Un texte important de la période impériale, le règlement du 8 octobre 1806 :
« Art. 1er. Tous les combattants et travailleurs pris sous les drapeaux ennemis, seront déclarés prisonniers de guerre, quand bien même ils n auraient pas perdu la qualité de sujets d'une puissance neutre.
2. Les prisonniers de guerre ayant rang d’officier, jusqu'au grade de sous-lieutenant inclusivement, auront droit, s'ils n'ont point donné de sujets de plainte contre eux, à être prisonniers sur parole, et à avoir la ville dans laquelle ils doivent se rendre pour prison.
3. Sont déchus de ce droit les officiers qui ont tenté de s évader, ceux qui sont poursuivis judiciairement pour dettes civiles, ceux enfin qui ont donné des sujets de plainte ou de soupçon contre eux.
4. Les sous-officiers, soldats et travailleurs seront tenus dans les dépôts.
5. Il sera dressé, à l'état-major de l'armée ou de la division un double état nominatif des prisonniers, avec l'indication de leur grade. Ces états seront distincts pour les prisonniers sur parole et pour ceux qui doivent être détenus, et l'on ne comprendra jamais sur les mêmes états, des prisonniers de différentes puissances.
6. la double de ces états sera remis au commandant de l'escorte du détachement, et l'autre sera, sur-le-champ, adressé au ministre de la guerre.
7. Les détachements ne devront, autant qu'il sera possible, être forts que de cent hommes au plus ; ils seront escortés jusqu'à leur destination par la troupe de ligne ou par la gendarmerie. Lorsque les détachements ne seront que de dix hommes au plus, ils seront conduits à leur destination par la gendarmerie, et de brigade en brigade.
8. Les prisonniers sur parole partiront pour leur destination librement, et sans escorte, après avoir contracté et signé l'obligation de ne pas s’écarter de leur route. Les généraux en chef et les chefs d’état-major pourront néanmoins, lorsque la position des armées ou les circonstances le leur feront juger convenable, faire conduire les prisonniers sur parole par la gendarmerie ou par la troupe de ligne, soit jusqu'à leur destination, soit seulement jusqu'à une certaine distance du théâtre de la guerre.
9. Les frais de route seront payés aux officiers ennemis marchant isolément et aux détachements de prisonniers de guerre, sur le pied attribué aux militaires français des mêmes grades et dans la même position ; ces frais de route leur tiendront lieu de solde jusqu'à leur arrivée au dépôt.
10. Les dépôts de prisonniers de guerre détenus, seront commandés par un officier ou sous-officier de gendarmerie désigné par le capitaine de cette arme, dans chaque département. Ce capitaine aura la surveillance générale de tous les prisonniers de guerre placés dans son arrondissement.
11. Les généraux commandant les divisions militaires pourront néanmoins employer, si les circonstances l'exigent impérieusement, quelques officiers jouissant du traitement de réforme ou de la solde de retraite, pour le commandement des dépôts, toujours sous la surveillance du commandant de la gendarmerie du département ; mais ils ne confieront cette mission qu'à ceux dont la capacité et la moralité seront reconnues. Le traitement des officiers employés à ce service sera, comme dans la guerre précédente ; 1° celui dont ils jouissent comme officier reformés ; 2° un supplément qui le portera à cent francs par mois lorsqu'il sera intérieur à celte somme.
12. Les généraux commandant les divisions où s'ont placés les dépôts de prisonniers de guerre, enverront à chacun d'eux un détachement de la force armée qu'ils ont à leur disposition.
13. Un officier ou sous-officier de chacun de ces détachements, sera chargé du détail du dépôt, des distributions à faire aux prisonniers, de la tenue des contrôles, et enfin de toutes les fonctions attribuées aux quartiers-maîtres des corps.
14- L'officier ou sous-officier chargé des détails et distributions de chaque dépôt qui renfermera plus de cinq cents prisonniers, jouira d'un supplément de traitement, qui sera de 25 francs par mois pour les dépôts de cinq cents à mille prisonniers ; de 30 francs pour ceux de mille à deux mille prisonniers ; et de 35 francs pour ceux qui en renferment un plus grand nombre, quelle que soit la force du dépôt.
15. Les interprètes seront choisis, s'il est possible, parmi les prisonniers ennemis qui sauront les deux langues. Ils jouiront d'un supplément de solde de 75 centimes par jour. Dans le cas où aucun prisonnier de guerre ne pourrait servir d'interprète, et dans celui où l'importance de ces fonctions exigerait qu'elles fussent momentanément confiées à un français, il en sera rendu compte au ministre par le général commandant la division, qui proposera les moyens d'y pourvoir.
