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Message Publié : 03 Fév 2013 0:49 
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Jean-Pierre Vernant
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Ce qui est le plus difficilement comparable à mon sens c'est que Pompée subit une terrible défaite à Pharsale en se faisant avoir par la tactique de César alors que Scipion à Zama profite de la faiblesse de la cavalerie d'Hannibal pour le vaincre alors que jusque là il n'était pas dans une très bonne situation.

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Message Publié : 03 Fév 2013 14:21 
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Salluste
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Pédro a écrit :
Ce qui est le plus difficilement comparable à mon sens c'est que Pompée subit une terrible défaite à Pharsale en se faisant avoir par la tactique de César alors que Scipion à Zama profite de la faiblesse de la cavalerie d'Hannibal pour le vaincre alors que jusque là il n'était pas dans une très bonne situation.


La faiblesse de la cavalerie d'Hannibal et le fait que ses éléphants se retournent contre lui.

Alain.g a écrit :
Ce sont des grands vainqueurs de batailles mais il leur manque quelque chose, peut-être une vision politique d'ensemble dans l'espace et le temps.


Je ne crois pas qu'Hannibal s'engageât dans cette expédition complètement folle sans avoir de projets politiques derrière la tête. Sinon ça aurait pu se résumer à un énorme raid de pillages des terres romaines. Mais vu qu'il perdit la guerre, on ne pourra jamais être sûr de son projet. On est alors obligé d'émettre des hypothèses. Pour moi, deux sortent du lot.

La première consisterait à regagner les terres perdues par les Carthaginois lors la première guerre punique. En perdant la Sicile et d’autres îles de la région (dont la Sardaigne en dehors d’une guerre déclarée), leur potentiel commercial s’en trouva affaibli. Hors on sait que les Phéniciens accordaient plus d’importance aux affaires qu’à la guerre. Et récupérer ces terres leur aurait rendu non seulement des zones économiques très intéressantes, mais également une « ligne » de protection pour des navires partant d’Ostie vers Carthage. En somme on serait revenu en -270 avec « l’état » carthaginois augmenté de régions ibériques.

La deuxième serait de détacher les peuples du sud de l’Italie du contrôle romain pour en faire une sorte de « protectorat » punique. Rome s’en trouverait affaiblie et les Carthaginois pourraient la surveiller à distance. Il en serait de même avec les Boïens au nord de la péninsule, mais vu la distance ça risquerait de moins bien fonctionner. Et au passage, Hannibal aurait demandé aux latins de rétrocéder la Sardaigne.

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Message Publié : 03 Fév 2013 15:32 
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Jean Froissart
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En réalité Hannibal avait sous-estimé un élément : le potentiel démographique et l'organisation administrative romaine en Italie ; en plus de cela, une chose qu'il n'avait pas prévue (or, le stratège est aussi celui qui prend en compte l'imprévisible), c'est le refus catégorique de la part du Sénat de Rome de négocier. De multiples interprétations ont été suggérées par les différents historiens au fil des siècles. G. Brizzi a proposé une interprétation assez contestable, selon moi. Mais une chose est de diviser les peuples italiques, c'en est une autre de faire tomber Rome.

Le calcul d'Hannibal s'avère faussé : il tente la création d'un Etat barcide (j'aime en tout cas assez l'hypothèse de Le Bohec à ce sujet) entre le Bruttium et les régions de Calabre et d'Apulie ; or, où se situe la grande Italie de l'époque ? en Etrurie, dans le Pomptinum (le Latium donc) et en Campanie. De plus, parmi les Samnites, les Pentri ne suivent pas Hannibal : problème, ils sont le peuple le plus représentatif des Samnites... Les choses sont donc infiniment plus tranchées que les sources n'ont voulu le dire, malgré elles.

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Message Publié : 27 Juin 2013 10:20 
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Thucydide
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Phlippe II de Macédoine. Pour avoir révolutionné une façon de combattre ancestrale.

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Message Publié : 27 Juin 2013 13:08 
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Polybe
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liu a écrit :
Phlippe II de Macédoine. Pour avoir révolutionné une façon de combattre ancestrale.


