On a par contre échappé au sempiternel second rôle Noir pour le quota, destiné à ne pas survivre jusqu'à la fin du film, et qui est le comique de service, tant qu'à faire. Ca m'a même surpris, c'est dire !
Ca aurait été sportif à justifier, étant donné la ségrégation en vigueur à l'époque dans l'armée US (encore que dans U-571, ils ont osé - mais c'est U-571...)
Sinon, mon avis sur le film que j'ai enfin vu grâce au DVD :
Je n'attendais rien de transcendant au plan historique du fait de l'équation "film US avec une star" (même si Brad Pitt a pour moi une filmo intéressante).
Plus les critiques lues ici.
Ce que j'ai noté :
* c'est crade : boue, sang, cadavres qu'on écrase, corps qui explosent. Jusque dans les années 60 la guerre vue par Hollywood était ridiculement propre, j'ai l'impression que depuis plusieurs années les réalisateurs sont passés dans l'excès inverse en insistant sur le crade et le gore (effet post-soldat Ryan ?)
Je ne suis pas une petite nature (j'ai grandi avec les films gore de série Z des années 80, quand Peter Jackson et Sam Raimi filmaient avec 2 bouts de ficelle) mais c'est limite... Pas autant que le dernier Rambo (très amateur de viande qui gicle, le Stallone) mais quand même.
* les Américains n'ont rien de héros. Au contraire.
Je ne vois carrément pas comment on peut considérer l'équipage du char comme de "braves types". Ni comment on peut analyser le film comme une glorification des soldats US, de ces soldats, et de la guerre.
Tuer des Allemands qui se sont rendus, c'est un meurtre. Il n'y a pas de danger. Tirer sur des cadavres, c'est au minimum stupide (bonjour le gaspillage de munitions !). Et bien entendu la scène où Brad Pitt "oblige" le petit jeune à tuer un Allemand : là, c'est juste un comportement de psychopathe digne des nazis qu'ils combattent (une balle dans le dos, à genoux, sous les yeux des soldats US en train de se marrer comme si c'était une bonne blague).
Ces scènes, pour moi, montrent que la guerre est horrible aussi par ce qu'elle fait des soldats, déshumanisés, haineux envers leurs ennemis, même si ces ennemis étaient clairement les pires salopards de l'Histoire (ou pas loin).
D'ailleurs, je note qu'on ne sait rien des personnages : soldats professionnels (ça pourrait être sous-entendu quand l'un d'eux raconte qu'ils se sont connus avant même l'Afrique) ? Civils mobilisés ? Engagés volontaires ?
Seul le jeune est présenté : un dactylo qui n'a rien à fiche là.
L'équipage n'est ni blanc ni noir moralement.
Wardaddy (Brad Pitt), c'est le chef qui assume son rôle malgré tout (les scènes où ils s'isole pour ne pas montrer qu'il est au bord de la rupture - mais elles n'apparaissent qu'au début). Son job est de ramener ses gars en vie. Il mélange le bon gros psychopathe (au combat, ou les exécutions) avec un type qui essaie d'être réglo (avec les deux femmes dans le village).
Une séparation entre les moments de guerre, où il n'y a plus de règles, et ceux de "paix", où les règles réapparaissent ?
La Bible ne m'a pas choqué. Il est cohérent. Les Américains sont croyants, la guerre ne doit pas affaiblir la foi, au contraire. En plus, je l'ai pris un peu comme un gag, il montre le côté "bordélique" des religions aux USA, avec la multitude d'églises, quand ce personnage demande à quelle église l'autre soldat appartient.
Enfin, il est fiable au combat, il a l'air de bien se tenir au plan moral. Et pourtant, on voit lors de la scène du repas avec les deux Allemandes qu'il a aussi un côté sombre qui peut percer.
Gordo a l'air d'être le plus sympa. Il permet aussi le quota de "minorités" (ou alors j'ai l'esprit mal tourné
).
D'ailleurs, c'est un personnage qui ne m'a pas trop marqué. A part qu'il joue ce rôle du sympa de la bande, et de "l'ancien" qui explique au nouveau comment ça se passe, quelles sont les règles.
Coon-Ass apparaît d'emblée comme le "sale con" du groupe, toujours à tester les limites. Et pourtant il sait s'excuser auprès de Machine. Et lui-aussi est fiable, il reste pour le combat final même si c'est stupide.
Sale type, mais bon fond, en gros.
Enfin, Machine est le bleu du groupe. Un archétype classique du gamin qui devient un adulte.
Sauf que ce cheminement est ici détestable. Est-il devenu un homme "grâce" à cette histoire ? Oui, grâce à la jeune Allemande
. Mais grâce à la guerre, carrément pas ! C'est le mauvais gars au mauvais endroit au mauvais moment.
Je considère qu'après la fin du film, il a dû se retrouver avec un bon stress post-traumatique comme on dit aujourd'hui. Logiquement, il doit partir directement en hôpital psychiatrique après le générique de fin.
Enfin, comme tout le monde, la dernière scène de combat est pour moi un bon gros facepalm. Une scène ridicule voire anachronique par rapport au reste du film, car reprenant le bon vieux cliché de la poignée de héros arrêtant à eux tout seul toute une armée.
Encore que ladite armée soit manifestement composée de crétins dénués des compétences de base du soldat, à savoir éviter de risquer sa peau bêtement - et attaquer de face un char, c'est bête, pour rester poli.
Enfin, rien de neuf sous le soleil, comme on dit...
Il y a aussi la question de la pertinence du combat final. Elle me pose question.
Il s'agit d'intercepter une colonne allemande.
D'un côté, elle ne cherche pas le combat avec les Américains. Elle se replie pour rejoindre Berlin, où vraisemblablement se joue le combat le plus important (c'est ce que je comprends dans le film - sachant que je connais la situation de l'époque). Donc autant la laisser passer et laisser les Soviétiques s'en charger, non ?
De l'autre côté, cette colonne va tomber sur une position US mal-préparée qui se trouve sur son chemin. Mais dans ce cas, pourquoi les Américains ne feraient-ils pas les morts ? Ils se planquent, laissent passer les Allemands. Pas ou peu de combats, les Allemands ne veulent pas les détruire mais passer, et les Américains ne sont pas des fanatiques prêts à se faire tuer sur place dans une bataille sans enjeu.
En fait, je n'arrive pas à savoir si le sacrifice de nos héros est pertinent, intelligent, ou pas. Sachant que l'un des thèmes que je retiens du film, ce sont les effets destructeurs de la guerre sur ceux qui la font, même si ce sont des types ordinaires comme le sont "par définition" les Américains.
D'où une interrogation personnelle : le sacrifice du dernier combat n'est-il pas aussi un moyen pour nos personnages d'éviter un retour à la vie civile qui sera pour eux psychologiquement désastreux ?
Ils se sont "lâchés", ont commis et vécu des saloperies, qu'ils vivent très bien apparemment tant qu'ils sont en guerre. Mais que se passera-t-il une fois la guerre finie ?
On meurt ici, et maintenant, pour éviter de vivre avec le souvenir des choses horribles qu'on a commises.
Au passage, je ne sais pas si vous avez noté, mais on a une scène, toujours dans ce combat final, où un officier allemand briefe ses hommes avant de les envoyer contre le char.
Les soldats rompent les rangs et repartent au combat, ils sont filmés de dos, et l'officier, lui, fait demi-tour et va vers la caméra - donc ne va pas au feu... Il envoie ses hommes au feu, mais lui reste à l'arrière.
J'ai trouvé l'image intéressante, surtout qu'elle n'est pas lourdement mise en avant.