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 Sujet du message : Légitimité et protection
Message Publié : 29 Nov 2006 14:08 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Avr 2005 10:54
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Je m'interroge quand même sur cette idée très largement répandue de nos jours, en France, de la fin de "l'Etat-Providence", et j'aimerais l'aborder dans une perspective historique.

La raison de mon questionnement repose sur le constat suivant : Il semble tout à fait évident à ceux qui défendent cette idée -et ils sont nombreux- que l'Etat n'a pas à protéger les citoyens, que la période de 30 années pendant laquelle l'Etat, prenant en charge la reconstruction du pays, s'est institué dans certaines dimensions de la vie sociale voire individuelle est une période d'exception, que l'acquisition de droits sociaux exorbitants trouve son origine dans la lutte menée par les forces de gauche avant la guerre, etc. qu'en gros, la situation dont hérite la France aujourd'hui est une situation exceptionnelle, issue d'un développement socio-politico-économico-culturalo-historique exceptionnel, desquels hélas les individus se sont maintenant trop bien accomodés, habitués qu'ils sont à être surprotégés en tout, et qu'il s'agirait simplement de revenir à la normale.
J'espère ne pas trop mal résumer l'idée.

Or, ma question est celle-ci, et c'est réellement une question ouverte : L'Etat comme protecteur de l'individu, est-ce vraiment une anomalie historique ? L'idéologie était-elle différente par exemple sous l'Ancien Régime ?
Elargissons. A supposer que, dans la grande tradition philosophico-politique occidentale, il existe quelque chose comme une sorte de contrat symbolique, implicite, entre le Pouvoir et les administrés (sujets, citoyens, peuple, nation, etc. peu importe) : Quels pourraient avoir été, selon vous, les termes de ce contrat en France ?


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Message Publié : 29 Nov 2006 19:06 
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Polybe
Polybe

Inscription : 07 Nov 2006 14:30
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Si l'on se base sur l'analyse de Rousseau, le contrat social originel comporte intrinsèquement la notion de protection de l'individu par l'organisme supérieur en faveur de qui l'individu abandonne un certain nombre des droits "naturels". Ainsi, la fonction "protectrice" de l'état serait nécessaire à l'équilibre définit originellement! Mais je pense que point n'est besoin de trop philosopher pour comprendre que l'état redistributeur de richesse, équilibrant quelque peu la balance entre les diverses couches de la population, est, sinon indispensable, du moins central. Et tant pis pour l'individualisme kantien!


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Message Publié : 30 Nov 2006 23:42 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Avr 2005 10:54
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Oui, c'est peut-être la formulation avec laquelle je pose la question. Ce n'est vraiment pas une question philosophique, mais j'aurais peut-être dû poser la question en "Histoire des Institutions Politiques".

En gros, j'aimerais tester mon idée auprès d'intervenants qui ont une connaissance de l'histoire du droit. Il me semble que lorsqu'on développe la théorie de l'Etat que je présentais rapidement plus haut, on fait plutôt référence à une tradition anglo-saxonne. Ca peut paraitre "tarte à la crème" de le dire ainsi, mais en même temps, c'est une question qui mériterait examen, je trouve, avant d'être affirmée tout de go. Ne serait-ce que parce qu'il me semblerait étonnant que les monarques anglais se soient désintéressés -constitutionnellement- du sort de leurs sujets.

Toutefois, lorsqu'on défend l'idée que la défense des libertés individuelles sont plutôt l'apanage d'une tradition anglo-saxonne, on cite généralement certains textes, que j'ai rapidement repris.

Par exemple, la Grande Charte (Magna Carta) de 1215 :
- L'art.12 subordonne toute levée fiscale à l'accord du Conseil
- l'art.15 interdit aux seigneurs de lever des impots sur leurs hommes qualifiés "d'hommes libres"
- l'art.41 garantit le libre accès de l'Angleterre à tous marchands en temps de paix
- l'art.42 garantit la liberté de sortir du royaume et d'y rentrer à tout individu
- l'art.61 soumet en permanence le roi au contrôle d'une délégation de barons
etc.

L'Habeas Corpus de 1679, centré sur l'affirmation des droits individuels contre l'arbitraire (féodal, pour le coup, garanti par le pouvoir royal).

Le Bill of Rights (1689) qui interdit au roi de suspendre les lois, lever des impots, lever une armée sans l'accord du Parlement, mais surtout : garantit la liberté de parole au sein du Parlement, et autorise tout sujet à présenter des pétitions au roi.

Enfin, la Constitution américaine (1791), qui garantit la liberté de culte, etc. et surtout, garantit contre les perquisitions et saisies. A noter ces deux phrases de l'art.V : "Nul ne sera privé de vie, de liberté ou de propriété sans procédure régulière. Nulle propriété privée ne sera prise pour usage public sans juste indemnité."

Or, dans tous ces textes, il n'est effectivement jamais question de la protection positive des personnes -du moins, cela ne me semble pas. En fait, à partir du XVIIe s., j'ai l'impression qu'on peut presque se demander si les anglais concevaient le fait que leur Roi ait un quelconque rôle, une fonction, une responsabilité vis-à-vis du pays et de ses sujets -à part d'être chef de l'Eglise et d'être le pivot de la justice.

Bref : Est-ce que de meilleurs connaisseurs de l'histoire du droit peuvent confirmer -ou infirmer ? Et : Qu'en est-il pour la France ?