D'accord avec vous. Sans l'outil militaire et la conquête des territoires limitrophes de Philippe, Alexandre n'aurait rien entrepris de grand.
On dit souvent que Philippe a mis 20 ans pour mettre la Grèce à genoux, alors qu'Alexandre a balayé le plus grand empire connu en moins de temps qu'il faut pour le dire.
Mais à l'accession de Philippe sur le trône, la Macédoine est au bord du gouffre, sans argent, et cerné de toutes parts par ses ennemis. Philippe va s'en défaire un par un et mettre au point un véritable outil de destruction. Toute sa vie durant, Philippe s'est montré comme un stratège hors-pair.

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 Sujet du message : Re:
Message Publié : 06 Sep 2013 5:09 
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Kevin_Scaevola a écrit :
Genghis Kharl a écrit :
je suis aussi surpris que personne ne site Bélisaire
Oh si, rassurez-vous, il a déjà été cité de nombreuses fois... :wink:

Bélisaire est certes un des meilleurs généraux, stratèges et tacticiens de tous les temps, mais c'est un personnage du Moyen Âge, non de l'Antiquité.

La comparaison gagnerait en clarté si la distinction était posée entre tacticien (habilité à disposer et manœuvrer ses troupes pour remporter une bataille) et stratège (habilité à susciter et exploiter une guerre, ou à tout le moins une série de batailles en vue d'une réalisation politique).

Et je fais partie de ceux qui insistent sur le fait qu'Alexandre n'était pas qu'un "héros", un brave guerrier endurant. Son génie était aussi bien tactique (il contourne ou perce les lignes ennemies sans se faire contourner ni encercler avec des effectifs inférieurs ; il est un de rares généraux à modifier de manière pérenne un terrain - l'isthme reliant Tyr au continent ; surtout, ses campagnes de jeunesse lui ont appris à déceler le point faible des formations ennemies) que stratégique (il est le premier à profiter de la division des cités grecques pour les asservir ; il évite de s'enfoncer dans l'Empire perse sans sécuriser ses arrières - l'Egypte et les côtes méditerranéennes - qui de plus constituent une base logistique de première importance ; il sait conforter le moral de ses troupes tout en démolissant celui de ses ennemis...) et politique (Grèce, Egypte, Perse, confins asiatiques, il modifie pour des siècles des entités politiques pluriséculaires ; maîtrise de la théâtralisation et du symbolisme ; son mythe et son nom s'étendent de l'Europe occidentale à la Chine).


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Message Publié : 08 Nov 2013 16:45 
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Petits rappels supplémentaires qui peuvent être utiles :

1° Je confirme qu'Alexandre le Grand a fait preuve de stratégie en attaquant l'Egypte alors que la Perse lui était ouverte après Issos. Son but étant d'empêcher toute contre-attaque d'une force amphibie contre la Grèce ou la Macédoine elles-mêmes.

2° Alexandre le Grand était un grand tacticien : la fougue et la phalange, seules, n'auraient pas suffit à remporter d'aussi belles victoires, surtout face à des chars-à-faux et à des éléphants. Il savait déterminer quelle partie du front ennemi il devait attaquer avec ses fameux "Compagnons" pour percer les lignes adverses et faire tourner la bataille en sa faveur.

3° Hannibal fut à Cannes un grand tacticien et non pas un stratège. Aucune manoeuvre préalable lui facilita la victoire.

Rappels :

Tactique = art de gagner la bataille

Stratégie = art de gagner la guerre

(définitions simples retenues par Yann le Bohec).

Pour ma part, mon plus grand stratège de l'Antiquité est de loin Hannibal (même s'il fut aussi un logisticien et un tacticien).
Il a définit une stratégie terrestre offensive pour Carthage, avec un trajet approprié. En 218 avant JC, il laisse soigneusement une armée en Hispanie, une en Afrique et une sous son propre commandement. Il su aussi trouver des alliés et du ravitaillement chez les Gaulois. Ce général carthaginois était aussi capable de mener des manœuvres subtiles comme à Trasimène en 217 avant JC.

