat sous les murailles de la ville peut avoir bien des raisons valables, dont certaines ont déjà été données plus haut. J'ajouterais qu'il est envisageable avant le début du siège (l'investissement) proprement dit. Le défenseur n'est pas forcément sûr de la force de l'assaillant. De plus, une partie de son armée, la cavalerie notamment, peut être réticente à un siège où elle sera reléguée à un rôle subalterne : le siège est la bataille du piéton par excellence. De plus, des soldats peuvent refuser de se laisser enfermer dans une ville et de voir leurs propriétés laissées sans défense à la merci des envahisseurs. Le défenseur peut donc choisir de mener une bataille rangée, tout en se gardant la possibilité de rentrer dans la ville si les choses tournent mal. Je crois que Machiavel envisage cette option dans
l'Art de la Guerre, et la déconseille fortement.
Une fois la ville investie, le défenseur peut ensuite tenter des sorties.
Blueshadow a écrit :
En fait une sortie peut être fort utile :
a) au minimum celà va forcer l'ennemi à distraire une partie importante de ses forces d'encerclement à des opérations de défensive .
b) avec de la chance on peut très bien rentrer dans un ennemi bien organisé dans sa position "siège" ,et l'anéantir ou en tous les cas détruire lourdement son potentiel d'attaque (machines de siège,ravitaillement) .
c) avec énormément de chance,on peut l'anéantir ou encore assiéger l'assiégeant .
d) enfin on peut très bien réouvrir une voie de communication permettant au moins sur un point de rompre l'encerclement "total" .
À toutes ces bonnes raisons, j'en rajoute une : gêner et ralentir les travaux d'approches entrepris par l'attaquant : l'empêcher de creuser des tranchées lui permettant d'installer des armes de sièges près des murailles, détruire les terrassements entrepris.
Le but du défenseur est de gagner du temps : soit il attend une armée de secours, soit il compte sur l'épuisement des vivres de l'assaillant, avant les siennes, ou de sa volonté (indiscipline de ses troupes, épidémies...).
maeuk a écrit :
Est ce que cela veut vraiment le coup de faire le siège d'une ville, le butin est à la hauteur des efforts? Ou on est plus dans le cadre d'une guerre de religion pur et le butin n'est qu'un bonus?
À mon avis, la religion n'est jamais une motivation en soi pour une guerre. Tout au plus sert-elle à légitimer une stratégie. En général, le butin ne suffit pas à lui seul à justifier les dépenses d'un siège ; il sert surtout à motiver les troupes. C'est la ville en elle-même qui est importante : les impôts et le commerce qu'elle génère rapporteront toujours assez en quelques années. Elle permet certainement également de dominer la région alentour, et peut servir de base de départ pour d'autres offensives.
Un siège n'est jamais une partie de plaisir. L'assaillant doit être suffisamment discipliné pour accepter de rester à la même place sans bouger, ce qui lui cause également des problèmes logistiques et sanitaires. Pour éviter les sièges, les Mongols avaient une technique radicale : la première ville prise était rasée jusqu'au sol, ce qui faisait réfléchir les suivantes.
En revanche, un chef capables, avec des troupes disciplinées, industrieuses et bien ravitaillées, sait qu'à terme, la ville finit toujours par succomber. C'est pourquoi l'équation se pose de la manière suivante : peut-elle tenir jusqu'à l'arrivée de l'armée de secours ? C'est ce qu'à tenter de montrer Vercingétorix à Alésia.