Bonjour à tous; ceci est ma première intervention sur ce type de forum, j'espère donc être pertinent dans mes propos.
Pour ce qui concerne les chiffres cités, ils me semblent tout à fait crédibles pour l'armée Américaine qui constitue cependant une exception lors de la seconde guerre mondiale. En effet, le temps qu'un soldat passait au front, ainsi que le nombre de soldats affectés à son soutien logistique variait énormément d'une armée à l'autre. Je ne retrouve hélas plus les chiffres exacts (si je remets la main dessus je vous les ferai parvenir), mais je me souviens qu'à titre de comparaison, l'U.R.S.S. au début du conflit affectait un homme à l'intendance pour deux au front. Le temps d'engagement y était également très long, voire indéterminé, tout comme dans l'armée Allemande, ce qui à terme provoquait une grande lassitude chez les combattants qui avaient le sentiment d'aller inéluctablement à la mort, mais qui dans un même temps permettait aux états major de disposer en permanence d'unités aguerries composées à la fois de vétérans et de nouvelles recrues bien encadrées venant remplacer les pertes au coup par coup.
En ce qui concerne les États-Unis, qui serviront de modèles après guerre pour presque toutes les armées occidentales; les raisons d'une telle prépondérance de la logistique sont à chercher dans leur histoire militaire ainsi que leurs contingences géo-stratégiques :
D'abord, après la guerre de sécession et les guerres indiennes où la maladie et les conditions de vie épouvantables des soldats provoquèrent jusqu'à trois fois plus de décès que les combats mêmes, l’état-major Américain, sous la pression des politiques et de l'opinion publique chercha à améliorer le confort du soldat ainsi que son efficacité. Il en résulta une forte diminution des effectifs combattants et une inflation de ceux de l'intendance. Durant la guerre des Boxers entre 1899 et 1901, les combattants Européens furent très frappés par la qualité du matériel parfaitement adapté et l'excellence du ravitaillement du petit corps expéditionnaire Américain. A l'inverse, les soldats Américains furent choqués lors de la première guerre mondiale par le dénuement et les conditions de vie pour le moins rudimentaires dans lesquels combattaient leurs alliés, notamment Français (nous en garderons une réputation tenace de saleté qui perdure encore aujourd'hui chez nos amis d'outre-Atlantique...).
Ensuite, toujours après la guerre de sécession et les guerres indiennes, il s'avère que l'armée sera de plus en plus amenée à intervenir sur des théâtres d'opérations toujours plus lointains aux exigences logistiques importantes; comme le montre dès 1898 la guerre Hispano-Américaine avec ses interventions dans les Caraïbes et aux Philippines ou encore la guerre des Boxers deux ans plus tard. Mais ce sont surtout les deux conflits mondiaux et la réussite finalement "relativement" peu coûteuse en vies humaines des armées Américaines qui vont donner ce caractère propre aux armées modernes.
De plus, la puissance économique et industrielle faramineuse des États-Unis permettait (et permet encore) cet investissement massif dans la logistique qui devient dès lors dans un conflit traditionnel une arme en soi comme on a pu le voir lors du débarquement de Normandie où encore les attaques d'îles fortifiées dans le Pacifique, véritables cauchemars logistiques et où celle-ci joua un rôle essentiel.
Pour terminer, un élément essentiel de cette disproportion entre soldats combattants et soldats d'intendance réside dans la nature même du régime politique Américain et par extension occidental. En effet, dans un système démocratique l'individu, tout soldat soit-il, est avant tout un citoyen et a à ce titre des droits dont celui de faire son métier dans les meilleures conditions possibles. La logistique permet une amélioration très nette de ces conditions, mais permet également de diminuer drastiquement les pertes qu'une société démocratique accepte beaucoup plus difficilement que dans un système totalitaire ou même une logique de guérilla. A titre d'exemple, durant la seconde guerre mondiale, les armées Allemandes, Japonaises et Soviétiques, bras armés de trois systèmes totalitaires, adoptaient une attitude extrêmement dure et disciplinaire vis-à-vis des traumatisés de guerre jugés comme simulateurs et déserteurs, là où les armées occidentales firent preuve de plus de souplesse et même de compréhension. Il n'y avait guère qu'un Patton pour gifler et insulter un de ses soldats traumatisé et prostré...
Voilà, ce premier post est un peu long (le souci de bien faire sans doute), mais j'espère qu'il va apporter quelques éléments à cette discussion.
_________________ " Bien sais, si j'eusse étudié du temps de ma jeunesse folle et à bonnes mœurs dédié, j'eusse maison et couche molle. Mais quoi ! Je fuyais l'école, comme fait le mauvais enfant. En écrivant cette parole à peu que le cœur ne me fend. "
François Villon
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