J'avoue par contre fort mal connaître les stratèges orientaux. On m'a parlé à une époque de Chandragupta et de Shi Huangdi comme étant des grands généraux et des conquérants impressionnants, mais je n'en sais pas plus. Quant à Sun Zi, ne serait-il pas un stratégiste, c'est à dire un théoricien militaire ?

Voilà.


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Message Publié : 09 Nov 2013 11:41 
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Jean Froissart
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Corasim a écrit :
3° Hannibal fut à Cannes un grand tacticien et non pas un stratège. Aucune manoeuvre préalable lui facilita la victoire.


C'est un peu un faux problème dans la mesure où Cannes est effectivement une bataille et, de ce fait, fait partie de la stratégie d'Hannibal. Donc forcément, il s'agira du génie tactique pour ce qui est de la bataille en elle-même ; en revanche, on pourrait aussi parler de Cannes dans le cadre du génie stratégique (je suis beaucoup plus réservé que vous sur cet aspect-là du général punique) d'Hannibal. L'emplacement géographique de Cannes est tout de même suffisamment "étonnant" (à première vue) pour qu'on en traite dans le cadre de sa stratégie.


Corasim a écrit :
Pour ma part, mon plus grand stratège de l'Antiquité est de loin Hannibal (même s'il fut aussi un logisticien et un tacticien).
Il a définit une stratégie terrestre offensive pour Carthage, avec un trajet approprié. En 218 avant JC, il laisse soigneusement une armée en Hispanie, une en Afrique et une sous son propre commandement. Il su aussi trouver des alliés et du ravitaillement chez les Gaulois. Ce général carthaginois était aussi capable de mener des manœuvres subtiles comme à Trasimène en 217 avant JC.


Ce serait assez vrai si les choses avaient été aussi simples : or, on en est loin. Pour établir le génie stratégique d'Hannibal, il faut observer tous les pions sur l'échiquier, à commencer par ceux des Romains... Ensuite, sa stratégie change et évolue au fil du temps : si l'idée d'attaquer Rome en passant par le Nord n'est pas dénuée de tout intérêt stratégique, l'histoire montre bien que son calcul s'avère complètement faussé (et c'est aussi cela, un grand stratège) et le conduit, peut-être même avant Cannes, à échouer.

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Message Publié : 09 Nov 2013 13:22 
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Salluste
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Dans une des biographies d'Hannibal, j'ai lu que le Carthaginois avait décidé d'aller plus au sud avant Cannes pour récolter plus rapidement les céréales et les fruits au début de l'été. En plus, cela lui permit de menacer les ressources romaines et donc de forcer les latins à le combattre; ce qui montrerait un bon sens stratégique.

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Message Publié : 09 Nov 2013 14:47 
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Jean Froissart
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La stratégie d'Hannibal en Italie est assez complexe. Son plan est assez simple mais audacieux : couper Rome de ses ressources humaines italiotes. Le problème vient du fait que seuls les Grecs et quelques éléments italiques épars le suivent. Son alliance avec Philippe V décide la majeure partie des peuples italiques à rester fidèles à Rome, sans compter le littoral campanien qui trouve son intérêt bien plus avec Rome. Dès lors, Hannibal est obligé de mener une guerre rapide et coupée de ses arrières.

Son avancée en Apulie n'est pas exclusivement liée à des soucis de logistique, il me semble : son idée est bien de reconstituer une base solide dans le sud de l'Italie (Bruttium + Calabre) afin de rétablir des contacts forts avec Carthage. Manque de bol, les Romains ne se laissent pas prendre au jeu et profite des dissensions à Carthage. De plus, Philippe V hésite et ne soutient son alliance que du bout des lèvres.

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Message Publié : 10 Nov 2013 14:15 
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Hérodote
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Solduros_390 a écrit :
Dans une des biographies d'Hannibal, j'ai lu que le Carthaginois avait décidé d'aller plus au sud avant Cannes pour récolter plus rapidement les céréales et les fruits au début de l'été. En plus, cela lui permit de menacer les ressources romaines et donc de forcer les latins à le combattre; ce qui montrerait un bon sens stratégique.