16. Les prisonniers de guerre sur parole seront surveillés, dans les villes indiquées pour leur résidence, par un officier chargé de cette mission et nommé par le général commandant la division. Cet officier devra, en cas de besoin, se concerter avec l'autorité civile et le commandant de la gendarmerie.
17. Les prisonniers sur parole, et ceux détenus, seront soumis aux appels, qui seront faits deux fois par jour en hiver, et trois fois en été.
18. Le commandant de chaque dépôt pourra autoriser ceux des prisonniers dont la conduite lui paraîtra mériter plus de confiance, à ne se présenter qu'une fois par jour à l'appel. L’état de maladie constaté devra seul motiver une dispense absolue de présence à l’appel.
19. Tout prisonnier qui manquera à l'appel sans en avoir obtenu la permission, sera puni d une détention qui ne pourra être moindre de vingt-quatre heures, ni excéder cinq jours.
20. Lorsque les généraux divisionnaires le jugeront convenable, ils pourront désigner une place dans laquelle les prisonniers qui donneraient des sujets de mécontentement, soit dans leurs divisions, soit dans les divisions voisines, seront gardés avec plus de soins et de sévérité. On évitera toujours pour ces dépôts, comme pour les autres, de réunir des prisonniers des nations différentes.
21. Conformément au décret impérial du 17 frimaire an 14, les délits commis par les prisonniers de guerre sont justiciables de commissions militaires formées par le général commandant la division.
22. Les fautes contre la discipline seront punies par une détention qui ne pourra excéder un mois, que sur une décision du ministre. Quant aux prisonniers qui auraient tenté de s'évader, et qui auraient été repris, ils seront mis au cachot pour un mois, et ensuite en prison jusqu’à ce qu'il en soit autrement ordonné par le ministre.
23. Les prisonniers de guerre pourront exercer dans l'intérieur des dépôts, les professions qui ne nuiraient pas à l'ordre et à la discipline.
24. Les commandants des dépôts pourront autoriser ceux des prisonniers dont la conduite sera régulière, à travailler pendant le jour chez les habitants dont le domicile ne sera pas à plus de deux kilomètres et demi (demi-lieue) du dépôt.
25. Ils n'accorderont cette autorisation qu'à ceux des prisonniers qui auront prêté le serment prescrit par l’art. 37 du présent règlement, et lorsque le maire de la commune aura donné par écrit un certificat favorable à l'habitant qui voudra employer des prisonniers.
26. Lorsqu'un habitant aura obtenu des prisonniers travailleurs pendant le jour seulement, et qu il s'en sera évadé quelqu'un ; les autres lui seront retirés et il ne pourra plus en obtenir.
27. Les prisonniers à demeure au dépôt, qui obtiendront de travailler en ville pendant le jour, seront tenus de se présenter aux appels du matin et du soir, et ne seront dispensés que de celui du milieu de la journée.
28. Aucun prisonnier de guerre ne pourra correspondre avec l'étranger, que par lettres ouvertes, qui seront adressées par les commandants des dépôts au ministre de la guerre. Ce ministre recevra également celles venant de l'étranger qui seront destinées, soit aux prisonniers sur parole, soit aux prisonniers détenus.
29. S il arrivait dans le dépôt quelque évènement qui exigeât des mesures promptes, le commandant se concerterait avec les autorités civiles et militaires, pour prendre celles que les circonstances nécessiteraient ; il en rendra compte sur-le-champ au général commandant la division et au ministre.
30. Les maires des villes où il y aura des dépôts de prisonniers de guerre, devront les visiter au moins une fois toutes les semaines, pour, de concert avec le commandant, recevoir les observations des prisonniers et s'assurer que les ordres du gouvernement sont exécutés à leur égard.
31. Il sera accordé une gratification de 25 francs aux gendarmes ou aux autres militaires qui auront repris un prisonnier de guerre fugitif. Cette gratification sera portée à 50 francs pour l'arrestation d'un officier violateur de sa parole.
32. Les généraux divisionnaires établiront, à l'égard des prisonniers qui seront aux hôpitaux, une surveillance telle qu'ils ne puissent s'évader. Les commandants des dépôts se feront rendre, par l'officier ou sous-officier chargé des détails, un compte journalier de la situation de ces prisonniers ; ils s'en assureront fréquemment par eux-mêmes.
33. Sous aucun prétexte, les prisonniers de guerre, soit sur parole, soit détenus, ne pourront porter aucune arme, ni former aucun rassemblement.
34. Les dégradations commises par les prisonniers de guerre, soit aux casernes, soit aux effets qui leur seront fournis, seront évaluées et acquittées par une retenue de moitié de la somme distribuée en deniers aux auteurs de la dégradation, s'ils sont connus, sauf les autres punitions qui pourraient leur être infligées. Dans le cas où les auteurs n’en seraient pas connus, la retenue sera exercée, jusqu'à parfait paiement, sur tous les prisonniers du dépôt.
