Parigino a écrit :
Pouvez-vous préciser à l’ignare que je suis ce qu’est (était ?) un « régiment de secteur » ? J’ai cherché sur Internet mais n’ai rien trouvé. Un régiment n’était-il pas localisé, par définition, dans un secteur déterminé ?
Pour faire simple, il y avait en Algérie des troupes classées en deux catégories, les régiments de secteur (qui très logiquement assuraient la protection d'un secteur) et les troupes d'intervention, qui étaient à la disposition de l'état-major. Ces troupes d'intervention comprenaient les meilleurs régiments : paras, légion, et peut-être les chasseurs alpins, je n'en suis pas sûr.
Un régiment d'intervention disposait d'une base arrière, ses quartiers lorsqu'il était au repos, mais il était souvent en opération dans un secteur ou une bande de rebelles avait été localisée. Ce genre d'opération groupait fréquemment plusieurs régiments, et on demandait alors aux régiments de secteur d'y participer, typiquement pour bloquer une voie de fuite ou pour ratisser une zone précise.
Les régiments d'interventions ont été sollicités en nombre à divers reprises, par exemple sur la frontière tunisienne par laquelle entraient, en 56, les "katibas" (groupes) du FLN - entraînées en Tunisie et destinées à toute l'Algérie - ce qui a donné lieu à de véritables batailles rangées, très violentes, contre des intrusions en masse pouvant atteindre un millier de combattants, jusqu'à ce que la "ligne Morice" soit totalement électrifiée en haute tension et minée, ce qui a bien dû prendre deux ans.
Si les régiments d'intervention, composés de volontaires très entraînés et de professionnels (la Légion, typiquement) étaient très actifs, généralement bien commandés, et disposaient en priorité des hélicos - qui ont commencé à arriver au compte-goutte en 56, je crois, puis se sont généralisés - en revanche les régiments de secteur, qui ne comptaient que des appelés, avaient à la fois un travail et un bilan plus mitigé.
On leur confiait la garde statique de points précis (ouvrages d'art, villages clés, surveillance des routes...) et ils effectuaient des "ratissages" dans leur secteur, avec des résultats très moyens. (En fait tout dépendait de la personnalité du colonel commandant de secteur, ou parfois, à l'échelon au dessus, du général commandant de région : certains de ces régiments n'ont jamais vu un fellagah, d'autres ont réussi à atteindre une certaine efficacité.) Cette vision est un peu caricaturale, mais enfin pour beaucoup d'appelés l'Algérie a été un lieu d'ennui et de patrouilles routinières, ou de crapahutages épuisants à la recherche d'un ennemi insaisissable. Ce qui ne les empêchait pas d'avoir des pertes. Toutefois leurs capacités se sont améliorées peu à peu au cours de la guerre.
C'est l'embuscade de
Palestro, en 56, où 20 appelés ont été tués, qui a révélé à la métropole stupéfiée qu'il y avait des groupes armés partout en Algérie (là c'était en Kabylie) - alors que la propagande officielle ne parlait que de "quelques bandes rebelles" - et que les appelés se trouvaient impliqués dans une vraie guerre. Cela dit ce n'était pas la première embuscade de ce genre.
Evidemment cette distinction entre troupes de secteur/troupes d'intervention était spécifique à cette guerre et n'a pas été renouvelée.