Arcadius a écrit :
C'est un peu un faux problème dans la mesure où Cannes est effectivement une bataille et, de ce fait, fait partie de la stratégie d'Hannibal. Donc forcément, il s'agira du génie tactique pour ce qui est de la bataille en elle-même ; en revanche, on pourrait aussi parler de Cannes dans le cadre du génie stratégique (je suis beaucoup plus réservé que vous sur cet aspect-là du général punique) d'Hannibal. L'emplacement géographique de Cannes est tout de même suffisamment "étonnant" (à première vue) pour qu'on en traite dans le cadre de sa stratégie.


>>> Il y a de la stratégie, certes, je suis d'accord avec vous. Mais le fait de provoquer et d'engager une bataille, ne vous la fait pas forcément gagner. Ce qui est remarquable à Cannes, c'est avant tout, en premier lieu, le génie tactique d'Hannibal. Dans quasiment tous les combat, il y a de la stratégie préalable, il y a de l'opératique, il y a de la tactique, mais ces différents niveaux ne jouent pas tous un rôle équivalent. Pour donner un autre exemple, hors de la période, en 1805, la stratégie, mais surtout l'opératique jouent un rôle fondamental à Ulm, mais ont une influence plus limitée à Austerlitz où la tactique retrouve un rôle important. On ne peut pas séparer stratégie et tactique, mais on peut mesurer la part prise par chacune d'entre elles.

Arcadius a écrit :
La stratégie d'Hannibal en Italie est assez complexe. Son plan est assez simple mais audacieux : couper Rome de ses ressources humaines italiotes. Le problème vient du fait que seuls les Grecs et quelques éléments italiques épars le suivent. Son alliance avec Philippe V décide la majeure partie des peuples italiques à rester fidèles à Rome, sans compter le littoral campanien qui trouve son intérêt bien plus avec Rome. Dès lors, Hannibal est obligé de mener une guerre rapide et coupée de ses arrières.

Son avancée en Apulie n'est pas exclusivement liée à des soucis de logistique, il me semble : son idée est bien de reconstituer une base solide dans le sud de l'Italie (Bruttium + Calabre) afin de rétablir des contacts forts avec Carthage. Manque de bol, les Romains ne se laissent pas prendre au jeu et profite des dissensions à Carthage. De plus, Philippe V hésite et ne soutient son alliance que du bout des lèvres.


>>> Merci pour ces compléments d'informations.

Arcadius a écrit :
Ce serait assez vrai si les choses avaient été aussi simples : or, on en est loin. Pour établir le génie stratégique d'Hannibal, il faut observer tous les pions sur l'échiquier, à commencer par ceux des Romains... Ensuite, sa stratégie change et évolue au fil du temps : si l'idée d'attaquer Rome en passant par le Nord n'est pas dénuée de tout intérêt stratégique, l'histoire montre bien que son calcul s'avère complètement faussé (et c'est aussi cela, un grand stratège) et le conduit, peut-être même avant Cannes, à échouer.


"On en est loin" >>>> pouvez-vous vous justifiez svp ?
"il faut observer tous les pions sur l'échiquier, à commencer par ceux des Romains..." : oui, certes, mais dans quelles mesures, cela enlève de l'importance au plan d'Hannibal ? Vous pouvez me dire qu'une partie des choix du carthaginois lui ont été imposés (comme d'emprunter une route terrestre, car il n'a pas la maîtrise des mers). Cependant, s'adapter aux points forts de l'adversaire, c'est une forme d'intelligence. Il aurait pu s'attarder sur l'Espagne et la Sicile; il ne l'a pas fait. Le punique n'avait peut-être pas prévue de s'allier à des tribus gauloise dès le départ, mais .....