35. Les prisonniers de guerre faits sur le continent peuvent être employés aux travaux de l'état, à ceux de l'agriculture et des manufactures chez les particuliers.
36. Les prisonniers de guerre employés aux travaux de l'état ou chez les particuliers, seront tenus de conserver, soit leur uniforme, soit les effets qu'ils auront reçus au dépôt ; et dans le cas où ils les renouvelleraient, ils seront astreints à employer, pour ceux qu’ils se procureraient, des étoffes des mêmes couleurs et qualités, et à conserver la forme des vêtements.
37. Tout prisonnier qui demandera d'être employé à des travaux hors des dépôts, prêtera serment de ne pas s'éloigner de la destination qui lui aura été donnée, et de ne pas sortir de la commune qui lui aura été assignée pour résidence.
38. Le ministre de la guerre n'autorise l'emploi des prisonniers aux travaux publics, que sur la demande des ministres dans les attributions desquels sont ces travaux, et après qu'ils lui ont indiqué ; 1° Le nombre qu'il désirent en employer ; 2 les mesures de surveillance et de casernement qu'ils proposent ; 3° enfin la nature et le mode de distribution du traitement qui sera alloué, en totalité, sur les fonds de leurs ministères, aux prisonniers employés à ces travaux.
39. Les ordres pour l'envoi des prisonniers de guerre sur les points indiqués, seront donnés par le ministre de la guerre. Le commandant de l'escorte de chaque détachement sera porteur d'un état nominatif des prisonniers qui le composent. Cet état indiquera, pour chaque prisonnier, les objets d’habillement avec lesquels il sera parti du dépôt, et sera remis au chef de l’atelier dans lequel ils se rendent.
40. Chaque chef d’atelier pourra demander au commandant de la brigade de gendarmerie de l'arrondissement, le renvoi au dépôt, et de brigade en brigade, de ceux des prisonniers qui se conduiraient mal, ou dont on aurait lieu de craindre l’évasion.
41. Les particuliers qui désireront employer des prisonniers de guerre aux travaux de l'agriculture ou des manufactures, en adresseront la demande au maire de leur commune ou aux autorités civiles supérieures de leur département.
42. Les maires ou sous-préfets transmettront sur-le-champ ces demandes aux préfets.
43. Les préfets s'adresseront au général commandant la division militaire, pour demander le nombre de prisonniers travailleurs dont le placement aura été assuré. Ces prisonniers seront fournis, s'il y a lieu, des dépôts de la division, ou des divisions voisines.
44. Les détachements de prisonniers travailleurs arrivant dans chaque département, seront remis, avec un état nominatif et signalé, au capitaine de gendarmerie, qui en fera la répartition, d'après les instructions qu'il recevra du préfet, et qui adressera à ses subordonnés l'état, également signalé, de ceux qui seront placés dans leurs arrondissements respectifs.
45. Les maires dans les communes desquels il sera placé des prisonniers travailleurs, seront tenus, s'ils en reçoivent l'ordre des préfets, d'en faire l'appel tous les dimanches ; en présence de ceux qui les emploient, ou de quelqu'un envoyé par eux.
46. Les cultivateurs ou manufacturiers qui emploieront des prisonniers de guerre, devront déclarer sur-le-champ, et dans le jour même, au maire ou à son adjoint, et au brigadier de gendarmerie de l'arrondissement, ceux, des prisonniers de guerre qui se seraient absentés de chez eux. Les prisonniers travailleurs accordés à ceux qui contreviendraient à cette disposition, leur seront sur-le-champ retirés par les ordres du préfet.
47. Lorsqu'un prisonnier employé chez l'habitant se conduira mal, ou donnera lieu de craindre son évasion, il sera, sur la demande du maire et par les ordres du préfet, renvoyé de brigade en brigade, au dépôt dont il faisait partie, en indiquant au commandant du dépôt les motifs du renvoi.
48. Chaque prisonnier ainsi détaché sera porteur d'une carte signée par l’officier ou sous-officier de gendarmerie de l’arrondissement, et par le maire de la commune dans laquelle il travaillera. Les préfets donneront les modèles de ces cartes.
49. Les préfets surveilleront et feront surveiller par les maires l'exécution des conventions de gré à gré entre les prisonniers de guerre et ceux qui les emploieront, de manière à prévenir les inconvénients qui pourraient naître des plaintes réciproques.
