Châtillon a écrit :
Préambule : Dans mes dernières lectures, j'ai appris que le Proche-Orient était - pour résumer - au début du XXe siècle, la chasse gardée de la France ; Palestine comprise (notamment du fait d'un réseau très important d'écoles françaises, par la supériorité des capitaux investis et par le système des capitulations qui faisait de la France le protecteur des occidentaux et des lieux saints). La première guerre mondiale changea la donne au profit des Anglais.
Vous avez raison de parler d'une aire d'influence française au Proche-Orient, particulièrement en Syrie et au Liban plutôt qu'en Palestine. Les échanges diplomatiques de la Première Guerre mondiale, voir l'ouvrage-clé de Soutou par exemple, ont mis les Anglais en position de force pour plusieurs raisons : (1) Les Anglais ont joué la carte de la recomposition de l'espace autour de l'ouest et du sud (mettant la main sur l'Irak, prenant une tutelle sur la Palestine au titre de la promesse faite à Lord Balfour, poussant, enfin, vers la Perse pour continuer un élan géopolitique datant du tournant des XIXème et XXème siècle) ; (2) La France veut jouer le jeu d'une "Grande Syrie" mais le projet échoue politiquement et son extension géographique vers le nord est entamée par la consolidation de la Turquie de Mustafa Kemal ; (3) Les Italiens entrent dans le jeu diplomatique après leur entrée en guerre et demandent leur "part du gâteau" sur les possessions françaises puisqu'ils sont intéressées par des territoires proches de leurs propres possessions en Méditerranée.
Châtillon a écrit :
Aussi voit-on un Laurence d'Arabie faire un lavage de cerveau au prince Fayçal pour dresser les Arabes contre les Français (notamment en Syrie) pendant que les Anglais se rendaient maître de la Palestine et d'une partie du Moyen-Orient (notamment au prix de répressions sanglantes qui firent des milliers de morts).
Méfiance car Lawrence d'Arabie a tenu des propos bien vite oubliés par le gouvernement britannique lors de la Conférence de la Paix après la guerre.
Châtillon a écrit :
J'ai lu ensuite que les Anglais cherchèrent à s'imposer militairement en Syrie. La rivalité franco-anglaise aurait notamment été marquée par le soutien armé des Anglais aux indépendantistes syriens (déjà, lors de la grande révolte de 1925, les Anglais avait procuré des armes et de l'argent aux Druzes en guerre contre la puissance mandataire). Le point culminant de ce conflit aboutit en mai 1945 par un ultimatum adressé par l'Angleterre à la France pour qu'elle se retire de Syrie.
Avec la Seconde Guerre mondiale, l'Angleterre a véritablement une position de force dans la région, militairement, bien sûr, mais aussi politiquement, épaulée par l'allié américain, stable alors que les autres alliés sont, pour la plupart, des gouvernements en exil, sans légitimité véritable, au point qu'un personnage comme le Général de Gaulle est maintes fois poussé vers la sortie par le gouvernement américain. Très clairement et sans ambiguïté, la politique anglaise se positionne en opposition directe à l'influence française au Proche-Orient : en critiquant la présence française, en soutenant les volontés d'indépendance nationales contre la puissance occupante, l'Angleterre s'assure d'une amitié du peuple "décolonisée". Il y a une mutation dans les formations de colonisation entre une colonisation de présence et une colonisation d'influence.
A quel point l'Angleterre a produit de tels jugements dans ses discours officiels et officieux, il faudrait creuser la question !
J'imagine qu'il serait particulièrement intéressant de voir ce que le commandement militaire britannique de la région dit au gouvernement britannique - puisque la décision de "lâcher" les Français s'est faite par le sentiment qu'ils ne pourraient pas tenir une guerre de long terme avec les Syriens - et de voir si ces estimations militaires sont justes ou faussées par des velléités entre officiers ou Etats.