"'histoire montre bien que son calcul s'avère complètement faussé" : >>> ceci a un coté téléologique non-négligeable. De plus, à lire la suite de votre affirmation, on pourrait croire que parce que le plan d'un stratège échoue, celui-ci est un peu médiocre. Je pense que je me trompe dans l'interprétation de votre phrase^^. $
Je suis d'accord avec vous sur le fait que la stratégie d'Hannibal a évolué au fil du temps, mais après tout, comme l'a dit Moltke l'Ancien : "Aucun plan ne résiste au premier contact avec l'ennemi".
Hannibal a, à priori, mal compris deux choses :
1° Seule la prise de Rome pouvait avoir un un impact stratégique décisif, essentiel
2° Les Romains, aux vues des mentalités de la période, livrent une sorte de "guerre totale". Tant qu'il leur restera des forces disponibles, ils continueront la guerre.

Bon weekend à vous


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Message Publié : 10 Nov 2013 16:38 
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Jean Froissart
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Localisation : Paris
Corasim a écrit :
On ne peut pas séparer stratégie et tactique, mais on peut mesurer la part prise par chacune d'entre elles.


C'est effectivement ce que je voulais faire remarquer. Nous sommes d'accord !

Corasim a écrit :
pouvez-vous vous justifiez svp ?


Préciser et non justifier, je crois :wink:

Je ne reviendrai pas sur la question de la guerre en Italie menée par Hannibal, cela a déjà été abordé dans tous les sens dans plusieurs discussions - dont certaines enflammées :mrgreen: - mais on peut revenir tout de même sur plusieurs aspects de la question de la stratégie d'Hannibal.

En observant les choses, et en retenant que seule la prise de Rome aurait pu avoir un impact stratégique fort - ce qui reste tout de même discutable, même si cela paraît assez évident -, la stratégie d'Hannibal est doublement paradoxale : tout d'abord, alors qu'il a pu apprendre auprès de son maître grec la poliorcétique, son armée est totalement dépourvue de tout appareillage de siège, qu'il s'agisse du début ou de la fin de sa campagne (si tant est qu'on puisse en fixer la fin sans difficulté). Lorsqu'il arrive devant les murs de Sagonte, il perd un temps infini - que les Romains mettent à profit - à prendre une petite ville. Je ne suis donc pas d'accord, il s'attarde tout de même beaucoup trop en Espagne au début du conflit (qu'il prend l'initiative de déclencher, pourtant). Ensuite, au lendemain de Cannes, son armée est tout aussi dépourvue d'ingénierie de siège, et pour espérer prendre Rome, ville des plus imposantes du monde même alors, il en faut bien plus.

Mais, second paradoxe : il mène une guerre mobile en Italie sans prendre le temps de consolider ses positions. Or, la base arrière qu'il a pris soin de préparer se situe... toujours en Espagne ! Comment espérer le moindre secours depuis cette partie du monde quand ni les territoires de Narbonnaise et de Cisalpine, ni la Méditerranée n'ont été assurées ? Hannibal semble alors lancé dans une odyssée plus déraisonnable qu'autre chose : il perd une bonne partie de son armée entre Sagonte et le passage des Alpes, alors même qu'il n'a pas encore affronté les armées romaines... Autre élément curieux, les territoires de Cisalpine qui semblent l'avoir majoritairement soutenu ne sont pas consolidés : les Romains n'auront aucune difficulté à rétablir leur domination en Etrurie ou dans la vallée du Pô ; en revanche, il installe une domination plus ferme dans le Sud mais n'y recompose pas son armée, ou pas suffisamment puisqu'il n'est plus en mesure d'affronter les légions dans les Apennins.

A propos de ce que je disais sur son calcul qui avait été faussé "par l'histoire", vous avez bien compris :wink: Je disais cela pour faire remarquer qu'il était tout de même surprenant de noter qu'on faisait souvent de grands stratèges ceux qui avaient justement perdu la guerre... Vous disiez vous-même, en reprenant à juste titre Le Bohec, que la stratégie était l'art de remporter la guerre ; or, Hannibal l'a perdue cette guerre, même s'il a pu terroriser durablement les Romains et qu'il les a saignés à blanc - mais c'est plus sur les retombées économiques, notamment au niveau des petites exploitations agricoles que cela se mesure. Par contre, lorsque je parlais du calcul en lui-même, il s'agissait de sa stratégie adoptée en Italie, mais lui-même s'en rend très vite compte, d'où la période "à vide" qui vient après Cannes. Il le voit bien lui-même :

