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Message Publié : 05 Sep 2015 12:52 
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1) les S35 :
Oui, ce sont de bons chars en 1940. Ils disposent d'un excellent rapport entre mobilité, protection et puissance de feu, qui sont les trois qualités principales d'un char. Cependant, ils ne sont dotés de radio qu'avec la plus grande parcimonie (c'est un euphémisme pour dire qu'ils n'en ont pas ! Les liaisons internes aux pelotons, celles donc de combat, se feront par signaux visuels !), et la tourelle APX1 qui les équipe n'abrite qu'un seul individu qui est à la fois pointeur, tireur, chargeur, chef de bord et parfois chef de peloton (avec pour résultat qu'il n'est bon dans aucune de ces fonctions).
Les Allemands les utiliseront après 1940, mais pas dans leurs divisions blindées, du moins pas celles engagées sur les théâtres d'opérations importants (URSS et Afrique du nord). Ils les regrouperont dans des unités de seconde ligne (tout particulièrement les Panzer Brigaden 100 et 101) chargées d'appuyer les forces d'occupation et de lutter contre les partisans, où les S35 serviront de chars des chefs de section dans des sections équipées de R35. Ils rendront de signalés services dans les Balkans notamment à partir de l'été 1941.
Les S35 s'avèrent en fait dépassés dès l'été 1940, sauf face à des partisans n'ayant que peu ou pas d'armement antichars.

2) le niveau réel des Panzer Divisionen :
Effectivement, les divisions blindées allemandes de 1940 sont majoritairement composées de chars légers bien moins performants que leurs adversaires, notamment, dans le combat antichars. Cependant, la supériorité tactique, la mise en oeuvre de principes efficaces acquis grâce à un entraînement et une cohésion très poussés, font qu'en leur sein, un char est une partie d'un système, et l'ensemble des éléments vaut plus que leur simple addition. Pour faire simple : les Allemands manoeuvrent mieux avec leurs chars inférieurs que nous avec nos lents, lourds et puissants "culs-de-plomb".
En 1940, les PzKpfw III sont encore plutôt efficaces, de même que les PzKpfw 38(t), et sans parler des PzKpfw IV. Mais il est vrai qu'ils ne représentent qu'un quart à un tiers de l'ensemble des chars alors engagés.
Par rapport aux chars français, l'avantage réside dans des équipages mieux entraînés et rodés à l'action collective, disposant de moyens radio performants. Au point de vue équipements, les optiques de tir allemandes sont très nettement supérieures aux françaises, et la tourelle des PzKpfw III et IV comprend trois membres d'équipage : le chef de char qui commande son engin (et éventuellement dirige la manoeuvre de plusieurs machines via la radio), le tireur qui pointe et tire, le chargeur qui approvisionne le tube. Bien que moins blindés et moins bien armés, ils surclassent un char français qui dépend d'un équipage souvent isolé de l'action d'ensemble faute de radio, moins capable de "faire un carton" et agissant de manière moins fluide en raison des contraintes énormes pesant sur les épaules du chef de bord.
Et puis, même si c'est caricatural, l'explication du "ils avaient trois paquets de 1 000 chars, nous avions 1 000 paquets de trois chars" reste valable : les Allemands concentrent leurs blindés dans la zone-clef de leur manoeuvre stratégique quand nous nous évertuons à les disperser un peu partout sans aucun profit.

3) la cavalerie avait-elle compris l'intérêt d'une division mécanique interarmes autonome ?
Oui et non. Oui, car la DLM est un ensemble plutôt équilibré apte à remplir efficacement les missions qui lui sont confiées (un bémol sur le soutien organique toutefois). Non car le problème, c'est que celles-ci sont trop restrictives et ne prennent pas en compte la lutte char contre char comme prioritaire. Jamais les DLM n'ont été pensées comme devant rompre un front puis exploiter dans la profondeur comme une Panzer Division, encore moins comme un outil antichar ; tout au plus devaient-elles exploiter une percée déjà réalisée par l'infanterie (et ses chars d'appui). Cette dualité de missions fut fatale à la mise sur pied d'une grande unité cuirassée française capable de concurrencer la Panzer Division. On soulignera que les Allemands avaient suivi la même logique avec l'existence, à côté de leurs Panzer Divisionen, de "divisions légères" mécanisées moins fortement constituées chargées de ces missions traditionnelles de la cavalerie. La campagne de Pologne avait mis en valeur une redondance et un manque de potentiel déjà entrevus auparavant, et elles furent dès lors transformées en divisions blindées à part entière, ce qui souligne la capacité allemande à faire un usage rationnel du retour d'expériences.

CNE EMB

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Message Publié : 05 Sep 2015 13:14 
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Marc Bloch
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Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Les explications du CNE EMB sont claires. Maintenant pourquoi la France n'a t elle pas su faire un correct retour d'expérience de la campagne de Pologne ? Et pourquoi n'avons nous pas anticipé dés les années 1930 ?

À cause de la dualité infanterie/cavalerie ? À cause du rattachement des chars à l'infanterie qui a rendu impossible toute réflexion innovante sur la mobilité conjuguée à la puissance de feu des chars et les a définitivement liés à une infanterie lente et vulnérable ? E


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Message Publié : 05 Sep 2015 14:30 
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Inscription : 20 Déc 2008 14:01
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Localisation : Bourgogne
Oui à toutes ces questions.
Nous sommes en retard conceptuellement par rapport aux Allemands qui initient progressivement un nouveau système de guerre entre 1928 et 1935 (qui n'arrivera à maturité qu'en 1940 voire 1941). Cette "révolution dans les affaires militaires" allemande n'est pas sans errements ni sans impasse, mais nous n'avons pas été à même de la suivre ou de la copier.

