Charles VII, dans le sillage de la première reconquête de son royaume (1429-1436), a voulu réorganiser en profondeur l'armée féodale. Celle-ci n'était en effet absolument plus adaptée aux besoins militaires du royaume, comme l'avait prouvée son incapacité à faire face à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons à partir de 1407, et surtout à empêcher l'invasion anglaise à compter de 1415. Il s'est heurté à des difficultés budgétaires et politiques, illustrées par la Praguerie de 1440, qui l'empêchèrent d'initier ce grand projet avant 1444. Cette année-là, il nettoie ses armées des "écorcheurs" qui y pullulent, en les regroupant et en les envoyant combattre les Suisses sous son fils le dauphin Louis (bataille de Saint-Jacques-sur-la-Birse) et assiéger Metz. L'année suivante, il publie la fameuse ordonnance de Montils, qui crée les compagnies de la grande ordonnance. Celles-ci, qui regroupent des gens d'armes soldés par le roi et leur équipage militaire (cinq soldats supplémentaires), lui offrent une cavalerie déliée des vieilles relations contractuelles féodales, plus disciplinée, facilement mobilisable, mieux équipée et loyale. Il licencie par ailleurs les éléments superfétatoires, ce qui ne va pas sans difficultés. C'est l'apparition d'une armée permanente, moderne, de taille respectable, qui va s'imposer pendant cinquante ans sur les champs de bataille européens.
Par ailleurs, il crée en 1448 la milice des francs-archers, première tentative de se doter d'une infanterie nationale d'un bon niveau, sur le modèle de l'archerie anglaise.
Ces deux institutions sont au coeur de la seconde reconquête, en 1450-1453, avec l'artillerie des frères Bureau. Elles montrent cependant leurs limites lors des guerres pour l'héritage bourguignon, en 1477-1480, puis lors des guerres d'Italie. Les francs-archers et les compagnies d'ordonnance disparaissent entre 1479 (Guinegatte) et 1525 (Pavie), plus ou moins. A partir des guerres italiennes, le mercenariat reprend toute sa place dans le dispositif militaire de la monarchie française, en dépit d'efforts méritoires, comme la création des bandes dont on parlait sur chaque frontière militaire du royaume, dans les années 1480-1490, ou la réforme de 1534 de François Ier, visant à se doter de légions de recrutement régional, qui permettrait de disposer de 42 000 fantassins français équipés et disciplinés. Les légions, en dépit de quelques succès, ne survivent guère au Valois, et disparaissent dans les années 1550. Elles ne valaient de toute manière pas les Tercios espagnols, qui dominent les champs de bataille européens à partir des années 1530. Seules les bandes demeurent, mais disparaissent dans le sillage des guerres de religion (même si ce sont les "vieilles bandes françaises" qui vainquent à Dreux en 1562).
Elles sont remplacées, à la toute fin des années 1550 ou au tout début des années 1560 (entre 1558 et 1562), par la structure des régiments, peu stabilisée et anarchique initialement, notamment en raison des désordres intérieurs de la France, mais pérennisée sous Henri IV, et rationalisée et étendue à partir de 1635. Cette structure, qui concrétise l'apparition d'une infanterie nationale, démontre sa supériorité sur les Tercios espagnols à Rocroi, en 1643. C'est le début d'un demi-siècle de supériorité militaire française sur les champs de bataille.
Il y a de très bons ouvrages sur gallica qui parlent de ça, notamment l'Histoire de la Milice françoise, du révérend père Daniel (1727) ou les institutions militaires de la France d'E. Boutaric (1863), que je recommande - même s'ils sont un peu contradictoires concernant les francs-archers et leur disparition.
Voilà, en très bref.
CNE503
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