1°/ les Romains ne veulent pas négocier et il n'a aucune chance de s'emparer de la ville de Rome
2°/ il est coupé d'une base forte qui bénéficie aux Romains (en Espagne, ceux-ci conservent toute leur armée intacte et s'emparent de sa base arrière)
3°/ les îles et le littoral sont acquis aux Romains et le restent (avec des légions prêtes au cas où, en Sardaigne et en Sicile)
4°/ il n'est pas parvenu à convaincre la plupart des grands "réservoirs" humains italiques du fait de son alliance avec Philippe V (au moins)
5°/ son armée est faite majoritairement de mercenaires et les cités qui l'accueillent n'aiment pas beaucoup cela
6°/ Carthage ne peut lui envoyer aucun secours avant Métaure et l'on sait la catastrophe qui y survient

Enfin, il est à noter qu'Hannibal savait dès le départ qu'il devrait s'appuyer sur des mercenaires : l'Afrique punique ne peut en aucun cas rivaliser avec la machine de guerre romaine, non pas du point de vue des finances mais de l'administration et des règles de la circonscription. D'ailleurs, Rome joue très tôt sur les rivalités du grand voisin numide et Massinissa n'est pas en reste dans l'affaire... Objectivement, j'aime assez comparer la guerre d'Hannibal à l'attaque des Japonais contre les Etats-Unis, mais on sort du sujet :mrgreen: Une chose qui m'intéresse beaucoup plus, en tout cas (mais on sortirait du sujet, il faudrait ouvrir un fil), ce serait d'analyser plus objectivement les fameux "délices de Capoue" et d'y trouver un peu plus d'historicité que ce qu'en fait l'historiographie romaine (comme souvent, d'ailleurs...).

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Message Publié : 10 Nov 2013 18:00 
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Salluste
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Localisation : Helvétie
Les Puniques ne pouvaient acheminer des renforts par la mer vu que Rome contrôlait l'ouest de la Méditerranée. Mais je me pose quand même une question. Carthage s'était allié à Syracuse, est-ce que la grande cité sicilienne ne pouvait pas lui fournir cet apport maritime ? Après tout, il n'y a que 3 kilomètres dans le détroit de Messine et Lilybée n'est pas à 200 kilomètres de l'Afrique. Est-ce que ce raccourci n'aurait pas dû être une priorité pour les Puniques une fois les romains occupés en Italie ?

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Message Publié : 10 Nov 2013 19:30 
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Hérodote
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Merci pour ces précisions très intéressantes^^

En effet, je pense que seules la "culture de guerre" et l' "histoire des représentations" peuvent expliquer les paradoxes de la stratégie d'Hannibal et notamment son "oubli de la poliorcétique".
La seule explication logique est que le Punique avait pour modèle la guerre hellénistique et Alexandre le Grand. Rares ont été les sièges décisifs durant les guerres qui l'ont précédé : le siège de Syracuse en 415 par les Athéniens, n'était pas seulement un siège mais aussi une bataille terrestre et navale, c'est Aigos Potamos et non pas le mini-siège d’Athènes qui mit fin à la Guerre du Péloponnèse, le siège de Tyr ne concernait qu'indirectement les perses, le siège de Rhodes en 305 a été laborieux, mais il n'a guère mis à mal Démétrios Poliorcète, ... En bref, il n'y a pas encore eu Alésia, Numance et Jérusalem. Contredisez-moi si je me trompe, mais, mis à part le siège de Troie qui tient une place importante dans les mentalités collectives de l'époque, quel siège fut particulièrement décisif durant l'Antiquité classique ?

Dans la tête d'Hannibal, la bataille a plus d'importance que le siège, mais me direz-vous, les généraux nazis ne donnaient-ils pas plus d'importance aux percées et aux manœuvres d'encerclement qu'aux sièges, durant la "Grande Guerre patriotique" (1941-1945) ?