L'un des problèmes principaux, ce sont les résistances conservatrices qui s'imposent dans une armée victorieuse. Il est évidemment plus difficile de changer les paradigmes qui ont conduit à la victoire en 1918 parmi l'armée qui en a bénéficié - au contraire de celle qui en a subi les conséquences. L'armée française se sclérose donc partiellement. Les oppositions entre l'infanterie et la cavalerie, l'incapacité d'accoucher d'une arme blindée autonome, n'en sont qu'un avatar parmi d'autres.

A la décharge des Français, il est plus difficile de "retexer" les opérations auxquelles on ne participe pas que celles auxquelles on contribue. Les Allemands sont naturellement amenés à tirer des conclusions des déficiences observées en Pologne, ce qui n'est pas le cas des Français. Et pourtant, nous prenons des mesures pour pallier à la menace des Panzer Divisionen, menace clairement identifiée dès septembre 1939. C'est pour cela que nous créerons les divisions cuirassées à partir de janvier 1940.

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Message Publié : 05 Sep 2015 15:05 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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Je crois qu'il y a quelque chose de crucial dans la sous estimation de la vitesse d'exécution et d'exploitation dont est capable l'armée allemande.....Lors des manoeuvres sur cartes de 1938 le général Prételat qui joue le rôle allemand et ne fait qu'appliquer les directives que nous connaissons telles qu'elles existent dans les Panzerdivisonen démontre qu'une fois le front percé à Sedan,l'armée française quoiqu'elle fasse est incapable d'arrêter l'exploitation par l'ennemi tant elle est lente.......Presque tout est à reconstruire ,or,il ne faut pas choquer et blesser le haut commandement,il faut savoir se montrer obséquieux si l'on veut avoir de l'avancement......On dira qu'll a doublé la vitesse alors qu'en fait,il l'avait divisée par deux.....
Par ailleurs ,les militaires sont aux ordres des politiques et ces derniers ne veulent en aucun cas de l'offensive,ils n'envisagent donc qu'une guerre lente,quasi statique....On s'assied derrière la ligne Maginot et on laisse faire l'économie,nous gagnerons parce que nous sommes les plus forts ,les plus riches.Je possède des almanachs de l'année 1940 publiés pour le bon peuple qui passent des pages et pages à le répéter statistiques à l'appui....Un véritable lavage de cerveau......


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Message Publié : 05 Sep 2015 15:39 
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Sir Peter a écrit :
Par ailleurs, les militaires sont aux ordres des politiques


Cette phrase m'horripile, tout simplement car elle est fausse. Tout ce que demandera le Conseil de Guerre ... sera obtenu. Et le Conseil de Guerre sera présidé durant de longues années par Pétain. C'est l'une des choses qui va conduire à l'enlisement, puis au report du procès de Riom. Les militaires, enfin les plus hauts gradés, se sont faits une image de la réalité, cette image est qu'on ne pourra pas compter sur les conscrits et sur les mobilisés car ils sont acquis aux thèses pacifistes. Ils tablent donc sur une armée de pointe composée d'engagés qui ira mettre la pâtée aux allemands, tandis que les "civils" mobilisés attendront sagement derrière la ligne Maginot. La doctrine militaire de cette époque est basée là-dessus.

Ce qui est relevé en creux par pas mal d'historiens militaires est que la doctrine victorieuse de 1918 est l'inverse de celle des allemands. Cette doctrine fait tourner les unités entre l'arrière et le front et pendant qu'ils sont à l'arrière, on les forme. La doctrine allemande de 1918, c'est la formation d'une armée de pointe, les fameuses sections d'assauts, tandis que le soldat lambda, on ne lui demande qu'à occuper le terrain. La doctrine allemande de 1939 est plus ou moins basée sur la continuation de cette idée; les sections d'assauts étant simplement remplacées par les panzerdivisionnen. La doctrine française de 1939 va vers un modèle à l'allemande, dans le sens où l'on prévoit aussi une armée à 2 vitesses : les unités de chocs composées de soldats d'actives et puis le reste de la masse des mobilisés. Mais, cette armée de choc est plus construite dans un rôle défensif, alors que les unités de chocs allemandes sont construites sur un rôle offensif.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
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Message Publié : 05 Sep 2015 15:49 
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Inscription : 20 Déc 2008 14:01
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Localisation : Bourgogne
Nous étions clairement en retard. Les Allemands avaient développé une conception novatrice du processus décisionnel au contact, qui avait été testé avec succès dès 1917 sur le front oriental (début septembre 1917) puis lors de la contre-attaque qui avait suivi le succès initial des Britanniques à Cambrai (fin novembre 1917 - ironiquement, cette bataille est le premier succès obtenu par les chars). Ils l'avaient perfectionné après 1918, et la Panzerwaffe en était imprégnée jusqu'au moindre Panzerschütze.

L'armée française, au contraire, avait développé une culture extrêmement élaborée de la coopération interarmes ne reposant pas sur la prise de décision des échelons au contact, mais au contraire sur le travail d'état-major. Celui-ci était considéré comme le seul capable de coordonner efficacement l'action d'armes aussi variées et complémentaires que l'infanterie, l'artillerie, le génie, les chars, les transmissions, y compris dans leurs diverses composantes - artillerie organique divisionnaire, artillerie de corps d'armée et d'armée par exemple pour l'artillerie - dans des actions d'ensemble au minutage très complexe.
La transversalité allemande a tout simplement soufflé la verticalité française, puisqu'elle était en cohérence avec les progrès techniques enregistrés depuis 1918 et notamment l'apparition de véhicules blindés rapides d'une autonomie significative, avec lesquels les liaisons étaient assurées via des moyens radio efficaces et bénéficiant d'un appui permanent ne reposant plus sur le canon mais sur l'avion.

CNE EMB

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