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Message Publié : 01 Déc 2006 0:09 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
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Tout reporter au droit anglo-saxon s'est oublier le droit romain ou les droits coutumiers germains qui garantissaient déjà une certaine protection des personnes.

A la fin de la seconde guerre mondiale dans de nombreux pays se met en place un système de protection des biens et des personnes. Il est basé en partie, au niveau international sur des accords passés au milieu de la guerre entre Roosevelt et Churchill. Leur analyse est que l'une des causes de la seconde guerre mondiale est la crise de 1929. Il faut donc dompter le capitalisme sauvage pour éviter la réedittion d'une telle crise qui a permit la montée des extrémismes. Ils mettent donc en place des systèmes de régulations dont le but est d'éviter un effondrement du système monétaire ou du système commercial mondial. De là découlent les accords de Brenton Wood qui vont poser les fondations du FMI (dont le but est d'éviter la banqueroute des états, comme cela s'était passé pour l'Allemagne à 2 périodes entre les 2 guerres) et la création de l'OMC.
Cette partie économique du monde voulu par les Alliés dès 1943 est souvent sous-estimée, pourtant sont but est de venir en amont de l'action diplomatique de l'ONU. Si ce volet fonctionne bien, dans l'esprit de Churchill et de Roosevelt, l'ONU aura une tâche facile.
Sur le plan intérieur, on assiste à de nombreuses nationalisation dans presque tous les pays belligérants.
Ces nationalisations ont plusieurs buts :
- dans certains pays, punir les capitalistes qui n'ont pas soutenus la Résistance.
- relever l'économie, alors qu'il n'y a plus de capitaux nationaux disponibles.
- récompenser les ouvriers des efforts faits pendant la guerre (c'est le cas en Angleterre, dans certains secteurs).

Cela se double souvent de lois qui vont donner aux personnes des garanties sur leurs droits personnels.

Cela, c'est pour le moyen terme.


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Message Publié : 01 Déc 2006 1:02 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Avr 2005 10:54
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Ah, et bien justement, c'est aussi une question que je me pose. Vous avez tout à fait raison de rappeler l'immédiate après-guerre, qui ne va pas tout à fait dans le sens de mon intuition. Mais sur votre remarque à propos du droit romain : En fait, on considère habituellement que le droit romain a beaucoup moins influencé le droit anglais qu'il n'a influencé le droit des états continentaux -pour des raisons qui seraient liées à la durée et la prégnance de la présence romaine en Angleterre. Ce pourrait être un autre bout de l'explication de la différence de conception de la fonction royale -et conséquemment du rôle de l'Etat- dans la tradition française et anglo-saxonne. Resterait à qualifier autant que possible la manière dont le droit romain a influencé la conception de la fonction royale, en France et dans les pays latins.


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Message Publié : 01 Déc 2006 1:10 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Avr 2005 10:54
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Et d'ailleurs, la remarque vaut aussi pour le droit Germanique, je crois, pour le même genre de raison : Absence de présence romaine.


(Incidemment, je ne sais pas si cela a à voir avec le sujet -je pense, au moins indirectement- mais Braudel écrivait quelque chose que je trouve fascinant : Si l'on dessine la carte de l'Europe après la Réforme, et qu'on la superpose sur une carte de l'Empire romain dans sa plus grande expansion, on s'aperçoit que la frontière entre l'Europe catholique et l'Europe protestante recouvre assez exactement celle des limes de l'Empire.)


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Message Publié : 01 Déc 2006 12:16 
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Inscription : 15 Avr 2004 22:26
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Localisation : Alsace, Zillisheim
Bergame a écrit :
Vous avez tout à fait raison de rappeler l'immédiate après-guerre, qui ne va pas tout à fait dans le sens de mon intuition.


Sur le plan individuel, on va de régimes plus ou moins totalitaires vers des régimes démocratiques. Sur le plan économiques, on va de système libéro-corporatistes (je sais, c'est difficile à imaginer) vers des systèmes ou une partie de l'industrie est nationalisée tout en étant virtuellement soumise aux lois du marché (par exemple Renault). Il est a noter que des entreprises qui nous paraissent à l'étranger relever du droit privé appartiennent en fait à des régions ou à des communautés locales (en partie). Au fur et à mesure que ces entreprises se développent et que les capitaux privés disponibles augmentent , la part des collectivités diminue, mais elles restent toujours dans le capital et engrangent les bénéfices.

Quand, je parle de libéro-corporatisme, je pense à l'exemple allemand. Vu de l'extérieur on pense que le parti nazi contrôlait et verrouillait tout. Or, pas mal d'historiens ont démontré qu'en fait, si les nazis donnaient les grandes directives, tout le reste était à la libre appréciation de l'entreprise. Un système qui peut sembler étrange qui allie une très grande liberté économique et technique et un dirigisme de façade. Ce système perdura en URSS (un peu plus contraint tout de même) et la course à la Lune échouera en partie parce que 3 ensembles différents sont en concurrence.

Il est à noter que dans certains pays, le changement du système totalitaire vers le système démocratique s'est fait en changeant fort peu la lettre des lois, dans certains cas se sont les mêmes lois qui sont en applications. Mais la jurisprudence va dans le sens d'un assouplissement de l'application.
En cette période ou la population réclame un durcissement dans l'application de certaines lois, les spécialistes du droit rappellent qu'il n'est pas nécessaire de rajouter de nouvelles lois à celle existantes. Mais qu'il suffirait de changer les décrets d'applications ou de durcir la jurisprudence.


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