50. Les articles 19 [« Les prisonniers de guerre qui seront comme travailleurs employés à demeure chez des particuliers, seront compris dans les revues pour la solde seulement »], 20 [« Ceux qui travailleront sans être à demeure chez des particuliers, soit qu'ils s'occupent au dépôt, soit qu'ils viennent seulement y coucher, seront employés dans les revues pour la solde et pour le pain »] et 36 [« Tous les prisonniers travailleurs, sans distinction , seront privés de la jouissance de leur solde ; laquelle sera retenue par le commandant du dépôt. Il en sera formé une masse affectée à l’achat des effets de petit équipement dont les prisonniers non occupés pourraient avoir besoin. Cette masse sera administrée par ledit commandant, sous la surveillance du commissaire des guerres ; les femmes et enfants n'y auront aucun droit »] du règlement du 10 thermidor an 11 continueront à recevoir leur exécution à l'égard des prisonniers travailleurs ; en conséquence, 1° Les prisonniers de guerre qui seront, comme travailleurs, employés à demeure chez les particuliers, seront compris dans les revues des dépôts pour la solde seulement ; 2° Ceux qui travailleront sans être à demeure chez les particuliers, soit qu'ils s'occupent au dépôt, soit qu'ils viennent seulement y coucher, seront employés dans les revues pour la solde et pour le pain ; mais ils ne recevront que le pain ; 3° Tous les prisonniers travailleurs, sans distinction, ne toucheront pas leur solde du dépôt ; et elle sera retenue pour en former une masse d’habillement, dont S. E. le ministre directeur déterminera l’emploi en faveur des prisonniers qui seront dans les dépôts
51. Les prisonniers employés comme travailleurs, soit par l'état, soit par les particuliers, continueront à être compris sur les contrôles du dépôt dont ils auront été extraits; ces contrôles feront mention, à leur nom, de la destination qui leur aura été donnée.
52. L'officier charge, dans la ville de rassemblement, de la répartition des prisonniers, adressera au ministre un double du contrôle qui lui aura été remis par le commandant de l'escorte de chaque détachement, avec l’indication de ceux des prisonniers qui seraient morts, entrés aux hôpitaux ou évades en route, ainsi que la destination ultérieure qui sera donnée à ceux arrivés.
53. Les commandants de chaque dépôt adresseront, tous les quinze jours, au général commandant la division et au ministre de la guerre, 1° l'état de situation du dépôt ; 2° l'état nominatif des prisonniers arrivés depuis le dernier compte.
54. Les extraits mortuaires des prisonniers décédés en route ou dans les hôpitaux avant d’avoir fait partie d'un dépôt, seront adressés directement au ministre par les maires ou par les directeurs des hôpitaux, quant aux extraits mortuaires des prisonniers faisant partie des dépôt , ils seront réunis par les commandants, qui ne les adresseront au ministre qu'après en avoir fait mention sur les contrôles et avoir vérifié qu'ils y sont conformes. En cas de non conformité avec le contrôle du dépôt, il serait fait mention sur l’acte même, des différences qui se trouveraient, mais sans que l’acte mortuaire soit altéré en aucune manière, et en se bornant à suppléer par des notes marginales aux renseignements qui pourraient manquer.
55. Aucun prisonnier de guerre ne pourra obtenir domicile en France, y prendre du service, s'y marier ou y former un établissement quelconque, que sur une décision du ministre.
56. Les prisonniers officiers, sous-officiers ou soldats, qui, sur leur demande, obtiendraient de résider hors des villes assignées pour les dépôts, ne pourront réclamer aucun traitement pour le temps qu ils en seront absents.
57. Lorsqu'un prisonnier se sera évadé, soit en route, soit de la ville de rassemblement ou du dépôt, son signalement sera sur-le-champ adressé à la gendarmerie des environs, qui sera tenue de faire les recherches les plus actives pour le découvrir. En cas de succès de ces recherches, l'évadé sera ramené, de brigade en brigade, au dépôt ou au lieu de rassemblement le plus voisin, pour y être puni conformément à l'art. 22 du présent règlement.
58. Les chefs d'état-major des armées se feront exactement adresser par les corps, les états des militaires français tombés ou présumés être tombés au pouvoir de l'ennemi, et ils les feront parvenir au ministre, en ayant soin de porter sur des listes séparées ceux dont la captivité sera certaine, et ceux qui ne seront que présumés avoir été laits prisonniers de guerre.
59. Les généraux en chef feront parvenir au ministre les renseignements qu'ils obtiendront sur le traitement qu'éprouvent nos prisonniers chez l'ennemi, sur les soins qu'on a des blessés, et sur les moyens qu’ils jugeraient convenables d'employer pour améliorer leur sort, soit par un échange , soit par l’envoi de secours. »
_________________ " Grâce aux prisonniers. Bonchamps le veut. Bonchamps l'ordonne ! " (d'Autichamp)
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