Pour ma part, à la question "quelle fut le plus grand chef de guerre de l'Antiquité ?" (vous remarquerez que je reformule volontairement le sujet du forum), je reste sur Hannibal.
Pourquoi ? Car, à Cannes, mais aussi durant une bonne partie de la 2e guerre punique, il triomphe de son adversaire avec un déficit quantitatif ET qualitatif, ce qui est très rare. Vous pourrez me répondre que les mercenaires du carthaginois gagnèrent progressivement en expérience et qu'ils récupérèrent des armes et des armures sur les cadavres des romains, il n'empêche qu'à Cannes, il est en grande infériorité numérique (sauf en cavalerie), et les légionnaires romains restent supérieurs aux mercenaires puniques et surtout aux guerriers gaulois peu fiables d'Hannibal. Les Romains avait la supériorité qualitative, quantitative, terrestre, navale......
Pour donner un comparatif, à Austerlitz, Napoléon a une infériorité numérique faible et il a une supériorité qualitative quasi-certaine (artillerie, garde impériale, soldats qui avaient l'expérience de plusieurs campagnes précédentes, ...). A Leuthen en 1757, Frédérique II a un avantage qualitatif sur son adversaire (sauf peut-être pour l'artillerie)....

Par contre, Jules César était l'homme de guerre antique qui était le plus complet, le plus polyvalent et qui a conclu victorieusement toutes les guerres qu'il a engagées...

Bonne continuation et merci pour vos réponses passionnantes ^^


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Message Publié : 10 Nov 2013 21:13 
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Jean Froissart
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Solduros_390 a écrit :
Les Puniques ne pouvaient acheminer des renforts par la mer vu que Rome contrôlait l'ouest de la Méditerranée. Mais je me pose quand même une question. Carthage s'était allié à Syracuse, est-ce que la grande cité sicilienne ne pouvait pas lui fournir cet apport maritime ? Après tout, il n'y a que 3 kilomètres dans le détroit de Messine et Lilybée n'est pas à 200 kilomètres de l'Afrique. Est-ce que ce raccourci n'aurait pas dû être une priorité pour les Puniques une fois les romains occupés en Italie ?


Je pensais surtout au début de l'expédition d'Hannibal ; après les huit mois de siège de Sagonte, Scipion arrive trop tard à l'embouchure du Rhône, et donc dans son dos... Le général carthaginois n'avait alors plus de lien possible par la mer ou par la terre. En revanche, Hiéron II de Syracuse reste fidèle à Rome jusqu'à sa mort : la ville reste donc du côté romain, au moins jusqu'en -215, date de sa mort (de tête).

Si celle-ci bascule du côté punique, ce n'est pas avant -215, après le désastre de Cannes, mais Hannibal pouvait-il prévoir cette défection du côté grec ? Ce n'est pas certain, il espérait surtout que ce seraient les alliés tyrrhéniens et italiques qui céderaient, mais ses espoirs furent déçus. Par ailleurs, la Sicile est très vite reprise en main par les Romains qui mettaient le temps à leur profit : ils savent qu'Hannibal ne peut intervenir partout à la fois et la vingtaine de leurs légions permet une grande flexibilité ; c'est la doctrine de Fabius qui se refuse à s'engager directement. Ce qui fait que dès 213, Syracuse est assiégée par Marcellus (et des forces conséquentes). La ville n'aurait eu que très peu de temps pour s'organiser. Par contre je suis incapable de vous répondre sur les capacités maritimes (la puissance de sa flotte, j'entends) de Syracuse, mais on ne peut pas dire que ce soit elle qui ait inquiété les Romains lors du siège de -213...

En revanche, il est vrai que les dissensions au sein de la classe dirigeante carthaginoise ont été utiles aux Romains : Hannibal aurait pu recevoir des renforts (mais lesquels ? cela reste à déterminer) dès sa prise de Tarente, mais tout n'était pas réglé. Depuis -272, la flotte romaine est concentrée en Méditerranée occidentale, pas dans le golfe de Tarente : Hannibal aurait dû construire sa propre flotte, ce qui prend du temps. Et Carthage n'en a plus de suffisante depuis longtemps.

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Il n'y a pas de littérature sans liberté politique

Memoriam quoque ipsam cum voce perdidissemus, si tam in nostra potestate esset oblivisci quam tacere


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