Tentons une "réécriture" de l'extrait cité plus haut:
Citer :
Nous ne cherchons plus l'origine de l'homme dans l' "esprit", dans la "nature divine", nous l'avons replacé au rang des animaux.
Jusque là rien de très compliqué: Nietzsche renonce à penser l'homme comme un être à part, exceptionnel (ce qui est une attitude fondamentalement égocentrique: qui nous dit que les cochons ne pensent pas la même chose d'eux-mêmes, etc.). L'homme est un animal, au même titre que le cochon ou la sauterelle. Cela peut paraître étrange mais si on y réfléchit bien, l'existence du cochon ou de la sauterelle est tout aussi étrange que celle de l'homme, et ce qui est étrange en eux, c'est qu'ils soient vivant. Or le vivant est le même partout, que ce soit dans l'homme ou dans la sauterelle (c'est ce que Nietzsche dit quand il écrit un peu plus bas: "
Il n'est en rien le "couronnement de la création": comparé à lui, tout être a atteint le même degré de perfection").
Citer :
Et, affirmant cela, nous en affirmons encore trop, car l'homme est, relativement parlant, l'animal le moins réussi, le plus maladif, celui qui s'est écarté le plus dangereusement de ses instincts (et, il est vrai, malgré tout cela, le plus intéressant de tous!).
L'homme est le plus maladif des animaux précisément parce qu'il se croit supérieur et que ce faisant, il s'est écartée de la vie en s'imposant des idéaux, des règles morales, des normes, qui sont autant d'entraves à la vie. Le cochon n'a pas de religion, alors que certains homme refusent de manger du cochon par principe: l'homme est maladif car il se met des bâtons dans les roues, il se mortifie lui-même. C'est cette étrange attitude qui en fait l'animal "le plus intéressant de tous".
Citer :
En ce qui concerne les animaux, Descartes est le premier qui avec une admirable audace, ait osé concevoir l'animal en tant que "machine": toute notre physiologie s'efforce de prouver cette thèse. Mais, comme il est logique, nous ne mettons plus l'homme à part, ainsi que Descartes le faisait encore: ce que l'on comprend aujourd'hui de l'homme n'excède pas ce que l'on peut comprendre de lui en tant que machine. Jadis on accordait à l'homme le libre-arbitre, sorte de dot qu'il arait apportée d'un monde supérieur: aujourd'hui, loin de lui attribuer une volonté libre, nous lui avons même repris toute espèce de volonté, dans la mesure où l'on ne peut légitimement entendre par cela une faculté.
Nietzsche ne fait ici que résumer ce qu'il vient de dire: l'homme n'est non seulement pas "supérieur", mais il l'est d'autant moins qu'il croit l'être.
Citer :
Jadis, on voyait dans la conscience de l'homme, dans l' "esprit", la preuve de sa haute origine, de sa nature divine. Pour parfaire l'homme, on lui conseillait d'imiter la tortue, de rétracter ses sens, d'interrompre tout commerce avec le "monde", de se défaire de son "enveloppe mortelle": alors, il ne resterait plus de lui que l'essentiel, le "pur esprit".
Nietzsche explicite la manière dont "l'esprit", loin de libérer l'homme, contribue à l'aliéner en le coupant du monde duquel il ne peut se couper qu'en mourant, c'est-à-dire en niant la vie. L'esprit et les idéologies qu'il développe sont donc mortifères en ce qu'il pousse l'homme à rejetter son monde pour un arrière-monde imaginaire (le paradis, etc.), or le seul monde qui existe, c'est celui dont il se retire.
Citer :
Nous nions que l'on puisse faire quoi que ce soit de parfait tant qu'on le fait consciemment.
Sous une forme un peu polémique, Nietzsche ne fait ici que nous dire que dans l'idéal, il faut adhérer à la vie, donc se détacher de la conscience (conçue sous son angle mortifère), à agir d'instinct si j'ose dire.
Citer :
Le "pur esprit" est pure sottise: si, dans nos calculs, nous faisons abstraction du système nerveux et des sens, bref de l' "enveloppe mortelle", eh bien, nous faisons un calcul faux (et un faux calcul), un point, c'est tout!
Rejetter de nos calculs l'enveloppe charnelle, c'est-à-dire le corps "le système nerveux et les sens" au profit de l'esprit est un faux calcul car l'esprit n'existe que par et dans le corps.