Elgor a écrit :
En fait la Grande Bretagne considérait Anvers comme "Un pistolet pointé sur le coeur de l'Angleterre". Aussi elle s'est toujours opposée à ce que ce port appartienne à une grande puissance.
C'est une expression que l'on prête surtout à Napoléon. Bien que très souvent citée, je ne l'ai jamais vue sourcée...
En revanche, à Sainte-Hélène, Napoléon (Mémorial) a tenu des propos ressemblants :
"Il a dit qu'il avait beaucoup fait pour Anvers, mais que c'était encore peu auprès de ce qu'il comptait faire. Par mer,
il voulait en faire un point d'attaque mortel à l'ennemi; par terre, il voulait le rendre une ressource certaine en cas de grands désastres, un vrai point de salut national ; il voulait le rendre capable de recueillir une armée entière dans sa défaite, et de résister à un an de tranchée ouverte, intervalle pendant lequel une nation avait le temps, disait-il, de venir en masse la délivrer et reprendre l'offensive. Cinq à six places de la sorte, ajoutait-il, étaient d'ailleurs le système de défense nouveau qu'il avait le projet d'introduire à l'avenir. On admirait déjà beaucoup les travaux exécutés en si peu de temps à Anvers, ses nombreux chantiers, ses magasins, ses grands bassins ; mais tout cela n'était encore rien, disait l'Empereur, ce n'était encore là que la ville commerçante ; la ville militaire devait être sur la rive opposée ; on avait déjà acheté le terrain ; on l'avait payé à vil prix, et, par une spéculation adroite, on en eût revendu à un très haut bénéfice, à mesure que la ville se serait élevée , ce qui eût contribué à diminuer d'autant la dépense totale. Les vaisseaux à trois ponts fussent entrés tout armés dans les bassins d'hiver. On eût construit des formes couvertes pour retirer à sec les vaisseaux pendant la paix, etc.
L'Empereur disait qu'il avait arrêté que le tout fût gigantesque et colossal. Anvers eût été à lui seul tout une province. En revenant à ce superbe établissement, il remarquait que cette place était une des grandes causes qu'il était ici, à Sainte-Hélène ; que la cession d'Anvers était un des motifs qui l'avait déterminé à ne pas signer la paix de Châtillon. Si on eût voulu lui laisser cette place, peut-être eût-il conclu ; et il se demandait s'il n'avait pas eu tort de se refuser à signer l'ultimatum."
Les ambitions avaient été très tôt émises. Ainsi, lors de la visite de juillet 1803, Bonaparte tint ces mots face aux autorités civiles (Thibaudeau, Le Consulat et l'Empire) :
« J'ai parcouru votre ville : je n'y ai trouvé que des décombres et des ruines. Elle ressemble à peine à une ville européenne, et j'ai cru me trouver ce matin dans une ville d'Afrique. Tout y est à faire, port, quai, bassin d'échouage... Il
faut enfin qu'elle mette à profit les avantages immenses de sa centralité entre le Nord et le Midi, de son fleuve magnifique et profond, et qu'elle devienne la cinquième ou sixième ville commerçante du monde. On porte à vingt millions la confection de ces ouvrages ; la guerre ne nous permet pas de vous les accorder ; mais, dès à présent, nous ferons ce que nous pourrons ; c'est à la ville et au commerce à nous seconder au moins par des avances. Il faut marcher avec le temps; il ne dépend pas toujours de nous d'accélérer sa marche »
L'ouvrage était immense. A la fin de l'Empire, il était loin d'être achevé, mais était tout de même impressionnant comme le montrent ces réflexions tenues le 4 août 1814 par l'amiral anglais Martin :
« Nous avons constaté que l'établissement naval d'Anvers avait atteint un développement dont, bien que prévenus, nous ne pouvions nous faire aucune idée. Cet établissement, par sa progression continuelle, aurait donné sous peu une telle augmentation à la flotte française, qu'il aurait été impossible à l'Angleterre de l'égaler. Nous pouvons dire que la paix, qui réduit ce port à un simple rôle de commerce est un événement aussi important pour nous qu'aucun autre dans l'Histoire de l'Angleterre »